Une formalité trop souvent oubliée : quand le maire doit rendre compte de l'attribution des concessions funéraires devant le conseil municipal.
La concession funéraire, lorsqu'elle est octroyée par le maire, est une décision, et le maire doit nécessairement rendre compte de son octroi devant le conseil municipal ainsi que le prévoient les dispositions idoines du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT). Cour administrative d’appel de Nancy 27 juin 2019, n° 18NC01323.
Les faits : l’information du conseil municipal
Voici l'occasion de mettre en lumière une obligation du maire, qui n'avait à notre connaissance jamais été appliquée au droit funéraire par le juge, celle de l'obligation pour un maire délivrant des concessions funéraires d'en rendre compte devant son conseil municipal à la réunion de celui-ci suivant la délivrance de ces contrats. En effet, le maire d'E-L-N s'est vu reprocher par un conseiller municipal, à cette occasion, de ne pas avoir communiqué les identités des titulaires de ces concessions. Sur ce fondement, est demandée l'annulation des sept concessions funéraires octroyées par le maire. Explications.
Délivrance des concessions funéraires : délégation possible au maire
L’art. L. 2122-22 du CGCT dispose que : "Le maire peut […], par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : 8° de prononcer la délivrance […] des concessions dans les cimetières. La concession funéraire est accordée par un arrêté du maire, mais est en réalité un contrat administratif entre deux parties, ainsi que le rappelle cet arrêt. D’ailleurs, il serait plus correct de parler de décision du maire que d’un arrêté, puisque il s’agit d’un arrêté intervenant dans le domaine de compétence du conseil municipal.
C’est donc le conseil municipal qui dispose de la compétence de délivrance des concessions, mais, dans un souci de bonne administration, il est extrêmement fréquent en pratique que ce droit ait été délégué au maire. Il convient ainsi de remarquer que, sans délégation, le maire ne peut délivrer de concession" :
- qu’il résulte de ces dispositions que, pour délivrer ou refuser des concessions dans les cimetières, le maire d’une commune doit avoir été habilité par une délibération précédemment adoptée par le conseil municipal ;
- que le maire de C-l-P n’a produit aucune délibération du conseil municipal lui déléguant le pouvoir de prononcer la délivrance et la reprise des concessions dans les cimetières ;
- qu’en l’absence d’une telle délégation, le maire de C-l-P n’était pas compétent pour prendre la décision en date du 13 avril 2005 refusant d’accorder à M. X une concession dans le cimetière communal" ; (Cour administrative d’appel de Bordeaux 6 janvier 2009, n° 07BX02269).
Or, l’art. L. 2122-23 du même Code fait alors obligation au maire de rendre compte lorsqu’il agit sur le fondement de cette disposition : "Le maire doit rendre compte à chacune des réunions obligatoires du conseil municipal." C’est ce que rappelle opportunément l’arrêt lorsqu’il dispose que : "Il ressort du compte rendu de la séance du conseil municipal de la commune d’E-l-N du 20 juin 2016 que, lors de cette séance, le maire a rendu compte aux élus, comme l’art. L. 2122-23 lui en faisait l’obligation, des concessions funéraires qu’il a accordées en application de la délégation qu’il a reçue, en indiquant la durée de chaque concession, la localisation et le prix."
D'ailleurs, et même si la question n'était pas posée, on pourrait s'interroger sur le fait que pourrait être annulée par le juge une concession funéraire pour laquelle cette obligation n'aurait pas été respectée. Il nous semble que le moyen pourrait être accueilli, et que les communes devraient être des plus prudentes sur le respect de ce formalisme.
La teneur des informations pertinentes portées à la connaissance du conseil
Ici, le juge confirme que l’identité des demandeurs n’a pas à être divulguée : "Si le maire n’a pas communiqué les noms des bénéficiaires pour protéger les familles endeuillées, il a, en revanche, permis à M. C de prendre connaissance des contrats de concession passés. Dans ces conditions, M. C n’est pas fondé à contester la validité des contrats de concession funéraire consentis au motif que les élus n’auraient pas été suffisamment informés."
Déjà par le passé, la CADA (Commission d’Accès aux Documents Administratifs), par un avis "Maire d’U" (réf. n° 20022097 du 16 mai 2002), avait estimé qu’un registre des concessions, faisant apparaître les conditions dans lesquelles sont inhumées les personnes défuntes, ne pouvait être transmis aux administrés qu’après occultation des noms des personnes qui y figurent, ou, a contrario, dans un avis donné au maire de M (réf. n° 20034250 du 6 novembre 2003), la CADA accepta la communication d’une copie d’acte de concession au frère du concessionnaire, l’acte étant destiné à l’inhumation de la mère du demandeur du document, il n’y avait alors pas atteinte à la vie privée de par la proximité familiale du demandeur avec le bénéficiaire de la concession.
Philippe Dupuis
Consultant au Cridon, chargé de cours à l’université de Valenciennes, formateur en droit funéraire pour les fonctionnaires territoriaux au sein des délégations du CNFPT
Résonance numéro spécial - Août 2019
Suivez-nous sur les réseaux sociaux :