Caveaux : la problématique des espaces inter-tombes en cas de l’aménagement de caveaux en batteries, bords à bords. L’état actuel du droit positif.
Il est de plus en plus courant, afin d’éviter certains comportements anarchiques lors de la construction de caveaux dans les cimetières, que les commune se muent en maîtres d’ouvrage afin de confier la conception, le suivi de la réalisation de constructions ou de pose de caveaux (en cas, principalement d’ouvrages préfabriqués) à des maîtres d’œuvre (architectes paysagistes ou Bureaux d’Études Techniques - BET), et de faire respecter des architectures, soit linéaires soit innovantes, nécessitant la réduction, voire la suppression des espaces inter-tombes.
Le fondement juridique des espaces inter-tombes en matière de concessions funéraires et la liberté de faire aménager un caveau ou monument résultent des dispositions énoncées à l’art. L. 2223-13 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) (version en vigueur depuis la loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008), lequel énonce : "Lorsque l’étendue des cimetières le permet, il peut être concédé des terrains aux personnes qui désirent y fonder leur sépulture et celle de leurs enfants ou successeurs. Les bénéficiaires de la concession peuvent construire sur ces terrains des caveaux, monuments et tombeaux.
Il peut être également concédé des espaces pour le dépôt ou l’inhumation des urnes dans le cimetière. Le terrain nécessaire aux séparations et passages établis autour des concessions de terrains mentionnées ci-dessus est fourni par la commune."
Dans ce domaine, la jurisprudence administrative a pallié la carence de cet énoncé qui ne fournit aucune indication quant aux dimensions de cet espace, dès lors, et cette précision est importante, qu’il s’agit de concessions délivrées par les communes ou leurs établissements publics de coopération, en cas de transfert des compétences à de telles structures que sont ces établissements de coopération intercommunale.
La portée de cet article se doit d’être appréciée extensivement. En effet, les obligations imposées aux communes concernent l’intégralité des espaces situés autour du périmètre de la concession, les côtés étant inclus, tout comme, en cas d’édification d’un caveau, tous ses abords. Ainsi, plusieurs arrêts ont posé des critères qui, dans la plupart des cas, se référaient uniquement aux seules données métrées figurant dans le CGCT, notamment à l’art. R. 2223-4.
A/ Le Conseil d’État :
En ce domaine, la jurisprudence de principe est l’arrêt du Conseil d’État, section, Chambre syndicale des entreprises artisanales du bâtiment de la Haute-Garonne, n° 77277, publié au recueil Lebon en date du vendredi 18 février 1972, lequel portait sur le litige suivant (le texte de cet arrêt étant libellé sur Légifrance en capitales, il sera reproduit partiellement, sous cette forme) :
"LA REQUÊTE ÉMANAIT DE LA CHAMBRE SYNDICALE DES ENTREPRISES ARTISANALES DU BÂTIMENT DE LA HAUTE-GARONNE, TENDANT À L’ANNULATION D’UN JUGEMENT DU 13 DÉCEMBRE 1968, PAR LEQUEL LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE TOULOUSE A REJETÉ SA DEMANDE TENDANT À L’ANNULATION POUR EXCÈS DE POUVOIR D’UN ARRÉTÉ DU 6 JUILLET 1967 PAR LEQUEL LE MAIRE DE TOULOUSE AVAIT RÉGLEMENTÉ LA CONSTRUCTION DES SÉPULTURES DANS LE X... DE CORNEBARRIEU HAUTE-GARONNE, ENSEMBLE À L’ANNULATION POUR EXCÈS DU POUVOIR DUDIT ARRÉTÉ."
Dans cet arrêt, le Conseil d’État a, dans sa première partie, évoqué les restrictions apportées aux sépultures en terrain commun ou service ordinaire qui, dans le cas présent, ne concernent pas l’objet de cet article, puisque c’est bien le régime des caveaux édifiés sur des concessions funéraires qui est, ici, traité. Ainsi, il a pu juger, à propos des obligations imposées aux entrepreneurs de marbrerie funéraire, que :
Sur la légalité des dispositions de l’arrêté attaqué
"Considérant, en premier lieu, qu’en vertu des dispositions de l’art. 12 du décret du 23 prairial an XII, reprises par l’art. 447 du Code de l’administration communale : "Tout particulier peut, sans autorisation, faire placer sur la fosse d’un parent ou d’un ami une pierre sépulcrale ou autre signe indicatif de sépulture." (codifié désormais à l’art. L. 2223-12 du CGCT, en des termes identiques)
Et de poursuivre : "Que, dès lors, le maire de Toulouse, en décidant, par l’arrêté attaqué, que "dans la zone affectée aux terrains communs, chaque tombe sera individualisée grâce à un tumulus gazonné", a porté illégalement atteinte au droit reconnu par les dispositions sus-rappelées à chaque particulier de faire poser une pierre sépulcrale sur la fosse d’un parent ou d’un ami."
Il sera, ici, réitéré que cet extrait de l’arrêt de la Haute Assemblée administrative, n’est pas en rapport directement avec l’objet du sujet abordé, mais sa citation permet, néanmoins, d’affirmer une position ferme et exigeante du Conseil d’État à l’égard des dispositions législatives bénéficiant aux proches d’un défunt et au respect de sa sépulture.
Plus intéressants sont, en revanche les "considérants" afférents au régime des concessions funéraires, lesquels énoncent : "Considérant, en second lieu, qu’aux termes de l’art. 4 demeurant en vigueur de l’ordonnance royale relative aux y..., en date du 6 décembre 1843. Le terrain nécessaire aux séparations et passages établis autour des concessions devra être fourni par la commune" ; que, les dispositions de l’arrêté attaqué qui limitent l’empattement des éléments architecturaux des tombes édifiées sur les concessions "afin de laisser un inter-tombe de 0,40 m et un espace de 0,20 m en bordure des "allées", méconnaissent le texte précité, dans la mesure où elles prévoient que le terrain nécessaire sera prélevé sur la surface des terrains concédés".
En d’autres termes, ces espaces doivent être fournis par la commune gestionnaire du cimetière, et point résulter de la réduction des dimensions latérales, essentiellement des pierres tombales, afin d’implanter ces espaces inter-tombes sur la superficie utile de la concession ainsi délivrée.
En jugeant ainsi, il apparaît que le Conseil d’État a posé un principe d’intangibilité du respect des espaces inter-tombes par les constructeurs ou aménageurs de caveaux, sans possibilité de modification par le règlement municipal du cimetière d’essence réglementaire, alors que l’art. L. 2223-13 est une émanation parlementaire (loi) en vertu du principe de la légalité des actes, créant une hiérarchie, un acte réglementaire (arrêté) ne peut en aucune manière déroger à la loi républicaine. Ainsi, ces entreprises, mais aussi les communes, se doivent d’utiliser le terrain communal pour établir ces espaces inter-tombes, dont on sait, désormais, qu’il appartient au domaine public communal (cf. ordonnance du 28 juillet 2005 qui a levé les doutes qui persistaient depuis l’arrêt du Conseil d’État "Marécar" du 21 juin 1935).
Par ailleurs, dès lors qu’il s’agit de limiter les formes architecturales ou les hauteurs des monuments funéraires ou autres éléments de décoration, le Conseil d’État s’est montré particulièrement sévère, en statuant ainsi : "Qu’en revanche, les dispositions de l’arrêté attaqué qui limitent la hauteur des dalles, encadrements, monuments funéraires et éléments de décoration, qui déterminent trois types de monuments funéraires et qui soumettent à autorisation préalable tout projet de construction de tombe ou caveau en vue de contrôler notamment "la conception esthétique de l’ensemble de l’ouvrage", n’ont pas pour objet direct le maintien du bon ordre et de la décence dans le X." (note de l’auteur : lire "le cimetière")
B/ Les décisions postérieures des cours administratives d’appel
L’arrêt de la Cour Administrative d’Appel (CAA) de Bordeaux, n° 14BX00523, 2e chambre, formation à 3, en date du 4 octobre 2016.
