Menacées par la décision du Conseil d’État survenue le 22 décembre dernier, les dispositions réglementaires prises récemment par le Gouvernement concernant les activités funéraires pendant l’épidémie de la Covid-19 ont fait l’objet d’un lifting paru au JO du 22 janvier. Le critère déterminant retenu dans l’avis du Haut Conseil de la Santé Publique en date du 30 novembre, fixe à dix jours le critère de contagiosité d’un défunt porteur du SRAS-Cov-2. Avant l’écoulement de ce délai, le médecin rédigeant le certificat de décès doit interdire les soins de conservation. C’est ce critère apparaissant sur le certificat de décès qui déterminera l’impossibilité de procéder à un transport avant mise en bière et conjointement l’obligation de procéder à une mise en bière sur le lieu de décès.
Fin d’un mauvais feuilleton !
Début janvier, la réglementation s’appliquant aux décès de défunts dont on a la certitude ou le soupçon qu’ils sont porteurs du SRAS-Cov-2 est partie à la dérive du fait que le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP), dans son avis du 30 novembre dernier, a estimé que l’obligation de mise en bière immédiate ne pouvait être scientifiquement fondée. Par ailleurs, en l’état des connaissances médicales, il a été reconnu à cette date que l’infection n’était plus transmissible au-delà de dix jours après l’apparition des symptômes de la Covid-19 ou de la date du test positif.
À cette première brèche dans le dispositif réglementaire en vigueur jusqu’au 22 janvier s’est ajoutée la décision du Conseil d’État rendue publique le 22 décembre dernier par laquelle l’art. 1 du décret du 1er avril 2020 était abrogé. Cet article interdisait les soins de conservation et obligeait la mise en bière immédiate dans la circonstance d’atteinte du défunt par la Covid-19. Or, si cet article avait déjà fait l’objet d’une modification le 30 avril et d’une abrogation le 11 mai, il n’en demeurait pas moins la source inspiratrice, sur le fond, de toutes les mesures prises par les décrets successifs portant sur le même sujet.
Globalement, le Gouvernement s’est fixé une philosophie dès le mois d’avril 2020 concernant les pratiques funéraires en période de la Covid-19 et a ensuite modulé ses mesures selon la gravité du moment.
Courant du mois de janvier, des interprétations sur Internet de la décision du Conseil d’État ont rapidement fait circuler une information selon laquelle il était désormais possible de transporter en housse les défunts vers les chambres funéraires pour y procéder ensuite à la mise en bière, avec reconnaissance préalable de ceux-ci par les proches et interdiction de refermer complètement la housse avant le moment de la fermeture de cercueil. Cette affirmation ne pouvait pourtant pas s’appuyer sur une réglementation actualisée puisque le décret du 11 décembre 2020 était toujours en vigueur. Mais certains établissements, EHPAD notamment, se sont engouffrés dans la brèche pour tenter d’obtenir des pompes funèbres une sortie accélérée du défunt dans les conditions d’un simple transfert sans mise en bière.
Le naufrage évité
À tout bien réfléchir, nous ne sommes pas passés bien loin d’une situation catastrophique pour les professionnels funéraires. Transporter sans mise en bière dans ces conditions revenait à infecter inévitablement les véhicules, les locaux et le personnel, pour ne pas dire les familles aussi. Sur le plan de l’organisation, le traitement d’un décès par la Covid-19 aurait été multiplié par deux en temps et en immobilisation de personnel. Les chambres funéraires auraient dû être organisées en double circuit séparant les défunts de la Covid-19 des autres, sans possibilité de contact.
Un décret soulagement
Les nouvelles mesures telles qu’elles entrent en vigueur le 23 janvier, lendemain de la parution au Journal Officiel (JO), consacrent le principe de ne pas transporter les défunts porteurs de danger infectieux autrement qu’en cercueil. La chaîne technique en aval est ainsi préservée, du fourgon de transport jusqu’à la dernière étape des funérailles, personnel y compris. Le principe d’interdiction de toute pratique invasive sur le corps d’un défunt infecté est également réaffirmé avec force. Le décret fait en revanche place aux assouplissements désirés par le Conseil d’État et autorisés par le HCSP :
- donner aux familles la possibilité de revoir le défunt en comité réduit lorsqu’il repose sur brancard ou dans son lit et d’assister à la mise en bière (une personne seulement) ;
- surseoir au caractère urgent en vigueur jusqu’au 22 janvier sachant que l’état du défunt ne justifie pas une mise en bière d’urgence au vu de la simple raison d’une atteinte par la Covid-19.
Ces nouvelles libéralités dépendent en fait des conclusions que le HCSP a tiré dans son avis du 30 novembre dernier. La documentation contenue dans cet avis démontre la décroissance du pouvoir infectieux dans les dix jours de maladie critique. C’est sur la base de cette observation scientifique que les libéralités ouvertes par le décret du 21 janvier ont été permises.
