C’est une étrange proposition de loi que celle déposée le 13 octobre 2020 au Sénat, et qui démontre, comme souvent, une méconnaissance certaine du droit funéraire. En effet, il ne s’agit rien de moins que d’ajouter un alinéa supplémentaire à l’art. L. 2223-3 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT).
Rappelons la rédaction actuelle de cet article
La sépulture dans un cimetière d’une commune est due :
1° Aux personnes décédées sur son territoire, quel que soit leur domicile ;
2° Aux personnes domiciliées sur son territoire, alors même qu’elles seraient décédées dans une autre commune ;
3° Aux personnes non domiciliées dans la commune mais qui y ont droit à une sépulture de famille ;
4° Aux Français établis hors de France n’ayant pas une sépulture de famille dans la commune et qui sont inscrits ou remplissent les conditions pour être inscrits sur la liste électorale de celle-ci en application des articles L. 12 et L. 14 du Code électoral.
Il s’agirait alors d’y insérer un nouvel alinéa à la suite, qui serait le suivant :
"5° Aux personnes nées sur son territoire".
La lecture de la proposition (ci-après) permet de comprendre le but, louable dans le principe, de cette initiative. Il s’agirait de permettre aux personnes de se faire inhumer dans leur commune de naissance, si aucun des quatre cas de figure qui existent déjà ne permet pas leur inhumation. En effet, c’est louable… mais pratiquement inutile.
Il semble patent que les sénateurs pensent ainsi offrir le droit à la concession funéraire dans la commune de naissance : "Il semble donc indispensable que notre législation cesse de donner plus d’importance au lieu de notre mort qu’à celui de notre entrée dans la vie, et réponde à cette aspiration légitime de nombre de nos compatriotes de pouvoir disposer d’une sépulture dans la commune où ils sont nés."
Il ne peut à notre avis que s’agir de cela, puisque nous avons du mal à comprendre comment le but de cette proposition serait atteint par l’attribution d’un emplacement en terrain commun pour une durée qui peut n’être que de cinq années et où il n’est pas d’usage (même si c’est juridiquement possible) d’implanter des monuments, au vu de la brièveté de l’occupation.
Si les sénateurs veulent arriver à leurs fins, ce n’est pas cet article qu’il faut modifier, mais plutôt l’art. L. 2223-13 du CGCT, selon lequel : "Lorsque l’étendue des cimetières le permet, il peut être concédé des terrains aux personnes qui désirent y fonder leur sépulture et celle de leurs enfants ou successeurs."
Néanmoins, est-ce utile ?
En effet, l’art. L. 2213-13 du CGCT relatif à la délivrance des concessions ne mentionne pas quelles sont les personnes qui ont le droit d’obtenir une concession dans le cimetière. Il est donc tout à fait possible d’obtenir une concession funéraire dans le cimetière d’une commune, alors même que l’on n’a aucun droit à y être inhumé, et donc du simple fait de sa naissance.
Le juge interdit d’ailleurs de réserver les concessions aux seuls habitants de la commune (TA Orléans 31 mai 1998, Cortier, Juris-Data n° 1988-051006). Il apparaît donc que le seul motif valable pour refuser à une personne qui en fait la demande une concession funéraire, quand bien même elle ne serait pas domiciliée sur le territoire de la commune et sous réserve, bien sûr, que le conseil municipal ait permis l’octroi de ces concessions, soit le manque de place dans le cimetière (CE 5 décembre 1987, Commune de Bachy c/ Mme Saluden-Laniel, AJDA 1998, p. 258, conclusions Piveteau).
Le juge administratif acceptera d’ailleurs d’indemniser le préjudice tant matériel que moral naissant du refus d’octroi d’une concession funéraire (CAA Marseille 20 mai 1998, Commune de Saint-Étienne-du-Grès, req. n° 96MA00906). Attention, ceci signifie que le refus de concession fondé sur les critères du droit à inhumation n’est pas le bon, et peut donc être annulé devant le juge, et susceptible d’engager la responsabilité de l’Administration, mais, et surtout si la place se raréfie, on pourra évaluer les liens du demandeur avec la commune comme un motif de refus ou d’acceptation de concession (CE 25 juin 2008, Consorts Schiocchet, req. n° 297914), et c’est à ce stade que l’on évaluera la naissance dans la commune comme un élément, parmi d’autres, du lien du demandeur avec la commune.