Cette décision est intervenue dans le cadre d’un litige portant sur le refus par le maire de la commune de C…, D…, d’octroyer une concession familiale à un particulier. Mais, dans son considérant n° 2, sur la légalité des décisions contestées, la CAA a exposé des moyens afférents aux conditions d’implantation des concessions et des espaces inter-tombes qui présentent un réel intérêt dans l’espèce en question.
Elle y mentionne
2. En vertu de l’art. R. 2223-4 du CGCT : "Les fosses sont distantes les unes des autres de 30 à 40 centimètres sur les côtés, et de 30 à 50 centimètres à la tête et aux pieds. Il résulte de ces dispositions qu’un passage d’une largeur minimum réglementaire doit être ménagé entre les tombes ou les concessions."
Mais de tempérer cette disposition, en ces termes : "Toutefois, s’il appartient au maire, dans le cadre de ses pouvoirs de police des cimetières, d’empêcher tout empiètement sur ces espaces, il revient cependant aux autorités municipales, eu égard aux pouvoirs qu’elles détiennent pour gérer le cimetière communal, qui appartient au domaine public, de déterminer l’emprise des concessions à attribuer.
Ainsi, l’interdiction d’empiéter sur les espaces inter-tombes et inter-concessions ne faisait pas, par elle-même, obstacle à l’octroi d’une concession à M. D... Le motif tiré de cette interdiction, sans autre considération relative à la bonne gestion du cimetière, que le tribunal a substitué à celui tiré de l’application de la délibération du 20 novembre 2009, ne pouvait donc pas légalement justifier les décisions contestées. Il y a lieu, par suite, pour la cour, saisie du litige par l’effet dévolutif de l’appel, de statuer sur le moyen soulevé par M. D..."
Dans son troisième considérant, la CAA opère une citation du contenu de l’art. L. 2223-13 du CGCT (Cf. supra), qu’il ne parait pas nécessaire de reproduire, et la suite de cet arrêt porte sur les conditions afférentes aux demandeurs et ne présente pas d’intérêt pour la résolution de notre sujet.
Il ressort de ces mentions, que la CAA de Bordeaux opère une confusion entre les dispositions de l’art. R. 2223-4 du CGCT, relatives aux distances à observer pour les fosses. Or, cet article, issu du décret-loi du 23 prairial an XII (1804), ne trouve pas à s’appliquer pour les concessions funéraires instaurées par l’ordonnance royale relative aux cimetières du 6 décembre 1843, ayant donné lieu à la création de trois catégories de concessions funéraires (temporaires de 15 ans au plus, trentenaires et perpétuelles).
D’où une réflexion essentielle
Faut-il en déduire que la restriction de ces dimensions de ces espaces inter-tombes constitue une éventualité relevant des pouvoirs de police du maire en matière de réglementation des cimetières ? Apparemment, la réponse semble, à notre sens, positive.
Force est de constater que cette décision de la CAA de Bordeaux relativement récente (4 octobre 2016), amorce une évolution notable par rapport aux précédents arrêts des CAA ou du Conseil d’État, dont particulièrement, l’arrêt de la CAA de Marseille, n° 07MA01011, 5e chambre, formation A 3, du lundi 2 juin 2008 (donc plus ancien, mais dans la droite lignée des décisions des juridictions administratives ayant jalonné l’itinéraire juridique de ce problème des espaces inter-concessions), qui dispose dans ses considérants :
"Considérant qu’aux termes de l’art. L. 2213-8 du CGCT le maire assure la police des funérailles et des cimetières. Et à nouveau de citer le contenu de l’art. L. 2213-13 du même Code (rappel supra).
Jusque-là, rien de bien nouveau, la CAA de Marseille se bornant à énoncer le texte intégral de l’art. L. 2223-13 du CGCT. Mais, à sa suite, elle fait référence, à l’art. R. 2223-4 du CGCT, afférent aux espaces inter-tombes relatifs aux fosses, à propos duquel nous allons administrer la démonstration qu’il ne trouvait, à notre sens, pas lieu à être mis en œuvre, le régime des concessions funéraires instauré en 1843 étant distinct de celui des sépultures en service ordinaire établies en terrain commun, de par le décret-loi du 23 prairial an XII.
Ainsi, dans cet arrêt, il y est mentionné, à nouveau, le contenu de l’art. R. 2223-4 du CGCT, à propos des distances à respecter pour les inter-tombes des fosses.
Qu’il résulte de ces dispositions qu’un passage d’une largeur minimum réglementaire doit être ménagé entre les tombes ou les concessions ; que ces espaces inter-tombes ou inter-concessions font partie du domaine public communal et sont insusceptibles de droits privatifs ; qu’il appartient au maire, dans le cadre de ses pouvoirs de police des cimetières, d’empêcher tout empiètement sur ces espaces." (il sera ici fait remarque, une fois de plus, que, si l’art. L. 2223-13 du CGCT exige que "le terrain nécessaire aux séparations et passages établis autour des concessions de terrains mentionné ci-dessus est fourni par la commune", aucune norme précise en matière des dimensions de ces espaces n’est imposée par l’art. L. 2223-13 du CGCT.
Nous en déduirons qu’en raison du silence gardé par le législateur sur ces dimensions, les juridictions administratives semblent avoir procédé par assimilation en se référant à des prescriptions réglementaires, certes existantes, mais qui, en l’espèce, ne pouvaient constituer un fondement juridique tangible. L’amorce d’une modification des positions des juridictions de second degré a été concrétisée dans l’arrêt de la CAA de Bordeaux n° 17BX01266, 3e chambre, formation à 3, en date du jeudi 7 février 2019).
L’objet du litige
Monsieur E... D... avait demandé au tribunal administratif de T… d’annuler la décision implicite du maire de T… portant rejet de sa demande du 3 juillet 2015 tendant à ce que cette autorité prenne les mesures nécessaires afin de rétablir un accès normal et conforme à sa concession située dans l’enceinte du cimetière communal, de déclarer ladite commune responsable du fait des fautes commises par son maire dans l’exercice de ses pouvoirs de police et de gestion du cimetière et d’enjoindre à la commune de T… de rétablir un accès normal à sa concession.
À cet égard, il faisait valoir qu’il était titulaire, dans le cimetière communal de T…, d’une concession funéraire à perpétuité dont l’accès avait été rendu difficile par l’attribution d’une concession funéraire à Mme C..., située à 50 cm du mur d’enceinte, qui empêchait l’accès à sa concession par le chemin situé contre le mur extérieur du cimetière, et par l’attribution d’une concession funéraire à Mme A..., située à 55 cm du mur du cimetière, qui empêchait l’accès à sa concession par le chemin situé le long du mur où est située l’entrée du cimetière ; l’accès à sa concession ne pouvait donc plus s’exercer normalement, et était impossible pour une personne à mobilité réduite.
- Pour le requérant, en vertu de l’art. L. 2223-13 du CGCT, relatif au pouvoir de gestion du domaine public, un espace entre les tombes doit être mis à disposition des usagers pour assurer leur passage ;
- Que le non-respect des espaces inter-tombes, dont les dimensions sont prévues par l’art. R. 2223-4 du CGCT, est sanctionné par le juge administratif ;
- Que les travaux réalisés en cours d’instance sur la concession de Mme A... étaient insuffisants pour rétablir un accès normal à sa concession, de sorte qu’il convenait d’enjoindre à la commune de réaliser les travaux nécessaires au rétablissement d’un accès normal.
Dans ses considérants, la CAA de Bordeaux a exposé
3. Aux termes de l’art. L. 2213-8 du CGCT : "Le maire assure la police des funérailles et des cimetières."
Puis, à nouveau, énonçant les termes de l’art. L. 2223-13 du CGCT, la CAA a énoncé que le terrain nécessaire aux séparations et passages établis autour des concessions de terrains […] est fourni par la commune".