Ministère des Solidarités et de la Santé
Décret n° 2021-51 du 21 janvier 2021 modifiant les décrets n° 2020-1262 du 16 octobre 2020 et n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de la Covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire NOR : SSAZ2102177D
Le Premier ministre,
Sur le rapport du ministre des Solidarités et de la Santé,
Vu la directive (UE) 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 prévoyant une procédure d’information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information, et notamment la notification n° 2021/31/F ;
Vu le Code civil, notamment son article 1er ;
Vu le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), notamment son art. L. 2223-19-1 ;
Vu le Code de la santé publique, notamment ses articles L. 3131-15 et L. 3131-16 ;
Vu le décret n° 2020-1262 du 16 octobre 2020 modifié prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de la Covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire ;
Vu le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 modifié prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de la Covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire ;
Vu l’avis du HCSP en date du 30 novembre 2020 ;
Vu l’avis du Conseil National des Opérations Funéraires (CNOF) en date du 31 décembre 2020 ;
Vu l’urgence ;
Considérant qu’il y a lieu de faciliter le déploiement de la campagne de vaccination en permettant aux pharmacies d’officine d’approvisionner en vaccins les centres et équipes mobiles de vaccination,
Décrète :
Art. 1er. – Le décret du 16 octobre 2020 susvisé est ainsi modifié :
1° Au 2° du I de l’art. 51, les mots : "et ne pouvant être différés" sont supprimés.
2° L’art. 52 est remplacé par les dispositions suivantes :
"Art. 52. – I. – En cas de suspicion d’un cas de la Covid-19 au moment du décès, le médecin constatant le décès peut, aux fins d’adapter la prise en charge du défunt, réaliser un test antigénique permettant la détection du SARS-CoV-2.
"II. – Eu égard au risque sanitaire que les corps des défunts atteints ou probablement atteints de la Covid-19 représentent, leur prise en charge s’effectue dans les conditions suivantes :
"1° Seuls les professionnels de santé ou les thanatopracteurs peuvent leur prodiguer une toilette mortuaire, dans des conditions sanitaires appropriées, avant la mise en bière ;
"2° La présentation du défunt à la famille et aux proches est rendue possible au sein du lieu où le décès est survenu, dans des conditions de nature à permettre le respect des dispositions de l’article 1er ;
"3° Le corps du défunt est mis en bière et le cercueil est définitivement fermé avant la sortie du lieu où le décès est survenu, en présence de la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles ou de la personne qu’elle aura expressément désignée ;
"4° Les soins de conservation définis à l’art. L. 2223-19-1 du CGCT sont interdits sur le corps des défunts dont le décès survient moins de dix jours après la date des premiers signes cliniques ou la date de test ou examen positif".
3° Le quatrième alinéa du II de l’art. 55-1 est complété par les mots : "et les centres et équipes mobiles mentionnés au VIII bis du présent article".
4° À l’annexe 2, après l’alinéa : "– Guyane", est inséré un alinéa ainsi rédigé : "– Mayotte".
Art. 2. – Le décret du 29 octobre 2020 susvisé est ainsi modifié :
1° Au 2° du I de l’art. 4, les mots : "et ne pouvant être différés" sont supprimés.
2° L’art. 50 est remplacé par les dispositions suivantes :
"Art. 50. – I. – En cas de suspicion d’un cas de la Covid-19 au moment du décès, le médecin constatant le décès peut, aux fins d’adapter la prise en charge du défunt, réaliser un test antigénique permettant la détection du SARS-CoV-2.
"II. – Eu égard au risque sanitaire que les corps des défunts atteints ou probablement atteints de la Covid-19 représentent, leur prise en charge s’effectue dans les conditions suivantes :
"1° Seuls les professionnels de santé ou les thanatopracteurs peuvent leur prodiguer une toilette mortuaire, dans des conditions sanitaires appropriées, avant la mise en bière ;
"2° La présentation du défunt à la famille et aux proches est rendue possible au sein du lieu où le décès est survenu, dans des conditions de nature à permettre le respect des dispositions de l’article 1er ;
"3° Le corps du défunt est mis en bière et le cercueil est définitivement fermé avant la sortie du lieu où le décès est survenu, en présence de la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles ou de la personne qu’elle aura expressément désignée ;
"4° Les soins de conservation définis à l’art. L. 2223-19-1 du CGCT sont interdits sur le corps des défunts dont le décès survient moins de dix jours après la date des premiers signes cliniques ou la date de test ou examen positif".
3° Le quatrième alinéa du II de l’art. 53-1 est complété par les mots : "et les centres et équipes mobiles mentionnés au VIII bis du présent article".
Art. 3. – Les dispositions du présent décret sont applicables aux collectivités de l’art. 74 de la Constitution et à la Nouvelle-Calédonie dans les mêmes conditions que les dispositions du décret du 16 octobre 2020 et du décret du 29 octobre 2020 susvisés qu’elles modifient.
Art. 4. – Le ministre de l’Intérieur, le ministre des Outre-mer et le ministre des Solidarités et de la Santé sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret, qui sera publié au JO de la République française et entrera en vigueur immédiatement.