Il importe donc de ne pas confondre, ce qui nous semble être le cas des sénateurs, le droit à être inhumé dans un cimetière et le droit à y obtenir une concession (sur ce point, D. Piveteau, concl. sur CE, sect., 5 déc. 1997, Cne Bachy c/ Saluden-Laniel, AJDA 1998, p. 258 – D. Dutrieux, "La distinction entre droit à inhumation et droit à concession" : LPA 28 sept. 1998, p. 7). Cette proposition est alors inutile, voire néfaste, surtout pour les communes disposant sur leur territoire d’une maternité…
La sépulture dans un cimetière d’une commune est due :
1° Aux personnes décédées sur son territoire, quel que soit leur domicile ;
2° Aux personnes domiciliées sur son territoire, alors même qu’elles seraient décédées dans une autre commune ;
3° Aux personnes non domiciliées dans la commune mais qui y ont droit à une sépulture de famille ;
4° Aux Français établis hors de France n’ayant pas une sépulture de famille dans la commune et qui sont inscrits ou remplissent les conditions pour être inscrits sur la liste électorale de celle-ci en application des articles L. 12 et L. 14 du Code électoral.
Il s’agirait alors d’y insérer un nouvel alinéa à la suite, qui serait le suivant :
"5° Aux personnes nées sur son territoire".
La lecture de la proposition (ci-après) permet de comprendre le but, louable dans le principe, de cette initiative. Il s’agirait de permettre aux personnes de se faire inhumer dans leur commune de naissance, si aucun des quatre cas de figure qui existent déjà ne permet pas leur inhumation. En effet, c’est louable… mais pratiquement inutile.
Il semble patent que les sénateurs pensent ainsi offrir le droit à la concession funéraire dans la commune de naissance : "Il semble donc indispensable que notre législation cesse de donner plus d’importance au lieu de notre mort qu’à celui de notre entrée dans la vie, et réponde à cette aspiration légitime de nombre de nos compatriotes de pouvoir disposer d’une sépulture dans la commune où ils sont nés."
Il ne peut à notre avis que s’agir de cela, puisque nous avons du mal à comprendre comment le but de cette proposition serait atteint par l’attribution d’un emplacement en terrain commun pour une durée qui peut n’être que de cinq années et où il n’est pas d’usage (même si c’est juridiquement possible) d’implanter des monuments, au vu de la brièveté de l’occupation.
Si les sénateurs veulent arriver à leurs fins, ce n’est pas cet article qu’il faut modifier, mais plutôt l’art. L. 2223-13 du CGCT, selon lequel : "Lorsque l’étendue des cimetières le permet, il peut être concédé des terrains aux personnes qui désirent y fonder leur sépulture et celle de leurs enfants ou successeurs."
Néanmoins, est-ce utile ?
En effet, l’art. L. 2213-13 du CGCT relatif à la délivrance des concessions ne mentionne pas quelles sont les personnes qui ont le droit d’obtenir une concession dans le cimetière. Il est donc tout à fait possible d’obtenir une concession funéraire dans le cimetière d’une commune, alors même que l’on n’a aucun droit à y être inhumé, et donc du simple fait de sa naissance.
Le juge interdit d’ailleurs de réserver les concessions aux seuls habitants de la commune (TA Orléans 31 mai 1998, Cortier, Juris-Data n° 1988-051006). Il apparaît donc que le seul motif valable pour refuser à une personne qui en fait la demande une concession funéraire, quand bien même elle ne serait pas domiciliée sur le territoire de la commune et sous réserve, bien sûr, que le conseil municipal ait permis l’octroi de ces concessions, soit le manque de place dans le cimetière (CE 5 décembre 1987, Commune de Bachy c/ Mme Saluden-Laniel, AJDA 1998, p. 258, conclusions Piveteau).
