Il existe, dans l’esprit populaire, une idée comme quoi une concession funéraire est acquise sans limitation de durée. Le concessionnaire qui acquiert une concession a le libre choix de sa durée et en a une parfaite connaissance au moment de l’achat, mais il oublie bien souvent d’en informer ses ayants droit qui découvrent après son décès les diverses contraintes pouvant affecter ladite concession.
Nous ne reviendrons pas ici sur les différentes offres en matière de concessions, mais nous nous arrêterons sur le renouvellement des concessions temporaires dont le Conseil d’État vient de modifier la procédure.
Arrêt du Conseil d’État des 3e et 8e chambres, du 11 mars 2020, n° 43 693
Le Conseil d’État répond à une question prioritaire de constitutionnalité posée par la cour administrative d’appel de Nancy liée à un litige qui oppose M. B... A... à la commune d’Épinal suite au préjudice subi du fait qu’une nouvelle concession funéraire a été attribuée sur l’emplacement de la sépulture de sa fille.
"Par une ordonnance n° 19NC02091-QPC du 10 décembre 2019, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d’État le 12 décembre 2019, le premier vice-président, président de la 1re chambre de la cour administrative d’appel de Nancy, avant qu’il soit statué sur l’appel de M. A..., a décidé, par application des dispositions de l’art. 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d’État la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la constitution de l’art. L. 2223-15 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT)."
Si, au terme de son étude, le Conseil d’État indique "qu’il n’y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée", son analyse des textes mérite toutefois qu’on s’y arrête.
Le Conseil d’État cite tout d’abord l’art. L. 2223-15 du CGCT, qui précise les modalités de renouvellement d’une concession temporaire :
- Les concessions sont accordées moyennant le versement d’un capital dont le montant est fixé par le conseil municipal ;
- Les concessions temporaires, les concessions trentenaires et les concessions cinquantenaires sont renouvelables au prix du tarif en vigueur au moment du renouvellement.
À défaut du paiement de cette nouvelle redevance, le terrain concédé fait retour à la commune. Il ne peut cependant être repris par elle que deux années révolues après l’expiration de la période pour laquelle le terrain a été concédé. Dans l’intervalle de ces deux années, les concessionnaires ou leurs ayants cause peuvent user de leur droit de renouvellement.
Dans le 3e alinéa de son arrêt, le Conseil d’État souligne qu’il résulte des dispositions des 3e et 4e alinéas de cet article qu’après l’expiration d’une concession, et si les concessionnaires ou leurs ayants droit n’ont pas usé de leur droit à renouvellement dans les deux ans suivant son expiration, le terrain objet de cette concession funéraire, qui appartient au domaine public de la commune, fait retour à cette dernière. Par ailleurs, les monuments et emblèmes funéraires qui ont pu être édifiés ou apposés sur le terrain par les titulaires de cette concession, et qui n’ont pas été repris par ces derniers, sont intégrés au domaine privé de la commune à l’expiration de ce délai de deux ans.
Mais il ajoute le fait nouveau qui motive cet article : "Enfin, il appartient au maire de rechercher par tous les moyens utiles d’informer les titulaires d’une concession ou leurs ayants droit de l’extinction de la concession et de leur droit à en demander le renouvellement dans les deux ans qui suivent."
Obligation d’informer
Rappelons en effet que les textes jusqu’à cet arrêt n’obligeaient pas les communes à informer les ayants droit de l’échéance de leur concession. Le droit se basait sur le fait que, la concession ayant été acquise pour une durée déterminée, le concessionnaire ou son ayant droit ne pouvait l’ignorer, et devait prendre toute disposition pour le renouveler à sa date anniversaire. Le droit prévoyait un délai de deux ans pour permettre aux familles d’y pourvoir, mais ne précisait pas de moyen d’information, contrairement aux art. R. 2223-13 et suivants encadrant une procédure pour abandon.
Il est vrai que nombreux sont les gestionnaires de cimetières, et par incidence les maires, à avoir affronté des familles se rebellant devant la découverte de la reprise de la concession de leurs aïeux sans en avoir été informés. C’est humainement compréhensible, et sans doute l’argument de l’appui législatif des textes avait fait long feu.
