En matière de sites cinéraires, la législation, nous l’avons constaté dans de nombreux articles publiés dans Résonance, n’apporte pas toujours les précisions que les municipalités et plus particulièrement les gestionnaires de cimetières pourraient en attendre.
Isabelle Prigent, présidente de l’A.NA.PE.C. |
La DGCL (Direction Générale des Collectivités Locales) avec le soutien du CNOF (Conseil National des Opérations Funéraires) travaille à la prochaine parution d’un guide des bonnes pratiques relatif à la crémation et aux sites cinéraires. En attendant cette parution, voici quelques précisions souhaitées par nos adhérents.
Tout d’abord, il est bon de rappeler trois articles de la loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008 :
Art. L. 2223-1
Chaque commune ou chaque établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de cimetières dispose d’au moins un cimetière comprenant un terrain consacré à l’inhumation des morts et, dans les communes de 2 000 habitants et plus ou les établissements publics de coopération intercommunale de 2 000 habitants et plus compétents en matière de cimetières, d’au moins un site cinéraire destiné à l’accueil des cendres des personnes décédées dont le corps a donné lieu à crémation. À noter que la partie concernant l’obligation d’un site cinéraire ne devait entrer en vigueur qu’au 1er janvier 2013.
Art. L. 2223-18-1
Après la crémation, les cendres sont pulvérisées et recueillies dans une urne cinéraire munie extérieurement d’une plaque portant l’identité du défunt et le nom du crématorium. Dans l’attente d’une décision relative à la destination des cendres, l’urne cinéraire est conservée au crématorium pendant une période qui ne peut excéder un an. À la demande de la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles, l’urne peut être conservée, dans les mêmes conditions, dans un lieu de culte, avec l’accord de l’association chargée de l’exercice du culte.
Au terme de ce délai et en l’absence de décision de la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles, les cendres sont dispersées dans l’espace aménagé à cet effet du cimetière de la commune du lieu du décès ou dans l’espace le plus proche aménagé à cet effet visé à l’art. L. 2223-18-2.
Art. L. 2223-18-2
À la demande de la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles, les cendres sont en leur totalité :
- soit conservées dans l’urne cinéraire, qui peut être inhumée dans une sépulture ou déposée dans une case de columbarium ou scellée sur un monument funéraire à l’intérieur d’un cimetière ou d’un site cinéraire visé à l’art. L. 2223-40 ;
- soit dispersées dans un espace aménagé à cet effet d’un cimetière ou d’un site cinéraire visé à l’art. L. 2223-40 ;
- soit dispersées en pleine nature, sauf sur les voies publiques.
Levallois, le mur du souvenir et son équipement.
Mis au pied du mur, les maires se sont précipités auprès des fournisseurs et concepteurs de sites cinéraires qui, en fonction des budgets affectés à l’opération, se sont livrés à des installations plus ou moins réussies.
Avec le recul, 10 ans après la promulgation de cette loi, il est triste de constater que certains sites sont inesthétiques, peu fonctionnels et mal appropriés en particulier pour ce qui concerne les puits de dispersion. Mal conseillées, les municipalités ont édifié des espaces de dispersion qui, au fil du temps, deviennent des sortes de taupinières parfois piétinées par les usagers marquant ainsi tout le manque de respect et de dignité conféré aux cendres et voulu par le législateur.
Le guide précédemment évoqué nourrit justement l’ambition de préciser tous les points pratiques inhérents à la mise en place et à la gestion d’un site cinéraire.
Nous nous arrêterons plus particulièrement, dans cet article, sur la gestion pratique d’un jardin du souvenir en nous appuyant, comme seule le peut l’A .NA.PE.C (Association NAtionale des PErsonnels de Cimetière), sur l’expérience de ses adhérents.
À Levallois, le puits de dispersion est associé à un mur du souvenir où des plaques d’identification peuvent, au choix de la famille, être posées sur le mur ou sur les briques des jardinières de part et d’autre du puits de dispersion. Les plaques peuvent être de trois couleurs ou formats différents pour le mur du souvenir, celles apposées sur les jardinières sont d’une unique couleur et ont une taille adaptée à la taille des briques. Elles sont commandées directement aux marbriers qui se chargeront de leur pose après gravure. Le puits équipé d’une cellule optique permet le déclenchement par la famille ou le maître de cérémonie de dix pulvérisations d’eau qui permettront la dispersion complète des cendres le long des galets jusqu’à leur accès au puits.
Le droit d’occupation de l’emplacement de la plaque de la mémoire est de 10 ans.
Toutes les dispersions sont enregistrées informatiquement. Le registre informatisé (impression de toutes les dispersions possible de date à date) et le registre papier quotidien des opérations funéraires est à disposition à l’accueil du cimetière.
À Tours, la Ville a mis en place des stèles en granit sur lesquelles les familles peuvent faire inscrire, si elles le souhaitent, le nom et l’initiale du prénom du défunt moyennant un droit à graver pour l’utilisation de la stèle. La gravure est réalisée par un prestataire qui facture directement son travail à la famille. Le règlement du cimetière précise le format des lettres et la durée de l’inscription (30 ans).
Ailleurs, une plaque est apposée sur un mur voisin du puits de dispersion, par la Ville à la demande des familles qui le souhaitent et qui en acquittent le prix délibéré par le conseil municipal. En agissant ainsi, la Ville est certaine de la conformité de la plaque, de la police d’écriture et de l’homogénéité des inscriptions.
