La réglementation dans les cimetières : le régime juridique des travaux, les devoirs et obligations des collectivités territoriales et leurs établissements publics de coopération.
Jean-Pierre Tricon. |
Selon le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), le maire dispose d’un nombre important de pouvoirs de police dans les cimetières, qui constituent, ainsi que nous l’avons amplement spécifié dans le "Traité de Législation et Réglementation Funéraire", édité par SCIM Résonance, septembre 2009, mis à jour après le décret du 28 janvier 2011, modifiant le régime des opérations funéraires en vertu des articles L. 2213-7 à L. 2213-15, pour la partie législative du CGCT, et R. 2213-2 à R. 2213-57 pour la partie réglementaire de ce même Code, de nombreuses contraintes susceptibles d’engager sa responsabilité et celle de sa commune.
Ces sections, intitulées "Police des funérailles et des lieux de sépultures", ont codifié de nombreux textes qui, pour la plupart d’entre eux, existaient déjà dans le Code des communes, voire antérieurement dans le Code d’Administration Communale (CAC).
La doctrine ne s’est pas toujours accordée sur la nature juridique de ces pouvoirs : pour certains auteurs, dont Marie Thérèse Viel, in "Droit funéraire et gestion des cimetières", Berger Levrault, 2e édition, ouvrage faisant suite au nôtre publié en 1979 par ce même éditeur, intitulé "La commune, l’aménagement et la gestion des cimetières", l’essence de ces pouvoirs était essentiellement législative, alors que, pour d’autres auteurs, tel Damien Dutrieux, la qualification des pouvoirs de police spéciale paraissait s’imposer, ce qui, de fait et de droit, les intégrait aux dispositions réglementaires.
En tout état de cause, quelle que soit cette recherche de qualification, ce qui importe, c’est de noter le nombre important de pouvoirs de police sur les cimetières qui pèsent sur les maires, et qui constituent, à notre sens, autant d’obligations pour le premier édile communal. La première des missions qui en résulte est que le maire se doit de surveiller effectivement l’espace public qu’est le cimetière, dépendance du domaine public. Il ne fait aucun doute que ces pouvoirs de police sont confiés spécifiquement au maire en vertu de l’art. L. 2213-8 du CGCT, qui dispose, assez laconiquement :
"Le maire assure la police des funérailles et des cimetières", bien que le préfet en cas de carence du maire dispose d’un pouvoir de substitution (art. L. 2213-7 du CGCT), notamment lorsqu’il s’agit de faire procéder à l’ensevelissement de toute personne décédée sur le territoire de la commune, dans un délai maximum de six jours, non compris le dimanche et jours fériés, avec une neutralisation lors des 24 premières heures.
La finalité des pouvoirs de police du maire
Selon l’art. L. 2213-9 du CGCT : "Sont soumis au pouvoir de police du maire le mode de transport des personnes décédées, le maintien de l’ordre et de la décence dans les cimetières, les inhumations et les exhumations, sans qu’il soit permis d’établir des distinctions ou des prescriptions particulières à raison des croyances ou du culte du défunt ou des circonstances qui ont accompagné sa mort."
L’art. L. 2213-10, pour sa part, énonce : "Les lieux de sépulture autres que les cimetières sont également soumis à l’autorité, à la police et à la surveillance des maires."
Dans ce cas, il s’agit de ce que nous avions qualifié dans nos ouvrages de "lieux inhabituels d’inhumation", tels les parcs et jardins des congrégations religieuses, les sépultures en terrain privé, voire, et bien que la surveillance soit particulièrement difficile à mettre en œuvre, les dispersions des cendres cinéraires en pleine nature.