L’art. R. 2223-3 dudit Code dispose : "Chaque inhumation a lieu dans une fosse séparée. Chaque fosse a 1,50 mètre à 2 mètres de profondeur sur 80 centimètres de largeur. Elle est ensuite remplie de terre bien foulée."
L’art. R. 2223-4 de ce même Code est également cité à propos des distances réglementaires des fosses.
Dans ce considérant n° 3, nous retrouvons les motivations légales et réglementaires habituelles en de pareilles instances. Mais la suite est nettement plus intéressante, notamment le contenu du considérant n° 5.
En effet, la CAA de Bordeaux a énoncé la considération suivante : "Il y a lieu d’observer qu’en premier lieu, les prescriptions, invoquées par le requérant, de l’art. R. 2223-4 du CGCT concernent l’espace entre les fosses, et ne portent pas sur la largeur d’un passage de circulation entre les tombes. Or, il n’est ni établi ni même allégué que les règles de distance entre les fosses du cimetière de T… auraient été méconnues."
Très important
Pour la première fois, dans la jurisprudence (récente, car en date du 7 février 2019), une juridiction d’appel administrative semble écarter la notion de fosses et ses normes réglementaires (art. R. 2223-4 du CGCT), pour énoncer qu’elles ne concernent pas (le terme "portent" a été utilisé), pour déterminer les dimensions des espaces inter-tombes applicables aux concessions funéraires, même si la CAA de B… a bien rappelé le contenu de l’art. L. 2223-13 du CGCT.
Par l’effet de cette motivation, il est possible de déduire qu’il n’existe dans ce domaine des concessions funéraires, qu’il convient de distinguer, ainsi qu’énoncé supra, des fosses implantées en pleine terre et gratuites pour une durée minimum de 5 années, aucune dimension à respecter, sauf à laisser un passage prélevé sur le domaine public afin de permettre une circulation autour de ces concessions.
Il s’agit, certes, d’une avancée fondamentale, mais qui n’est pas de nature à régler la question de la suppression des espaces inter-tombes, lorsqu’il s’agit d’implanter des caveaux mitoyens "touche à touche", qui annihilent ou réduisent d’une manière significative les espaces inter-tombes sur les longueurs des caveaux.
Nous persisterons à soutenir que le fait d’opérer un amalgame avec les règles posées par l’art. L. 2223-13 du CGCT et celles énoncées à l’art. R. 2223-4, du même Code, constitue une erreur manifeste d’appréciation, et ce, pour les raisons suivantes :
- L’art. R. 2223-4 du CGCT, créé par le décret 2000-318 2000-04-07 JORF du 9 avril 2000, énonce : "Les fosses sont distantes les unes des autres de 30 à 40 centimètres sur les côtés, et de 30 à 50 centimètres à la tête et aux pieds." Selon le CGCT, consultable sur Légifrance, cet article aurait été créé par le décret n° 2000-318 en date du 4 avril 2000, publié au JORF du 9 avril 2000.
Cependant, il évoque uniquement la notion de fosses et point de concessions, qui relèvent d’un autre chapitre du CGCT, codifiant des dispositions législatives (codification effectuée en 1996), alors que cet article est de nature réglementaire (décret), codifié en l’an 2000. Or, à notre sens, ces dispositions existaient dès la promulgation du décret-loi du 23 prairial an XII (12 juin 1804), puisqu’il y est énoncé dans le titre Ier : "Des sépultures et des lieux qui leur sont consacrés, en son art. 4 : "Chaque inhumation aura lieu dans une fosse séparée ; chaque fosse qui sera ouverte aura un mètre cinq décimètres à deux mètres de profondeur, sur huit décimètres de largeur et sera ensuite remplie de terre bien foulée."
Puis, à l’art. 5 : "Les fosses seront distantes les unes des autres de trois à quatre décimètres sur les côtés, et de trois à cinq décimètres à la tête et aux pieds."
Enfin, à l’art. 6 : "Pour éviter les dangers qu’entraîne le renouvellement trop rapproché des fosses, l’ouverture des fosses pour de nouvelles sépultures n’aura lieu que de cinq années en cinq années ; en conséquence, les terrains destinés à former les lieux de sépulture seront cinq fois plus étendus que l’espace nécessaire pour y déposer le nombre présumé des morts qui peuvent y être enterrés chaque année."
Il convient, ici, afin de faciliter la compréhension de notre position, de rappeler le contexte dans lequel ce décret-loi (ancêtre des ordonnances créées dans la Constitution de 1958 dans l’art. 38) est intervenu.
Il est la traduction des principes révolutionnaires de liberté, d’égalité et de fraternité et, dans ce cas précis, celui de l’égalité de tous les citoyens devant la loi et la mort, si bien que la règle posée était d’imposer des inhumations gratuites dans des fosses implantées en pleine terre, d’une profondeur de 1,50 mètre à 2 mètres, d’une largeur de 80 centimètres, avec des espaces inter-tombes de 30 à 40 centimètres sur les côtés, et de 30 à 50 centimètres à la tête et aux pieds.
Ce régime était quasiment d’ordre public, puisque les concessions funéraires n’existaient pas encore, leur création date de l’ordonnance royale relative aux cimetières du 6 décembre 1843, sauf à considérer que le décret loi du 23 prairial an XII comportait des dispositions afférentes à l’octroi de concessions, mais avec des exigences particulièrement drastiques, et réservées, pratiquement, aux personnes fortunées.
En effet, dans son titre III, intitulé : "Des concessions de terrains dans les cimetières", le décret loi du 23 prairial an XII (12 juin 1804), disposait en ses articles 10 à 12 :
"Art. 10 : Lorsque l’étendue des lieux consacrés aux inhumations le permettra, il pourra y être fait des concessions de terrains aux personnes qui désireront y posséder une place distincte et séparée, pour y fonder leur sépulture et celle de leurs parents ou successeurs et y construire des caveaux monuments ou tombeaux."
Puis, en son art. 11 : "Les concessions ne seront néanmoins accordées qu’à ceux qui offriront de faire des fondations ou donations en faveur des pauvres et des hôpitaux, indépendamment d’une somme qui sera donnée à la commune et lorsque ces fondations ou donations auront été autorisées par le Gouvernement dans les formes accoutumées, sur l’avis des conseils municipaux."
Et, enfin, l’art. 12, énonçait : "Il n’est point dérogé, par les deux articles précédents, aux droits qu’a chaque particulier, sans besoin d’autorisation, de faire placer sur la tombe de son parent ou de son ami une pierre sépulcrale ou autre signe indicatif de sépulture, ainsi qu’il a été pratiqué jusqu’à présent."
Il s’ensuit que ce décret-loi, fondé sur le principe révolutionnaire de l’égalité entre tous les citoyens devant la mort, imposait la généralisation des sépultures en pleine terre, dites sépultures en service ordinaire ou terrain commun, gratuites, d’une durée minimum de 5 années, avec faculté de reprises des emplacements par la commune au-delà de ce délai, afin de les consacrer à de nouvelles inhumations (les corps exhumés devant être déposés dans un ossuaire perpétuel, devenu, de droit, obligatoire).
Et puis, l’ancien gestionnaire/conservateur des cimetières de Marseille, que je suis, fera valoir que "les espaces séparant ces tombes avaient une utilité pour stabiliser les murs ou parois en terre, séparant chacune des tombes et éviter leur effondrement", bien que ni le décret-loi du 23 prairial an XII, ni la loi, n’aient mis en évidence ces contraintes techniques. Certes, la doctrine, dont essentiellement la réponse à question écrite n° 09485 de M. Jean-Louis Masson, publiée au JO du Sénat du 09/07/2009 – page 1745, et la réponse au JO du Sénat du 25/02/2010 – page 462, réitère la nécessité pour une commune de laisser un passage entre deux concessions mitoyennes afin que le concessionnaire ou ses ayants droit puissent se déplacer sans encombre, et qu’ils ne subissent aucune gêne.
