La responsabilité pour dommage occasionnel de travail public : principe de l’indemnisation des particuliers dans un cimetière.
Le cimetière est un élément du domaine public communal. Il est aussi un ouvrage public (CE, 12 décembre 1986, consorts Ferry, Rec. CE, p. 429 ; AJDA 1987, p. 283, obs. X. Prétot), c’est-à-dire "un bien immobilier ayant fait l’objet d’un minimum d’aménagements pour répondre à une affectation d’intérêt général et bénéficiant d’un régime juridique particuliè-
rement protecteur". La qualité d’ouvrage public concerne d’ailleurs l’ensemble des constructions immobilières édifiées dans un cimetière communal ainsi que leurs accessoires, tels les arbres des parties communes du cimetière. La qualification d’ouvrage public s’applique aux équipements et installations dont l’existence ou l’aménagement s’avèrent nécessaires au fonctionnement du service public funéraire, et de ce fait affectés au cimetière (clôtures, locaux techniques, caveaux provisoires les ossuaires). La qualification d’ouvrage public vaut également pour le site cinéraire et ses composantes.
Normalement, la faute en droit administratif, c’est-à-dire lorsqu’un particulier va essayer de rechercher la mise en cause de l’Administration à la suite d’une erreur de celle-ci, doit être démontrée. Par contre, la responsabilité pour dommage accidentel de travaux public obéit à un régime infiniment plus favorable pour celui qui tente d’engager la responsabilité de l’Administration. En effet, dans cette hypothèse, la faute de celle-ci est présumée. Ceci revient à dire que ce n’est pas la prétendue victime qui doit prouver la faute, mais l’Administration qui doit démontrer qu’elle n’a pas commis d’erreur.
La responsabilité pour dommage accidentel et les usagers du cimetière
L’usager du cimetière en tant qu’ouvrage public est celui qui, au moment de la survenance du dommage, utilisait effectivement celui-ci. Sont ainsi considérés comme usagers ceux qui subissent un dommage du fait d’éléments accessoires de l’ouvrage public, par exemple un dommage provoqué par la chute d’une branche d’arbre du cimetière, ou du fait d’éléments incorporés, intégrés au cimetière comme les plaques d’égouts dans la chaussée, les bancs scellés… La qualité d’usager est conférée indifféremment aux usagers réguliers de l’ouvrage et aux usagers irréguliers, anormaux, de l’ouvrage. Indubitablement, ceux qui sont dans une situation irrégulière verront souvent l’éventuelle responsabilité de la commune tempérée par cette irrégularité.
Il pèse donc une présomption de faute sur la commune, présomption que la commune peut renverser en démontrant l’entretien normal de ses équipements ou l’existence d’un fait relevant de la force majeure. Néanmoins, ce second critère est d’application rare, puisque la jurisprudence ne retient que des évènements extérieurs à la volonté des parties, imprévisibles dans leur survenance et irrésistibles dans leurs effets. C’est donc la notion de défaut d’entretien normal qui est la pierre angulaire de ce régime juridique. Cette notion recoupe tout à la fois l’entretien au sens strict du cimetière, mais aussi la signalisation de dangers éventuels, des arbres en mauvais état, l’absence d’éclairage de ces mêmes allées, etc.
Force est de constater que la jurisprudence prend en compte de nombreux paramètres pouvant atténuer cette responsabilité de principe. Si le danger était bien visible quoique non signalé, le juge estimera que l’usager devait se montrer prudent. Il en ira de même lorsque l’Administration ne pouvait pas connaître l’existence du danger, parce que celui-ci était "invisible" (par exemple, un arbre dont le pourrissement ne s’accompagnait d’aucun signe extérieur), ou parce ce danger vient de survenir et que l’accident s’est produit alors même que l’Administration ne pouvait en avoir eu connaissance (un trou venant d’apparaître).
La responsabilité sans faute lorsque la victime a la qualité de tiers à l’ouvrage public
Le tiers à l’ouvrage public est celui qui ne participe pas à l’entretien de l’ouvrage de par ses activités professionnelles, et qui n’utilise pas non plus celui-ci. Néanmoins, en dépit de cela, il subit un dommage causé par l’ouvrage ou par un travail sur l’ouvrage. A ainsi la qualité de tiers par rapport au cimetière le propriétaire de bestiaux empoisonnés en consommant des branches d’ifs, lesquelles provenaient de l’élagage des arbres du cimetière et avaient été déposées en bordure du pré où se trouvaient les animaux (CE 18 avril 1956, Balique). Sa qualité particulière lui permet de bénéficier d’un régime de responsabilité extrêmement favorable, puisque, dans cette hypothèse, la responsabilité de l’Administration sera engagée sans même qu’une faute n’existe.
Le tiers doit simplement démontrer que le dommage dont il se plaint trouve son origine dans un travail public ou un ouvrage public, c’est-à-dire qu’il existe un lien de causalité entre le préjudice et l’ouvrage ou le travail public. Il conviendra juste d’atténuer cette affirmation par l’existence éventuelle d’une faute du tiers par trop imprudent, par la force majeure, et classiquement par le caractère anormal et spécial du préjudice.
Philippe Dupuis
Consultant au Cridon, chargé de cours à l’université de Valenciennes, formateur en droit funéraire pour les fonctionnaires territoriaux au sein des délégations du CNFPT
Résonance hors série n° 6 - Août 2018
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