Le juge administratif acceptera d’ailleurs d’indemniser le préjudice tant matériel que moral naissant du refus d’octroi d’une concession funéraire (CAA Marseille 20 mai 1998, Commune de Saint-Étienne-du-Grès, req. n° 96MA00906). Attention, ceci signifie que le refus de concession fondé sur les critères du droit à inhumation n’est pas le bon, et peut donc être annulé devant le juge, et susceptible d’engager la responsabilité de l’Administration, mais, et surtout si la place se raréfie, on pourra évaluer les liens du demandeur avec la commune comme un motif de refus ou d’acceptation de concession (CE 25 juin 2008, Consorts Schiocchet, req. n° 297914), et c’est à ce stade que l’on évaluera la naissance dans la commune comme un élément, parmi d’autres, du lien du demandeur avec la commune.
Il importe donc de ne pas confondre, ce qui nous semble être le cas des sénateurs, le droit à être inhumé dans un cimetière et le droit à y obtenir une concession (sur ce point, D. Piveteau, concl. sur CE, sect., 5 déc. 1997, Cne Bachy c/ Saluden-Laniel, AJDA 1998, p. 258 – D. Dutrieux, "La distinction entre droit à inhumation et droit à concession" : LPA 28 sept. 1998, p. 7). Cette proposition est alors inutile, voire néfaste, surtout pour les communes disposant sur leur territoire d’une maternité…
N° 29 – Sénat Session ordinaire de 2020-2021 Enregistré à la Présidence du Sénat le 13 octobre 2020 Proposition de loi tendant à ouvrir le droit à sépulture dans un cimetière d’une commune aux personnes qui y sont nées Présentée par … sénateurs (Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement) Exposé des motifs Mesdames, Messieurs, L’art. L. 2223-3 du CGCT, modifié par l’art. 3 de la loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008 dispose que la sépulture dans un cimetière d’une commune est due : 1° Aux personnes décédées sur son territoire, quel que soit leur domicile ; 2° Aux personnes domiciliées sur son territoire, alors même qu’elles seraient décédées dans une autre commune ; 3° Aux personnes non domiciliées dans la commune mais qui y ont droit à une sépulture de famille ; 4° Aux Français établis hors de France n’ayant pas une sépulture de famille dans la commune et qui sont inscrits sur la liste électorale de celle-ci. Nombre de nos compatriotes éprouvent un attachement solide à leur lieu de naissance, au point d’ailleurs, pour certains, de ne jamais le quitter. Plus généralement, l’envie de changement, de nouveauté, les opportunités ou les obligations professionnelles peuvent nous amener, au cours d’une vie, à des migrations plus ou moins importantes, parfois même à l’extérieur du pays. Mais, comme le souligne l’universitaire Philippe Tizon : "Malgré la mobilité des hommes et la globalisation des enjeux socio-économiques, il faut encore être et se sentir de quelque part pour agir et être reconnu." Cet attachement aux origines géographiques, aux "racines", les souvenirs d’enfance qui forment souvent le sentiment d’appartenance à un territoire peuvent nourrir l’envie d’un "retour au pays", dans la commune de son enfance, de sa naissance… Si certains ont le temps de "boucler la boucle" et d’opérer ce "retour aux sources", d’autres peuvent être amenés à disparaître brutalement, laissant le soin à leurs proches, avec plus ou moins de difficultés suivant la commune souhaitée, de réaliser leur dernière volonté. Il semble donc indispensable que notre législation cesse de donner plus d’importance au lieu de notre mort qu’à celui de notre entrée dans la vie, et réponde à cette aspiration légitime de nombre de nos compatriotes de pouvoir disposer d’une sépulture dans la commune où ils sont nés. Tel est l’objet de cette présente proposition de loi. Proposition de loi tendant à ouvrir le droit à sépulture dans un cimetière d’une commune aux personnes qui y sont nées Art. unique 1 - L’art. L. 2223-3 du CGCT est complété par un 5° ainsi rédigé : 2 - "5° Aux personnes nées sur son territoire". |
Philippe Dupuis
Consultant au Cridon, chargé de cours à l’université de Valenciennes, formateur en droit funéraire pour les fonctionnaires territoriaux au sein des délégations du CNFPT
Résonance numéro spécial n°11 - Décembre 2020
Consultant au Cridon, chargé de cours à l’université de Valenciennes, formateur en droit funéraire pour les fonctionnaires territoriaux au sein des délégations du CNFPT
Résonance numéro spécial n°11 - Décembre 2020
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