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Question écrite n° 03818 posée par M. Jean-Louis Masson, publiée dans le JO Sénat du 15/03/2018 – page 1164.

 

Voici une intéressante réponse ministérielle relative à la nécessité d’obtenir une autorisation d’urbanisme pour un monument funéraire. En effet, le ministre répond à l’honorable parlementaire que : "Le Code de l’urbanisme dispense en principe de toute procédure certaines constructions en raison de leur nature ou de leur très faible importance. Les dispositions de l’art. R. 421-2 du Code de l’urbanisme énoncent ainsi différents cas, notamment "les caveaux et monuments funéraires situés dans l’enceinte d’un cimetière". De même, elles précisent que les constructions, dès lors que leur hauteur est inférieure ou égale à 12 mètres et leur emprise au sol et leur surface de plancher sont inférieures ou égales à 5 m2, sont dispensées de toute formalité. Aussi, si le i) de l’art. R. 421-2 précité ne donne aucune précision sur la nature du cimetière, il peut être déduit de ce qui précède, et dans le silence du texte, que ces dispositions s’appliquent également aux cimetières privés."

Le droit de construire dans le cimetière : une liberté en principe absolue dispensée de l’obtention d’une autorisation

L’art. L. 2223-12 Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) reconnaît au titulaire d’une concession funéraire le droit de construire des monuments et caveaux. Tirant les conséquences prétoriennes de ces principes, il est aussi possible d’installer une clôture autour d’une concession (CE 1er juillet 1925 Bernon : Rec. CE, p. 627) voire d’y effectuer des plantations (CE 23 décembre 1921 Auvray-Rocher : Rec. CE, p. 1092). Dans cette hypothèse, le maire pourra néanmoins interdire certaines essences ou en limiter la hauteur (CE 7 janvier 1953 de Saint-Mathurin : Rec. CE, p. 3) à la condition que ces interdictions soient motivées par les buts poursuivis par ses pouvoirs de police.

De surcroît, le juge interdit de faire de l’esthétique le fondement d’une décision du maire pour ce qui relève du cimetière (CE 18 février 1972, Chambre syndicale des entreprises artisanales du bâtiment de Haute-Garonne). Cette solution est étendue aux contrats portant occupation des cases de columbarium (TA Lille 30 mars 1999, Mme Tillieu c/ commune de Mons-en-Barœul : LPA 2 juin 1999, note Dutrieux).

L’absolu du droit de construction s’impose si bien qu’il est possible de faire construire un caveau dans une zone où les inhumations se font en pleine terre (CE 8 novembre 1993, établissements Sentilles c/ commune de Sère-Rustaing : Rec. CE, tables p. 657). La limite à cette liberté ne saurait alors résider que dans le contrôle par le maire, au titre de ses pouvoirs de police, que cette sépulture, de par sa forme, sa taille, son style, ne peut constituer un trouble à l’ordre public.

Le Code de l’urbanisme, depuis l’intervention du décret du 5 janvier 2007 (n° 2007-18) pris pour application de l’ordonnance n° 2005-1527 du 8 décembre 2005 relatif aux permis de construire et aux autorisations d’urbanisme, modifia l’art. R. 421-2 du Code de l’urbanisme pour dispenser les monuments funéraires et les caveaux dans l’enceinte du cimetière de toute autorisation d’urbanisme, tant le permis de construire qu’une autre autorisation ou déclaration, nonobstant l’application de la législation sur les monuments historiques (cf. infra).

Les exceptions pour lesquelles une autorisation serait requise

Ainsi, cet art. R. 421-2 dispose que : "Sont dispensées de toute formalité au titre du présent Code, en raison de leur nature ou de leur très faible importance, sauf lorsqu’ils sont implantés dans le périmètre d’un site patrimonial remarquable, dans les abords des monuments historiques ou dans un site classé ou en instance de classement :
a) Les constructions nouvelles répondant aux critères cumulatifs suivants :
- une hauteur au-dessus du sol inférieure ou égale à douze mètres ;
- une emprise au sol inférieure ou égale à cinq mètres carrés ;
- une surface de plancher inférieure ou égale à cinq mètres carrés ;

[…]
i) Les caveaux et monuments funéraires situés dans l’enceinte d’un cimetière."

On remarquera alors que cette dispense du i) ne concernait que les édifices funéraires à l’intérieur des cimetières. Le premier intérêt notable de cette réponse est ainsi de généraliser explicitement cette dispense à un cimetière privé. Le second intérêt réside dans la justification de la dispense d’autorisation d’urbanisme pour l’édification d’une sépulture en terrain privé, sans qu’existe néanmoins un cimetière privé. L’exception du i) ne pouvant trouver à s’appliquer, c’est alors l’exemption en raison de la modestie de la construction qui justifie la dispense d’autorisation. Néanmoins, ces deux exceptions ne sont pas du même ordre, puisque, quelle que soit la taille de la sépulture et du caveau, il n’y aura, sauf exception en raison de la localisation, aucune autorisation à obtenir, alors que, par contre, en terrain privé, une autorisation sera nécessaire dès lors que les seuils d’emprise au sol, de hauteur, voire de surface de plancher, seront franchis.

