La décision concerne le recours contre un délai de livraison et de pose de monuments funéraires.
Par jugement en date du 15 juin 2017, le tribunal de grande instance de Metz a statué comme suit :
Dit et juge abusive et réputée non écrite la clause figurant dans le contrat n° 01830 passé entre Mme P. A. et la SARL MPF H qui est la suivante : "Nos délais ne sont donnés qu’à titre indicatif et ne peuvent donner lieu, en cas de retard ne dépassant pas trois mois, à aucune indemnité, réduction de prix ou annulation de commande."
Motifs de la décision :
1° Sur la demande en résolution du contrat fondée sur le défaut de respect de l’art. L. 111-1 du Code de la consommation :
Il est constant que le contrat n° 01830 passé le 28 avril 2015 entre les parties, consistant dans la création et la livraison d’un monument funéraire, mentionne au titre de la "livraison, date approximative", uniquement l’indication du mois de juillet, sans qu’il soit discuté qu’il s’agit bien de juillet 2015.
Le fait que le premier juge ait considéré comme abusive, sans être contesté sur ce point, la clause par laquelle la société B. indiquait que ses délais n’étaient donnés qu’à titre indicatif, a pour conséquence que la société est tenue par les délais qu’elle a elle-même indiqués.
L’art. L. 111-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction applicable lors de la commande litigieuse, impose au professionnel d’indiquer, en l’absence d’exécution immédiate du contrat, "la date ou le délai auquel le professionnel s’engage à livrer le bien".
Il résulte de la rédaction de cet article qu’il n’est pas nécessairement imposé au professionnel de donner une date précise, puisqu’il peut également donner un délai.
Dans ces conditions, la seule indication du mois de juillet 2015 sans plus de précision, ne permet effectivement pas de déterminer une date précise au jour près, mais permet en revanche d’avoir connaissance d’un délai de livraison, en l’occurrence trois mois.
En outre, le contenu des mails échangés fait clairement apparaître que Mme C. P. avait parfaitement conscience de ce que le délai de livraison indiqué couvrait l’ensemble du mois de juillet, puisqu’elle demandait, dans son mail du 7 juillet 2015 à 9 h 51, à avoir la garantie, notamment, d’un délai de livraison au 31 juillet 2015, et que, si ce délai était dépassé, les consorts P. n’auraient pas à payer le solde, "mais uniquement l’acompte déjà encaissé".
Dès lors, l’indication donnée dans le bon de commande, en ce qu’elle donnait un délai de livraison sur lequel il n’apparaît pas que les consorts P. aient pu se méprendre, apparaît suffisante au regard des dispositions de l’art. L. 111-1 précité.
Par ailleurs, le Code de la consommation n’édicte aucune sanction automatique de nullité en cas de non-respect des dispositions de l’art. L. 111-1 précité, et ces sanctions doivent par conséquent s’apprécier au regard du droit commun des contrats et en fonction de la gravité des manquements et de leurs conséquences pour le consommateur.
Par conséquent, la sanction de l’inobservation de l’obligation faite au professionnel de mentionner avec précision la date ou le délai de livraison du bien vendu ne pourrait être la nullité du contrat que si l’attitude du professionnel, dans la rédaction de ces mentions, avait eu des conséquences dolosives ou avait entraîné pour son co-contractant une erreur sur les qualités substantielles du bien objet du contrat, ce qui n’est ni allégué ni démontré en l’espèce.
Quant à la référence faite par les appelants aux dispositions des articles L. 138-1 et L. 138-2 du Code de la consommation dans leur rédaction applicable au litige, selon laquelle le consommateur pourrait "immédiatement résoudre le contrat lorsque le professionnel refuse de livrer le bien ou de fournir un service", celle ci n’apparaît pas fondée en l’espèce.
Il est constant que l’ancien art. L. 138-1 faisait obligation au professionnel de livrer le bien ou fournir le service "à la date ou dans le délai indiqué au consommateur".
En l’espèce, le délai indiqué expirait le 31 juillet 2015, de sorte que les consorts P. sont mal fondés à se prévaloir de l’article précité pour exiger une résolution du contrat avant cette date.
De surcroît, l’art. L. 138-2 du Code de la consommation prévoit, en cas de manquement du professionnel à son obligation de livraison du bien à la date convenue, que "le consommateur peut résoudre le contrat par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par un écrit sur un autre support durable, si, après avoir enjoint, selon les mêmes modalités, le professionnel d’effectuer la livraison ou de fournir le service dans un délai supplémentaire raisonnable, ce dernier ne s’est pas exécuté dans ce délai".
Or il est constant, ainsi que relevé par le premier juge, qu’un tel courrier recommandé enjoignant la SARL B. de livrer le bien commandé "dans un délai supplémentaire raisonnable" n’a jamais été envoyé, puisque au contraire Mme C. P., dès le 7 juillet 2015 à 14 h 19, en suite de la réponse que lui faisait M. F. pour la SARL B., annonçait elle-même que les consorts P. ne souhaitaient plus faire affaire avec cette société et réclamaient le remboursement de l’acompte.
Outre que cette demande de résolution pour inexécution est intervenue avant même l’expiration du délai prévu pour la livraison du bien, il est constant qu’elle n’a été précédée d’aucun courrier dans les formes prévues à l’art. L. 138-2 précité, et le courrier recommandé du 21 juillet 2015, intitulé "demande de résolution pour inexécution du contrat", postérieur au courriel du 7 juillet, ne répare en rien cette carence.
Le jugement dont appel doit donc être confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de résolution du contrat fondée sur l’inobservation des dispositions précitées.