Pour certains auteurs, la prise en charge des frais d’obsèques (articles L. 2213-7 et L. 2223-27 du CGCT, afférents aux personnes dépourvues de revenus suffisants, notion qui a remplacé celle des indigents) entrerait également dans les composantes de la police funéraire municipale, en se référant à l’objet principal des pouvoirs de police générale énoncés à l’art. L. 2212-2 du CGCT, en ces termes : "La police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment :
1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend le nettoiement, l’éclairage, l’enlèvement des encombrements, la démolition ou la réparation des édifices et monuments funéraires menaçant ruine, l’interdiction de rien exposer aux fenêtres ou autres parties des édifices qui puisse nuire par sa chute ou celle de rien jeter qui puisse endommager les passants ou causer des exhalaisons nuisibles ainsi que le soin de réprimer les dépôts, déversements, déjections, projections de toute matière ou objet de nature à nuire, en quelque manière que ce soit, à la sûreté ou à la commodité du passage ou à la propreté des voies susmentionnées ;
2° […] tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique ;
3° Le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d’hommes, tels que les foires, marchés, réjouissances et cérémonies publiques, spectacles, jeux, cafés, églises et autres lieux publics (les cérémonies funéraires entrent manifestement dans cette catégorie) ;
4° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, […] ainsi que les pollutions de toute nature, [les maladies épidémiques ou contagieuses], etc.
Avec la nouvelle réglementation sur les infections transmissibles qui conditionnent un certain nombre de précautions à prendre et des interdictions, soit de transporter des corps avant mise en bière, ou d’effectuer des soins de conservation (arrêté du ministre chargé de la Santé en date du 12 juillet 2017), mais aussi le pouvoir attribué au maire de faire procéder à des mises en bière immédiates après avis d’un médecin, ces pouvoirs de police générale, bien que confortés par des dispositions réglementaires, trouvent, ici, la plénitude de leurs effets".
Un exemple
À propos des encombrements sur la voie publique (notion à laquelle nous ajouterons les lieux ouverts au public), force est d’admettre que les dispositions du CGCT impliquent que, lorsqu’un décès survient sur la voie publique ou dans un lieu ouvert au public, les autorités de police ou de gendarmerie, voire le procureur de la République en vertu de l’art. 74 du Code de procédure pénale, disposent de pouvoirs de police exorbitants du droit public commun, en délivrant des réquisitions à personne afin de faire assurer le transport du corps dans une chambre funéraire.
Nous aurons l’occasion de revenir sur les modalités de la saisine de l’opérateur funéraire habilité, mais d’ores et déjà, selon la thèse exposée et développée dans le "Traité de Législation et Réglementation Funéraire" nous persistons à estimer que cet opérateur se doit d’être désigné au moins annuellement par le maire de la commune, dans le respect du Code des marchés publics.
De surcroît, existe une constance dans l’exercice des pouvoirs de police du maire en matière de funérailles et de cimetières : celle d’interdire "d’établir des distinctions ou des prescriptions particulières à raison des croyances ou du culte du défunt ou des circonstances qui ont accompagné sa mort". Bref, c’est le principe de la neutralité des cimetières qui est affirmé, tout comme d’ailleurs celui de l’égalité, en raison de l’interdiction d’avoir des comportements discriminatoires dans le domaine des funérailles, le service extérieur des pompes funèbres constituant une mission de service public, celle-ci doit être également neutre et laïque.
Le respect des volontés du défunt, tel que cela figure à l’art. 3 de la loi du 15 novembre 1887, est également une composante des pouvoirs de police du maire, laquelle a été renforcée par la loi du 19 décembre 2008, en matière de crémation des restes post mortem issus des procédures de reprise des sépulture sises en terrain commun ou service ordinaire, gratuites pendant cinq années, ou des concessions funéraires, laquelle n’est permise que tout autant que le défunt n’aurait pas fait valoir ou exprimé durant sa vie une opposition à la crémation (notons qu’en l’absence d’expression écrite de ses dernières volontés, la preuve est difficilement rapportable).
La responsabilité du maire sur les cimetières a fait l’objet d’une doctrine assez volumineuse, par le truchement de la procédure des questions écrites des parlementaires aux ministres concernés dont, au premier rang, le ministre chargé de l’Intérieur. Ainsi, selon la question écrite du sénateur Jean-Louis Masson, n° 17531, publiée dans le JO Sénat du 12/05/2005 – page 1334, ainsi libellée.(Voir encadré ci-joint).