Ailleurs dans un cimetière plus important, les noms des défunts dont les cendres ont été dispersées au jardin du souvenir, sont gravés dans des plinthes en pierre qui longent le chemin d’accès au puits de dispersion.
L’entrée du site cinéraire (Tours).
De nombreuses possibilités
Les idées ne manquent pas, et il n’est pas possible de toutes les décrire ici. Il faut cependant retenir que ces divers dispositifs reposent sur un caractère facultatif et que les familles ont le choix de faire ou de ne pas faire. Mais attention à ne pas confondre ce type de présentation avec l’obligation pour les gestionnaires de sites cinéraires ou de cimetières de conserver la mémoire de chaque dispersion dans un registre ad hoc, qui, rappelons-le, peut être informatique. La seule réserve étant que ce registre doit être maintenu à la disposition du public. C’est la raison pour laquelle certaines villes se sont dotées de bornes informatiques permettant aux usagers d’obtenir cette information ainsi que d’autres renseignements comme la géolocalisation d’une tombe voire l’itinéraire pour s’y rendre. Certaines bornes sont reliées à Internet, ce qui permet de visionner ces informations à distance y compris quelques informations comme le nom du concessionnaire, et l’année d’échéance de la concession ainsi que le nom des défunts avec leurs dates d’inhumation.
Concernant la constitution même du jardin du souvenir, nombreux sont les adhérents qui nous interrogent sur la manière de faire. Nous préconisons un dispositif qui permet aux cendres de ne pas rester en surface. C’est pourquoi la présence d’un réceptacle ou puits paraît indispensable. Il faut que le réceptacle soit suffisamment dimensionné pour les 20 ou 30 années à venir. Sachant qu’une urne contient environ 4 litres de cendres, à chacun de faire ses calculs de volume en fonction du nombre de dispersions estimé à l’année. Un puits plein ne peut pas réglementairement être vidé. Il faut alors prévoir d’en construire un autre. Le dessus du puits peut être une grille agrémentée ou pas de galets ou de tous autres matériaux éventuellement amovibles pour préserver l’esthétique du lieu. Une fontaine peut aussi verser de l’eau par-dessus pour faciliter l’écoulement vers le puits.
D’autres ont installé une sorte d’opercule au diamètre d’un cendrier ou d’une urne qui se verrouille une fois la dispersion effectuée, les cendres se déversent ainsi dans un conduit qui les amène vers le puits. L’essentiel est de toujours préserver la dignité du lieu, et comme dit plus haut, des cendres qui demeurent en surface aux intempéries sous le piétinement des visiteurs, n’ont certainement pas le respect qu’elles méritent.
Certaines collectivités ont peu de budget et n’estiment pas l’intérêt d’un dispositif bien étudié et suffisamment dimensionné. En se contentant d’un jardin du souvenir à moindre coût constitué d’une ceinture de parements et de quelques galets, la Ville jette son argent, car très vite, le maire sera pris à partie quant au côté inesthétique, et la saleté du lieu.
Le puits de dispersion des cendres (Tours).
Quel devenir pour une urne exhumée ?
À l’issue de la période de concession d’une case de columbarium ou de tout lieu recevant une urne, se pose la question du devenir de l’urne exhumée.
Les témoignages qui nous remontent exposent que les urnes sont généralement ouvertes et que les cendres sont dispersées soit au jardin du souvenir, soit dans un lieu réputé comme ossuaire dédié à cet effet. Cet ossuaire peut être un puits, ou un ancien caveau réaffecté et identifié comme tel. Les urnes sont ensuite conservées, comme tout accessoire funéraire ayant appartenu à une sépulture, et répertoriées dans un lieu sécurisé. Au bout d’un délai respectable d’une année au minimum, les urnes et/ou objets sont détruits.
Voici brièvement quelques informations opportunes à rappeler
Puisque la fin d’année approche et que les municipalités se retrouvent dans la préparation budgétaire du prochain exercice, permettez-moi de vous rappeler tout l’intérêt pour la Ville à adhérer à l’A.NA.PE.C.
- L’A.NA.PE.C. c’est une veille juridique permanente accompagnée d’une diffusion quasi quotidienne des informations funéraires, sous forme de revue de presse de tout ce qui touche à l’activité de par le monde, que cela relève de l’insolite, de l’anecdote ou du réglementaire ou législatif.
- L’adhésion à l’A.NA.PE.C. vous ouvre droit à l’abonnement télématique à la revue Résonance.
- L’A.NA.PE.C. c’est la force d’un réseau inter communicant partageant à la demande ses expériences et ses compétences.
- L’A.NA.PE.C. c’est une boîte mail dédiée à toute question d’ordre juridique ou réglementaire avec un engagement sous 72 h d’une réponse juridique argumentée par les textes appropriés.
- Enfin l’A.NA.PE.C. propose régulièrement des visites de cimetières ou de sites funéraires au fil des réunions ou assemblées générales qui rythment la vie de l’association.
- L’A.NA.PE.C. c’est aussi des intervenants référents et expérimentés qui se tiennent à votre disposition pour des colloques ou conférences ou pour l’animation de réunions publiques ou administratives.
Si la collectivité hésite à adhérer, chaque agent du service public peut également adhérer à titre individuel. Pour plus d’informations, vous pouvez contacter le secrétariat de l’A.NA.PE.C. - Christine Touzé-Bousselmame
Tél : 02 33 53 96 11
Isabelle Prigent
La présidente de l’A.NA.PE.C.
Résonance n°143 - Septembre 2018
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