Elle s’inscrit dans le droit fil des dispositions légales énoncées à l’art. L. 2223-13 du CGCT, mais, ne "norme" pas les dimensions, par référence à l’art. R. 2223-4 du CGCT toujours cité (à tort, selon nous), dans les décisions jurisprudentielles, jusqu’à l’intervention de l’arrêt de la CAA de Bordeaux, en date du 7 février 2019. Mais nous maintiendrons que le régime juridique instauré par l’art. R. 2223-4 du CGCT ne concerne que les sépultures dites en service ordinaire ou terrain commun, mais point les concessions funéraires, dont l’existence est nettement postérieure au décret-loi, puisque datant de l’ordonnance de 1843.
À cet égard, la doctrine s’est déterminée d’une manière confuse, à propos de la construction ou de la pose de caveaux dits "d’avance". Question n° 19744 de M. Terrier Gérard ; ministère interrogé et attributaire : Intérieur, et réponse publiée au JO le 05/10/1998 page 5383, page 949.
Cette réponse n’apporte aucune information quant au respect des espaces inter-tombes, mais confirme, néanmoins, que la pratique dite "de la construction de caveaux d’avance", est admise. Pour le ministère, la construction, l’entretien et la commercialisation des caveaux au sein des cimetières constituent des prestations de marbrerie funéraire, lesquelles se situent hors du champ du service extérieur des pompes funèbres.
Mais il convient de distinguer deux situations
1/ Conformément à la jurisprudence du Conseil d’État (arrêt Mezy, 10 février 1988), la circulaire du 12 décembre 1997 relative à la gestion des régies municipales de pompes funèbres a précisé que les opérations de construction, d’entretien et de vente de caveaux dans le cimetière pouvaient être considérées comme des activités d’intérêt public connexes à l’exercice du service extérieur des pompes funèbres. Ces opérations sont retracées dans le budget annexe du service extérieur des pompes funèbres.
2/ Dans un souci de service rendu à l’égard des familles, une commune peut décider de procéder à la construction de caveaux d’avance qui seront vendus aux familles avec les concessions de terrains prévues à l’art. L. 2223-13 du CGCT (cf. circulaire n° 76-160 du 15 mars 1976).
Le principal enseignement qu’il paraît utile de tirer de cette analyse aboutit à déduire que les normes posées à l’art. R. 2223-4 du CGCT ne s’appliquent pas aux espaces inter-tombes, qui doivent être ménagés selon les termes (dernier alinéa) de l’art. L. 2223-13 du CGCT, et qu’il n’y a donc pas lieu à confusion. En effet, l’art. R. 2223-4 du CGCT ne concerne pas, raisonnablement, les concessions de terrains, mais s’adresse, uniquement, aux sépultures ou tombes gratuites implantées dans les cimetières réputées être des sépultures en service ordinaire ou terrain commun.
Dès lors qu’un contentieux serait généré sur le fondement de ces dispositions réglementaires, cette argumentaire, méconnu des juristes non spécialisés en droit funéraire, serait, bien évidemment, utilement développé et mis en exergue, afin de faire valoir les droits les plus légitimes des concessionnaires et ceux des maîtres d’ouvrage publics. Mais force est d’admettre que cet article ne résout pas la question portant sur les distances utiles permettant de respecter la création d’espaces inter-tombes entre des concessions funéraires, notamment celles dotées de caveaux.
La maîtrise d’ouvrage doit-elle imposer un espace inter-tombe entre 2 cuves de caveaux, partie souterraine incluse ? À notre sens, la réponse est positive, même s’il convient de la modérer depuis l’arrêt précité de la CAA de Bordeaux (n° 17BX01266, du 7 février 2019), les exigences légales, puisqu’il a été démontré, à notre avis sans contestation possible, que les dimensions des espaces inter-tombes résultant des dispositions de l’art. R. 2223-4 du CGCT ne trouvent plus, "jurisprudentiellement", à s’appliquer pour les espaces qui doivent être aménagés selon les dispositions de l’art. L. 2223-13 du CGCT.
En revanche, il n’existe aucune norme légale ou réglementaire pour définir les dimensions de ces espaces inter-tombes, puisque l’art. L. 2223-13 du CGCT qui en pose le principe, en son dernier alinéa, ne fournit aucune dimension.
À noter que, sous l’empire du Code des communes, cette règle n’existait pas, et que, selon l’ancien Code de l’Administration Communale (CAC), les concessionnaires pouvaient clôturer leurs caveaux et monuments sous la seule condition qu’ils n’empiètent pas sur le domaine public.
Donc, à propos de cette interrogation, nous formulerons deux réponses :
- Il est effectivement nécessaire de ménager un espace inter-tombes entre deux concessions, à tout le moins au niveau superficiel, qui sera délivré par la commune sur son domaine public.
- Par contre, il n’existe plus, si tant est que cela aurait existé (cf. décret-loi du 23 prairial an XII), de normes ou mesures destinées à réglementer la largeur des espaces inter-tombes, notamment et essentiellement sur les parties latérales des caveaux, car, en ce qui concerne le devant et l’arrière, en règle générale, des allées sont créées afin de permettre, sur la face antérieure, la manipulation des cercueils et l’utilisation d’engins de chantier ou de levage.
En tout état de cause, les dimensions prescrites à l’art. R. 2223-4 du CGCT ne trouvent pas à s’appliquer pour les concessions funéraires, lorsqu’une commune les a instituées. Au surplus, il sera relevé que cette obligation de laisser un espace nécessaire aux séparations et passages établis autour des concessions de terrains, pèse et incombe à la commune, et que, tel qu’énoncé, ce sont les concessions de terrains qui sont concernées au premier chef.
Textuellement, qu’en est-il des caveaux ?
Les concessions de terrains étant sur une portion du domaine public attribuée pour y fonder une sépulture familiale, sans présenter les caractères de précarité, révocabilité et de limitation de durée attachés, généralement aux occupations ordinaires du domaine public, grevées par la règle de l’affectation spéciale à la famille de son fondateur, dénommé le concessionnaire, dont il est l’élément générateur, qui est transmise de droit à ses enfants et à leurs successeurs, constitue, selon le premier alinéa de l’art. L. 2223-13 du CGCT, "le terrain qui permettra aux bénéficiaires de la concession de construire sur celui-ci un caveau, monument et tombeau", sachant qu’il ne s’agit que d’une simple faculté, et point d’une obligation.
La tendance à voir se généraliser la construction de caveaux en batteries, souvent qualifiée de "touche à touche", est bien réelle et constante, et est fréquemment utilisée. Lorsque tel est le cas, l’accès aux éléments supérieurs du caveau s’opère par les espaces recouverts de dallage en pierre (granit, marbre ou autre), lorsque les familles ont fait aménager des tombeaux ou des pierres tombales, les marbriers ayant pris la mesure de ces contraintes en proposant à leurs clients des monuments établis sur deux plans horizontaux, le plus bas étant situé sur l’ensemble du pourtour du caveau, qualifié d’encadrement, là où les membres de la famille peuvent se mouvoir et se déplacer sans empiéter sur le caveau voisin.
Au surplus, lorsque la commune assure la commercialisation des caveaux, rien ne paraît interdire un abandon conventionnel par le concessionnaire de l’accès aux espaces inter-tombes latéraux, tout autant que les ouvrages seraient conçus à cet effet.
Par contre, il sera réitéré que, si le concessionnaire ne fait pas usage de son droit de faire construire au minimum un caveau (il est libre d’en décider et nul ne peut le lui imposer), la concession sera par nature une fosse et, dans ce cas, il conviendra de laisser des espaces latéraux suffisamment larges afin de consolider les parois en terre (on peut penser que, s’agissant d’une fosse et par extension, les distances énoncées à l’art. R. 2223-4 du CGCT pourraient être appliquées par le juge administratif).
