Comment procéder lorsque le concessionnaire est décédé, qu’il n’y a pas d’ayant droit et qu’un autre membre de la famille ou autre veut renouveler la concession ?
Georges Martinez, président de l’A.N.A.P.E.C |
L’A.N.A.P.E.C (Association Nationale des Personnels de Cimetière) a apporté la réponse suivante :
Dans les faits, nous constatons, comme très souvent en pareil cas, d’une part ce qu’en dit la loi et d’autre part ce qu’en dit l’usage, car le bon sens dans le traitement de ces demandes doit aussi pouvoir s’exprimer vis-à-vis des familles que nous accueillons, en fonction bien sûr des spécificités des cimetières et des règlements de cimetières. Pour chaque conservateur, respecter les volontés du fondateur et/ou de ses ayants droit est une priorité.
C’est ainsi que la décision sera guidée par les réponses aux questions suivantes :
- A-t-on trace de volontés exprimées par le concessionnaire de son vivant ?
- Quelle est la nature de la concession achetée par le fondateur (le concessionnaire) ?
- Comment avoir la certitude qu’il n’y a pas d’autre ayant droit ?
- La personne qui souhaite renouveler est-elle capable de nous fournir tous les documents nécessaires pour le prouver ?
Que disent les textes ?
Le droit au renouvellement de concession s’appuie sur l’art. L. 2223-15 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), qui indique :
Art. L. 2223-15 – créé par loi 96-142 1996-02-21 JORF 24 février 1996
"Les concessions sont accordées moyennant le versement d’un capital dont le montant est fixé par le conseil municipal. Les concessions temporaires, les concessions trentenaires et les concessions cinquantenaires sont renouvelables au prix du tarif en vigueur au moment du renouvellement. À défaut du paiement de cette nouvelle redevance, le terrain concédé fait retour à la commune. Il ne peut cependant être repris par elle que deux années révolues après l’expiration de la période pour laquelle le terrain a été concédé. Dans l’intervalle de ces deux années, les concessionnaires ou leurs ayants cause peuvent user de leur droit de renouvellement."
Ainsi, le cimetière ou la mairie vérifie les documents attestant les liens de parenté.
Quand le délai de deux ans est passé, le droit au renouvellement est éteint, mais le maire peut accorder le renouvellement ultérieurement (= pouvoir discrétionnaire). Le droit au renouvellement peut être exercé par un seul des héritiers, sauf que la concession est renouvelée à l’égard de tous les héritiers (le Code civil peut toutefois permettre à un héritier de sortir de l’indivision, exemple : s’il ne veut pas supporter les travaux, ce qui ne l’empêchera pas d’être inhumé dans la concession).
En l’absence de concessionnaire ou d’ayant droit
Dans l’intérêt des familles, certaines communes acceptent le renouvellement par des tiers sous certaines conditions :
- le délai de deux ans après échéance de la concession doit être écoulé (temps durant lequel un ayant droit pourrait se manifester et renouveler la concession) ;
- le fait de payer le renouvellement ne donne aucun droit sur la concession à la personne qui renouvelle ;
- il doit être écrit clairement sur les documents de renouvellement que la personne agit pour le compte du concessionnaire ou de ses ayants droit, et que le renouvellement ne lui confère aucun droit sur la concession.
Cette façon de faire ne repose sur aucun texte, et si la concession cause un dommage, la responsabilité de la commune pourrait être engagée (le concessionnaire ou l’ayant droit de la concession n’ayant pas manifesté sa volonté de renouveler la concession, leur responsabilité ne saurait être engagée). Il vaut mieux donc, si la concession n’est pas en bon état, que la commune refuse le renouvellement par un tiers (sauf s’il la remet en état préalablement). Il faut prêter une attention particulière à ces travaux (qui fait quoi, et comment), l’entrepreneur doit être couvert par une assurance pour la partie technique.
La commune doit en principe, assez rapidement, exhumer le(s) corps (sauf si le dernier corps a été inhumé il y a moins de cinq ans) et démolir le monument.