Il faut cependant rappeler que la plupart des communes ne procèdent pas de façon anarchique aux reprises factuelles des concessions sans avoir pris soin au préalable d’en informer les familles par tout moyen à sa disposition. Mais, usuellement, les mairies ne disposent pas de coordonnées à jour des successeurs du concessionnaire. Elles écrivent à la dernière adresse connue, souvent celle du concessionnaire, dont elles savent bien qu’il est décédé et inhumé dans ladite concession, mais misent sur un suivi de courrier qui pourrait atteindre un des ayants cause.
Les administrés s’insurgent contre la mauvaise volonté des mairies, mais qu’ont-ils fait au préalable pour éviter ces incidents administratifs tout à fait déplorables ? Dans les conférences que l’Association NAtionale des PErsonnels de Cimetières (A.NA.PE.C.) déploie sur le territoire, c’est un des points majeurs qu’elle souligne pour informer les usagers qui découvrent cette mesure avec bien souvent une réelle surprise.
Un affichage informel pendant 2 ans
Revenons sur la décision du Conseil d’État qui, bien que de bon sens, ne règle pas la question du comment informer des ayants droit alors que nous n’en connaissons ni les noms ni les coordonnées. Les communes apposent des affiches sur les concessions à renouveler, indiquant aux visiteurs qu’ils doivent se faire connaître en mairie. Ces affiches sont positionnées quelques mois avant la date anniversaire, et y restent au moins durant les deux ans de latence. Si, durant cet intervalle, personne ne se déplace sur la tombe, ou si ceux qui viennent ne se sentent pas concernés (lien familial éloigné, ou conflits familiaux), comment faire ? Une liste des concessions en cours de renouvellement est également affichée à l’entrée du cimetière ainsi qu’en mairie ou sur les panneaux d’affichage public, mais qui les lit vraiment ?
Retenons donc cette avancée de droit, mais invitons les maires, et plus particulièrement leur administration, à rester très procéduriers dans le traitement de leur reprise administrative, afin qu’en cas de contentieux, ils soient en mesure de bien prouver qu’ils ont employé tous les moyens utiles pour informer les titulaires ou les ayants droit de l’extinction de la concession.
Arrêt du Conseil d’État des 3e et 8e chambres, du 11 mars 2020, n° 43 693
Le Conseil d’État répond à une question prioritaire de constitutionnalité posée par la cour administrative d’appel de Nancy liée à un litige qui oppose M. B... A... à la commune d’Épinal suite au préjudice subi du fait qu’une nouvelle concession funéraire a été attribuée sur l’emplacement de la sépulture de sa fille.
"Par une ordonnance n° 19NC02091-QPC du 10 décembre 2019, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d’État le 12 décembre 2019, le premier vice-président, président de la 1re chambre de la cour administrative d’appel de Nancy, avant qu’il soit statué sur l’appel de M. A..., a décidé, par application des dispositions de l’art. 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d’État la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la constitution de l’art. L. 2223-15 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT)."
Si, au terme de son étude, le Conseil d’État indique "qu’il n’y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée", son analyse des textes mérite toutefois qu’on s’y arrête.
Le Conseil d’État cite tout d’abord l’art. L. 2223-15 du CGCT, qui précise les modalités de renouvellement d’une concession temporaire :
- Les concessions sont accordées moyennant le versement d’un capital dont le montant est fixé par le conseil municipal ;
- Les concessions temporaires, les concessions trentenaires et les concessions cinquantenaires sont renouvelables au prix du tarif en vigueur au moment du renouvellement.
À défaut du paiement de cette nouvelle redevance, le terrain concédé fait retour à la commune. Il ne peut cependant être repris par elle que deux années révolues après l’expiration de la période pour laquelle le terrain a été concédé. Dans l’intervalle de ces deux années, les concessionnaires ou leurs ayants cause peuvent user de leur droit de renouvellement.