Le fondement juridique des espaces inter-tombes en matière de concessions funéraires et la liberté de faire aménager un caveau ou monument résultent des dispositions énoncées à l’art. L. 2223-13 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) (version en vigueur depuis la loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008), lequel énonce : "Lorsque l’étendue des cimetières le permet, il peut être concédé des terrains aux personnes qui désirent y fonder leur sépulture et celle de leurs enfants ou successeurs. Les bénéficiaires de la concession peuvent construire sur ces terrains des caveaux, monuments et tombeaux.
Il peut être également concédé des espaces pour le dépôt ou l’inhumation des urnes dans le cimetière. Le terrain nécessaire aux séparations et passages établis autour des concessions de terrains mentionnées ci-dessus est fourni par la commune."
Dans ce domaine, la jurisprudence administrative a pallié la carence de cet énoncé qui ne fournit aucune indication quant aux dimensions de cet espace, dès lors, et cette précision est importante, qu’il s’agit de concessions délivrées par les communes ou leurs établissements publics de coopération, en cas de transfert des compétences à de telles structures que sont ces établissements de coopération intercommunale.
La portée de cet article se doit d’être appréciée extensivement. En effet, les obligations imposées aux communes concernent l’intégralité des espaces situés autour du périmètre de la concession, les côtés étant inclus, tout comme, en cas d’édification d’un caveau, tous ses abords. Ainsi, plusieurs arrêts ont posé des critères qui, dans la plupart des cas, se référaient uniquement aux seules données métrées figurant dans le CGCT, notamment à l’art. R. 2223-4.
A/ Le Conseil d’État :
En ce domaine, la jurisprudence de principe est l’arrêt du Conseil d’État, section, Chambre syndicale des entreprises artisanales du bâtiment de la Haute-Garonne, n° 77277, publié au recueil Lebon en date du vendredi 18 février 1972, lequel portait sur le litige suivant (le texte de cet arrêt étant libellé sur Légifrance en capitales, il sera reproduit partiellement, sous cette forme) :
"LA REQUÊTE ÉMANAIT DE LA CHAMBRE SYNDICALE DES ENTREPRISES ARTISANALES DU BÂTIMENT DE LA HAUTE-GARONNE, TENDANT À L’ANNULATION D’UN JUGEMENT DU 13 DÉCEMBRE 1968, PAR LEQUEL LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE TOULOUSE A REJETÉ SA DEMANDE TENDANT À L’ANNULATION POUR EXCÈS DE POUVOIR D’UN ARRÉTÉ DU 6 JUILLET 1967 PAR LEQUEL LE MAIRE DE TOULOUSE AVAIT RÉGLEMENTÉ LA CONSTRUCTION DES SÉPULTURES DANS LE X... DE CORNEBARRIEU HAUTE-GARONNE, ENSEMBLE À L’ANNULATION POUR EXCÈS DU POUVOIR DUDIT ARRÉTÉ."
Dans cet arrêt, le Conseil d’État a, dans sa première partie, évoqué les restrictions apportées aux sépultures en terrain commun ou service ordinaire qui, dans le cas présent, ne concernent pas l’objet de cet article, puisque c’est bien le régime des caveaux édifiés sur des concessions funéraires qui est, ici, traité. Ainsi, il a pu juger, à propos des obligations imposées aux entrepreneurs de marbrerie funéraire, que :
Sur la légalité des dispositions de l’arrêté attaqué
"Considérant, en premier lieu, qu’en vertu des dispositions de l’art. 12 du décret du 23 prairial an XII, reprises par l’art. 447 du Code de l’administration communale : "Tout particulier peut, sans autorisation, faire placer sur la fosse d’un parent ou d’un ami une pierre sépulcrale ou autre signe indicatif de sépulture." (codifié désormais à l’art. L. 2223-12 du CGCT, en des termes identiques)
Et de poursuivre : "Que, dès lors, le maire de Toulouse, en décidant, par l’arrêté attaqué, que "dans la zone affectée aux terrains communs, chaque tombe sera individualisée grâce à un tumulus gazonné", a porté illégalement atteinte au droit reconnu par les dispositions sus-rappelées à chaque particulier de faire poser une pierre sépulcrale sur la fosse d’un parent ou d’un ami."
Il sera, ici, réitéré que cet extrait de l’arrêt de la Haute Assemblée administrative, n’est pas en rapport directement avec l’objet du sujet abordé, mais sa citation permet, néanmoins, d’affirmer une position ferme et exigeante du Conseil d’État à l’égard des dispositions législatives bénéficiant aux proches d’un défunt et au respect de sa sépulture.
Plus intéressants sont, en revanche les "considérants" afférents au régime des concessions funéraires, lesquels énoncent : "Considérant, en second lieu, qu’aux termes de l’art. 4 demeurant en vigueur de l’ordonnance royale relative aux y..., en date du 6 décembre 1843. Le terrain nécessaire aux séparations et passages établis autour des concessions devra être fourni par la commune" ; que, les dispositions de l’arrêté attaqué qui limitent l’empattement des éléments architecturaux des tombes édifiées sur les concessions "afin de laisser un inter-tombe de 0,40 m et un espace de 0,20 m en bordure des "allées", méconnaissent le texte précité, dans la mesure où elles prévoient que le terrain nécessaire sera prélevé sur la surface des terrains concédés".
En d’autres termes, ces espaces doivent être fournis par la commune gestionnaire du cimetière, et point résulter de la réduction des dimensions latérales, essentiellement des pierres tombales, afin d’implanter ces espaces inter-tombes sur la superficie utile de la concession ainsi délivrée.
En jugeant ainsi, il apparaît que le Conseil d’État a posé un principe d’intangibilité du respect des espaces inter-tombes par les constructeurs ou aménageurs de caveaux, sans possibilité de modification par le règlement municipal du cimetière d’essence réglementaire, alors que l’art. L. 2223-13 est une émanation parlementaire (loi) en vertu du principe de la légalité des actes, créant une hiérarchie, un acte réglementaire (arrêté) ne peut en aucune manière déroger à la loi républicaine. Ainsi, ces entreprises, mais aussi les communes, se doivent d’utiliser le terrain communal pour établir ces espaces inter-tombes, dont on sait, désormais, qu’il appartient au domaine public communal (cf. ordonnance du 28 juillet 2005 qui a levé les doutes qui persistaient depuis l’arrêt du Conseil d’État "Marécar" du 21 juin 1935).
Par ailleurs, dès lors qu’il s’agit de limiter les formes architecturales ou les hauteurs des monuments funéraires ou autres éléments de décoration, le Conseil d’État s’est montré particulièrement sévère, en statuant ainsi : "Qu’en revanche, les dispositions de l’arrêté attaqué qui limitent la hauteur des dalles, encadrements, monuments funéraires et éléments de décoration, qui déterminent trois types de monuments funéraires et qui soumettent à autorisation préalable tout projet de construction de tombe ou caveau en vue de contrôler notamment "la conception esthétique de l’ensemble de l’ouvrage", n’ont pas pour objet direct le maintien du bon ordre et de la décence dans le X." (note de l’auteur : lire "le cimetière")
B/ Les décisions postérieures des cours administratives d’appel
L’arrêt de la Cour Administrative d’Appel (CAA) de Bordeaux, n° 14BX00523, 2e chambre, formation à 3, en date du 4 octobre 2016.
Cette décision est intervenue dans le cadre d’un litige portant sur le refus par le maire de la commune de C…, D…, d’octroyer une concession familiale à un particulier. Mais, dans son considérant n° 2, sur la légalité des décisions contestées, la CAA a exposé des moyens afférents aux conditions d’implantation des concessions et des espaces inter-tombes qui présentent un réel intérêt dans l’espèce en question.
