La Cour de cassation a confirmé la commande de funérailles comme contrat de prestations funéraires soumis au délai de deux ans pour être réglée par le client. Elle a écarté la possibilité de classer cette commande dans le passif successoral, obligeant ainsi les entreprises de pompes funèbres à adapter le recouvrement de leurs créances.
La facture des funérailles est classée comme créance privilégiée de deuxième rang dans l’actif successoral. Certes. Mais, quand quelqu’un vient vous commander des funérailles, cette personne s’engage à titre personnel au paiement de ce qu’elle commande auprès de vous. La nuance est de taille, et la Cour de cassation confirme ce principe.
Dans cette jurisprudence, que la Cour explique dans son moyen parallèle, le jugement préalable qui avait donné matière à recouvrement auprès du commanditaire, sous prétexte que les frais funéraires peuvent être présentés au passif d’une succession pendant cinq ans après le décès, a été cassé par la requalification en commande commerciale de ces frais (avec un délai de prescription de deux ans).
"Amour n’est pas tambour"
Le recouvrement des frais funéraires, dans ce dossier ressemble à de nombreuses situations où la créance commence en pratique par un retard de traitement. Pressé par plusieurs rappels de facture, le client revient en agence et demande que la facture soit envoyée chez le notaire. Nouveau délai d’attente, le notaire ne se manifeste pas et l’entreprise de pompes funèbres décide finalement d’entamer une procédure de recouvrement auprès du signataire de la commande.
Problème : le délai d’exigence de la créance s’est très sérieusement raccourci du fait que désormais l’art. L. 218-2 du Code de la consommation (datant de 2016, mais l’article précédent imposait déjà le même délai) fixe à deux ans la période où la créance est exigible auprès du client. Deux ans, c’est long pour beaucoup de commerces, mais cela peut être très court dans un cas comme celui qui est étudié ici.
Visiblement, l’avocat des pompes funèbres a essayé d’utiliser comme moyen la requalification des frais funéraires en charge exigible sur l’actif successoral, qui répond au délai de cinq ans. Avec succès auprès du juge d’instance, mais, comme on le voit ici, la Cour de cassation a ruiné cette stratégie que l’on peut qualifier de "stratagème", en effet, dans la mesure où la commande des frais funéraires s’exerce comme une commande commerciale, elle reste encadrée par les règles en vigueur concernant ce type de contrat.
Remettre les choses à leur place
Soyons clairs : la faculté de régler les funérailles par le mécanisme de la succession n’est pas un droit pour le client, mais une facilité accordée par l’entreprise de pompes funèbres émettrice de la facture. Cette facilité doit être strictement encadrée dans sa mise en œuvre pour ne pas ruiner le recouvrement de la facture en cas d’obstacle à un paiement rapide par le notaire. Le client commanditaire qui demande à l’entreprise le transfert de la facture dans le mécanisme liquidatif de succession doit savoir que ce n’est qu’une facilité amiable soumise à délai de résolution.
En pratique, l’entreprise de pompes funèbres ne doit transmettre la facture de funérailles au notaire que si le client a signé un formulaire demandant cette prise en charge. Ce formulaire doit faire apparaître le caractère conditionnel de la prise en charge de facture sur l’actif successoral, et confirmer ainsi que le client reste en dernier recours responsable du paiement. Et surtout, ce formulaire doit indiquer au notaire un délai maximal de règlement de la facture qui qualifie la charge de règlement au mode conditionnel : le respect du délai.
La lecture de l’arrêt de la Cour de cassation, dans son moyen annexe, est instructive dans la mesure où elle rappelle que ce n’est pas la requête en recouvrement qui sert de repère temporel en matière de prescription, mais bien l’ordonnance portant injonction à payer. Ce qui signifie une décision de justice aboutie avant le délai de prescription de deux ans. À tout réfléchir et au regard des délais d’instruction : il ne faut pas attendre plus d’un an pour intenter une action forcée de recouvrement de contrat commercial auprès d’un particulier. Au delà, une créance auprès du particulier est considérablement affaiblie.
Les garanties à mettre en place
L’entreprise s’engage à fournir au client. En contrepartie, le client s’engage au même moment à régler l’entreprise. Dans la majorité des contrats commerciaux, le moyen de paiement est associé immédiatement à la prise de commande. Dans le funéraire, le montant de la facture et le caractère imprévu des circonstances de la commande entraînent bien souvent des commodités de recouvrement (tiers-payant, prélèvement bancaire, charge sur l’actif successoral). Néanmoins, et à l’inverse de ce raisonnement, le service public communal des pompes funèbres, exercé auparavant en monopole, posait comme principe l’exigibilité par avance du paiement de la facture de pompes funèbres.