Il résulte de cette réponse, dont nous connaissions parfaitement la teneur, dès lors qu’en 2004, j’occupais les fonctions de directeur général des opérations funéraires de la Ville de Marseille, que le maire a bien une obligation de moyens, mais point de résultat, puisque, s’il lui appartient de prévenir les actes délictuels en mettant en œuvre des mesures protectrices, il ne peut être tenu pour responsable de la turpitude humaine, le génie des voleurs ou autres malfaiteurs étant développé pour franchir les écueils d’une surveillance générale (nous avions fait valoir devant le tribunal administratif de Marseille que le cimetière Saint-Pierre, fort de ses 63 hectares de superficie, qui en fait le 3e de France après Pantin et Thiais, en région parisienne, et en raison de sa configuration, ne pouvait être surveillé tombe par tombe – il en existe plus de 100 000 dans cette nécropole, argument cité dans le commentaire de ce jugement par M. Damien Dutrieux).
La police des cimetières, selon M. Damien Dutrieux, a été confortée par l’arrêt du Conseil d’État, Cauchoix, en date du 20 février 1946, Rec. CE 1946, p. 53, lequel a élargi les pouvoirs de police du maire sur le cimetière à l’ensemble du domaine public qui en est son support. Certains auteurs ont justifié cet élargissement de ces pouvoirs de police, donc de compétences au profit du maire, par la nécessité, pour le juge administratif, de protéger la liberté des particuliers dans le cimetière, et le droit que ceux-ci disposent afin d’honorer leurs morts.
Cet arrêt a donc dépassé le caractère limitatif des pouvoirs de police du maire tels qu’énoncés dans le CGCT, soit le maintien de l’ordre, la neutralité et la décence, alors que la gestion d’une parcelle du domaine public permet de fixer d’autres objectifs d’intérêt général (cf. notamment Marie-Thérèse Viel, ouvrage précité, page 272).
Texte de la question : "M. Jean-Louis Masson attire l’attention de M. le ministre de l’Intérieur, de la Sécurité intérieure et des Libertés locales sur le fait que le maire est chargé du pouvoir de police dans les cimetières en application du CGCT. Dans l’hypothèse où, faute de surveillance ou de mesures de protection, des tombes sont de manière répétée l’objet de dégradations, il souhaiterait qu’il lui indique si les familles concernées peuvent demander, soit au maire, soit à la commune, de prendre en charge l’indemnisation des dégâts." |
Décence et police des cimetières
Pour la jurisprudence administrative, le mauvais état d’une tombe porte atteinte au respect dû aux morts. Pour le législateur, depuis la loi du 19 décembre 2008, en son art. 21, une police des monuments funéraires menaçant ruine a été créée. Il s’agit d’une adaptation des articles L. 511-1 à L. 511-4 du Code de la construction et de l’habitation, qui permettent au maire de prescrire, aux frais du propriétaire, la réparation ou la démolition "des murs, bâtiments ou édifices quelconques lorsqu’ils menacent ruine et qui pourraient, par leur effondrement, compromettre la sécurité ou lorsque, d’une façon générale, ils n’offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité publique", en usant de procédures distinctes selon que le péril est imminent ou ordinaire.
Le Conseil d’État a ainsi pu considérer que les stèles et monuments funéraires entraient dans le champ de ces articles (Conseil d’État, 23 juin 1976, Tony). Toutefois, la procédure prévue, antérieurement, plus particulièrement destinée à des immeubles d’habitation, s’avérait, le plus souvent, inadaptée à des concessions funéraires, et posait aux maires des difficultés concrètes de mise en œuvre. C’est ainsi que fut créé un art. L. 511-4-1 dans le Code de la construction et de l’habitation afin d’instaurer une police spécifique pour les monuments funéraires, qui reprend l’économie générale des articles L. 511-1, L. 511-2 et L. 511-4 du Code de la construction et de l’habitation moyennant quelques simplifications.
Que dit cet article ?
"Le maire peut prescrire la réparation ou la démolition des monuments funéraires lorsqu’ils menacent ruine et qu’ils pourraient, par leur effondrement, compromettre la sécurité ou lorsque, d’une façon générale, ils n’offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité publique."
Toute personne ayant connaissance de faits révélant l’insécurité d’un monument funéraire est tenue de signaler ces faits au maire, qui peut recourir à la procédure prévue aux alinéas suivants.