Elle y mentionne
2. En vertu de l’art. R. 2223-4 du CGCT : "Les fosses sont distantes les unes des autres de 30 à 40 centimètres sur les côtés, et de 30 à 50 centimètres à la tête et aux pieds. Il résulte de ces dispositions qu’un passage d’une largeur minimum réglementaire doit être ménagé entre les tombes ou les concessions."
Mais de tempérer cette disposition, en ces termes : "Toutefois, s’il appartient au maire, dans le cadre de ses pouvoirs de police des cimetières, d’empêcher tout empiètement sur ces espaces, il revient cependant aux autorités municipales, eu égard aux pouvoirs qu’elles détiennent pour gérer le cimetière communal, qui appartient au domaine public, de déterminer l’emprise des concessions à attribuer.
Ainsi, l’interdiction d’empiéter sur les espaces inter-tombes et inter-concessions ne faisait pas, par elle-même, obstacle à l’octroi d’une concession à M. D... Le motif tiré de cette interdiction, sans autre considération relative à la bonne gestion du cimetière, que le tribunal a substitué à celui tiré de l’application de la délibération du 20 novembre 2009, ne pouvait donc pas légalement justifier les décisions contestées. Il y a lieu, par suite, pour la cour, saisie du litige par l’effet dévolutif de l’appel, de statuer sur le moyen soulevé par M. D..."
Dans son troisième considérant, la CAA opère une citation du contenu de l’art. L. 2223-13 du CGCT (Cf. supra), qu’il ne parait pas nécessaire de reproduire, et la suite de cet arrêt porte sur les conditions afférentes aux demandeurs et ne présente pas d’intérêt pour la résolution de notre sujet.
Il ressort de ces mentions, que la CAA de Bordeaux opère une confusion entre les dispositions de l’art. R. 2223-4 du CGCT, relatives aux distances à observer pour les fosses. Or, cet article, issu du décret-loi du 23 prairial an XII (1804), ne trouve pas à s’appliquer pour les concessions funéraires instaurées par l’ordonnance royale relative aux cimetières du 6 décembre 1843, ayant donné lieu à la création de trois catégories de concessions funéraires (temporaires de 15 ans au plus, trentenaires et perpétuelles).
D’où une réflexion essentielle
Faut-il en déduire que la restriction de ces dimensions de ces espaces inter-tombes constitue une éventualité relevant des pouvoirs de police du maire en matière de réglementation des cimetières ? Apparemment, la réponse semble, à notre sens, positive.
Force est de constater que cette décision de la CAA de Bordeaux relativement récente (4 octobre 2016), amorce une évolution notable par rapport aux précédents arrêts des CAA ou du Conseil d’État, dont particulièrement, l’arrêt de la CAA de Marseille, n° 07MA01011, 5e chambre, formation A 3, du lundi 2 juin 2008 (donc plus ancien, mais dans la droite lignée des décisions des juridictions administratives ayant jalonné l’itinéraire juridique de ce problème des espaces inter-concessions), qui dispose dans ses considérants :
"Considérant qu’aux termes de l’art. L. 2213-8 du CGCT le maire assure la police des funérailles et des cimetières. Et à nouveau de citer le contenu de l’art. L. 2213-13 du même Code (rappel supra).
Jusque-là, rien de bien nouveau, la CAA de Marseille se bornant à énoncer le texte intégral de l’art. L. 2223-13 du CGCT. Mais, à sa suite, elle fait référence, à l’art. R. 2223-4 du CGCT, afférent aux espaces inter-tombes relatifs aux fosses, à propos duquel nous allons administrer la démonstration qu’il ne trouvait, à notre sens, pas lieu à être mis en œuvre, le régime des concessions funéraires instauré en 1843 étant distinct de celui des sépultures en service ordinaire établies en terrain commun, de par le décret-loi du 23 prairial an XII.
Ainsi, dans cet arrêt, il y est mentionné, à nouveau, le contenu de l’art. R. 2223-4 du CGCT, à propos des distances à respecter pour les inter-tombes des fosses.
Qu’il résulte de ces dispositions qu’un passage d’une largeur minimum réglementaire doit être ménagé entre les tombes ou les concessions ; que ces espaces inter-tombes ou inter-concessions font partie du domaine public communal et sont insusceptibles de droits privatifs ; qu’il appartient au maire, dans le cadre de ses pouvoirs de police des cimetières, d’empêcher tout empiètement sur ces espaces." (il sera ici fait remarque, une fois de plus, que, si l’art. L. 2223-13 du CGCT exige que "le terrain nécessaire aux séparations et passages établis autour des concessions de terrains mentionné ci-dessus est fourni par la commune", aucune norme précise en matière des dimensions de ces espaces n’est imposée par l’art. L. 2223-13 du CGCT.
Nous en déduirons qu’en raison du silence gardé par le législateur sur ces dimensions, les juridictions administratives semblent avoir procédé par assimilation en se référant à des prescriptions réglementaires, certes existantes, mais qui, en l’espèce, ne pouvaient constituer un fondement juridique tangible. L’amorce d’une modification des positions des juridictions de second degré a été concrétisée dans l’arrêt de la CAA de Bordeaux n° 17BX01266, 3e chambre, formation à 3, en date du jeudi 7 février 2019).
L’objet du litige
Monsieur E... D... avait demandé au tribunal administratif de T… d’annuler la décision implicite du maire de T… portant rejet de sa demande du 3 juillet 2015 tendant à ce que cette autorité prenne les mesures nécessaires afin de rétablir un accès normal et conforme à sa concession située dans l’enceinte du cimetière communal, de déclarer ladite commune responsable du fait des fautes commises par son maire dans l’exercice de ses pouvoirs de police et de gestion du cimetière et d’enjoindre à la commune de T… de rétablir un accès normal à sa concession.
À cet égard, il faisait valoir qu’il était titulaire, dans le cimetière communal de T…, d’une concession funéraire à perpétuité dont l’accès avait été rendu difficile par l’attribution d’une concession funéraire à Mme C..., située à 50 cm du mur d’enceinte, qui empêchait l’accès à sa concession par le chemin situé contre le mur extérieur du cimetière, et par l’attribution d’une concession funéraire à Mme A..., située à 55 cm du mur du cimetière, qui empêchait l’accès à sa concession par le chemin situé le long du mur où est située l’entrée du cimetière ; l’accès à sa concession ne pouvait donc plus s’exercer normalement, et était impossible pour une personne à mobilité réduite.
- Pour le requérant, en vertu de l’art. L. 2223-13 du CGCT, relatif au pouvoir de gestion du domaine public, un espace entre les tombes doit être mis à disposition des usagers pour assurer leur passage ;
- Que le non-respect des espaces inter-tombes, dont les dimensions sont prévues par l’art. R. 2223-4 du CGCT, est sanctionné par le juge administratif ;
- Que les travaux réalisés en cours d’instance sur la concession de Mme A... étaient insuffisants pour rétablir un accès normal à sa concession, de sorte qu’il convenait d’enjoindre à la commune de réaliser les travaux nécessaires au rétablissement d’un accès normal.
Dans ses considérants, la CAA de Bordeaux a exposé
3. Aux termes de l’art. L. 2213-8 du CGCT : "Le maire assure la police des funérailles et des cimetières."
Puis, à nouveau, énonçant les termes de l’art. L. 2223-13 du CGCT, la CAA a énoncé que le terrain nécessaire aux séparations et passages établis autour des concessions de terrains […] est fourni par la commune".
L’art. R. 2223-3 dudit Code dispose : "Chaque inhumation a lieu dans une fosse séparée. Chaque fosse a 1,50 mètre à 2 mètres de profondeur sur 80 centimètres de largeur. Elle est ensuite remplie de terre bien foulée."
