La détermination de cette périphrase n’est pas anodine, tout particulièrement puisque seul le plus proche parent du défunt peut, par exemple, solliciter une exhumation à la demande des familles ; il paraît donc important de rappeler ce que recouvre cette notion.
Hors les cas d’exhumations administratives (reprise de concession abandonnée, reprise de concession échue, ou bien demande émanant d’autorités telles que la Sécurité sociale, le ministère de la Défense ou le Parquet), les exhumations peuvent avoir lieu à la demande des familles.
En effet, l’art. R. 2213-40 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) dispose que : "Toute demande d’exhumation est faite par le plus proche parent de la personne défunte. Celui-ci justifie de son état civil, de son domicile et de la qualité en vertu de laquelle il formule sa demande."
Malheureusement, la définition de cette périphrase ne se trouve pas dans le CGCT, et seule l’Instruction Générale relative à l’État Civil (IGEC) du 11 mai 1999 indique (§ 426-7) que : "À titre indicatif et sous réserve de l’appréciation de tribunaux, en cas de conflit, l’ordre suivant peut être retenu pour la détermination du plus proche parent : le conjoint non séparé (veuf, veuve), les enfants du défunt, les parents (père et mère), les frères et sœurs.
Néanmoins, la jurisprudence, dans un arrêt Rabaut/ville de Dunkerque (CE 9 mai 2005, req. n° 262977), était venue affirmer que : "L’autorité administrative compétente doit s’assurer, au vu des pièces fournies par le pétitionnaire, de la réalité du lien familial dont il se prévaut et de l’absence de parent plus proche du défunt que lui."
En outre, elle considère "qu’il appartient au pétitionnaire d’attester sur l’honneur qu’il n’existe aucun autre parent venant au même degré de parenté que lui, ou, si c’est le cas, qu’aucun d’eux n’est susceptible de s’opposer à l’exhumation sollicitée". Ainsi, il apparaissait que, saisi d’une exhumation, le maire devait simplement s’assurer que le demandeur était bien le plus proche parent du défunt et qu’aucun autre parent venant au même degré ne s’opposerait à cette opération.
Le problème de l’absence de hiérarchie entre les degrés de parenté
Si l’arrêt du 9 mai 2005 semblait clore les possibilités de conflits, force est de constater qu’il n’en fut rien. En effet, seule l’IGEC donne cette définition, et ce n’est qu’une simple circulaire. Ainsi récemment, la cour administrative d’appel de Bordeaux (CAA Bordeaux 5 juin 2008 req. n° 07BX00828) était venue affirmer que : l’on "ne saurait se prévaloir… d’une instruction générale du 11 mai 1999 [il s’agit de l’IGEC], qui se rapporte aux actes de l’état civil et non aux autorisations d’exhumations [sic], pour soutenir que les enfants de M. C… ne pourraient être regardés comme étant parents de ce dernier au moins au même degré de parenté que Mme C… épouse".
Ainsi, le juge met à mal le seul document qui évoque la notion de plus proche parent. Il est vrai, néanmoins, que l’instruction n’est pas normative ; et prévoit qu’elle cédera devant l’appréciation des tribunaux. Cependant, cette jurisprudence, tout en reprenant scrupuleusement les motivations du raisonnement du CE dans l’affaire du 9 mai 2005, en tire une conséquence qui, en quelque sorte, en annihile la portée.
Si, lors d’un conflit familial, le plus proche parent ne peut être contrarié dans sa demande d’exhumation que par une personne venant au même degré de parenté que lui, ce degré de parenté est une notion sur laquelle la commune ne peut avoir aucune lumière, puisque l’ordre proposé par l’IGEC ne tient pas, selon la CAA.
Enfonçons alors le clou
Comme il n’existe aucun ordre légal de parenté, il convient systématiquement, lorsque le maire est confronté à un tel litige, de surseoir à la délivrance de l’autorisation et d’inviter les parties à saisir le tribunal de grande instance (TGI), seul qualifié à se prononcer.
Il convient donc de bien insister sur le fait que, saisi d’un litige familial, le maire ne doit en aucun cas spéculer sur le degré de parenté, mais systématiquement renvoyer au TGI cette appréciation. Or, on sait que le juge répugne alors à l’exhumation, au motif que les divisions des vivants ne doivent pas perturber le repos des morts…
Concubinage et absence de qualité de plus proche parent
En effet, juridiquement, un concubin n’est pas un conjoint (seules les personnes mariées le sont), et ne peut en aucun cas être qualifié de plus proche parent du défunt. Il ne pourrait solliciter l’exhumation du défunt que dans le cas où il arrive à prouver que, lors de l’inhumation, la volonté du défunt n’avait pas été respectée, et que l’exhumation est alors le seul moyen de rétablir cette volonté (CA Poitiers, 7 mars 2007, B. c/ L. : JurisData n° 2007-346352, D. Dutrieux, "Volonté du défunt et volonté du fondateur de la sépulture" : JCP N 2008, 1178).
Il arrive néanmoins que l’on contourne le problème, par exemple lorsque le compagnon d’un défunt n’agit pas en son nom propre mais en celui de représentant d’un enfant mineur du couple (TA Amiens, 17 juin 2010, n° 0702811, M. et Mme T… S…-B… ).
Il est d’ailleurs paradoxal de constater que, si le concubin voit sa possibilité d’exhumer quasiment réduite à néant même en cas de non-opposition de la famille, il peut parfaitement encore une fois, en l’absence de toute qualification juridique de la notion, être la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles, tant le juge, adopte une démarche fondée uniquement sur des critères de proximité dans la détermination de cette personne, en cas de conflit relatif aux inhumations.
Philippe Dupuis
Consultant au Cridon, chargé de cours à l’université de Valenciennes, formateur en droit funéraire pour les fonctionnaires territoriaux au sein des délégations du CNFPT
Résonance n° 155 - Novembre 2019
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