Le maire, à l’issue d’une procédure contradictoire dont les modalités sont définies par décret, met les personnes titulaires de la concession en demeure de faire, dans un délai déterminé, les réparations nécessaires pour mettre fin durablement au danger ou les travaux de démolition, ainsi que, s’il y a lieu, de prendre les mesures indispensables pour préserver les monuments mitoyens.
L’arrêté pris en application de l’alinéa précédent est notifié aux personnes titulaires de la concession. À défaut de connaître l’adresse actuelle de ces personnes ou de pouvoir les identifier, la notification les concernant est valablement effectuée par affichage à la mairie de la commune où est situé le cimetière ainsi que par affichage au cimetière.
Sur le rapport d’un homme de l’art ou des services techniques compétents, le maire constate la réalisation des travaux prescrits ainsi que leur date d’achèvement et prononce la mainlevée de l’arrêté. Lorsque l’arrêté n’a pas été exécuté dans le délai fixé, le maire met en demeure les personnes titulaires de la concession d’y procéder dans le délai qu’il fixe et qui ne peut être inférieur à un mois.
À défaut de réalisation des travaux dans le délai imparti, le maire, par décision motivée, fait procéder d’office à leur exécution. Il peut également faire procéder à la démolition prescrite, sur ordonnance du juge statuant en la forme des référés, rendue à sa demande.
Lorsque la commune se substitue aux personnes titulaires de la concession défaillante et fait usage des pouvoirs d’exécution d’office qui lui sont reconnus, elle agit en leur lieu et place, pour leur compte et à leurs frais. Les frais de toute nature, avancés par la commune lorsqu’elle s’est substituée aux personnes titulaires de la concession défaillante, sont recouvrés comme en matière de contributions directes. Ces nouvelles dispositions permettent au maire de prescrire la réparation ou la démolition des monuments funéraires lorsqu’ils menacent ruine et qui pourraient, par leur effondrement, compromettre la sécurité ou lorsque, d’une façon générale, ils n’offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité publique.
Pour assurer son information, elles font obligation à toute personne ayant connaissance de faits révélant l’insécurité d’un monument funéraire de le signaler au maire. La procédure devant être suivie serait définie par décret. Le texte proposé en fixe toutefois les grandes lignes, en précisant qu’elle devrait revêtir un caractère contradictoire.
Sans entrer dans le détail de cette procédure, nous insisterons sur le fait que les possibilités offertes par la loi du 19/12/2008 contribuent à améliorer les pouvoirs du maire dans la préservation ou l’aménagement du cimetière communal. Toutefois, ils sont toujours limités par la loi du 15.11.1887 sur la liberté des funérailles.
Il convient, donc, afin de prendre en considération l’aspect patrimonial du cimetière, d’intégrer celui-ci dans une procédure plus complexe de protection juridique. Les moyens de protection, alors partagés avec les autorités culturelles (architecte des bâtiments de France et Direction régionale des affaires culturelles), devront s’adapter aux besoins de chaque type de cimetière. Un travail réglementaire demeure encore à accomplir, afin de faciliter la mise en œuvre de telles procédures.
La responsabilité communale a été retenue dans le cas de la ruine d’un monument funéraire, en raison d’un défaut de surveillance (CE, 19 octobre 1966, commune de Clermont (Oise), Rec. 1966, p. 550), ruine due, non à sa vétusté, mais au défaut de surveillance de la commune.
Le maire est donc tenu de s’assurer du bon état des sépultures et de mettre en demeure les titulaires des concessions dont l’état entraîne un risque pour l’intégrité physique des personnes et des biens, mais aussi confère au cimetière un aspect général d’abandon, d’effectuer les travaux nécessaires de rénovation, sous deux réserves importantes :
- D’une part, l’exécution d’office des travaux (réalisation par la commune après des mises en demeure demeurées infructueuses) doit être justifiée par l’urgence (CE, 11 juillet 1913, Chasteignier, Mure et Favreau, Rec. CE, 1913, p. 833) ;
- D’autre part, et à défaut, le juge administratif, juge du contrat de concession, devra être saisi.