Si la commune ne libère pas le terrain (exhumation, démolition) et que le concessionnaire (ou un ayant droit) se présente, même plusieurs années après l‘échéance, elle risque d’être obligée de le laisser renouveler (CE 12 janvier 1917 Devoncoux, Lebon, p. 38, ou, CE 21 octobre 1955 Demoiselle Méline, Lebon, p. 491 : dans ces deux affaires, des particuliers qui ont saisi le juge du refus de renouvellement par la commune, après échéance de leur concession et écoulement du délai de deux ans, ont obtenu gain de cause).
Nous pouvons également rappeler ce qu’en disait M. Damien Dutrieux dans Résonance en date du 22 septembre 2009
Une récente réponse ministérielle rappelle que le renouvellement est un droit pour le titulaire d’une concession funéraire, sauf si la demande intervient en dehors du délai de deux ans, puisque dans ce cas le renouvellement demeure une option que peut librement accepter ou refuser le maire au nom du conseil municipal.
1. Le régime juridique de la concession funéraire connaît, par rapport à celui des autres contrats portant occupation du domaine public, de nombreuses particularités destinées à protéger le "dernier sommeil" de son titulaire (sur les concessions funéraires, voir, notamment : D. Dutrieux, Le régime juridique des concessions funéraires : Coll. "Dossiers d’expert", éd. Territorial 2009).
2. On distingue traditionnellement deux catégories regroupant les quatre types de concessions : celles concédées pour une durée déterminée (temporaires [quinze ans au plus], trentenaires et cinquantenaires) et les concessions perpétuelles. Cependant, les communes n’étant tenues ni d’instaurer des concessions (seul le terrain commun est obligatoire), ni d’établir l’ensemble des possibilités prévues par le CGCT (articles L. 2223-13 et L. 2223-14), les concessionnaires vont fréquemment être dans l’impossibilité d’acquérir des concessions perpétuelles (parce qu’il n’en n’existe pas, ou, si elles ont été instituées, en raison de leur prix).
3. Or, c’est bien souvent la question de la pérennité de sa sépulture qui se trouve au centre des préoccupations du titulaire d’une concession. Le CGCT, qui contient les règles applicables en la matière, prend en considération ce souci légitime.
4. En effet, la concession funéraire – temporaire, trentenaire ou cinquantenaire – a, en quelque sorte, une vocation à la perpétuité, les textes aménageant, au profit du concessionnaire (ou de ses ayants droit), la possibilité d’obtenir indéfiniment le renouvellement de sa concession, ou sa conversion en une concession de plus longue durée.
A - Le renouvellement de la concession
5. Le renouvellement de la concession – régi par les alinéas 2, 3 et 4 de l’art. L. 2223-15 du CGCT – se fait sur place, et il ne peut être opposé au concessionnaire un refus fondé sur un nouvel aménagement du cimetière que le maintien de la concession viendrait contrarier (CE 12/01/1917 Devoncoux, Rec. CE p. 38 et CE 20/01/1956 Ville de Royan c/ Dame Oger, Rec. CE p. 26).
6. Le maire ne peut en effet refuser le renouvellement, sauf naturellement pour des motifs d’ordre public tirés des objectifs pour lesquels lui est confiée la police du cimetière (c’est-à-dire le bon ordre et la décence de celui-ci).
7. La demande de renouvellement doit être faite dans le délai de deux années qui suit l’arrivée à échéance de la concession. Les communes ne pratiquent pas en général le renouvellement anticipé (c’est-à-dire avant le terme de la concession).
8. Toutefois, en pratique, il sera parfois procédé à un renouvellement anticipé, dans l’hypothèse où le titulaire sollicite une autorisation d’inhumer alors que la concession arrive à son terme. Selon les communes, l’inhumation sera subordonnée au renouvellement si celle-ci intervient dans les cinq ou trois dernières années (dans ce cas, le délai de deux ans pour renouveler est pris en compte) de la concession. Cette pratique s’explique en raison de l’interdiction d’ouvrir les fosses avant un délai de cinq ans (dans l’hypothèse d’un non-renouvellement de la concession où une inhumation a été pratiquée dans le délai de trois ans avant son échéance, la commune ne pourrait reprendre le terrain avant l’expiration de ce délai de cinq années ; c’est pourquoi le renouvellement anticipé est imposé).