L’art. R. 2223-4 de ce même Code est également cité à propos des distances réglementaires des fosses.
Dans ce considérant n° 3, nous retrouvons les motivations légales et réglementaires habituelles en de pareilles instances. Mais la suite est nettement plus intéressante, notamment le contenu du considérant n° 5.
En effet, la CAA de Bordeaux a énoncé la considération suivante : "Il y a lieu d’observer qu’en premier lieu, les prescriptions, invoquées par le requérant, de l’art. R. 2223-4 du CGCT concernent l’espace entre les fosses, et ne portent pas sur la largeur d’un passage de circulation entre les tombes. Or, il n’est ni établi ni même allégué que les règles de distance entre les fosses du cimetière de T… auraient été méconnues."
Très important
Pour la première fois, dans la jurisprudence (récente, car en date du 7 février 2019), une juridiction d’appel administrative semble écarter la notion de fosses et ses normes réglementaires (art. R. 2223-4 du CGCT), pour énoncer qu’elles ne concernent pas (le terme "portent" a été utilisé), pour déterminer les dimensions des espaces inter-tombes applicables aux concessions funéraires, même si la CAA de B… a bien rappelé le contenu de l’art. L. 2223-13 du CGCT.
Par l’effet de cette motivation, il est possible de déduire qu’il n’existe dans ce domaine des concessions funéraires, qu’il convient de distinguer, ainsi qu’énoncé supra, des fosses implantées en pleine terre et gratuites pour une durée minimum de 5 années, aucune dimension à respecter, sauf à laisser un passage prélevé sur le domaine public afin de permettre une circulation autour de ces concessions.
Il s’agit, certes, d’une avancée fondamentale, mais qui n’est pas de nature à régler la question de la suppression des espaces inter-tombes, lorsqu’il s’agit d’implanter des caveaux mitoyens "touche à touche", qui annihilent ou réduisent d’une manière significative les espaces inter-tombes sur les longueurs des caveaux.
Nous persisterons à soutenir que le fait d’opérer un amalgame avec les règles posées par l’art. L. 2223-13 du CGCT et celles énoncées à l’art. R. 2223-4, du même Code, constitue une erreur manifeste d’appréciation, et ce, pour les raisons suivantes :
- L’art. R. 2223-4 du CGCT, créé par le décret 2000-318 2000-04-07 JORF du 9 avril 2000, énonce : "Les fosses sont distantes les unes des autres de 30 à 40 centimètres sur les côtés, et de 30 à 50 centimètres à la tête et aux pieds." Selon le CGCT, consultable sur Légifrance, cet article aurait été créé par le décret n° 2000-318 en date du 4 avril 2000, publié au JORF du 9 avril 2000.
Cependant, il évoque uniquement la notion de fosses et point de concessions, qui relèvent d’un autre chapitre du CGCT, codifiant des dispositions législatives (codification effectuée en 1996), alors que cet article est de nature réglementaire (décret), codifié en l’an 2000. Or, à notre sens, ces dispositions existaient dès la promulgation du décret-loi du 23 prairial an XII (12 juin 1804), puisqu’il y est énoncé dans le titre Ier : "Des sépultures et des lieux qui leur sont consacrés, en son art. 4 : "Chaque inhumation aura lieu dans une fosse séparée ; chaque fosse qui sera ouverte aura un mètre cinq décimètres à deux mètres de profondeur, sur huit décimètres de largeur et sera ensuite remplie de terre bien foulée."
Puis, à l’art. 5 : "Les fosses seront distantes les unes des autres de trois à quatre décimètres sur les côtés, et de trois à cinq décimètres à la tête et aux pieds."
Enfin, à l’art. 6 : "Pour éviter les dangers qu’entraîne le renouvellement trop rapproché des fosses, l’ouverture des fosses pour de nouvelles sépultures n’aura lieu que de cinq années en cinq années ; en conséquence, les terrains destinés à former les lieux de sépulture seront cinq fois plus étendus que l’espace nécessaire pour y déposer le nombre présumé des morts qui peuvent y être enterrés chaque année."
Il convient, ici, afin de faciliter la compréhension de notre position, de rappeler le contexte dans lequel ce décret-loi (ancêtre des ordonnances créées dans la Constitution de 1958 dans l’art. 38) est intervenu.
Il est la traduction des principes révolutionnaires de liberté, d’égalité et de fraternité et, dans ce cas précis, celui de l’égalité de tous les citoyens devant la loi et la mort, si bien que la règle posée était d’imposer des inhumations gratuites dans des fosses implantées en pleine terre, d’une profondeur de 1,50 mètre à 2 mètres, d’une largeur de 80 centimètres, avec des espaces inter-tombes de 30 à 40 centimètres sur les côtés, et de 30 à 50 centimètres à la tête et aux pieds.
Ce régime était quasiment d’ordre public, puisque les concessions funéraires n’existaient pas encore, leur création date de l’ordonnance royale relative aux cimetières du 6 décembre 1843, sauf à considérer que le décret loi du 23 prairial an XII comportait des dispositions afférentes à l’octroi de concessions, mais avec des exigences particulièrement drastiques, et réservées, pratiquement, aux personnes fortunées.
En effet, dans son titre III, intitulé : "Des concessions de terrains dans les cimetières", le décret loi du 23 prairial an XII (12 juin 1804), disposait en ses articles 10 à 12 :
"Art. 10 : Lorsque l’étendue des lieux consacrés aux inhumations le permettra, il pourra y être fait des concessions de terrains aux personnes qui désireront y posséder une place distincte et séparée, pour y fonder leur sépulture et celle de leurs parents ou successeurs et y construire des caveaux monuments ou tombeaux."
Puis, en son art. 11 : "Les concessions ne seront néanmoins accordées qu’à ceux qui offriront de faire des fondations ou donations en faveur des pauvres et des hôpitaux, indépendamment d’une somme qui sera donnée à la commune et lorsque ces fondations ou donations auront été autorisées par le Gouvernement dans les formes accoutumées, sur l’avis des conseils municipaux."
Et, enfin, l’art. 12, énonçait : "Il n’est point dérogé, par les deux articles précédents, aux droits qu’a chaque particulier, sans besoin d’autorisation, de faire placer sur la tombe de son parent ou de son ami une pierre sépulcrale ou autre signe indicatif de sépulture, ainsi qu’il a été pratiqué jusqu’à présent."
Il s’ensuit que ce décret-loi, fondé sur le principe révolutionnaire de l’égalité entre tous les citoyens devant la mort, imposait la généralisation des sépultures en pleine terre, dites sépultures en service ordinaire ou terrain commun, gratuites, d’une durée minimum de 5 années, avec faculté de reprises des emplacements par la commune au-delà de ce délai, afin de les consacrer à de nouvelles inhumations (les corps exhumés devant être déposés dans un ossuaire perpétuel, devenu, de droit, obligatoire).
Et puis, l’ancien gestionnaire/conservateur des cimetières de Marseille, que je suis, fera valoir que "les espaces séparant ces tombes avaient une utilité pour stabiliser les murs ou parois en terre, séparant chacune des tombes et éviter leur effondrement", bien que ni le décret-loi du 23 prairial an XII, ni la loi, n’aient mis en évidence ces contraintes techniques. Certes, la doctrine, dont essentiellement la réponse à question écrite n° 09485 de M. Jean-Louis Masson, publiée au JO du Sénat du 09/07/2009 – page 1745, et la réponse au JO du Sénat du 25/02/2010 – page 462, réitère la nécessité pour une commune de laisser un passage entre deux concessions mitoyennes afin que le concessionnaire ou ses ayants droit puissent se déplacer sans encombre, et qu’ils ne subissent aucune gêne.