Fait le 21 janvier 2021 …
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Points particuliers
Le Gouvernement a employé dans la rédaction de ce décret un moyen intelligent pour faire sortir les mesures funéraires exceptionnelles et adaptées aux circonstances du "cul de sac", voire du piège tendu par le Conseil d’État dans sa décision du 22 juillet. En inscrivant le nouveau décret non pas dans le champ restrictif des mesures spécifiquement funéraires mais dans un champ plus large concernant les mesures générales prises pour faire face à l’épidémie, le Premier Ministre a sauvé la cohérence technique des règles tout en prenant en compte les moyens principaux de la contestation qui lui a été opposée devant le Conseil d’État.
Bravo ! Et merci…
Toilettes rituelles. La décision du Conseil d’État était en partie motivée par la volonté de permettre à nouveau l’intervention de deux personnes étrangères à la famille pour pratiquer la toilette rituelle sur le défunt malgré son état d’infection. Cette faculté, écartée par la rédaction du nouveau décret, aurait permis entre autres détails techniques de comprimer le bassin du défunt pour en extraire les selles jusqu’à purification complète des orifices au jet d’eau.
Cette particularité de la toilette, notamment musulmane, expose à une contamination potentielle de ces deux personnes ainsi que de la pièce et des eaux usées. Remarquez bien que les autorités religieuses dans notre pays sont unanimes jusqu’à ce jour pour renoncer à la pratique des toilettes rituelles en période d’épidémie.
Test antigénique. C’est une grande nouveauté. En introduisant désormais la notion d’un délai pour savoir si le défunt entre ou non dans le champ des mesures particulières liées à l’épidémie, le décret ouvre du même coup la possibilité de tester l’état du défunt pour vérifier le bien fondé des mesures prophylactiques à prendre. Ce type de test délivre en quelques vingt minutes un résultat probable. Le fait qu’il procède par recherche intra nasale est intéressant car les différentes études médicales prouvent que c’est essentiellement la sphère ORL qui présente une problématique infectieuse. La rapidité d’obtention des résultats du test peut indiquer au médecin s’il est nécessaire de cocher l’impossibilité d’exécuter des soins de conservation et par là, d’enclencher une procédure incidente sur le cours normal des funérailles. Recourir au test antigénique pendant les premiers jours de l’infection est inutile puisque le résultat sera évident mais le réaliser dans les jours en limite de délai peut libérer les proches d’une procédure funéraire pénible tout en soulageant du même coup l’établissement dans lequel est intervenu le décès.
Et les endroits où surviennent les décès dans tout cela ?
Ce sont un peu les grands perdants de la nouvelle situation puisque la mise en bière reste obligatoirement organisée sur place. Ceux qui disposent d’une chambre mortuaire ou, à la limite, ceux qui peuvent dédier une pièce spécialement utilisée pour les défunts en attente de départ pourront continuer à faire face sauf mortalité exceptionnelle dans l’établissement.
Mais les petites structures sans marge d’adaptation des locaux risquent d’être confrontés à des situations pénibles que les professionnels funéraires doivent essayer de soulager dans la mesure du possible. Il s’agit de raccourcir le plus possible le délai entre le décès et la mise en bière. Si les proches sont injoignables ou incapables d’agir rapidement dans leur choix d’opérateur funéraire pour qu’il procède rapidement à la mise en bière, le responsable d’établissement risque de se retrouver dans la situation d’être obligé de choisir lui-même l’opérateur et le modèle de cercueil. Le délai des dix heures, réglementairement invoqué dans la section "réglementaire‘ concernant les transports avant mise en bière, sera éventuellement la base de ce type de décision. Avec à la clé une appréciation sur la nature du cercueil employé qui ne doit pas être de caractère somptuaire en la circonstance tout en permettant d’opter soit pour l’inhumation, soit pour la crémation. Les proches du défunt pourront difficilement critiquer le choix du responsable d’établissement s’ils n’ont pas été assez diligents dans la détermination des décisions à prendre en urgence…
Les préconisations du HCSP comme exemples
Le Gouvernement n’a pas tout retenu des protocoles contenus dans l’avis du 30 novembre mais l’essentiel qui est déterminé par le décret du 21 janvier trouve son origine ici. Il est instructif de s’en inspirer tout en notant que cet avis ne tient pas compte du fait que la nouvelle réglementation n’a pas permis d’effectuer des toilettes rituelles.
Extraits de l’avis du HCSP du 30 novembre Annexes décrivant les bonnes pratiques
4.2.1 Recommandations générales, quel que soit le lieu du décès
4.2.2 Recommandations complémentaires et spécifiques en établissements sanitaires
4.2.3 Recommandations complémentaires et spécifiques aux établissements médico-sociaux
Recommandations complémentaires et spécifiques si la personne décède au domicile
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Olivier Gehin
Résonance n° 166 - Janvier 2021
Résonance n° 166 - Janvier 2021
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