Il existe, également, un autre mode de faire cesser les nuisances et risques afférents à l’état des monuments ou constructions funéraires : c’est l’état d’abandon. Sans entrer dans les détails des procédures, largement décrites et évoquées dans de nombreux articles publiés dans les colonnes de Résonance sous les signatures de Damien Dutrieux, Philippe Dupuis et moi-même, il sera ici rappelé que, lorsque la durée d’une concession funéraire a atteint trente ans et qu’aucune inhumation n’y a été effectuée depuis au moins 10 ans, une commune est en droit de mettre en œuvre une procédure de reprise pour état d’abandon de la concession.
Certes, ainsi que nous l’avons soutenu dans nos ouvrages précités, les concessions temporaires (15 ans au plus), les concessions trentenaires sont, en toute logique, à l’abri de telles procédures dès lors que l’abandon résulterait d’un défaut de renouvellement de leur durée, si bien que la commune serait en droit, à l’expiration d’un délai de carence de deux ans à compter de la date anniversaire du contrat, de procéder à leur reprise après mise en demeure du concessionnaire ou, à défaut, de ses héritiers connus.
Sur ce point, en tant qu’ancien conservateur des cimetières de Marseille, nous conseillons vivement d’effectuer une publicité autour de l’éventualité de la reprise de la concession, les familles, bien que fautives, étant le plus souvent quérulentes.
Sur la réalisation de travaux dans le cimetière à l’initiative des concessionnaires ou de leurs ayants droit :
Le maire se doit de mettre en œuvre un dispositif de surveillance des travaux entrepris à l’initiative des familles sur les concessions funéraires, tels que : constructions de caveaux, pose de monuments ou de pierre tombale ou tumulaire. À cet égard, par l’effet d’un Règlement du cimetière, il pourra, en l’absence de dispositions réglementaires supérieures, imposer un régime de déclaration de travaux, soit aux particuliers, soit aux professionnels, et cela en usant de son pouvoir réglementaire autonome. La jurisprudence est globalement fournie en la matière, car elle a retenu soit une responsabilité contractuelle, soit une responsabilité quasi délictuelle.
Ainsi, cette surveillance se doit d’être effective et efficiente, ainsi que l’a jugé la cour administrative d’appel de Nancy, (2 juil. 1991, n° 89NC01389, consorts Tahir), afin d’éviter que le titulaire de la concession ne soit protégé des "empiètements" de tiers, qu’il s’agisse de l’obligation, au titre de la police du maire, de surveiller les travaux exécutés sur les concessions voisines, ou de celle de garantir le concessionnaire dans ses droits.
Le juge administratif s’est par ailleurs intéressé à la question de la fourniture obligatoire par la commune des espaces "inter-tombes" (CGCT, art. R. 2223-4 ; voir CAA Bordeaux, 29 sept. 2009, n° 08BX00255, commune de Massels et Delpech : JCP A 2009, 2292, note D. Dutrieux).
Il sera rappelé que deux dispositions sont, en matière d’espaces inter-tombes, applicables :
1) Le dernier alinéa de l’art. L. 2223-13 du CGCT, qui indique que "le terrain nécessaire aux séparations et passages établis autour des concessions de terrains mentionnées ci-dessus est fourni par la commune" ;
2) L’art. R. 2223-4, qui précise que "les fosses sont distantes les unes des autres de 30 à 40 cm sur les côtés, et de 30 à 50 cm à la tête et aux pieds".
Cet espace, qualifié d’espace inter-tombes (ou inter-concessions), appartient au domaine public communal (voir, sur la domanialité publique du cimetière, Damien Dutrieux, in Résonance).
En fait, il existe trois types de responsabilités des communes, en matière de cimetières et de concessions, tels que résultant de la jurisprudence administrative :
1) La responsabilité contractuelle de la commune à l’égard des concessionnaires ou de leurs ayants droit :
Il est généralement admis, depuis des décennies, que les actes de concessions funéraires sont qualifiés par le Conseil d’État, "de contrats administratifs", sans que cette occupation du domaine public ne soit exposée aux aléas des occupations ordinaires de ce domaine (précarité, révocabilité et limitation de durée) : CE, assemblée, demoiselle Méline, Rec. CE 1955, p. 491.
