Une concession funéraire est un emplacement dans un cimetière qui permet de s’y faire inhumer seul ou avec des membres de sa famille ou toute autre personne désignée par le titulaire de la concession. Les communes peuvent concéder des concessions funéraires dans leurs cimetières "aux personnes qui désirent y fonder leur sépulture et celles de leurs enfants ou successeurs, en y inhumant cercueils ou urnes" (art. L. 2223-13 du Code Général des Collectivités Territoriales – CGCT).
Me Jean-Philippe Borel. |
Quels sont les droits du concessionnaire sur la parcelle concédée ?
Une concession funéraire constitue un droit d’occupation du domaine public, le concessionnaire bénéficie d’un droit réel et d’un quasi-droit de propriété sur le monument construit sur la parcelle concédée. Ce droit réel immobilier s’étend, par accession, au monument construit sur la concession par le titulaire de la concession ou par un tiers (art. 552 du Code civil). Ainsi, le droit d’usage du monument incorporé au droit du concessionnaire ne peut être acquis par prescription (Cass. Civ., 1re, 13 mai 1980, n° 78-15405).
À ce titre, le concessionnaire peut effectuer des travaux, des plantations sur l’espace concédé, clore celui-ci (CE 1er juillet 1925, Bernon, Lebon 627), sous réserve de respecter les espaces inter-tombes (art. L. 2223-13 du CGCT). Ainsi, dès qu’une personne a obtenu une concession dans un cimetière, elle est de ce fait autorisée à y construire un caveau, un monument ou un tombeau. La délibération interdisant toute construction de caveaux dans certaines parties d’un cimetière, sans excepter les familles y disposant déjà d’une concession, est dès lors entachée d’illégalité (CE, 8 novembre 1993, nos 128447 et 133324).
Le titulaire de la concession dispose de prérogatives élargies, ce dernier bénéficiant d’une liberté sur la forme, la taille et le style du monument funéraire qu’il envisage de réaliser. En outre, l’art. 28 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État prévoit des exceptions au principe de neutralité, celui-ci ne faisant pas obstacle à l’apposition de signes ou emblèmes religieux sur les terrains de sépulture, les monuments funéraires et les édifices servant au culte.
Le concessionnaire peut dès lors apposer de tels signes ou emblèmes, même avant la première inhumation (CE, 21 janvier 1910 : Rec. CE 1910, p. 49). En revanche, aucune inscription ne peut être placée sur les pierres tumulaires ou monuments funéraires sans avoir été préalablement soumise à l’approbation du maire (art. R. 2223-8 du CGCT). Cette prescription ne s’applique qu’aux épitaphes, le fondateur de la concession et ses héritiers disposant du droit d’inscrire leur nom sur le monument funéraire à compter de leur inhumation (Cass. Civ., 1re, 11 janvier 2012 n° 09-17.373)
Les constructions nécessitent-elles une autorisation d’urbanisme ?
Aucun permis de construire n’est exigible pour la réalisation de travaux (art. L. 2223-12 du CGCT et art. R. 421-2 du Code de l’urbanisme), sauf si le monument funéraire est immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques, les travaux nécessitant alors une autorisation préalable et l’accord de l’architecte des Bâtiments de France (art. L. 621-31 du Code du patrimoine). Le règlement du cimetière peut également imposer une déclaration préalable des travaux qui vont être réalisés sur la concession.
Quel est le régime juridique des travaux réalisés sur la concession ?
Le régime juridique des travaux sur la construction relève du droit privé, le juge judiciaire étant alors compétent pour statuer sur les litiges relatifs entre le concessionnaire et l’entreprise de travaux, ainsi que les accidents y afférents (Cass. Civ., 1re, 10 octobre 1961, Bull. civ. n° 446).
Quelles sont les éventuelles restrictions imposées par le maire ?
Le maire peut toutefois, au titre de son pouvoir de police prévu aux articles L. 2213-9 et de l’art. L. 2212-2 du CGCT, exiger la conformité de la construction du caveau aux contraintes hydrogéologiques afin d’assurer le respect de la salubrité au sein du cimetière, sous le contrôle éventuel du juge administratif. Il peut donc prendre un arrêté pour suspendre les travaux en cas de non-conformité ou de contrariété avec la sécurité, l’hygiène, et la salubrité publiques.
L’exécution d’office de travaux par la commune ne peut être justifiée que pour des considérations d’urgence (CE 11 juillet 1913, Rec. CE 1913, p. 832). Il peut également prescrire que les terrains seront entretenus par les concessionnaires en bon état de propreté et de solidité. Il est de même pour le respect des espaces inter-tombes. Ces espaces inter-tombes constituent les parties communes du cimetière, au sein desquelles les usagers doivent pouvoir circuler en sécurité et sans entrave (CE 19 octobre 1966, n° 63268. Pour une solution inverse, CAA Nantes, 23 déc. 2016, n° 14NT02509).
Le maire, au titre de la police des funérailles et des lieux de sépulture, définie aux articles L. 2213-8 et L. 2213-9 du Code précité, peut donc prescrire toute mesure destinée à empêcher que le titulaire d’une concession ne gêne la desserte des sépultures voisines (CAA Marseille 2 juin 2008 n° 07MA01011, Rep. min. JO Sénat du 25 février 2010, p. 462).
En cas de méconnaissance de ces prescriptions, il est tenu d’en dresser un procès-verbal adressé au juge des contraventions (Ass. nat., RM, Intérieur, Question n° 26311, 24 mai 1999 ; RM, Intérieur, Question n° 03163, 27 mars 2008). Sous réserve d’un revirement de jurisprudence, le maire ne peut valablement imposer ou limiter le droit à construire du concessionnaire sur le fondement de considérations de qualité esthétique du monument (CE 11 mars 1983 n° 20837).
Dans la deuxième partie, nous aborderons les obligations respectives du concessionnaire de la commune et le sort de construction dans le cadre d’une reprise de concession.
Me Jean-Philippe Borel
Docteur en droit
Avocat au barreau d’Avignon
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Résonance n°138 - Mars 2018
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