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Le cimetière est-il un lieu de promenade ou un espace vert pour l’application du "zéro phyto" ?
 
Dupuis Philippe 2015 1Question écrite n° 12212, JO Sénat 2 juillet 2020

L’art. L. 253-7 du Code rural et de la pêche maritime inséré par la loi n° 2014-110 du 6 février 2014 visant à mieux encadrer l’utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national dispose notamment que : "Il est interdit aux personnes publiques mentionnées à l’art. L.1 du Code général de la propriété des personnes publiques d’utiliser ou de faire utiliser les produits phytopharmaceutiques mentionnés au premier alinéa de l’art. L. 235-1 du présent Code […] pour l’entretien des espaces verts, des forêts ou des promenades accessibles ou ouverts au public et relevant de leur domaine public ou privé." Cette disposition, officiellement entrée en vigueur au 1er janvier 2017, concerne donc les collectivités territoriales.

Il se trouve alors un parlementaire pour interroger le Gouvernement quant à l’applicabilité ce cette exigence aux cimetières puisqu’au terme d’une jurisprudence du tribunal de grande instance de Paris du 23 octobre 1986 : "Sont qualifiés de publics, les lieux accessibles à tous, sans autorisation spéciale de quiconque, que l’accès en soit permanent et inconditionnel ou subordonné à certaines conditions."
Le Gouvernement répond alors que : "Une appréciation au cas par cas sera nécessaire pour déterminer si les cimetières font l’objet d’un usage de "promenade" avéré ou sont des espaces verts, et s’ils entrent ainsi dans le champ de la loi. Un cimetière peut être visé par l’interdiction d’usage du glyphosate dans les lieux de promenade posée par l’art. L. 253-7 du Code rural et de la pêche maritime s’il est aussi dédié à un usage de promenade de manière avérée ou s’il constitue un espace vert.

Par exemple, la plupart des cimetières parisiens sont des lieux de promenades, y compris touristiques, les tombes de personnes célèbres, certains édifices ou aménagements funéraires y attirant un public important. Si les cimetières d’une commune ne sont pas des lieux de promenades pour une part significative de leur fréquentation, ils ne peuvent être qualifiés d’espaces verts."

En effet, "l’interdiction concerne l’entretien des espaces verts, des forêts, des voiries ou des promenades accessibles ou ouverts au public et relevant du domaine public ou privé de l’État, des collectivités territoriales et de leurs groupements ou des établissements publics".

Il apparaît évident que les cimetières ne sont pas des forêts, et tout également qu’ils ne sauraient être assimilés à des voiries, même si certains d’entre eux en sont pourvus ; quant à la notion d’espaces verts, nous ne pensons pas qu’elle connaisse de définition juridique et nous pensons qu’il y a de la "place" pour considérer qu’un cimetière, s‘il comporte nécessairement des plantations, n’est pas spécifiquement consacré à ces plantations et que son utilité directe est même étrangère à celles-ci. La lancinante question est alors celle de savoir si les cimetières sont des lieux de promenade accessibles ou ouverts au public.

Le cimetière : lieu de promenade

Si la notion d’ouverture au public ne semble pas a priori poser de problèmes pour nos cimetières publics, la reconnaissance du cimetière comme un lieu de promenade ou bien d’espace vert peut laisser dubitatif. Dans un guide édité par le ministère de l’Environnement et intitulé "Ma commune sans pesticides : le guide des solutions", la promenade est définie comme le "lieu aménagé qui permet la promenade, que ce soit en zone naturelle, urbaine ou agricole", et l’espace vert comme "surfaces réservées aux arbres, à la verdure, dans l’urbanisme moderne".

Ce guide en déduit alors que "les cimetières et les terrains de sport ne sont concernés par l’interdiction que s’ils font l’objet d’un usage de "promenade" ou d’"espace vert" avéré. C’est à cette position que le Gouvernement se rallie puisqu’il affirme que : "Ces espaces nécessitent donc une appréciation au cas par cas pour déterminer s’ils font l’objet d’un usage de "promenade" ou d’"espace vert" avéré et s’ils entrent ainsi dans le champ de la loi."
Si nous persévérons quant à la possibilité d’écarter le cimetière de la catégorie des espaces verts, il nous semble bien plus malaisé, eu égard à l’arrêt du tribunal de grande instance de Paris, contraire à ce que le Gouvernement prétend, d’écarter le cimetière de la notion de lieu de promenade, et ainsi, d’y permettre la perpétuation du graal du désherbage chimique non écoresponsable : le glyphosate !

La complication administrative a encore de beaux jours devant elle, et le juge devra peut-être se promener dans les cimetières dont les communes auront décidé qu’ils ne sont pas des promenades…
 
Philippe Dupuis
Consultant au Cridon, chargé de cours à l’université de Valenciennes, formateur en droit funéraire pour les fonctionnaires territoriaux au sein des délégations du CNFPT

Résonance n°164 - Octobre 2020

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