2° Sur la demande en résolution pour inexécution :
Il résulte des explications des appelants que ceux-ci considèrent, au vu des courriels échangés, que la SARL B., compte tenu du retard pris dans l’exécution des travaux lui étant confiés, avait fait la preuve de sa carence de sorte que l’inexécution du contrat était en tout état de cause avérée avant même la décision prise par les consorts P.
La cour ne peut que rappeler, à l’instar du premier juge, que le délai de livraison expirait au 31 juillet 2015 de sorte que les appelants ne pouvaient avant cette date anticiper sur un éventuel non-respect du délai de livraison, quoi qu’il en soit de l’état d’avancement de la commande au vu des courriers échangés.
Il résulte des pièces produites que la SARL B. avait, dès le 30 avril 2015, demandé une intervention prioritaire auprès des PFL de M.
Par la suite, des croquis ont été adressés à Mme P. le 12 juin 2015 à la suite de quoi celle-ci s’est plainte de n’avoir pas été destinataire d’une simulation, laquelle lui a finalement été envoyée le 7 juillet 2015 par mail à 9 h 38. La réception de ce document, non versé aux débats, devait par la suite engendrer le courriel de résolution de Mme P., apparemment davantage fondé sur un grief de non-respect du modèle choisi que sur un problème de délai.
Enfin, par courrier recommandé du 21 juillet 2015, les consorts P. confirmaient leur souhait de résolution du contrat "pour inexécution", en énumérant différents griefs à l’encontre de leur co-contractante, lesquels ne sont cependant pas illustrés par les pièces produites au dossier, et ne pouvaient pas en tout état de cause permettre d’anticiper sur une éventuelle inexécution finale de la prestation convenue.
L’examen de ces divers échanges ne permet nullement de considérer comme rapportée la preuve d’une carence totale de la SARL B. dans l’exécution de la commande qui lui était passée, et en tout état de cause, en prenant dès le 7 juillet 2015 l’initiative de la résolution du contrat, les consorts P. ne pouvaient ultérieurement faire grief à leur co-contractant de n’avoir pas mené à bien une prestation dont ils avaient eux-mêmes interrompu l’exécution.
Il convient donc également de confirmer la décision du premier juge en ce qu’il a rejeté la demande en résolution pour inexécution.
3° Sur la demande subsidiaire en restitution d’une somme de 3 480 € :
En application de l’art. 565 du Code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
En l’espèce, la demande subsidiaire en restitution tend aux mêmes fins que les demandes originelles des consorts P., en ce qu’elle tend également à tirer les conséquences de l’inexécution du contrat passé entre les parties, en limitant toutefois le montant réclamé, puisque les consorts P. réclamaient déjà, en première instance, restitution d’une somme de 10 440 €.
Il convient donc de rejeter l’exception d’irrecevabilité formée par la SARL B.
Au fond, il est constant que les conditions générales de la SARL MPF H. B. prévoient sous la rubrique "annulation de commande" que, "hors les cas prévus à l’art. 3 ci-dessus, toute annulation de commande avant le début des travaux, quelle qu’en soit la cause, donnera lieu à dommages et intérêts fixés forfaitairement des travaux à 30 % du prix hors taxes convenu. Si les travaux ont été entrepris avant l’annulation, le client sera, en toutes éventualités, redevable des frais réellement supportés".
En l’occurrence, si les documents produits laissent supposer que les travaux avaient bien débuté lorsque est intervenue l’annulation de commande, la SARL B. ne prouve cependant pas que ceux-ci auraient atteint un coût supérieur à 30 % du prix hors taxes convenu.
Dans ces conditions, elle ne peut prétendre conserver par devers elle un montant supérieur à 30 % du prix convenu, étant observé que seul le prix TTC est connu, soit la somme de 5 220 €, de sorte qu’il convient de faire droit à la demande subsidiaire des consorts P., et de condamner la SARL MPF H. B. à leur restituer la somme de 3 480 € avec les intérêts légaux à compter du présent arrêt.
Le jugement dont appel sera également confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral, eu égard aux circonstances et à l’imputabilité de la rupture du contrat, et en ce qu’il a condamné les consorts P., en première instance, au paiement des dépens ainsi que d’une somme de 1 600 € au titre de l’art. 700 du Code de procédure civile.
À hauteur d’appel et compte tenu du fait que les demandes des consorts P. ne sont que très partiellement accueillies, l’équité n’impose pas de faire application de l’art. 700 du Code de procédure civile, et les dépens seront partagés par moitié.
Par ces motifs
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement déféré, uniquement en ce qu’il a rejeté la demande de restitution de la totalité de l’acompte versé,
Statuant à nouveau dans cette limite,
Condamne la SARL MPF H. B. à restituer à Mmes C. P., O.P. épouse G., J. P. épouse T., H.L. épouse P. et A. P. la somme de 3 480 € avec les intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Confirme pour le surplus le jugement déféré.
Dit n’y avoir lieu à application de l’art. 700 du Code de procédure civile, à hauteur d’appel,
Fait masse des dépens de la procédure en appel, et condamne chacune des parties à en supporter la moitié.
Le présent arrêt a été prononcé par sa mise à disposition publique le 28 février 2019, par M. D., président de chambre, assisté de Mme T., greffier, et signé par eux.
Le greffier. Le président de chambre
Composition de la juridiction : D. (M), D. (Mrs), T. D. des (Mrs), Me P. K., J. B.
Décision attaquée : tribunal de grande instance Metz 2017-06-15
Revue juridique n°5 - Période janvier - mars 2019
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