La preuve de la qualité d’héritier se fait par tous moyens en droit français (art. 730 du Code civil). Le plus souvent, cette preuve sera démontrée par un acte de notoriété dressé par un notaire à la demande des héritiers (art. 730-1 du Code civil). Les certificats d’hérédité continuent néanmoins d’exister à côté de ces actes de notoriété (réponse ministérielle n° 12253, JOAN, Q 31 mars 2003).
Définition du certificat d’hérédité
Une instruction ministérielle n° 82-156 B de la Direction de la comptabilité publique du 1er septembre 1982 avait ainsi autorisé les comptables publics à procéder au payement de certaines dettes sur simple production par l’héritier d’un certificat d’hérédité délivré gratuitement par le maire de la commune de sa résidence ou de celle du défunt, dès lors que le montant de la créance est inférieur à 5 300 €.
Cette instruction consacre une pratique administrative datant de 1809, mais jamais encadrée par la loi. Ce moyen de preuve simplifié a connu un certain succès, même auprès d’organismes pour lesquels il n’avait pas été prévu. Des débiteurs de la succession autres que les organismes publics, par exemple certains établissements bancaires, se satisfont ainsi parfois d’un certificat d’hérédité pour par exemple débloquer à la demande d’un héritier les fonds déposés sur un compte ouvert au nom du défunt, et ce alors même que l’instruction précitée ne leur est pas applicable et qu’ils pourraient exiger un acte notarié.
Attention, le certificat emporte seulement une présomption de qualité d’héritier. Cette présomption pourra tomber, et par exemple, comme l’énoncent les articles 730-2 et 730-4 du Code civil, la demande d’un certificat d’hérédité n’emporte pas acceptation de la succession de la part de celui qui en fait la demande. Ces documents ne résultent que d’une simple pratique administrative. Ils sont établis de façon discrétionnaire par le maire selon un modèle qu’il aura librement composé (V. not. Rép. Min. Justice n° 52502 : JOAN Q, 1er fév. 2005, p. 1138). Parallèlement, les notaires peuvent délivrer des certificats de notoriété, qui équivalent aux certificats d’hérédité. Le nouvel art. 730-1 du Code civil précise, de plus, qu’une mention de délivrance sera inscrite sur l’acte de décès de l’intéressé.
Compétence matérielle du maire
C’est le maire qui est compétent pour établir un certificat d’hérédité, en sa qualité d’agent de l’État (Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), art. L. 2122-27), et non en celle d’officier d’état civil, un tel certificat ne constituant pas un acte d’état civil. Les agents municipaux chargés d’établir les certificats d’hérédité doivent par conséquent bénéficier d’une délégation de signature (V. CGCT, art. L. 2122-18 et L. 2221-19) distincte de celle d’officier d’état civil.
Le maire territorialement compétent est soit celui de la commune dans laquelle résidait le défunt, soit celui de celle dans laquelle réside l’héritier demandeur, au choix de ce dernier. Un justificatif de résidence ne peut plus être exigé du demandeur (V. D. n° 2000-1277, 26 déc. 2000 : JO 28 déc. 2000, p. 20747). Une simple déclaration sur l’honneur suffit. On peut donc réclamer un tel certificat dans plusieurs communes, cela n’est pas grave, car la délivrance d’un tel document ne crée pas de droit à recouvrir des sommes, mais, simplement, servira à justifier la demande d’un versement. Notons que, si la déclaration est un faux, l’Administration pourra toujours saisir le parquet.
La délivrance de ces certificats étant à la libre appréciation du maire, un second mode de preuve simplifié pourra être utilisé de manière plus simple.
Une preuve simplifiée de la qualité d’héritier
Nonobstant les règles concernant les personnes dépourvues de ressources suffisantes, les frais funéraires sont liés normalement à la succession. L’acceptation d’une succession entraîne ainsi normalement le paiement de ces frais. La renonciation, elle, ne libérera pas nécessairement de ces frais, que, longtemps, la jurisprudence a considérés comme une obligation alimentaire vis-à-vis du mort.
Cette position est désormais codifiée à l’art. 806 du Code civil, issu de la loi n° 728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et libéralités. Cet article dispose en effet que : "Le renonçant n’est pas tenu au paiement des dettes et charges de la succession ; toutefois, il est tenu à proportion de ses moyens au paiement des frais funéraires de l’ascendant ou du descendant à la succession duquel il renonce."
Il faut aussi préciser que, corollairement, le nouvel art. 784 du Code civil prévoit alors que le paiement de ces frais ne vaut pas acceptation tacite de la succession : "Les actes purement conservatoires ou de surveillance et les actes d’administration provisoire peuvent être accomplis sans emporter acceptation de la succession, si le successible n’y a pas pris le titre ou la qualité d’héritier. Tout autre acte que requiert l’intérêt de la succession et que le successible veut accomplir sans prendre le titre ou la qualité d’héritier doit être autorisé par le juge. Sont réputés purement conservatoires : 1° Le paiement des frais funéraires et de dernière maladie, des impôts dus par le défunt, des loyers et autres dettes successorales dont le règlement est urgent."
