Le bouleversement des attributions du préfet de police à Paris : le nouveau régime instauré par la loi n° 2017-257 du 28 février 2017.
La loi n° 2017-257 du 28 février 2017, qui a instauré un nouveau régime pour la ville de Paris, notamment en matière de regroupement des vingt arrondissements en un seul secteur pour les 1er, 2e, 3e et 4e arrondissements, a, également, considérablement réformé les attributions antérieurement dévolues au préfet de police en matière funéraire, notamment en ce qui concerne le régime des opérations funéraires.
En effet, jusqu’au 28 février 2017, le préfet de police exerçait les attributions suivantes :
Selon l’art. R. 2512-35 du CGCT :
"Le préfet de police exerce les attributions dévolues au maire par les articles R. 2213-2-2, R. 2213-5, R. 2213-7, R. 2213-13, R. 2213-14, R. 2213-21, R. 2213-29, R. 2213-40, R. 2213-44, R. 2223-78 et R. 2223-95. L’avis prévu à l’art. R. 2213-10 et le procès-verbal prévu à l’art. R. 2213-44 sont adressés au préfet de police."
Rappel des articles du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), concernant les pouvoirs conférés au préfet de police de Paris, qui imposaient le régime de la déclaration écrite préalable, effectuée par tous moyens, auprès du préfet de police de Paris :
L’art. R. 2213-2-2 : les conditions de réalisation de soins de conservation ;
L’art. R. 2213-5 : relatif à la réalisation d’un moulage et les interdictions ;
L’art. R. 2213-7 : afférent au transport de corps avant mise en bière.
L’art. R. 2213-13 : le don de corps. Cet article porte sur les conditions d’admission dans un établissement de santé, de formation ou de recherche d’un don de corps, que si l’intéressé en avait fait la déclaration écrite en entier, datée et signée de sa main.
L’art. R. 2213-14 : concernant le transport du corps d’une personne décédée vers un établissement de santé, pour réaliser des prélèvements à des fins thérapeutiques ou une autopsie médicale ;
L’art. R. 2213-21 et l’art. R. 2213-29 : il s’agit des conditions du transport de corps en cercueil ;
L’art. R. 2213-40 : relatif à la procédure de l’exhumation ;
L’art. R. 2213-44 : il traite de la police des opérations funéraires (fermeture et pose de scellés sur un cercueil en vue de crémation ou lorsque, en cas de transport de corps après mise en bière, aucun membre ni représentant de la famille n’est présent).
L’art. R. 2223-78 : traitant du cas du transport de corps vers une chambre funéraire requis par les autorités de police ou de gendarmerie, la déclaration préalable n’était pas exigée ;
L’art. R. 2223-75 : permettant l’accès des personnels des opérateurs funéraires habilités aux chambres funéraires.
Ces attributions du préfet de police à Paris en matière funéraire ont été supprimées par la loi n° 2017-257 du 28 février 2017, attribuant à la commune de Paris le statut d’une collectivité territoriale, sous la dénomination Ville de Paris.
En effet, depuis cette loi n° 2017-257 du 28 février 2017 attribuant à la Ville de Paris le statut juridique d’une collectivité territoriale à part entière, à compter du 1er juillet 2017, un certain nombre de compétences en matière funéraire ont été transférées aux maires d’arrondissements, donc ôtées de celles du préfet de police de Paris, et d’autres au service des cimetières de la ville, ainsi que cela sera exposé ci-après.
Il s’ensuit qu’à compter du 1er juillet 2017, certaines autorisations sont délivrées exclusivement par les services de l’état civil des mairies d’arrondissement de Paris (20, actuellement, au total).
Il s’agit :
- des autorisations de fermeture de cercueil ;
- des autorisations d’inhumation ;
- des autorisations de crémation ;
- des autorisations de dépôt temporaire de corps à domicile, en édifice cultuel, au funérarium ou au crématorium.
Par ailleurs, depuis le 1er juillet 2017, toutes les déclarations relatives au transport des corps avant ou après mise en bière, ainsi que les déclarations de soins de conservation et de moulage, doivent être formulées auprès des services de l’état civil des mairies d’arrondissement.
Plus remarquable encore
Enfin, les demandes d’autorisation de dépôt temporaire de corps en caveau provisoire et les demandes d’autorisation d’exhumation doivent être adressées au bureau des concessions du service des cimetières de la Ville de Paris, 71 rue des Rondeaux 75020 Paris.
