Les exhumations administratives ?
Le fossoyage : élément du service extérieur des pompes funèbres
L’art. L. 2223-19 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) prévoit en effet que : […] 8° "La fourniture de personnel et des objets et prestations nécessaires aux obsèques, inhumations, exhumations et crémations, à l’exception des plaques funéraires, emblèmes religieux, fleurs, travaux divers d’imprimerie et de la marbrerie funéraire. Cette mission peut être assurée par les communes, directement ou par voie de gestion déléguée. Les communes ou leurs délégataires ne bénéficient d’aucun droit d’exclusivité pour l’exercice de cette mission. Elle peut être également assurée par toute autre entreprise ou association bénéficiaire de l’habilitation prévue à l’art. L. 2223-23".
Or, le principe est depuis la loi "Sueur" de 1993 (loi n° 93-23 du 8 janvier 1993), que toute intervention dans le service extérieur des pompes funèbres ne peut se faire qu’avec du personnel disposant d’une habilitation préfectorale. Ces obligations s’appliquent de la même façon aux opérateurs privés et aux opérateurs publics. Par conséquent, à la lecture des dispositions du CGCT, si la commune exerce une activité de fossoyage au profit des familles, il sera exigé que les fossoyeurs soient habilités à titre personnel.
Dans le cas contraire, le fossoyage par du personnel non habilité pourrait entraîner des poursuites. Il convient de remarquer que le maire pourrait être poursuivi personnellement puisqu’il serait possible d’être qualifié de gérant de fait d’une régie de pompes funèbres, or l’art. L. 2223-35 CGCT dispose que : "Le fait de diriger en droit ou en fait une régie, une entreprise ou une association ou un établissement sans l’habilitation prévue aux articles L. 2223-23, L. 2223-41 et L. 2223-43 ou lorsque celle-ci est suspendue ou retirée en application de l’art. L. 2223-25 est puni d’une amende de 75 000 €". La condamnation pouvant être assortie de nombreuses peines complémentaires dont la privation des droits civiques.
Le fossoyage non constitutif d’une mission du service extérieur des pompes funèbres
- L’inhumation des personnes dépourvues de ressources suffisantes
Il existe une première exception, mais elle est notable, qui permet d’effectuer des travaux de fossoyage sans être habilité. En effet, l’art. L 2213-7 CGCT dispose que : "Le maire ou, à défaut, le représentant de l’État dans le département pourvoit d’urgence à ce que toute personne décédée soit ensevelie et inhumée décemment sans distinction de culte ni de croyance", tandis que l’art. L 2223-37 énonce quant à lui que : "Les dispositions des articles L. 2223-35 et L. 2223-36 ne sont pas applicables aux autorités publiques qui, en application d’un texte législatif ou réglementaire, sont tenues soit d’assurer tout ou partie d’opérations funéraires, soit d’en assurer le financement".
- Les exhumations administratives
Une seconde question trouve à se poser : qu’en est-il des exhumations qualifiées d’"administratives", ainsi dénommées par opposition à celles ordonnées par le plus proche parent du défunt (R 2213-40 CGCT). Indubitablement l’exhumation relève du service extérieur des pompes funèbres et nécessite donc une habilitation. En revanche, que cela soit à la suite de l’expiration du délai de rotation en terrain commun (R 2223-5 CGCT) ou qu'il s’agisse de concessions funéraires, une fois la durée d’occupation écoulée (deux ans après l’arrivée à échéance (L. 2223-15 CGCT) ou à l’issue de la procédure de reprise pour état d’abandon (L. 2223-17 et R. 2223-12 et s. CGCT), la revente du terrain à un nouveau concessionnaire implique au préalable que soient effectuées des opérations matérielles par la commune.
Outre l’enlèvement des caveaux et monuments présents, une exhumation des corps présents dans la concession reprise s’impose (TA Pau, 14 déc. 1960, Loste : Rec. CE 1960, p. 838. - Rép. min. n° 53601 : JOAN Q, 23 juill. 2001, p. 4298). Or, ici c’est le maire qui décide de faire procéder à l’exhumation (R. 2223-20CGCT). Une circulaire (n° 97-211, 12 décembre 1997, reproduite in Code pratique des opérations funéraires, p. 451, Éd. le Moniteur) fait de cette opération une mission de gestion, insusceptible de délégation, et donc nécessairement relevant non pas du SPIC où l’habilitation est obligatoire, mais du SPA, ce qui autoriserait encore une fois, sous réserve de l’appréciation souveraine du juge, la possibilité d’utiliser du personnel non habilité : "Sur le fondement de la loi du 28 décembre 1904 précitée, la jurisprudence est venue préciser dans le temps la liste des opérations funéraires dans le cimetière qui relèvent de la mission de service public du service extérieur des pompes funèbres :
- le creusement et le comblement des fosses ;
- l’ouverture et la fermeture des caveaux ;
- le transport de corps à l’intérieur du cimetière ;
- l’inhumation ou l’exhumation des corps et les manipulations accessoires (réduction des corps, changement de cercueil, dépôt des restes à l’ossuaire communal) ;
- le déplacement des cadavres et des cercueils ;
- le placement dans un seul cercueil des restes de plusieurs corps ;
- les opérations accessoires relatives à la crémation (dépôt de l’urne au colombarium (sic !), dispersion des cendres dans le jardin du souvenir).