Considéré à tort comme une violence infligée aux proches du défunt, ce principe était au contraire une mesure protectrice de la population en de telles circonstances, puisqu’elle exigeait la capacité effective d’assumer le montant de la facture des funérailles ou l’obligation de recourir à un moyen alternatif : la prise en charge des frais par la commune. Cette alternative mettait en fait l’entreprise et le particulier dans l’obligation de trouver un compromis satisfaisant : accomplir les funérailles en modérant leur coût, chacun étant appelé à faire un effort pour y parvenir, le particulier comme l’entreprise.
La difficulté actuelle, qui dope le nombre des impayés, repose sur le fait qu’en l’absence d’une exigence de payer par avance les funérailles, le conseiller funéraire et son client ont tendance à placer l’entreprise dans une situation délicate de recouvrement de créance. C’est "open-bar" sur le dos de l’entrepreneur. Tout d’abord, parce que le client n’est pas toujours pleinement conscient de sa responsabilité d’engagement personnel, et parce que le conseiller funéraire reste néanmoins un commercial qualifié de "technico", certes, parce qu’il apporte plus qu’un conseil, une véritable aide organisationnelle. Néanmoins, sa performance commerciale reste un critère essentiel de valorisation professionnelle.
Il résulte de ce contexte un encadrement de la négociation commerciale qui peut déborder les capacités réelles de financement des funérailles par le particulier commanditaire en l’absence d’un recours à des moyens de paiement auxiliaires (contrat obsèques, prélèvement bancaire, etc.). La stratégie de l’entreprise pour limiter son niveau de créances impayées à un niveau admissible doit combiner plusieurs dispositions :
- asseoir la créance sur une procédure commerciale en tous points conforme aux exigences réglementaires (devis, bon de commande et facture concordants, dûment signés par le client concernant les deux premiers formulaires),
- aborder sans tabou le moyen de paiement au moment de la prise de commande des funérailles,
- assortir le bon de commande d’indications prévoyant l’échéancier de paiement, puis éditer la facture en respectant la forme de son exigibilité parfaite,
- traiter le recouvrement de facture au maximum dans les trente jours suivant les funérailles,
- instruire le recouvrement sans relâche pendant les mois suivants,
- saisir en contentieux le client au plus tard un an après l’émission de la facture.
Retour sur le dossier présenté en Cour de cassation
Les funérailles ont eu lieu en 2013 et le moyen tiré devant le tribunal d’instance est daté en 2018. Même si le juge d’instance a suivi l’avocat mandaté par les pompes funèbres dans sa logique en pirouette, la Cour de cassation a remis de l’ordre dans ce dossier et rappelé le créancier dans un douloureux constat : il devra s’asseoir sur sa créance et assumer le coût global des frais de justice. C’est la sanction logique d’un traitement laxiste de créance par le conseiller funéraire qui a reçu la famille, et c’est le bonus immoral donné à un particulier soucieux de se dérober à ses obligations en la matière.
Mais c’est aussi la faute d’une erreur éventuelle de gestion, car les frais funéraires exigibles auprès du client dans un délai de deux ans étaient en revanche admissibles au passif successoral pendant le délai des cinq ans. Encore fallait-il le signifier dans les formes légales auprès du notaire chargé de la succession, au cas où l’actif successoral pouvait le supporter. Mais ceci est une autre question, à traiter par ailleurs…
Dans cette jurisprudence, que la Cour explique dans son moyen parallèle, le jugement préalable qui avait donné matière à recouvrement auprès du commanditaire, sous prétexte que les frais funéraires peuvent être présentés au passif d’une succession pendant cinq ans après le décès, a été cassé par la requalification en commande commerciale de ces frais (avec un délai de prescription de deux ans).
"Amour n’est pas tambour"
Le recouvrement des frais funéraires, dans ce dossier ressemble à de nombreuses situations où la créance commence en pratique par un retard de traitement. Pressé par plusieurs rappels de facture, le client revient en agence et demande que la facture soit envoyée chez le notaire. Nouveau délai d’attente, le notaire ne se manifeste pas et l’entreprise de pompes funèbres décide finalement d’entamer une procédure de recouvrement auprès du signataire de la commande.
Problème : le délai d’exigence de la créance s’est très sérieusement raccourci du fait que désormais l’art. L. 218-2 du Code de la consommation (datant de 2016, mais l’article précédent imposait déjà le même délai) fixe à deux ans la période où la créance est exigible auprès du client. Deux ans, c’est long pour beaucoup de commerces, mais cela peut être très court dans un cas comme celui qui est étudié ici.
