La commune a-t-elle l’obligation de prendre en charge les obsèques d’un indigent ? La réponse est… Oui !
Me Jean-Philippe Borel. |
En application des articles L. 2213-7 et L. 2223-27 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), le maire doit s’assurer que toute personne décédée sur son territoire bénéficie de funérailles, et s’en charge lorsqu’il s’agit d’un indigent.
Le principe est fixé à l’art. L. 2223-27 du CGCT, qui dispose que : "Le service est gratuit pour les personnes dépourvues de ressources suffisantes. Lorsque la mission de service public définie à l’art. L. 2213-19 n’est pas assurée par la commune, celle-ci prend à sa charge les frais d’obsèques de ces personnes. Elle choisit l’organisme qui assurera ces obsèques."
En pratique
Le service des obsèques est gratuit pour les personnes dépourvues de ressources suffisantes. Aucun texte de nature législative ou réglementaire ne venant préciser cette notion de "ressources suffisantes", il convient en conséquence que le maire l’apprécie, localement et au cas pas cas, par le biais d’un faisceau d’indices.
Le maire, en sa qualité de président du Centre Communal d’Action Sociale (CCAS) dispose ainsi d’éléments d’information sur les ressources et la situation de famille des personnes relevant de l’action sociale communale. Il peut à ce titre apprécier le niveau de ressources de l’intéressé. Ce niveau de ressources n’est cependant pas le seul élément que le maire doit prendre en compte.
Lorsque les services de la commune n’assurent pas le service public des pompes funèbres, cette dernière doit choisir l’entreprise qui assurera les obsèques, et doit prendre en charge les frais d’obsèques de l’indigent (art. L. 2223-27 du CGCT). Elle devra par conséquent régler l’opérateur funéraire des frais d’obsèques.
Quid en cas de refus du maire ?
En cas de défaillance du maire, l’art L. 2223-34 du CGCT permet au préfet de mettre en demeure la commune de s’exécuter ou "pourvoit d’urgence à ce que toute personne décédée soit ensevelie et inhumée décemment sans distinction de culte ni de croyance" (art. L. 2223-27 du CGCT).
Sur le plan financier
Les communes disposent de la possibilité d’instituer des taxes sur les opérations de convoi, d’inhumation et de crémation, au titre de l’art. L. 2223-22 du Code précité. Ces fonds peuvent ainsi leur permettre de financer les dépenses effectuées au titre de l’inhumation des personnes indigentes.
Quid du recouvrement des frais d’obsèques ?
En premier lieu, la commune peut se rembourser sur l’actif successoral, les frais d’obsèques constituant un passif de succession. Elle doit s’adresser à la banque du défunt, qui doit, aux termes de l’art. 72 de la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013, dans la limite du solde créditeur de comptes, rembourser à la personne organisant des funérailles les sommes qu’elle a avancées pour payer les obsèques (art. L. 312-1-4 du Code monétaire et financier).
Lorsque l’actif successoral ne permet pas de faire face aux frais d’obsèques, le débiteur de l’obligation alimentaire doit, même s’il a renoncé à la succession de ses ascendants ou descendants, assumer la charge des frais d’obsèques, dans la proportion de ses ressources (art. 205 du Code civil, Cass. Civ. 1re, 21 septembre 2005, pourvoi n° 03-10.679).
Si les frais d’obsèques sont des frais liés à la succession de la personne décédée, c’est-à-dire un passif de succession, ils présentent également le caractère d’une obligation alimentaire lorsque l’actif successoral n’est pas suffisant pour les couvrir. L’obligation pour les enfants et les petits-enfants de supporter les frais d’obsèques de ses parents existe, dès leur naissance, comme une conséquence des dispositions de l’art. 371 du Code civil, qui impose à l’enfant, à tout âge, honneur et respect à ses père et mère (Cass. Civ. 1re 28 janvier 2009 n° 07-14272, Cass. Civ. 1re, 21 septembre 2005, n° 03-10.679).
Cette obligation s’impose même en présence d’un héritier qui renonce à la succession, l’art. 806 du Code civil prévoit que : "Le renonçant n’est pas tenu au paiement des dettes et charges de la succession. Toutefois, il est tenu à proportion de ses moyens au paiement des frais funéraires de l’ascendant ou du descendant à la succession duquel il renonce." Il en est de même pour un héritier, bénéficiaire d’un capital décès (Cass. Civ. 1re, 25 juin 2002 n° 99-16391).
Dès lors, la commune peut effectivement faire appel à la famille avant de constater l’indigence du défunt, ou afin de lui demander le remboursement des obsèques. Le recouvrement de cette créance peut présenter des difficultés, notamment en raison de l’exception d’indignité des parents, qui peut être soulevée comme moyen d’exonération par les enfants (sur le sujet, cf. Jean-Pierre Tricon "Le paiement des frais funéraires : les limites de l’obligation alimentaire", Résonance funéraire n° 3 février 2009).
Références
Articles L. 2213-7 et L. 2223-27 du CGCT
Réponse ministérielle publiée dans le JO Sénat du 27 mars 2008, p. 619
Réponse ministérielle publiée dans le JO Sénat du 14 mai 2007, p. 1015
Jean-Philippe Borel
Avocat au barreau d’Avignon
Docteur en droit
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Résonance n°134 - Octobre 2017
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