Dans le 3e alinéa de son arrêt, le Conseil d’État souligne qu’il résulte des dispositions des 3e et 4e alinéas de cet article qu’après l’expiration d’une concession, et si les concessionnaires ou leurs ayants droit n’ont pas usé de leur droit à renouvellement dans les deux ans suivant son expiration, le terrain objet de cette concession funéraire, qui appartient au domaine public de la commune, fait retour à cette dernière. Par ailleurs, les monuments et emblèmes funéraires qui ont pu être édifiés ou apposés sur le terrain par les titulaires de cette concession, et qui n’ont pas été repris par ces derniers, sont intégrés au domaine privé de la commune à l’expiration de ce délai de deux ans.
Mais il ajoute le fait nouveau qui motive cet article : "Enfin, il appartient au maire de rechercher par tous les moyens utiles d’informer les titulaires d’une concession ou leurs ayants droit de l’extinction de la concession et de leur droit à en demander le renouvellement dans les deux ans qui suivent."
Obligation d’informer
Rappelons en effet que les textes jusqu’à cet arrêt n’obligeaient pas les communes à informer les ayants droit de l’échéance de leur concession. Le droit se basait sur le fait que, la concession ayant été acquise pour une durée déterminée, le concessionnaire ou son ayant droit ne pouvait l’ignorer, et devait prendre toute disposition pour le renouveler à sa date anniversaire. Le droit prévoyait un délai de deux ans pour permettre aux familles d’y pourvoir, mais ne précisait pas de moyen d’information, contrairement aux art. R. 2223-13 et suivants encadrant une procédure pour abandon.
Il est vrai que nombreux sont les gestionnaires de cimetières, et par incidence les maires, à avoir affronté des familles se rebellant devant la découverte de la reprise de la concession de leurs aïeux sans en avoir été informés. C’est humainement compréhensible, et sans doute l’argument de l’appui législatif des textes avait fait long feu.
Il faut cependant rappeler que la plupart des communes ne procèdent pas de façon anarchique aux reprises factuelles des concessions sans avoir pris soin au préalable d’en informer les familles par tout moyen à sa disposition. Mais, usuellement, les mairies ne disposent pas de coordonnées à jour des successeurs du concessionnaire. Elles écrivent à la dernière adresse connue, souvent celle du concessionnaire, dont elles savent bien qu’il est décédé et inhumé dans ladite concession, mais misent sur un suivi de courrier qui pourrait atteindre un des ayants cause.
Les administrés s’insurgent contre la mauvaise volonté des mairies, mais qu’ont-ils fait au préalable pour éviter ces incidents administratifs tout à fait déplorables ? Dans les conférences que l’Association NAtionale des PErsonnels de Cimetières (A.NA.PE.C.) déploie sur le territoire, c’est un des points majeurs qu’elle souligne pour informer les usagers qui découvrent cette mesure avec bien souvent une réelle surprise.
Un affichage informel pendant 2 ans
Revenons sur la décision du Conseil d’État qui, bien que de bon sens, ne règle pas la question du comment informer des ayants droit alors que nous n’en connaissons ni les noms ni les coordonnées. Les communes apposent des affiches sur les concessions à renouveler, indiquant aux visiteurs qu’ils doivent se faire connaître en mairie. Ces affiches sont positionnées quelques mois avant la date anniversaire, et y restent au moins durant les deux ans de latence. Si, durant cet intervalle, personne ne se déplace sur la tombe, ou si ceux qui viennent ne se sentent pas concernés (lien familial éloigné, ou conflits familiaux), comment faire ? Une liste des concessions en cours de renouvellement est également affichée à l’entrée du cimetière ainsi qu’en mairie ou sur les panneaux d’affichage public, mais qui les lit vraiment ?
Retenons donc cette avancée de droit, mais invitons les maires, et plus particulièrement leur administration, à rester très procéduriers dans le traitement de leur reprise administrative, afin qu’en cas de contentieux, ils soient en mesure de bien prouver qu’ils ont employé tous les moyens utiles pour informer les titulaires ou les ayants droit de l’extinction de la concession.
Isabelle Prigent
Présidente de l’A.NA.PE.C.
Résonance n° 160 - Mai 2020
Présidente de l’A.NA.PE.C.
Résonance n° 160 - Mai 2020
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