Visiblement, l’avocat des pompes funèbres a essayé d’utiliser comme moyen la requalification des frais funéraires en charge exigible sur l’actif successoral, qui répond au délai de cinq ans. Avec succès auprès du juge d’instance, mais, comme on le voit ici, la Cour de cassation a ruiné cette stratégie que l’on peut qualifier de "stratagème", en effet, dans la mesure où la commande des frais funéraires s’exerce comme une commande commerciale, elle reste encadrée par les règles en vigueur concernant ce type de contrat.
Remettre les choses à leur place
Soyons clairs : la faculté de régler les funérailles par le mécanisme de la succession n’est pas un droit pour le client, mais une facilité accordée par l’entreprise de pompes funèbres émettrice de la facture. Cette facilité doit être strictement encadrée dans sa mise en œuvre pour ne pas ruiner le recouvrement de la facture en cas d’obstacle à un paiement rapide par le notaire. Le client commanditaire qui demande à l’entreprise le transfert de la facture dans le mécanisme liquidatif de succession doit savoir que ce n’est qu’une facilité amiable soumise à délai de résolution.
En pratique, l’entreprise de pompes funèbres ne doit transmettre la facture de funérailles au notaire que si le client a signé un formulaire demandant cette prise en charge. Ce formulaire doit faire apparaître le caractère conditionnel de la prise en charge de facture sur l’actif successoral, et confirmer ainsi que le client reste en dernier recours responsable du paiement. Et surtout, ce formulaire doit indiquer au notaire un délai maximal de règlement de la facture qui qualifie la charge de règlement au mode conditionnel : le respect du délai.
La lecture de l’arrêt de la Cour de cassation, dans son moyen annexe, est instructive dans la mesure où elle rappelle que ce n’est pas la requête en recouvrement qui sert de repère temporel en matière de prescription, mais bien l’ordonnance portant injonction à payer. Ce qui signifie une décision de justice aboutie avant le délai de prescription de deux ans. À tout réfléchir et au regard des délais d’instruction : il ne faut pas attendre plus d’un an pour intenter une action forcée de recouvrement de contrat commercial auprès d’un particulier. Au delà, une créance auprès du particulier est considérablement affaiblie.
Les garanties à mettre en place
L’entreprise s’engage à fournir au client. En contrepartie, le client s’engage au même moment à régler l’entreprise. Dans la majorité des contrats commerciaux, le moyen de paiement est associé immédiatement à la prise de commande. Dans le funéraire, le montant de la facture et le caractère imprévu des circonstances de la commande entraînent bien souvent des commodités de recouvrement (tiers-payant, prélèvement bancaire, charge sur l’actif successoral). Néanmoins, et à l’inverse de ce raisonnement, le service public communal des pompes funèbres, exercé auparavant en monopole, posait comme principe l’exigibilité par avance du paiement de la facture de pompes funèbres.
Considéré à tort comme une violence infligée aux proches du défunt, ce principe était au contraire une mesure protectrice de la population en de telles circonstances, puisqu’elle exigeait la capacité effective d’assumer le montant de la facture des funérailles ou l’obligation de recourir à un moyen alternatif : la prise en charge des frais par la commune. Cette alternative mettait en fait l’entreprise et le particulier dans l’obligation de trouver un compromis satisfaisant : accomplir les funérailles en modérant leur coût, chacun étant appelé à faire un effort pour y parvenir, le particulier comme l’entreprise.
La difficulté actuelle, qui dope le nombre des impayés, repose sur le fait qu’en l’absence d’une exigence de payer par avance les funérailles, le conseiller funéraire et son client ont tendance à placer l’entreprise dans une situation délicate de recouvrement de créance. C’est "open-bar" sur le dos de l’entrepreneur. Tout d’abord, parce que le client n’est pas toujours pleinement conscient de sa responsabilité d’engagement personnel, et parce que le conseiller funéraire reste néanmoins un commercial qualifié de "technico", certes, parce qu’il apporte plus qu’un conseil, une véritable aide organisationnelle. Néanmoins, sa performance commerciale reste un critère essentiel de valorisation professionnelle.
