Voici un jugement qui, à notre connaissance, est le premier portant sur le contentieux de l’inscription d’un nom sur le monument aux morts en vertu des dispositions de l’art. L. 515-1 du Code des pensions militaires.
La gravure obligatoire sur le monument aux morts
Pendant longtemps, aucune réglementation ne venait encadrer cette pratique, et le juge le rappelait opportunément : "Aucun texte législatif ou réglementaire spécifique ne détermine les conditions d’inscription d’un nom sur les monuments aux morts communaux ; que, cependant, il est d’usage que les décisions municipales prises en la matière s’inspirent de l’esprit de la loi du 25 octobre 1919, relative à la commémoration et à la glorification des morts pour la France au cours de la Grande Guerre ; qu’en vertu de cet usage, sont en principe inscrits sur les monuments aux morts communaux les noms des personnes déclarées mortes pour la France et nées ou domiciliées en dernier lieu dans la commune, afin que leur mémoire soit conservée dans le lieu où ces personnes étaient le mieux connues" (TA Nancy, n° 0300916, Polimann et Guyot. - TA Besançon, 29 nov. 2007, Pellicia : BJCL 2008, p. 336, concl. S. Tissot-Grossrieder. - TA Strasbourg, 13 juill. 2010, n° 0906042, Schaffhauser, cités par Samuel Deliancourt et Caroline Lantero : "Les maires et les monuments dédiés aux morts de la Première Guerre mondiale", "La Semaine juridique Administrations et Collectivités territoriales" n° 23, 6 juin 2011). Cettte construction prétorienne fut consacrée par la loi n° 2012-273 du 28 février 2012. L’art. L. 515-1 du Code des pensions militaires dispose donc désormais que :
Lorsque la mention "Mort pour la France" a été portée sur l’acte de décès dans les conditions prévues au chapitre Ier du présent titre, l’inscription du nom du défunt sur le monument aux morts de sa commune de naissance ou du dernier domicile ou sur une stèle placée dans l’environnement immédiat de ce monument est obligatoire.
Lorsque la mention "Mort pour le service de la Nation" a été portée sur l’acte de décès dans les conditions mentionnées à l’art. L. 513-1, l’inscription du nom du défunt sur un monument de sa commune de naissance ou de son dernier domicile est obligatoire.
La demande d’inscription est adressée au maire de la commune choisie par la famille ou, à défaut, par les autorités militaires, les élus nationaux, les élus locaux, l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre par l’intermédiaire de ses services territoriaux ou des associations ayant intérêt à agir.
À la lecture de cet article, on constate que l’inscription du nom du défunt est obligatoire dès lors que le maire en reçoit la demande et que le défunt remplit certaines conditions de rattachement à la commune (dernier domicile du défunt, commune de naissance), et que bien entendu son acte de décès porte la mention "Mort pour la France" ou "Mort pour le service de la Nation". Il s’agissait en l’espèce de la contestation par un administré de la commune de Fontaine-le-Comte de l’inscription du nom du colonel Beltrame, gendarme assassiné lors d’une prise d’otages dans un supermarché de Trèbes. Cet administré conteste le bien-fondé de cette démarche, puisque le colonel Beltrame ne remplissait pas les conditions de naissance et de domicile précédemment énoncées.
L’inscription facultative d’un nom sur le monument aux morts
Le juge énonce alors que : les dispositions [de l’art. L. 515-1 du Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre] n’interdisent pas au conseil municipal, dans des circonstances particulières, d’admettre que d’autres noms y soient apposés, lorsque, notamment, l’inscription concerne des personnes disposant d’un lien particulier avec la commune, et à la condition qu’une telle inscription ne fasse pas perdre, au monument, son caractère et sa nature.
Il relève à ce titre la qualité de citoyen d’honneur de la commune du défunt pour établir ce lien de rattachement. Il mentionne également que le nom n’est pas apposé sur le monument, mais sur une plaque spécifique sur le socle de celui-ci : "Ainsi, cette plaque, qui, au demeurant, se distingue de l’hommage rendu aux soldats morts pour la France, qui sont nés ou dont le dernier domicile était sur cette commune, pour lesquels le nom est gravé sur les faces de ce même monument, ne lui fait pas perdre son véritable caractère. Ce faisant, la commune n’a donc pas méconnu l’art. L. 515-1 du Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre et n’a pas entaché sa décision d’une erreur de droit comme le soutient le requérant."
La mention du "véritable caractère" de ce monument est d’importance, et constitue la reprise du principe selon lequel le maire, "même en l’absence de menaces de troubles à l’ordre public [...], [doit] interdire l’apposition, sur le monument aux morts de la commune, d’emblèmes de nature à enlever à ce monument son véritable caractère" (CE 4 juillet 1924, Abbé Guerle, Lebon 640 ; D. 1924. 3. 48, concl. R. Meyer).