Il faut considérer, sous réserve de l'appréciation souveraine des tribunaux compétents, que l'ensemble des opérations susvisées entrent dans le champ de l'art. L. 362-1 du Code des communes précité tel que modifié par la loi du 8 janvier 1993 qui précise les éléments constitutifs de la mission de service public du service extérieur des pompes funèbres. (NOR : INTB9500051C, Bulletin officiel du ministère de l’Intérieur n° 95/1 pages 685-713 - spéc. page 690).
Par ailleurs, la circulaire n° 89-206 du 6 juillet 1989 du ministre de l'Intérieur aux préfets relative aux conditions d'exercice du service public des pompes funèbres, commentant un avis rendu par le Conseil d'État le 15 avril 1989 [n° 89-206], précise que : "La question posée à la Haute Assemblée visait à éclaircir la situation de certaines communes au regard des conditions d’exercice du service extérieur des pompes funèbres et des règles de dérogation introduites par la loi du 9 janvier 1986, dans le cas où ces communes n'organisent sur leur territoire, souvent pour des raisons d’ordre historique, que certaines des prestations du service extérieur des pompes funèbres telles qu'elles sont énumérées à l'art. L. 362-1, alinéa Pr, du Code des communes, et non la totalité de celle-ci. C'est ainsi que les communes, le plus souvent, disposent d'un corbillard pour le transport de corps après mise en bière et d'un fossoyeur qui réalise les opérations de creusement et de comblement des fosses. Cette organisation partielle du service est, en règle générale, assurée dans le cadre d'une régie".
Il résulte donc de cet avis du Conseil d'État que, notamment, les opérations de creusement et de comblement des fosses font bien partie du service extérieur des pompes funèbres.
Cette position est désormais confirmée par la jurisprudence
En effet, l’exclusion du champ d’application matériel de l’art. L. 2223-23 du CGCT des opérations de creusement et/ou comblement de fosses dans le cadre de procédures de reprises administratives de concessions funéraires ou d’emplacements de terrain commun, pouvant très bien s’entendre intellectuellement car ne constituant pas une prestation, un service rendu aux familles au sens des prestations énumérées à l’art. L. 2223-19, mais une opération de gestion du domaine public trouve désormais un ancrage en droit positif.
Il est répondu à cette question, à l’occasion d’un recours dirigé à l’occasion d’un marché public de reprise de concessions funéraires. Les faits sont indifférents à l’affaire, mais le juge affirme : "9. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’art. L. 2223-23 du CGCT : "Les régies, les entreprises ou les associations et chacun de leurs établissements qui, habituellement, sous leur marque ou non, fournissent aux familles des prestations énumérées à l’art. L. 2223-19 ou définissent cette fourniture ou assurent l’organisation des funérailles doivent être habilités à cet effet selon des modalités et une durée prévues par décret en Conseil d’État […]" ; que le marché de travaux en cause, relatif à une reprise de concessions, n’a pas pour objet de fournir aux familles des prestations relatives à un service extérieur de pompes funèbres, ni de définir cette fourniture, ni d’assurer l’organisation de funérailles ; qu’ainsi, la production de l’habilitation préfectorale prévue par l’art. L. 2223-23 susmentionné n’était pas nécessaire pour l’examen des candidatures ni pour le choix du titulaire du marché et ne figurait d’ailleurs pas parmi la liste des documents à produire, énumérés dans le règlement de consultation du marché ; que la production de cette habilitation n’était donc pas une condition préalable à l’examen des candidatures ni à la signature du contrat". (CAA Versailles 11 septembre 2014, Commune de Saint-Cloud, req. n° 12VE04165).
Ainsi la clarification jurisprudentielle souhaitée par la circulaire existe désormais : il n’est nul besoin d’être habilité pour procéder à des exhumations administratives. Par-delà la solution applicable à des entreprises privées non titulaires de l’habilitation mais désireuses de soumissionner à de tels marchés, force est de constater qu’elle permet également à des collectivités de faire procéder à des reprises administratives par du personnel non habilité également…
Philippe Dupuis
Consultant au Cridon, chargé de cours
à l’université de Valenciennes,
formateur en droit funéraire
pour les fonctionnaires territoriaux au sein
des délégations du CNFPT.
Le : 20/11/2017 CAA de VERSAILLES Sur les conclusions tendant à l’application de l’art. L. 761-1 du Code de justice administrative : |
Résonance n° 136 - Janvier 2018
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