Il résulte de ce contexte un encadrement de la négociation commerciale qui peut déborder les capacités réelles de financement des funérailles par le particulier commanditaire en l’absence d’un recours à des moyens de paiement auxiliaires (contrat obsèques, prélèvement bancaire, etc.). La stratégie de l’entreprise pour limiter son niveau de créances impayées à un niveau admissible doit combiner plusieurs dispositions :
- asseoir la créance sur une procédure commerciale en tous points conforme aux exigences réglementaires (devis, bon de commande et facture concordants, dûment signés par le client concernant les deux premiers formulaires),
- aborder sans tabou le moyen de paiement au moment de la prise de commande des funérailles,
- assortir le bon de commande d’indications prévoyant l’échéancier de paiement, puis éditer la facture en respectant la forme de son exigibilité parfaite,
- traiter le recouvrement de facture au maximum dans les trente jours suivant les funérailles,
- instruire le recouvrement sans relâche pendant les mois suivants,
- saisir en contentieux le client au plus tard un an après l’émission de la facture.
Retour sur le dossier présenté en Cour de cassation
Les funérailles ont eu lieu en 2013 et le moyen tiré devant le tribunal d’instance est daté en 2018. Même si le juge d’instance a suivi l’avocat mandaté par les pompes funèbres dans sa logique en pirouette, la Cour de cassation a remis de l’ordre dans ce dossier et rappelé le créancier dans un douloureux constat : il devra s’asseoir sur sa créance et assumer le coût global des frais de justice. C’est la sanction logique d’un traitement laxiste de créance par le conseiller funéraire qui a reçu la famille, et c’est le bonus immoral donné à un particulier soucieux de se dérober à ses obligations en la matière.
Mais c’est aussi la faute d’une erreur éventuelle de gestion, car les frais funéraires exigibles auprès du client dans un délai de deux ans étaient en revanche admissibles au passif successoral pendant le délai des cinq ans. Encore fallait-il le signifier dans les formes légales auprès du notaire chargé de la succession, au cas où l’actif successoral pouvait le supporter. Mais ceci est une autre question, à traiter par ailleurs…
France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 25 mars 2020, 18-22451 Sens de l’arrêt : Cassation partielle sans renvoi – Type d’affaire : Civile Numéro d’arrêt : 18-22451 Numéro NOR : JURITEXT000041914545 Numéro d’affaire : 18-22451 Numéro de décision : 12000237 Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2020-03-25;18.22451 La Cour de cassation, première chambre civile, a rendu l’arrêt suivant : CIV. 1 MY1 Cour de cassation Audience publique du 25 mars 2020 Cassation partielle sans renvoi Mme B…, président Arrêt n° 237 FS-P+B - Pourvoi n° A 18-22.451 République française - Au nom du peuple français Arrêt de la Cour de cassation, première chambre civile, du 25 mars 2020 Mme C... E..., domiciliée [...], a formé le pourvoi n° A 18-22.451 contre le jugement rendu le 20 juillet 2018 par le Tribunal d’instance de Limoges, dans le litige l’opposant à M. N... U..., domicilié [...] , défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. V…, conseiller référendaire, les observations de Me L P…, avocat de Mme E..., de Me B…, avocat de M. U..., et l’avis de Mme A-D-H…, avocat général référendaire, après débats en l’audience publique du 25 février 2020 où étaient présents Mme B…, président, M. V…, conseiller référendaire rapporteur, Mme K…, conseiller doyen, M. G…, Mmes D-A…, Teiller, MM. A…, M…, C…, Mme K-M…, conseillers, Mmes C…, D…, L G…, K…, M. S…, Mmes C…, C…, R-R…, conseillers référendaires, Mme A-D-H…, avocat général référendaire, et Mme R…, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l’art. R. 431-5 du Code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure Selon le jugement attaqué (tribunal d’instance de L…, 20 juillet 2018), rendu en dernier ressort, Mme E..., héritière de sa tante décédée, a formé opposition à une ordonnance d’injonction de payer une certaine somme au titre d’un contrat de prestations funéraires conclu avec M. U..., opérateur de pompes funèbres. Examen du moyen – Énoncé du moyen 2. Mme E... fait grief à l’arrêt d’accueillir la demande en paiement de M. U..., après avoir rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription biennale, alors "que l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ; qu’en retenant, pour écarter cette prescription, que la créance de M. U... n’était pas née de la relation entre un professionnel et un consommateur ou d’un contrat classique de droit de la consommation, tandis qu’il constatait qu’elle était née d’un contrat conclu entre un consommateur, Mme E..., et M. U..., professionnel des pompes funèbres, chargeant ce dernier de prestations pour l’inhumation de Mme B..., le Tribunal d’instance, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé par refus d’application l’art. L. 218-2 du Code de la consommation." Réponse de la Cour Vu l’art. L. 137-2, devenu L. 218-2 du Code de la consommation : 3. Aux termes de ce texte, l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans. 4. L’opérateur de pompes funèbres qui conclut un contrat de prestations funéraires avec un consommateur lui fournit un service, ce dont il résulte que l’action en paiement qui procède de ce contrat est soumise à la prescription biennale. 