Elle s’inscrit dans le droit fil des dispositions légales énoncées à l’art. L. 2223-13 du CGCT, mais, ne "norme" pas les dimensions, par référence à l’art. R. 2223-4 du CGCT toujours cité (à tort, selon nous), dans les décisions jurisprudentielles, jusqu’à l’intervention de l’arrêt de la CAA de Bordeaux, en date du 7 février 2019. Mais nous maintiendrons que le régime juridique instauré par l’art. R. 2223-4 du CGCT ne concerne que les sépultures dites en service ordinaire ou terrain commun, mais point les concessions funéraires, dont l’existence est nettement postérieure au décret-loi, puisque datant de l’ordonnance de 1843.
À cet égard, la doctrine s’est déterminée d’une manière confuse, à propos de la construction ou de la pose de caveaux dits "d’avance". Question n° 19744 de M. Terrier Gérard ; ministère interrogé et attributaire : Intérieur, et réponse publiée au JO le 05/10/1998 page 5383, page 949.
Cette réponse n’apporte aucune information quant au respect des espaces inter-tombes, mais confirme, néanmoins, que la pratique dite "de la construction de caveaux d’avance", est admise. Pour le ministère, la construction, l’entretien et la commercialisation des caveaux au sein des cimetières constituent des prestations de marbrerie funéraire, lesquelles se situent hors du champ du service extérieur des pompes funèbres.
Mais il convient de distinguer deux situations
1/ Conformément à la jurisprudence du Conseil d’État (arrêt Mezy, 10 février 1988), la circulaire du 12 décembre 1997 relative à la gestion des régies municipales de pompes funèbres a précisé que les opérations de construction, d’entretien et de vente de caveaux dans le cimetière pouvaient être considérées comme des activités d’intérêt public connexes à l’exercice du service extérieur des pompes funèbres. Ces opérations sont retracées dans le budget annexe du service extérieur des pompes funèbres.
2/ Dans un souci de service rendu à l’égard des familles, une commune peut décider de procéder à la construction de caveaux d’avance qui seront vendus aux familles avec les concessions de terrains prévues à l’art. L. 2223-13 du CGCT (cf. circulaire n° 76-160 du 15 mars 1976).
Le principal enseignement qu’il paraît utile de tirer de cette analyse aboutit à déduire que les normes posées à l’art. R. 2223-4 du CGCT ne s’appliquent pas aux espaces inter-tombes, qui doivent être ménagés selon les termes (dernier alinéa) de l’art. L. 2223-13 du CGCT, et qu’il n’y a donc pas lieu à confusion. En effet, l’art. R. 2223-4 du CGCT ne concerne pas, raisonnablement, les concessions de terrains, mais s’adresse, uniquement, aux sépultures ou tombes gratuites implantées dans les cimetières réputées être des sépultures en service ordinaire ou terrain commun.
Dès lors qu’un contentieux serait généré sur le fondement de ces dispositions réglementaires, cette argumentaire, méconnu des juristes non spécialisés en droit funéraire, serait, bien évidemment, utilement développé et mis en exergue, afin de faire valoir les droits les plus légitimes des concessionnaires et ceux des maîtres d’ouvrage publics. Mais force est d’admettre que cet article ne résout pas la question portant sur les distances utiles permettant de respecter la création d’espaces inter-tombes entre des concessions funéraires, notamment celles dotées de caveaux.
La maîtrise d’ouvrage doit-elle imposer un espace inter-tombe entre 2 cuves de caveaux, partie souterraine incluse ? À notre sens, la réponse est positive, même s’il convient de la modérer depuis l’arrêt précité de la CAA de Bordeaux (n° 17BX01266, du 7 février 2019), les exigences légales, puisqu’il a été démontré, à notre avis sans contestation possible, que les dimensions des espaces inter-tombes résultant des dispositions de l’art. R. 2223-4 du CGCT ne trouvent plus, "jurisprudentiellement", à s’appliquer pour les espaces qui doivent être aménagés selon les dispositions de l’art. L. 2223-13 du CGCT.
En revanche, il n’existe aucune norme légale ou réglementaire pour définir les dimensions de ces espaces inter-tombes, puisque l’art. L. 2223-13 du CGCT qui en pose le principe, en son dernier alinéa, ne fournit aucune dimension.
À noter que, sous l’empire du Code des communes, cette règle n’existait pas, et que, selon l’ancien Code de l’Administration Communale (CAC), les concessionnaires pouvaient clôturer leurs caveaux et monuments sous la seule condition qu’ils n’empiètent pas sur le domaine public.
Donc, à propos de cette interrogation, nous formulerons deux réponses :
- Il est effectivement nécessaire de ménager un espace inter-tombes entre deux concessions, à tout le moins au niveau superficiel, qui sera délivré par la commune sur son domaine public.
- Par contre, il n’existe plus, si tant est que cela aurait existé (cf. décret-loi du 23 prairial an XII), de normes ou mesures destinées à réglementer la largeur des espaces inter-tombes, notamment et essentiellement sur les parties latérales des caveaux, car, en ce qui concerne le devant et l’arrière, en règle générale, des allées sont créées afin de permettre, sur la face antérieure, la manipulation des cercueils et l’utilisation d’engins de chantier ou de levage.
En tout état de cause, les dimensions prescrites à l’art. R. 2223-4 du CGCT ne trouvent pas à s’appliquer pour les concessions funéraires, lorsqu’une commune les a instituées. Au surplus, il sera relevé que cette obligation de laisser un espace nécessaire aux séparations et passages établis autour des concessions de terrains, pèse et incombe à la commune, et que, tel qu’énoncé, ce sont les concessions de terrains qui sont concernées au premier chef.
Textuellement, qu’en est-il des caveaux ?
Les concessions de terrains étant sur une portion du domaine public attribuée pour y fonder une sépulture familiale, sans présenter les caractères de précarité, révocabilité et de limitation de durée attachés, généralement aux occupations ordinaires du domaine public, grevées par la règle de l’affectation spéciale à la famille de son fondateur, dénommé le concessionnaire, dont il est l’élément générateur, qui est transmise de droit à ses enfants et à leurs successeurs, constitue, selon le premier alinéa de l’art. L. 2223-13 du CGCT, "le terrain qui permettra aux bénéficiaires de la concession de construire sur celui-ci un caveau, monument et tombeau", sachant qu’il ne s’agit que d’une simple faculté, et point d’une obligation.
La tendance à voir se généraliser la construction de caveaux en batteries, souvent qualifiée de "touche à touche", est bien réelle et constante, et est fréquemment utilisée. Lorsque tel est le cas, l’accès aux éléments supérieurs du caveau s’opère par les espaces recouverts de dallage en pierre (granit, marbre ou autre), lorsque les familles ont fait aménager des tombeaux ou des pierres tombales, les marbriers ayant pris la mesure de ces contraintes en proposant à leurs clients des monuments établis sur deux plans horizontaux, le plus bas étant situé sur l’ensemble du pourtour du caveau, qualifié d’encadrement, là où les membres de la famille peuvent se mouvoir et se déplacer sans empiéter sur le caveau voisin.
Au surplus, lorsque la commune assure la commercialisation des caveaux, rien ne paraît interdire un abandon conventionnel par le concessionnaire de l’accès aux espaces inter-tombes latéraux, tout autant que les ouvrages seraient conçus à cet effet.
Par contre, il sera réitéré que, si le concessionnaire ne fait pas usage de son droit de faire construire au minimum un caveau (il est libre d’en décider et nul ne peut le lui imposer), la concession sera par nature une fosse et, dans ce cas, il conviendra de laisser des espaces latéraux suffisamment larges afin de consolider les parois en terre (on peut penser que, s’agissant d’une fosse et par extension, les distances énoncées à l’art. R. 2223-4 du CGCT pourraient être appliquées par le juge administratif).
Jean-Pierre Tricon
Chevalier dans l’Ordre national du Mérite
Maître en droit
DESS en gestion des collectivités locales
Consultant/formateur
Résonance n°163 - Septembre 2020
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