Une proposition de loi (Prop. L. AN n° 225, 26 sept. 2012 : JCP N 2012, n° 40, act. 878 ; JCP A 2012, n° 40, act. 646) avait proposé de "légaliser" la faculté de prélever ces frais directement sur le compte bancaire du défunt. En effet, la pratique bancaire actuelle – puisque des prélèvements étaient jusqu’alors illégalement opérés – se fondait indirectement sur une instruction de la Direction de la comptabilité publique du 31 mars 1976 visant les comptes de dépôt ouverts par les particuliers auprès du Trésor public et devenue sans objet depuis le 31 décembre 2001 (date à laquelle les comptables du Trésor ont définitivement mis fin à la gestion de comptes de particuliers).
Le Gouvernement a finalement repris cette idée dans son projet qui allait devenir la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires (JO du 27 juillet 2013, p. 12530). Le Code monétaire et financier (art. 72 de la loi n° 2013-672) a donc été complété à l’époque par un art. L. 312-1-4 selon lequel : "Sous réserve de justifier de sa qualité d’héritier, tout successible en ligne directe peut :
"1° Obtenir, sur présentation des factures, du bon de commande des obsèques ou des avis d’imposition, le débit sur les comptes de paiement du défunt, dans la limite des soldes créditeurs de ces comptes, des sommes nécessaires au paiement de tout ou partie des actes conservatoires, au sens du 1° de l’art. 784 du Code civil, auprès des établissements de crédit teneurs desdits comptes, dans la limite d’un montant fixé par arrêté du ministre chargé de l’Économie ;
"2° Obtenir la clôture des comptes du défunt et le versement des sommes y figurant, dès lors que le montant total des sommes détenues par l’établissement est inférieur à un montant fixé par arrêté du ministre chargé de l’Économie.
"Pour l’application des 1° et 2°, l’héritier justifie de sa qualité d’héritier auprès de l’établissement de crédit teneur desdits comptes soit par la production d’un acte de notoriété, soit par la production d’une attestation signée de l’ensemble des héritiers, par lequel ils attestent :
"a) Qu’il n’existe pas de testament ni d’autres héritiers du défunt ;
"b) Qu’il n’existe pas de contrat de mariage ;
"c) Qu’ils autorisent le porteur du document à percevoir pour leur compte les sommes figurant sur les comptes du défunt ou à clôturer ces derniers ;
"d) Qu’il n’y a ni procès, ni contestation en cours concernant la qualité d’héritier ou la composition de la succession.
"Pour l’application du présent 2o, l’attestation mentionnée au cinquième alinéa doit également préciser que la succession ne comporte aucun bien immobilier.
"Lorsque l’héritier produit l’attestation mentionnée au cinquième alinéa, il remet à l’établissement de crédit teneur des comptes :
"- son extrait d’acte de naissance ;
"- un extrait d’acte de naissance du défunt et une copie intégrale de son acte de décès ;
"- le cas échéant, un extrait d’acte de mariage du défunt ;
"- les extraits d’actes de naissance de chaque ayant droit désigné dans l’attestation susmentionnée ; ;
"- un certificat d’absence d’inscription de dispositions de dernières volontés."
L’arrêté prévu est paru (arrêté du 25 octobre 2013 relatif au règlement des frais funéraires, NOR : EFIT1325177, JO du 10 décembre 2013) et vient fixer un montant de 5 000 €.
Dans l’hypothèse où la famille refuserait malgré tout de s’acquitter des frais des funérailles, il est aussi possible d’agir contre les biens meubles de la succession, en utilisant le privilège de l’art. 2331 du Code civil. Ce puissant outil juridique transforme ainsi celui qui a payé en créancier privilégié de la succession, et doit lui permettre, quel qu’il soit (commune, société de pompes funèbres, ami), d’obtenir son remboursement. La seule exception au paiement des frais est donc désormais le cas de la personne dépourvue de ressources suffisantes.
On remarquera, tout particulièrement, qu’on glisse insensiblement de la notion de personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles à celle d’héritier en ligne directe, or, si le premier ne pouvait obtenir que le remboursement des frais funéraires avancés, le second pourra obtenir, sous les conditions décrites par ces nouveaux alinéas, l’avance de ceux-ci sur présentation du bon de commande émanant de l’opérateur funéraire.
Cette modification, dont les motifs sont plutôt à rechercher dans la volonté d’alléger le travail des communes qui continuent de délivrer des certificats d’hérédité, n’en n’a donc pas moins des répercussions en matière du paiement des obsèques, en instituant un mode de preuve simplifié pour l’héritier lorsqu’il n’y a aucun conflit familial et que la succession est simple.
Philippe Dupuis
Consultant au Cridon, chargé de cours
à l’université de Valenciennes,
formateur en droit funéraire
pour les fonctionnaires territoriaux au sein
des délégations du CNFPT.
Résonance numéro spécial - Août 2019
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