Parution d’un décret relatif à la mise en bière de corps dans un cercueil dont l’intérêt est de clarifier les possibilités de déroger à l’obligation d’un corps par cercueil. En effet, si cette hypothèse a toujours été stricte, le cas de la parturiente décédée au moment de son accouchement et de son enfant décédé également, ou bien celui de plusieurs enfants issus de la même mère également décédés au moment de l’accouchement, souffrait d’une rédaction qui ne correspondait plus à une terminologie précise. Le décret vient corriger ce défaut.
Le cercueil est obligatoire et ne peut contenir qu’un seul corps, excepté, depuis longtemps, les dispositions de l’art. R. 2213-16 du Code Général des Collectivités Territoriales selon lesquelles : "Il n’est admis qu’un seul corps dans chaque cercueil. Toutefois, est autorisée la mise en bière dans un même cercueil des corps :
1° De plusieurs enfants mort-nés de la même mère ;
2° D’un ou plusieurs enfants mort-nés et de leur mère également décédée."
Cette formulation est désormais rénovée par le décret précédemment cité ; et dorénavant, la formulation de cet article est la suivante : "Il n’est admis qu’un seul corps dans chaque cercueil. Toutefois, est autorisée la mise en bière dans un même cercueil des corps :
1° De plusieurs enfants sans vie d’une même mère ou enfants nés vivants puis décédés après l’accouchement ;
2° De la mère et d’un ou plusieurs de ses enfants sans vie ou nés vivants puis décédés après l’accouchement.
Les 1° et 2° ne sont applicables que si le premier décès intervient au plus tard au moment de l’accouchement ou peu de temps après et que le dernier décès intervient avant la fin du délai légal d’inhumation ou de crémation suivant le premier décès."
On constate donc que le vocable "enfant-mort-né" est systématiquement remplacé tout à la fois par celui d’ "enfant sans vie" ou celui d’ "enfant décédé après l’accouchement".
Il n’est pas inutile de rappeler que la Cour de cassation décida par le passé (Cour de cassation, 6 février 2008, reqs nos 06-16.498/499/500) que le seuil de viabilité de 500 g ou 22 semaines d’aménorrhée, jusque-là usuellement retenu pour distinguer le fœtus de la pièce anatomique, ne pouvait être retenu par l’Administration pour empêcher l’octroi de la qualité d’enfant sans vie.
En effet, le juge releva que cette définition de la viabilité avait été introduite dans une circulaire (document qui ne peut être invoqué à l’encontre d’un administré, puisqu’il ne créait pas de droit à l’époque, même si la question est plus délicate aujourd’hui) et que le Code civil, en son art. 79-1, ne mentionnait aucunement un tel seuil. Dans la ligne de l’interprétation donnée par la Cour de cassation de l’art. 79-1, on pouvait s’autoriser à penser qu’un acte d’enfant sans vie aurait pu être dressé pour tout fœtus quel que soit le temps de gestation ou son poids.
Cette solution présentait l’avantage de surmonter la qualification de pièce anatomique d’origine humaine pour les fœtus décédés in utero de moins de 500 g ou 22 semaines d’aménorrhée, et ainsi, de pouvoir procéder à leur inhumation, sans dépendre aucunement de l’appréciation des autorités. L’enfant sans vie est donc celui pour lequel le certificat d’accouchement pouvait être établi : or, le certificat est délivré quel que soit le poids ou le nombre de semaines d’aménorrhée (absence de menstruations) dans toutes les hypothèses d’accouchement spontané ou d’accouchement provoqué pour raisons médicales, dont les IMG (Interruptions Médicales de Grossesse).
En revanche, il ne sera pas délivré de certificat en cas d’IVG (Interruption Volontaire de Grossesse) ou en cas d’interruption spontanée précoce de grossesse (fausse couche précoce). Ainsi, aucun certificat ne sera délivré si la femme, dans les quatorze semaines d’aménorrhée du délai légal, recourt à l’avortement, alors qu’aucun délai n’est réglementairement exigé pour une interruption médicale de grossesse. La contradiction n’est qu’apparente, car la détection d’un éventuel problème ne se fera (théoriquement) qu’au minimum lors de la première échographie qui n’intervient qu’aux alentours des 12e à 14e semaines d’aménorrhée.
Le second cas est, lui, plus délicat : il ne sera pas non plus délivré de certificat dans le cas de Fausse Couche Spontanés Précoce (FCSP). Que faut-il entendre par un tel terme ? Dans le fascicule "De la conception à la naissance" du programme DCEM2-DCEM4 (éd. Masson, sous la coordination de J.-M. Antoine, p. 18), on peut lire : "Une fausse couche correspond à un arrêt de la grossesse avant la période de viabilité fœtale théorique, soit 22 semaines d’aménorrhée (SA).
Théoriquement, la fausse couche correspond à l’expulsion spontanée du produit de conception. On parle de "fausse couche spontanée précoce" jusqu’à la fin de la période embryonnaire, soit 12 SA. Entre 12 et 22 SA, lorsque l’activité cardiaque fœtale s’interrompt avant l’expulsion, on parle de "mort fœtale in utero". Lorsque l’expulsion se produit alors que le fœtus est encore vivant (au moins lors de l’entrée en travail), on parle de "fausse couche spontanée tardive". L’établissement de l’acte d’enfant sans vie est ainsi subordonné à la présentation d’un certificat médical d’accouchement.
Ainsi, cet acte d’enfant sans vie permettra l’inhumation dans le même cercueil que la mère également décédée ou que d’autres enfants sans vie également décédés dans le même délai.
Le décret vient aussi préciser que l’ouverture de cette possibilité d’inhumation est admise pour les enfants "nés vivants puis décédés après l’accouchement". Il s’agit de ce qui était aupa-ravant considéré comme un enfant né viable ; il nous fournit également le laps de temps pendant lequel cette catégorie de défunt peut bénéficier de cette possibilité.
En effet, il est exigé que : "Le premier décès intervient au plus tard au moment de l’accouchement ou peu de temps après et que le dernier décès intervient avant la fin du délai légal d’inhumation ou de crémation suivant le premier décès." Au final, et au-delà de ce qui ne semblait qu’une simple correction terminologique, le délai pendant lequel il pourra être fait utilisation de cette possibilité est donc étendu, puisque l’art. R. 2213-33 du CGCT dispose que l’inhumation a lieu :
- si le décès s’est produit en France, vingt-quatre heures au moins et six jours au plus après le décès ;
- si le décès a eu lieu dans les collectivités d’outre-mer, en Nouvelle-Calédonie ou à l’étranger, six jours au plus après l’entrée du corps en France.
Les dimanches et jours fériés ne sont pas compris dans le calcul de ces délais. Des dispositions analogues (R. 2213-35 du CGCT) existent pour la crémation.
Décret n° 2019-335 du 17 avril 2019 relatif à la mise en bière de corps dans un cercueil, JO 19 avril 2019 Le Premier ministre, |
Philippe Dupuis
Consultant au Cridon, chargé de cours à l’université de Valenciennes,
formateur en droit funéraire pour les fonctionnaires territoriaux au sein des délégations du CNFPT.
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