Comme nous l’avions proposé dans de précédentes éditions, la Confédération des Professionnels du Funéraire et de la Marbrerie (CPFM) fait partager aux lecteurs de Résonance des réponses déjà apportées à ses adhérents, sur différents points ou questions ayant trait aux problématiques du secteur funéraire. Dans ce numéro, nous abordons une question relative au délai de 48 heures pour transporter un corps avant mise en bière.
Pierre Larribe. |
La réglementation prévoit la possibilité, sur demande de la personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles, de transporter un défunt avant mise en bière dans un délai de 48 heures à compter du décès (Art. R 2213-11 du Code Général des Collectivités Territoriales - CGCT). La réglementation ne prévoit pas de dérogation à ce délai. Lorsque ce délai est dépassé (ou lorsque le transport avant mise en bière ne peut pas être terminé avant la fin des 48 heures), il est alors obligatoire de mettre le corps en cercueil là où il se trouve, avant de pouvoir le transporter.
Lorsque le décès présente un problème médico-légal, le corps est transporté par un opérateur funéraire réquisitionné sur ordre du procureur de la République (et non pas sur demande de la personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles) vers un établissement faisant office d’Institut Médico-Légal (IML). Un examen du corps et souvent une autopsie sont réalisés afin que le procureur de la République dispose d’informations suffisantes pour mener à bien son enquête.
Une fois l’examen du corps terminé, le corps est remis à disposition de la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles. Le procureur établit à cette fin, un "procès-verbal à fin d’inhumation" (ou de crémation). La date de rédaction de ce procès-verbal sert de point de départ pour le délai de six jours pour organiser l’inhumation ou la crémation. (Articles R 2213-33 et R 2213-35 du CGCT, dans leur rédaction modifiée par le décret 2011-12 du 28 janvier 2011). Avant le décret du 28 janvier 2011, en cas de problème médico-légal, le délai de six jours compté à partir de la date du décès était souvent trop court, voire dépassé et nécessitait d’obtenir du préfet une dérogation pour inhumer (ou crématiser) le défunt dans un délai supérieur aux six jours. La nouvelle rédaction des articles R 2213-33 et R 2213-35 vient donc simplifier ces formalités et permet aux familles de disposer d’un délai suffisant pour pourvoir aux funérailles.
Mais cette disposition ne s’applique pas au délai relatif au transport de corps avant mise en bière et l’art. R 2213-11, dans sa rédaction issue du décret
n° 2011-121 du 28 janvier 2001, ne permet pas de reporter le point de départ du transport avant mise en bière. Ce délai court uniquement à partir de la date du décès.
S’il arrive qu’un corps transporté vers un IML soit quand même transporté sans cercueil vers une chambre funéraire à l’issue de l’examen du corps et éventuellement de son autopsie, c’est que le procureur de la République a donné un ordre de réquisition pour ramener le corps à proximité du lieu de décès. Il faut bien comprendre qu’il ne s’agit pas d’une opération demandée par la personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles (puisque cette opération n’est pas réglementairement possible si le délai de 48 heures est dépassé). Le procureur de la République, lorsqu’il prend un ordre de réquisition, agit dans le cadre d’une situation exceptionnelle (et non pas régulière) et n’est pas tenu de respecter les délais prévus par la réglementation. Le procureur n’est pas tenu d’ordonner le retour du corps avant mise en bière et peut très bien refuser cette opération.
Il est clair que les transports "retour" de corps avant mise en bière réalisés sur réquisition brouillent la lisibilité de ces dispositions réglementaires. Un opérateur funéraire peut s’imaginer que cette opération ayant été réalisée, c’est qu’elle est possible réglementairement parlant. Et il devient tentant et facile d’imaginer que le report du point de départ du délai des six jours pour pourvoir aux funérailles, s’appliquerait tout aussi bien au point de départ du délai des 48 heures pour transporter le corps d’un défunt sans cercueil. Or c’est aller un peu vite. La réglementation en vigueur ne permet pas un tel report.
Il est souvent difficile pour l’opérateur funéraire, sollicité par une famille dont le proche est décédé dans des circonstances très souvent dramatiques, à qui l’on demande d’organiser un transport du corps sans cercueil depuis l’IML vers une chambre funéraire située à proximité de la résidence de la famille, de ne pas pouvoir répondre positivement à cette demande (sauf à se mettre en infraction par rapport à la réglementation).
Une réponse ministérielle n° 15227 en date du 2 juillet 2013, considère "que le transport de corps après une autopsie judiciaire ne peut être effectué qu’après mise en bière". Cette argumentation ne prend pas en considération la marge de manœuvre dont dispose un procureur de la République pour "ordonner" le retour d’un corps sans cercueil, même après une autopsie, vers une chambre funéraire située à proximité du lieu du décès. Il est vrai que le procureur de la République, dans le cadre de sa mission d’intérêt public (déterminer les causes exactes du décès et si besoin, prendre des sanctions en cas d’acte criminel) peut s’affranchir de certaines contraintes réglementaires en arguant de la situation exceptionnelle (une mort "suspecte"). Mais une fois la cause du décès déterminée, la situation perd son caractère d’exception et le procureur, a priori, n’a plus de raison de s’affranchir des contraintes réglementaires.
Il reste que pour les familles confrontées à une situation tragiquement douloureuse, l’impossibilité de faire revenir le corps du défunt sans cercueil à proximité de leur lieu de résidence et la contrainte d’avoir à se rendre à l’Institut Médico-Légal (parfois très éloigné de leur lieu de résidence) pour pouvoir assister à la mise en bière de leur proche, est une charge supplémentaire, souvent difficile à comprendre et à accepter. Surtout lorsque dans des situations similaires, des ordres de réquisition ont pu permettre à d’autres familles de pouvoir revoir et veiller leur défunt sans que le corps ait été mis en bière à l’IML. Il appartient à l’opérateur funéraire sollicité par les familles, de bien connaître le cadre réglementaire et les limites de ses marges de manœuvre en matière de transport de corps avant mise en bière, avant de s’engager à proposer une prestation qu’il ne pourra pas réaliser sans se mettre en infraction avec la réglementation.
Pierre Larribe
Responsable juridique de la CPFM
Résonance n° 135 - Novembre 2017
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