Ainsi, la responsabilité contractuelle pourra être recherchée devant le juge administratif si la commune, par exemple, délivre un emplacement inadapté à l’implantation d’une tombe (voir en ce sens, TA de Montpellier, 21 décembre 1994, commune de Sète, le terrain inondé n’était pas propice à la construction d’un caveau), ou lorsque le terrain comportait au moins un corps (CE. Berezowski, 1er décembre 1976).
La reprise d’une concession effectuée hors le respect des règles de légalité constituera, également, un cas de responsabilité contractuelle, ou l’inhumation d’une tierce personne dans une concession sans l’accord du concessionnaire, qui serait susceptible d’engager une responsabilité pour voie de fait ou une emprise irrégulière (sur la distinction entre ces deux cas de responsabilité, voir, en ce sens et particulièrement, l’article in Résonance Funéraire, n° 120 mai 2016, par Jean-Pierre Tricon).
2) La responsabilité quasi délictuelle en raison d’un défaut de surveillance du cimetière
Lorsque les dommages trouvent leur source dans un défaut évident de surveillance du cimetière, la responsabilité quai délictuelle de la commune pourra être engagée (CE, commune de Clermont, Oise, précité). Dans ce cas, le juge sanctionne l’abstention du maire d’agir, alors qu’il disposait des outils et moyens juridiques ad hoc, donc d’un devoir d’agir et d’une obligation de moyens.
3) La responsabilité du fait de dommages de travaux publics : elle est extracontractuelle
Après de longues tergiversations, le Conseil d’État a reconnu que le cimetière appartenait au domaine public de la commune, la certitude ayant cependant été acquise avec l’ordonnance n° 2005-855 du 28 juillet 2005. Il en résulte qu’il doit être considéré comme constituant un ouvrage public, et les travaux réalisés par la commune sur les parties publiques (ou communes) sont, juridiquement, des travaux publics, donc soumis à la surveillance du maire. Leur contentieux relève de la juridiction administrative. Les atteintes aux biens immobiliers privés (caveaux, monuments et tombeaux) peuvent donner lieu à dommages et intérêts, tout autant que les préjudices subis ne dépasseraient par les contraintes auxquelles tous les voisins des ouvrages publics sont assujettis.
Enfin, pour clore cette analyse, nous indiquerons que le ministre de l’Intérieur, de la Sécurité intérieure a, par sa circulaire NOR/INT/05/00008/C, en date du 11 janvier 2005, ayant pour objet : "Protection des cimetières et des lieux de sépulture", donné aux préfets des consignes strictes afin de renforcer la lutte contre le racisme et l’antisémitisme. Ainsi, il est recommandé aux préfets de mettre en œuvre les pouvoirs de police administrative dont ils ont la responsabilité avec les maires, afin de permettre de prendre les mesures de prévention adéquates. Pour le ministre, il importe aux préfets que, partout où cela sera nécessaire, ils encouragent les maires à se mobiliser pour empêcher les profanations, et il les incite à leur apporter le concours des services de l’État."
En conclusion, force sera d’admettre que la notion de "Pouvoirs de police du maire sur les cimetières et les funérailles" constitue un vaste domaine trop souvent méconnu par les édiles locaux, à la décharge desquels nous mettrons la complexité de plus en plus croissante des textes normatifs et "l’empilage" des lois décrets et arrêtés de toute source et nature, qui ne peuvent contribuer, parfois, à un réel éclairage des règles de droit. Mais, ce qui paraît importer et résulter de cette étude, c’est que les maires, dans l’exercice de leurs pouvoirs de police, sont impérativement tenus par une obligation de moyens, et de faire en sorte de les optimiser. Toute abstention, ainsi que relaté précédemment, leur sera préjudiciable.
En revanche, ils ne peuvent se voir imposer une obligation de résultat dès lors que les moyens que la loi et les règlements leur attribuent seront mis en œuvre sans réserve ni limitation. Nous terminerons, donc, cet article sur une note d’optimisme, même s’il en résulte que la tâche est globalement complexe et ardue. Espérons que cette modeste contribution donnera un aperçu de l’étendue des problèmes, et suscitera un réflexe d’intérêt pour une meilleure appréhension de la matière funéraire qui, de tous temps, a constitué un bastion des compétences communales.
