Les textes : l’art. L. 2213-9 du CGCT édicte qu’il n’est permis en aucun cas d’établir des distinctions ou des prescriptions particulières à raison des croyances ou du culte des défunts (exception notable de l’Alsace et de la Moselle (art. L. 2542-10 du CGCT).
Philippe Dupuis, consultant au Cridon, chargé de cours à l’université de Valenciennes, formateur en droit funéraire pour les fonctionnaires territoriaux au sein des délégations du CNFPT. |
Rappel : Le cimetière est un emplacement public
C’est l’affirmation de la neutralité des parties publiques du cimetière communal. Il découle donc, de cette qualité publique, l’obligation de neutralité posée déjà par la loi de 1881 qui interdisait d’établir désormais une séparation à raison de la différence des cultes. Il peut en pratique subsister des cimetières privés, qui résultent par exemple du fait que le décret du 23 prairial an XII, qui pose le principe du caractère public des cimetières, ne concernait pas les personnes de confession juive. Ces cimetières confessionnels perdurent de nos jours, mais la jurisprudence interdit tant leur extension que toute nouvelle création (CE 13 mai 1964, Sieur Éberstarck, Rec. CE p. 288).
Le carré confessionnel n’est pas obligatoire
Le maire n’est soumis à aucune contrainte juridique de création de ces emplacements. Il lui appartient en pure opportunité de décider ou non s’il y a lieu de créer ces emplacements de fait dénommés usuellement "carrés confessionnels". Il paraît évident qu’il n’y aura aucune obligation d’aucune sorte, et donc une personne adepte d’une confession disposant d’un carré confessionnel pourra évidemment se faire inhumer dans n’importe quelle autre partie du cimetière. Techniquement, le pouvoir du maire de décider de tels regroupements est issu de l’arrêt "Sieur Valès" (CE 28 janvier 1925, Rec. CE, p. 79) par lequel le maire se voit reconnaître le pouvoir de déterminer l’emplacement des concessions.
Ainsi, le maire qui le souhaite peut utiliser l’opportunité offerte par la jurisprudence "Valès" pour octroyer des emplacements particuliers suivant que la famille réclame, au nom d’une religion, un emplacement séparé pour son défunt de ceux des autres cultes. Néanmoins, il ne saurait être question, pour le maire, d’apprécier la validité de la confession religieuse revendiquée pour permettre l’inhumation du défunt dans ce carré confessionnel. Le maire n’a pas à consulter quelque autorité religieuse que ce soit ; il se limite à accueillir le souhait d’une famille, s’il le désire. En aucun cas il n’est obligé de satisfaire de telles revendications.
On peut citer à ce propos un jugement "Époux Darmon " du tribunal administratif de Grenoble du 5 juillet 1993 (TA Grenoble, 5 juillet 1993, Époux Darmon, JCP G, 1994, II, 22198, p. 33-35), où, justement, le maire refuse à tort l’inhumation d’un défunt dans le "carré juif" au motif que les autorités religieuses ne reconnaissaient pas l’appartenance du défunt à la confession israélite, car sa mère n’est pas juive.
De ces quelques remarques peuvent être tirées les observations suivantes :
- en aucun cas le règlement de cimetière ne se doit d’évoquer ce qui n’est qu’un pur fait, au risque de porter atteinte au principe de laïcité. Le carré confessionnel n’a pas à faire l’objet d’un chapitre dans le règlement du cimetière ;
- la zone utilisée pour le maire ne doit en aucun cas être distinguée matériellement du reste du cimetière (interdiction de clôture, plantation, etc.) ;
- les autorités religieuses n’ont aucun droit sur ces emplacements qui sont publics, et ne doivent pas être sollicitées quant à leur gestion ;
- le maire ne peut se fonder sur une décision d’une autorité religieuse pour motiver un refus d’octroi de concession.
Si ces affirmations semblent éloignées d’une réalité, où parfois la commune se dépouille en fait de ses pouvoirs sur le cimetière, au profit d’une obédience religieuse, il n’en reste pas moins que cette position est conforme à l’état du droit quant au principe de laïcité.
L’utilité de ces emplacements
Ces carrés ont surtout pour effet de permettre, dans le cas par exemple des défunts de confession musulmane, une orientation des tombes conforme aux préceptes de cette religion. Il faudra néanmoins respecter la réglementation en matière d’hygiène et de salubrité. On peut mentionner l’intérêt pour les communes qui ont établi des carrés confessionnels de créer des ossuaires spéciaux réservés aux restes des défunts dont les concessions feront l’objet d’une reprise.
Philippe Dupuis
Résonance hors-série n°4 - Août 2017
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