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Cour d'appel de Versailles, ch. 14, 24 novembre 2010, n° 10/01322

 

Dans cette affaire, Madame P. s'est adressée à la SARL Y pour l'organisation des obsèques de son mari. Madame P. a réglé la somme de 4 175,60 €.

Lors de la cérémonie, le 30 juin 2009, les opérations de crémation ont été interrompues suite à un appel du commissariat de police et à l'ouverture d'une enquête sur les causes du décès.

[…]

Motifs de l'arrêt,

Considérant que la crémation d'un corps entreposé jusqu'alors au funérarium suppose une mise en bière, le transport automobile et le port du cercueil jusqu'au salon ouvrant sur le crématorium ;

Que le déroulement des opérations a été interrompu dans le salon funéraire sur intervention du directeur du crématorium, employé municipal ;

Considérant que quelles que soient l'opportunité et le bien-fondé de la position adoptée par le directeur du crématorium à qui les services de police ont demandé d'attendre l'autorisation de crémation, il ne peut être contesté que l'intervention du directeur a eu pour la société pompes funèbres, les caractéristiques de la force majeure, et l'a contrainte à suspendre les opérations alors que le défunt avait été mis en bière, transporté du funérarium au crématorium, porté jusqu'au salon funéraire ;

Que si les prestations facturées en supplément par la société Y , avaient déjà été réalisées le 30 juin 2009, elles ont été nécessairement réitérées le 3 août 2009 et leur réitération était indispensable à l'accomplissement de la cérémonie qui a été arrêtée alors que le corps du défunt avait été amené et placé dans le salon funéraire ;

Que la société Y qui a été obligée de suspendre, ne peut prétendre obtenir de Mme P., le paiement d'une dépense supplémentaire que dans la mesure où

l'interruption de la cérémonie était indispensable, c'est-à-dire, dans la mesure où elle démontre qu'elle a eu connaissance de la disparition de tout obstacle dans un délai qui ne permettait pas la poursuite de la cérémonie jusqu'à son terme ;

Considérant qu'il résulte des procès-verbaux de police, versés aux débats après autorisation de Mme le procureur de la République près le tribunal de grande instance de P…, qu'à 16 heures 45 au plus tard, le directeur du funérarium d'H. a été avisé téléphoniquement de ce que l'autorisation de crémation lui serait télé-copiée et qu'à 17 heures la société Y a reçu cette autorisation en télé-copie ;

Qu'il n'est pas démontré par la société Y qu'il lui était irrépressiblement impossible de poursuivre la cérémonie commencée à 16 heures et seulement suspendue, alors même que l'autorisation de procéder à la crémation initiale n'avait pas été expressément rapportée par une réquisition écrite de l'autorité de police et que dès la fin de la matinée, elle pouvait être assurée, que les autorités de poursuite ne s'opposeraient pas à celle-ci ;

Qu'il n'est pas établi que la société Y ait effectué une quelconque démarche ou appel aux services de police pour estimer la gravité de la suspension demandée et évaluer sa durée ;

Que dès lors que la présentation au salon funéraire a débuté à 16 heures, le seul fait que le crématorium ne soit plus ouvert au public à partir de 18 heures, n'établit pas l'impossibilité de mener à son terme une crémation dont les obstacles avaient été levés à 17 heures ;

Qu'il convient dès lors de condamner la société Y à verser à Mme P. la somme de 1 000 € ;
Considérant qu'il résulte au surplus de l'échange des courriers postérieurs entre le conseil de Mme P. et la société Y que celle-ci n'a pas fait diligence pour que la cérémonie interrompue indûment soit reprise et achevée dans un délai décent, en exigeant de Mme P. une somme d'argent supplémentaire, des autorisations et signatures qu'elle possédait déjà avant le 30 juin 2009 alors que la situation juridique respective des parties qui n'avait pas changé, ne le justifiait pas ;

Que la situation dans laquelle a été placée Mme P. alors que commercialement la société Y se présente comme exerçant un métier de compassion, lui a occasionné un préjudice distinct de celui de la seule obligation d'effectuer un paiement supérieur à celui qui était prévu et justifie l'octroi d'une somme de 500 € de dommages et intérêts ;

Considérant que les faire-part de décès établis et facturés par la société Y mentionnent effectivement que V. et J. sont les arrières petits-enfants du défunt ;

Que pour autant Mme P. qui ne produit pas même les pièces d'état civil justifiant qu'ils sont les petits-enfants du défunt, succombe à l'obligation qui lui incombe, de rapporter la preuve de l'imputabilité à la société Y de cette erreur ;

Considérant que Mme P. a exposé, à l'occasion de l'instance, des frais qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge ; que la société Y doit être condamnée à lui verser 1 500 € en application de l'art. 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs ;

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement rendu entre les parties, le 11 février 2010, par le tribunal d'instance de S… ;

Statuant à nouveau,

Condamne la société Y à verser à Mme P. les sommes suivantes :

1 000 € (mille euros) en remboursement de la somme indûment versée,

500 € de (cinq cents euros) dommages et intérêts,

1 500 € (mille cinq cents euros) en application de l'art. 700 du Code de procédure civile ;

Déboute Mme Colette P. du surplus de ses demandes ;

Condamne la société Y aux entiers dépens de l'appel, autorisation étant donnée aux avoués en la cause, de les recouvrer conformément aux dispositions de l'art. 699 du Code de procédure civile.

Revue juridique n° 6 - Avril/Août 2019

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