Les séquences de formation que nous proposerons dès le mois de septembre prochain, et qui paraîtront dans Résonance, permettront aux élus locaux ayant en charge la lourde responsabilité des opérations funéraires (qui, contrairement à ce que certains pourraient penser, n’est pas une délégation mineure, et de surcroît ayant un impact politique indéniable) de compléter leurs connaissances afin de faire face, dans des conditions plus optimales, à l’exercice de leur mandat.
Principaux extraits de la circulaire NOR/INT/05/00008/C, en date du 11 janvier 2005 "Je vous demande dès à présent de réunir la conférence départementale de sécurité avec le procureur de la République pour fixer les priorités d’un plan d’action départemental concernant la mise en sécurité des cimetières les plus exposés à des risques de profanation. Vous ferez prendre par les forces de la police et de la gendarmerie nationales, dans les délais les plus brefs, les mesures opérationnelles appropriées qui viendront conforter les dispositifs de surveillance humaine et technologique." Puis, au titre de la surveillance des cimetières et des lieux de sépulture, il y est mentionné : En outre, dans les communes où se situent des cimetières ou des lieux de sépulture particulièrement exposés à des risques de profanations, et où des mesures de protection de ces lieux n’auraient pas été prises, ou seraient insuffisantes, vous informerez les maires, en vous appuyant sur le diagnostic de sécurité que vous aurez fait établir, de l’importance des risques encourus. Vous proposerez l’inscription de ce sujet à l’ordre du jour des réunions des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, et vous inciterez les maires à mettre en œuvre des dispositifs de surveillance ou à améliorer ceux déjà en place. Deux types de mesures de protection des cimetières et des lieux de sépulture peuvent être principalement recommandés aux communes : - la surveillance humaine Pour la mise en œuvre de leurs pouvoirs de police en matière de surveillance des cimetières et des lieux de sépulture, le maire peut faire appel à différentes catégories d’agents municipaux : Ce peut être, tout d’abord, des agents de police municipale, relevant de l’art. L. 412-49 du Code des communes. Leurs compétences en matière de police administrative sont définies à l’art. L. 2212-5 du CGCT, qui dispose que ces agents exécutent "les tâches relevant de la compétence du maire que celui-ci leur confie en matière de prévention et de surveillance du bon ordre, de la tranquillité, de la sécurité et de la salubrité publiques". - la surveillance technologique Si la vidéosurveillance ne peut à elle seule être considérée comme la réponse aux problèmes de profanation, elle peut néanmoins constituer une mesure efficace de protection des sépultures. L’art. 10 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité soumet à votre autorisation le recours à la vidéosurveillance dans les "lieux ouverts au public particulièrement exposés à des risques d’agression ou de vol". L’assimilation des risques d’agression ou de vol aux risques d’atteinte à la sécurité des personnes et des biens permet d’inclure dans le champ d’application de ces dispositions les dispositifs de vidéosurveillance dont l’objet est la prévention de la dégradation des sépultures. Plusieurs d’entre vous ont d’ailleurs déjà autorisé la mise en place de tels dispositifs ayant cet objet. Il conviendra que vous instruisiez avec diligence les demandes d’autorisation d’installation qui vous seront soumises afin que la protection des cimetières et des lieux de sépulture intervienne dans les délais les plus brefs. - le dispositif pénal Au titre des atteintes au respect dû aux morts, l’art. 225-17 du Code pénal prévoit et réprime d’une peine d’un an d’emprisonnement, et de 15 000 € d’amende, divers comportements : Indépendamment de ces infractions spécifiques "aux tombeaux, sépultures et monuments aux morts", il convient de rappeler que, depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2003-88 du 3 février 2003 visant à aggraver les peines punissant les infractions à caractère raciste, antisémite ou xénophobe, le délit de destruction, dégradation ou détérioration de bien appartenant à autrui, prévu à l’art. 322-1, alinéa 1er du Code pénal, est aggravé notamment par les deux circonstances suivantes : Vous me rendrez compte de l’exécution de ces instructions à la fin du mois de février et signalerez toute difficulté éventuelle rencontrée dans leur mise en œuvre. Dominique de Villepin |
Jean-Pierre Tricon
Consultant au Cabinet d’Avocats Pezet & Associés
Formateur
Résonance hors série n° 6 - Août 2018
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