5. Il importe peu que la créance relève des frais funéraires, dès lors que, les dettes successorales ne faisant l’objet d’aucun régime de prescription dérogatoire, le seul fait qu’une dette puisse être mise à la charge d’une succession ne la soumet pas à un régime différent de celui qui s’applique en raison de sa nature. 6. Pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription biennale, le jugement retient que la créance litigieuse n’est pas née d’un contrat de consommation et que, dépendant du passif de la succession, les frais funéraires obéissent à la prescription quinquennale de droit commun. 7. En statuant ainsi, alors qu’il relevait que le contrat litigieux avait été conclu entre un professionnel et un consommateur aux fins de prestations funéraires, le tribunal, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 8. Après avis donné aux parties, conformément à l’art. 1015 du Code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du Code de l’organisation judiciaire et 627 du Code de procédure civile. 9. L’intérêt d’une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 10. La facture litigieuse a été établie le 12 novembre 2013. Le délai de prescription biennale de l’action en recouvrement de cette facture était donc expiré lorsqu’a été signifiée, le 4 septembre 2017, l’ordonnance d’injonction d’en payer le montant. Il en résulte que l’action en paiement de M. U... est prescrite. 11. Mme E... se borne à soutenir que l’action en paiement de M. U... est abusive, sans caractériser un tel abus, de sorte que sa demande de dommages-intérêts sera rejetée. Par ces motifs, la Cour : Casse et annule, sauf en ce qu’il reçoit l’opposition formée par Mme E... et déclare non avenue l’ordonnance d’injonction de payer du 2 août 2017, le jugement rendu le 20 juillet 2018, entre les parties, par le Tribunal d’instance de L… ; Dit n’y avoir lieu à renvoi ; Déclare prescrite l’action en paiement de M. U... ; Rejette la demande de dommages-intérêts de Mme E... ; Condamne M. U... aux dépens, incluant ceux exposés devant les juges du fond ; En application de l’art. 700 du Code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que, sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille vingt. Moyen annexe au présent arrêt : Moyen produit par Me L P…, avocat aux conseils, pour Mme E.... Le moyen reproche au jugement attaqué, d’avoir rejeté l’exception d’irrecevabilité tirée de la prescription soulevée par Mme E... et de l’avoir condamné au paiement d’une somme de 2 778,50 € en principal ; Aux motifs que la durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance ; que la créance de M. N... U... n’est pas née de la relation entre un professionnel et un consommateur ou d’un contrat classique de droit de la consommation, les dispositions de l’art. L. 218-2 du Code de la consommation ne sont donc pas applicables ; que Mme C... E... est l’unique héritière de sa tante Mme B..., et tenue à ce titre du passif et des dettes successorales ; que les frais funéraires ou d’obsèques font partie du passif de la succession, ils bénéficient à ce titre de la prescription quinquennale des créances de l’art. 2224 du Code civil ; que les factures litigieuses datent respectivement du 12 novembre 2013 (n° 756) et du 5 décembre 2013 (n° 759) et la citation en justice du 2 octobre 2017 interruptive de la prescription (art. 2244 du Code civil) a été délivrée à l’intérieur du délai de 5 ans ; que la prescription de l’action avait déjà été interrompue par la signification de l’ordonnance d’injonction de payer intervenue le 4 septembre 2017 ; que la jurisprudence décide qu’en termes d’injonction de payer, ce n’est pas la requête qui doit être considérée comme une demande en justice interrompant la prescription, mais la signification de l’ordonnance portant injonction de payer (cf. pour illustration Cour de cassation 1re chambre civile 11 mars 2010 n° de pourvoi : 09-12346) ; que l’action en paiement de M. N... U... à l’encontre de Mme C... E... n’est pas atteinte par la prescription et la fin de non-recevoir tirée de la prescription – et l’irrecevabilité à laquelle elle tend sera rejetée ; Alors que l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ; qu’en retenant, pour écarter cette prescription, que la créance de M. U... n’était pas née de la relation entre un professionnel et un consommateur ou d’un contrat classique de droit de la consommation, tandis qu’il constatait qu’elle était née d’un contrat conclu entre un consommateur, Mme E..., et M. U..., professionnel des pompes funèbres, chargeant ce dernier de prestations pour l’inhumation de Mme B..., le tribunal, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé par refus d’application l’art. L. 218-2 du Code de la consommation. |
Olivier Gehin
Professionnel funéraire
Journaliste
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