Pour illustrer ce dévoiement, on mentionnera que constitue une telle atteinte le dépôt d’une gerbe sur un monument aux morts dans le cadre d’une manifestation contre l’interruption volontaire de grossesse (CE 28 juillet 1993, n° 107990, Assoc. Laissez-les vivre-SOS futures mères)…
Pendant longtemps, aucune réglementation ne venait encadrer cette pratique, et le juge le rappelait opportunément : "Aucun texte législatif ou réglementaire spécifique ne détermine les conditions d’inscription d’un nom sur les monuments aux morts communaux ; que, cependant, il est d’usage que les décisions municipales prises en la matière s’inspirent de l’esprit de la loi du 25 octobre 1919, relative à la commémoration et à la glorification des morts pour la France au cours de la Grande Guerre ; qu’en vertu de cet usage, sont en principe inscrits sur les monuments aux morts communaux les noms des personnes déclarées mortes pour la France et nées ou domiciliées en dernier lieu dans la commune, afin que leur mémoire soit conservée dans le lieu où ces personnes étaient le mieux connues" (TA Nancy, n° 0300916, Polimann et Guyot. - TA Besançon, 29 nov. 2007, Pellicia : BJCL 2008, p. 336, concl. S. Tissot-Grossrieder. - TA Strasbourg, 13 juill. 2010, n° 0906042, Schaffhauser, cités par Samuel Deliancourt et Caroline Lantero : "Les maires et les monuments dédiés aux morts de la Première Guerre mondiale", "La Semaine juridique Administrations et Collectivités territoriales" n° 23, 6 juin 2011). Cettte construction prétorienne fut consacrée par la loi n° 2012-273 du 28 février 2012. L’art. L. 515-1 du Code des pensions militaires dispose donc désormais que :
Lorsque la mention "Mort pour la France" a été portée sur l’acte de décès dans les conditions prévues au chapitre Ier du présent titre, l’inscription du nom du défunt sur le monument aux morts de sa commune de naissance ou du dernier domicile ou sur une stèle placée dans l’environnement immédiat de ce monument est obligatoire.
Lorsque la mention "Mort pour le service de la Nation" a été portée sur l’acte de décès dans les conditions mentionnées à l’art. L. 513-1, l’inscription du nom du défunt sur un monument de sa commune de naissance ou de son dernier domicile est obligatoire.
La demande d’inscription est adressée au maire de la commune choisie par la famille ou, à défaut, par les autorités militaires, les élus nationaux, les élus locaux, l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre par l’intermédiaire de ses services territoriaux ou des associations ayant intérêt à agir.
À la lecture de cet article, on constate que l’inscription du nom du défunt est obligatoire dès lors que le maire en reçoit la demande et que le défunt remplit certaines conditions de rattachement à la commune (dernier domicile du défunt, commune de naissance), et que bien entendu son acte de décès porte la mention "Mort pour la France" ou "Mort pour le service de la Nation". Il s’agissait en l’espèce de la contestation par un administré de la commune de Fontaine-le-Comte de l’inscription du nom du colonel Beltrame, gendarme assassiné lors d’une prise d’otages dans un supermarché de Trèbes. Cet administré conteste le bien-fondé de cette démarche, puisque le colonel Beltrame ne remplissait pas les conditions de naissance et de domicile précédemment énoncées.
L’inscription facultative d’un nom sur le monument aux morts
Le juge énonce alors que : les dispositions [de l’art. L. 515-1 du Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre] n’interdisent pas au conseil municipal, dans des circonstances particulières, d’admettre que d’autres noms y soient apposés, lorsque, notamment, l’inscription concerne des personnes disposant d’un lien particulier avec la commune, et à la condition qu’une telle inscription ne fasse pas perdre, au monument, son caractère et sa nature.
Il relève à ce titre la qualité de citoyen d’honneur de la commune du défunt pour établir ce lien de rattachement. Il mentionne également que le nom n’est pas apposé sur le monument, mais sur une plaque spécifique sur le socle de celui-ci : "Ainsi, cette plaque, qui, au demeurant, se distingue de l’hommage rendu aux soldats morts pour la France, qui sont nés ou dont le dernier domicile était sur cette commune, pour lesquels le nom est gravé sur les faces de ce même monument, ne lui fait pas perdre son véritable caractère. Ce faisant, la commune n’a donc pas méconnu l’art. L. 515-1 du Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre et n’a pas entaché sa décision d’une erreur de droit comme le soutient le requérant."
La mention du "véritable caractère" de ce monument est d’importance, et constitue la reprise du principe selon lequel le maire, "même en l’absence de menaces de troubles à l’ordre public [...], [doit] interdire l’apposition, sur le monument aux morts de la commune, d’emblèmes de nature à enlever à ce monument son véritable caractère" (CE 4 juillet 1924, Abbé Guerle, Lebon 640 ; D. 1924. 3. 48, concl. R. Meyer).
Pour illustrer ce dévoiement, on mentionnera que constitue une telle atteinte le dépôt d’une gerbe sur un monument aux morts dans le cadre d’une manifestation contre l’interruption volontaire de grossesse (CE 28 juillet 1993, n° 107990, Assoc. Laissez-les vivre-SOS futures mères)…
Philippe Dupuis
Consultant au Cridon, chargé de cours à l’université de Valenciennes, formateur en droit funéraire pour les fonctionnaires territoriaux au sein des délégations du CNFPT
Résonance n°163 - Septembre 2020
Consultant au Cridon, chargé de cours à l’université de Valenciennes, formateur en droit funéraire pour les fonctionnaires territoriaux au sein des délégations du CNFPT
Résonance n°163 - Septembre 2020
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