Il conviendra également de remarquer que, sans aller jusqu’à reconnaître un pouvoir d’autorisation sur les constructions, la loi du 19 novembre 2008 est venue créer un nouvel art. L. 2213-12-1,
qui dispose que : "Le maire peut fixer des dimensions maximales des monuments érigés sur les fosses." Si cet article se trouve dans la partie générale que le CGCT a consacrée au cimetière, et qu’ainsi on pourra objecter qu’il ne concerne que les monuments érigés sur des terrains communs, ce serait méconnaître que le juge a toujours appliqué les mesures relevant de cette partie du Code aux concessions funéraires.

Il convient de noter que ce nouvel article consacre d’ailleurs (paradoxalement) législativement la possibilité de construction sur les emplacements en terrain commun. Ainsi, cette législation est l’une des rares possibilités offertes au maire de restreindre le droit de construire sur les emplacements, et particulièrement les concessions.

Les conséquences sur les monuments funéraires de la proximité d’un monument historique

Le principe posé par l’art. L. 631-30 du Code du patrimoine, jusqu’à l’intervention de la loi du 7 juillet 2016 (n° 2016-925) relative aux travaux sur les immeubles situés à proximité des immeubles inscrits ou classés en tant que monuments historiques, reposait sur un double fondement : il convenait d’établir un périmètre de protection fixé a priori par un rayon de 500 mètres autour de cet immeuble, et il convenait de surcroît qu’existe entre l’immeuble protégé et celui sur lequel les travaux étaient projetés une "covisibilité" à l’intérieur de ce même rayon, celle-ci s’appréciant depuis tous points de l’immeuble protégé "normalement accessible conformément à sa destination ou à son usage" (CE 20 janvier 2016, n° 365987).

Il était donc en l’espèce possible d’apprécier ce périmètre depuis une plateforme de cathédrale située à 66 mètres de hauteur dès lors que le public y avait accès. Afin de lutter contre ce qui apparaissait parfois comme par trop systématique, ce régime est profondément rénové. Désormais, la nouvelle rédaction de l’art. L. 621-30 substitue donc une protection au titre des "abords" à celle de l’ancien régime des immeubles situés dans le champ de visibilité d’un monument inscrit ou classé au titre des monuments historiques.

Cette protection présente le caractère d’une servitude d’utilité publique affectant l’utilisation des sols. Elle concernera tout immeuble, bâti ou non bâti, situé dans un périmètre délimité par l’autorité administrative, donc éga-lement des monuments funéraires, et ce, quel que soit leur localisation. Ce périmètre est créé par "décision de l’autorité administrative, sur proposition de l’architecte des Bâtiments de France, après enquête publique, consultation du propriétaire ou de l’affectataire domanial du monument historique et, le cas échéant, de la ou des communes concernées, et accord de l’autorité compétente en matière de plan local d’urbanisme, de document en tenant lieu ou de carte communale" (art. L. 621-31).
En cas de défaut d’accord de l’autorité compétente en matière d’élaboration de PLU, de document en tenant lieu ou de carte communale, la décision est prise soit par l’autorité administrative, après avis de la Commission régionale du patrimoine et de l’architecture, lorsque le périmètre ne dépasse pas la distance de cinq cents mètres à partir d’un monument historique, soit par décret en Conseil d’État, après avis de la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture, lorsque le périmètre dépasse la distance de cinq cents mètres à partir d’un monument historique. Le même art. L. 621-31 prévoit que le projet de périmètre fera l’objet d’une enquête publique unique avec celle relative à l’élaboration d’un document d’urbanisme.

En l’absence de périmètre délimité, la protection au titre des abords s’applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, visible du monument historique ou visible en même temps que lui et situé à moins de cinq cents mètres de celui-ci. Ainsi, à défaut d’institution de périmètre par l’autorité administrative, c’est l’ancien périmètre de 500 mètres et la "covisibilité" qui continueront de s’appliquer par défaut.

Les conséquences restent identiques à celles existantes, à savoir la nécessité d’une autorisation préalable : les travaux susceptibles de modifier l’aspect extérieur d’un immeuble, bâti ou non bâti, protégé au titre des abords, sont soumis à une autorisation préalable. L’autorisation peut être refusée ou assortie de prescriptions lorsque les travaux sont susceptibles de porter atteinte à la conservation ou à la mise en valeur d’un monument historique ou des abords.

In fine, ne serait-il pas plus judicieux d’aligner le régime des caveaux et monuments quel que soit leur emplacement ?

Philippe DupuisDupuis Philippe 2015
Consultant au Cridon, chargé de cours à l’université de Valenciennes, formateur en droit funéraire pour les fonctionnaires territoriaux au sein des délégations du CNFPT

 

 

Résonance n°142 - Juillet 2018

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