9. Le concessionnaire sollicitant le renouvellement devra payer à la commune le prix de la concession tel que fixé le jour de l’arrivée à échéance de la sépulture (CE 21/05/2007, Pujol : JCP A 2007, 2185, p. 34, note D. Dutrieux). Si l’un des héritiers renouvelle la concession, en raison de son caractère familial, celle-ci continue d’appartenir à l’ensemble des héritiers en indivision (CE, Ass., 21/10/1955 Demoiselle Méline, Rec. CE p. 491).
10. Le renouvellement se fait pour la même durée. Les communes ont toutefois, sans qu’il s’agisse d’une obligation, la faculté de renouveler pour une période plus courte (Rép. min. n° 41848 JOAN Q 14/01/1978), ce que confirme expressément la réponse du ministre de l’Intérieur en date du 21 juillet 2009.
11. À défaut de renouvellement dans le délai de deux années, le terrain concédé fait retour à la commune. Il convient d’insister sur le fait que, d’une part, passé ce délai, le renouvellement n’est plus de droit – même si la commune n’a pas encore procédé à la reprise "matérielle" de la concession – et que, d’autre part, contrairement à la procédure de reprise pour abandon, le terrain fait retour à la commune "sans aucune formalité", le maire n’étant pas tenu "de prendre un arrêté" ni même de convoquer la famille lors de l’exhumation des restes (CE 26/07/1985 M. Lefèvre et autres, Rec. CE T. p. 524 ; Damien Dutrieux, "Législation funéraire : le retour des concessions particulières", "Les Cahiers Juridiques des Collectivités Territoriales" n° 32 1998, p. 19).
Toutefois, comme le rappelle le ministre dans la réponse ci-dessous reproduite, un renouvellement "tardif" (demande présentée après les deux ans mais avant la reprise matérielle de la sépulture) peut être accordé, mais il s’agit d’une simple faculté pour la commune, le maire appréciant, par exemple, soit l’existence de nombreuses places disponibles, soit l’intérêt de conserver la sépulture en raison du monument présent sur cette dernière.
Ce que montre l’usage :
Un autre adhérent de l’A.N.A.P.E.C fit la réponse suivante :
J’ai eu une demande de renouvellement par un tiers, sur une concession d’une personne décédée vivant seule et n’ayant aucune famille sauf une amie qui désirait renouveler cette concession venue à terme (10 ans), celle-ci fut renouvelée sans problème sachant que c’était une place, que ce tiers était informé qu’il n’avait aucun droit sur cette concession, et qu’il serait écrit sur le titre de renouvellement par un "ayant-cause".
Dans les faits se pose la question : "À qui appartient la concession lorsque le renouvellement s’effectue par un tiers après la période des deux ans ?" Le concessionnaire d’origine est décédé, et le fait que le renouvelant soit un héritier ou un tiers ne change pas grand-chose au fond de la question. Si les textes indiquent que le successeur s’étant acquitté des frais de renouvellement en perdure l’existence sans posséder de droits sur ladite concession, il se pose alors la question de qui dispose alors de ces droits, et qui devient responsable par exemple des dommages que pourrait causer un mauvais entretien de cette concession.
C’est pourquoi il apparaît une possibilité reposant plus sur la logique que sur le droit :
Au bout des deux ans, la concession redevient propriété de la commune, qui peut en faire ce qu’elle veut. La famille du concessionnaire n’a plus aucun droit sur ladite concession, sur les monuments ni sur les corps, puisqu’à défaut d’avoir été renouvelée, la commune a la possibilité d’enlever les corps et de verser les ossements à l’ossuaire, voire de les porter en crémation. Si la famille venait à se manifester, nous l’avons vu, le Conseil d’État dit que bien que la commune était dans son droit et avait le droit de reprendre, mais comme elle ne l’a pas fait, la famille est en droit de récupérer ses droits.
Pour éviter ce litige, il pourrait être plus cohérent de réattribuer la concession à un nouveau concessionnaire, qui de fait reprendrait tous les droits d’un concessionnaire.
L’A.N.A.P.E.C ouvre les colonnes de Résonance au débat
Cette question a fait l’objet de nombreux échanges dans le réseau A.N.A.P.E.C, comme chaque fois qu’un adhérent s’interroge sur ses droits. C’est la force du réseau qui fait la force de l’A.N.A.P.E.C. Agents des collectivités territoriales, venez rejoindre l’A.N.A.P.E.C.
Georges Martinez
Président de l’A.N.A.P.E.C
Résonance n°133 - Septembre 2017
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