AA de Bordeaux, 14 octobre 2019 n°18BX03322
Absence de chambre funéraire – obligation de la commune – préjudice pour une société de pompes funèbres – obligation non sérieusement contestable (non)
Une société de pompes funèbres a demandé au juge des référés du tribunal administratif de condamner une commune à lui verser une provision de 300 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier et moral tiré de l'illégalité fautive commise par la commune en négligeant son obligation de créer une chambre funéraire.
Le juge des référés du tribunal administratif a rejeté la demande de la société
Aux termes des dispositions de l'art. R. 541-1 du Code de justice administrative : "Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. […]"
Pour le juge administratif, il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude.
Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état.
Au cas d’espèce, la cour administrative d’appel de B rappelle que, aux termes de l'art. L. 2223-19 du CGCT, le service extérieur des pompes funèbres est une mission de service public comprenant, notamment : 6° La gestion et l'utilisation des chambres funéraires.
Cette mission peut être assurée par les communes, directement ou par voie de gestion déléguée, sans d’ailleurs que les communes ou leurs délégataires ne bénéficient d'aucun droit d'exclusivité pour l'exercice de cette mission. Elle peut être également assurée par toute autre entreprise ou association bénéficiaire de l'habilitation prévue à l'art. L. 2223-23 du même Code.
Aux termes de l'art. R. 2223-29 du même Code, après la fermeture du cercueil, celui-ci peut être déposé temporairement dans un édifice cultuel, une chambre funéraire, au crématorium, à la résidence du défunt ou celle d'un membre de sa famille.
Enfin, aux termes de l'art. R. 2223-74 de ce Code, la création ou l'extension d'une chambre funéraire est autorisée par le préfet, après enquête publique, consultation du conseil municipal, avis du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques. La société, entreprise de pompes funèbres, soutenait que le refus de la commune, depuis l'année 2008, d'édifier une chambre funéraire sur son territoire constitue une carence fautive à l'origine d'un préjudice financier et moral.
Mais le tribunal et la cour relèvent que :
- la société a sollicité le 3 juillet 2008 une autorisation d'édifier une service mortuaire composé de salles d'autopsie, de préparation, de conservation et de présentation des corps, que le maire a procédé au retrait du permis de construire tacite qui avait été accordé au motif que le terrain d'assiette figurait en zone ND du plan d'occupation des sols de la commune, en précisant toutefois que l'intérêt général du projet de bâtiment mortuaire n'était pas remis en cause,
- il ne ressort pas des pièces du dossier que la société requérante aurait présenté ensuite un nouveau dossier de demande de création de chambre funéraire, depuis l'année 2008,
- qu’au surplus, la tradition et les préceptes religieux dominants sur le territoire prévoient une inhumation sans délai des corps sans passer par une chambre funéraire,
- dans ces conditions, au regard des dispositions précitées du CGCT, l'obligation invoquée par la société ne présente pas, en l'état de l'instruction, un caractère non sérieusement contestable.
La demande de provision est donc rejetée.
Résonance n° 157 - Février 2020
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