Manifestement, le droit applicable aux opérations funéraires à Paris, qui était jusqu’alors exorbitant du droit commun, a été considérablement modifié, mais le rapprochement avec les deux autres communes disposant d’un statut particulier (loi du 31 décembre 1982 modifiée, dite loi PLM – Paris, Lyon et Marseille) n’est pas aussi évident que sembleraient l’indiquer les motivations des parlementaires qui l’ont adoptée.
En effet, à Lyon et Marseille, les maires et adjoints aux maires d’arrondissement n’ont une compétence attributive qu’en matière d’état civil : ils sont les officiers d’état civil, dont il sera rappelé qu’il s’agit d’une compétence régalienne détenue par l’État français, qui l’a déléguée, également, aux maires et adjoints aux maires des communes françaises, qui, en vertu des dispositions du CGCT, sont effectivement des officiers d’état civil (idem pour les maires et adjoints au maire d’arrondissement), placés sous le contrôle, voire la tutelle, du procureur de la République près du tribunal de grande instance (TGI) territorialement compétent.
En revanche, pour toutes les communes, incluant également Marseille et Lyon, c’est le maire de la commune qui est compétent pour recevoir les déclarations préalables à la réalisation d’une opération funéraire, ou pour délivrer les autorisations maintenues dans leur sphère de compétences par le décret n° 2011-121 du 28 janvier 2011.
À Paris, sous la motivation de reconnaître à la ville le statut d’une collectivité territoriale à part entière, un régime certainement plus exorbitant du droit commun a été instauré par la loi du 28 février 2017, puisque force sera de constater que les attributions des maires d’arrondissement ont été largement étendues, notamment en accordant aux officiers d’état civil le soin de recevoir les déclarations préalables afférentes aux opérations les plus courantes, mais aussi et surtout de délivrer, sauf les autorisations de fermeture de cercueil (compétence effective de l’officier d’état civil depuis le décret du 18 mai 1976, qui avait supprimé le permis général d’inhumer), les autorisations d’inhumation, les autorisations de crémation, les autorisations de dépôt temporaire de corps à domicile, en édifice cultuel, au funérarium ou au crématorium.
Cette nouvelle compétence est, dans toutes les autres communes françaises, y compris Marseille et Lyon, attribuée au maire en tant que détenteur des pouvoirs de police générale municipale.
Cette réforme est donc particuliè-rement audacieuse, et, de surcroît, ce caractère est accentué par les attributions dévolues à une administration parisienne, celle des cimetières, qui s’est vu confier le traitement des demandes d’autorisation de dépôt temporaire de corps en caveau provisoire et les demandes d’autorisation d’exhumation, qui, désormais, doivent être adressées au bureau des concessions du service des cimetières de la Ville de Paris, 71 rue des Rondeaux 75020 Paris.
La loi PLM, initiée par Gaston Defferre, à qui l’on avait attribué, également, la paternité des lois dites de décentralisation de 1983 (lois du 7 janvier et du 22 juillet 1983), avait pour finalité affichée, alors, par le ministre de l’Intérieur, de rapprocher l’Administration des administrés.
Certes, cette révolution législative pour Paris est certainement pratique pour les opérateurs funéraires, qui, sans doute, bénéficient de plus de souplesse pour l’accomplissement de leurs démarches, par contre, la notion du "guichet unique", si chère aux partisans déclarés de la décentralisation, a été radicalement oubliée, en ouvrant deux pôles de compétences pour l’accomplissement des formalités préalables à la réalisation des opérations funéraires.
Peut-être une évolution qui viendra, dans l’avenir, compléter les compétences des mairies d’arrondissement à Marseille et Lyon, qui sont déjà les interlocuteurs privilégiés des opérateurs funéraires, lesquels sont tenus d’effectuer pour le compte de leurs familles clientes les démarches afférentes aux déclarations de décès, en vue d’obtenir l’acte de décès, ainsi que l’autorisation de fermeture du cercueil, les obligeant, dans ces deux villes, à se rendre dans le service municipal attributaire des autres compétences funéraires.
Jean-Pierre Tricon
Consultant au cabinet d’avocats
Pezet & Associés
Co-auteur du "Traité de Législation et Réglementation Funéraire"
Formateur
Résonance n°142 - Juillet 2018
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