Maîtriser les règles juridiques régissant le cimetière. Gérer un cimetière dans son ensemble : des aspects pratiques à la réglementation, en tenant compte des évolutions législatives et jurisprudentielles. Les réponses à toutes les questions que se posent ceux qui ont en charge la gestion d’un cimetière… se trouvent dans le classeur ; "GÉRER UN CIMETIÈRE : Guide juridique et pratique de la gestion des cimetières", paru en 2015 et actualisé régulièrement, à Territorial Éditions, sous la direction de Philippe Dupuis.
Les procédures d’urgence en contentieux funéraire administratif
Le juge des référés administratifs, juge de l’urgence, est le président du tribunal administratif dès lors que le litige relève au principal et en premier ressort du tribunal administratif.
En urgence, ce juge ne peut prononcer que des mesures provisoires, lesquelles sont dépourvues de l’autorité de la chose jugée (art. L. 511-1 du Code de justice administrative, CJA). Le juge du fond n’est ainsi aucunement lié par les décisions rendues en urgence. Également, le juge de l’urgence dispose de la possibilité de modifier sa décision initiale dès lors qu’un événement nouveau est invoqué par l’une des parties au litige.
Ce juge doit statuer dans les meilleurs délais, l’art L. 512-2 du Code de justice administrative lui imposant notamment le respect du délai de 48 heures pour la procédure de référé liberté.
Le Code de Justice Administrative (CJA) envisage plusieurs procédures d’urgence
1. Le référé constat (art. R. 531-1 du CJA)
Le président du tribunal administratif peut être saisi d’une demande de constatation de faits par le justiciable, lequel présente sa requête sans ministère d’avocat. Le juge des référés peut alors désigner un expert qui constatera sans délai les faits susceptibles de donner lieu à un litige, les parties au litige étant en principe conviées sur place pour garantir le respect du principe du contradictoire. Cette désignation se fait par voie d’ordonnance qui prescrit à l’expert les conditions de sa mission. Celle-ci ne peut porter que sur la constatation de faits, à savoir la description de l’état d’un bien ou de l’état matériel d’un lieu.
Pourra ainsi être constaté l’état d’un espace, d’un terrain concédé par la commune s’il existe un doute sur sa compatibilité avec sa destination normale (inondation du caveau non liée à un vice propre à celui-ci, terrain non libre d’occupation…). Pourront également être constatés l’état du monument funéraire suite à des travaux engagés par la commune dans le cimetière, l’état des dépendances du cimetière en cas de travaux publics, ou encore l’état d’une sépulture à la suite de la chute d’un arbre ou d’une stèle voisine. L’expert n’a aucune compétence pour déterminer dans son rapport les causes et l’étendue des éventuels dommages. Son rôle commence et s’arrête à la constatation des faits, sans pouvoir les apprécier juridiquement.
Le constat d’urgence trouve à s’appliquer essentiellement dans les affaires où la responsabilité, contractuelle ou civile, de la commune est recherchée. Le juge n’est jamais tenu d’ordonner le constat, la mesure sollicitée par le justiciable doit être utile, ce qui n’est jamais le cas lorsque celui-ci peut faire constater les faits par un huissier de justice (CE, 26 juillet 1982, SA Sous-traitants associés de l’électronique, Rec. 312).
2. Le référé instruction (art. R. 532-1 du CJA) en matière de travaux publics
Le référé instruction s’exerce sans condition de délai, et a pour objet la prescription par le juge de toute mesure utile d’expertise ou d’instruction, l’expert ayant pour mission de procéder à toutes constatations relatives à l’état des immeubles ou des constructions susceptibles d’être affectés par des dommages résultant de travaux publics. L’expertise aidera le juge du fond à trancher le litige. L’expert peut également enquêter sur place et auditionner des témoins, par exemple.
Seules des mesures utiles peuvent être ordonnées par le juge des référés, les situations de fait établies, la possibilité pour le justiciable d’agir par ses propres moyens étant autant d’obstacles au prononcé d’une mesure d’expertise. Le référé instruction peut ainsi être mis en œuvre dans le cadre des procédures qui impliquent la commune à l’occasion de travaux publics réalisés dans l’enceinte du cimetière et à l’origine de dommages aux sépultures, par exemple.
3. Le référé suspension (art. L. 521-1 du CJA)
Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation (recours en excès de pouvoir), le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. Lorsque la suspension est prononcée, il est statué sur la requête en annulation de la décision dans les meilleurs délais. La suspension prend fin au plus tard lorsqu’il est statué sur cette requête en annulation par le juge du fond.
Ainsi, le référé suspension est une procédure accessoire qui tend à la suspension d’un acte administratif qui fait l’objet d’un recours en annulation ou en réformation devant le tribunal administratif. L’exercice d’un recours au fond est donc une condition de recevabilité de la demande de suspension, laquelle doit être présentée par une requête distincte. La décision administrative contestée peut être indifféremment une décision d’acceptation ou de rejet d’une demande de l’administré.
Le juge du référé ne peut ordonner la suspension que si deux conditions sont remplies :
- le requérant doit d’abord justifier de l’urgence de la demande, ce qui signifie que l’acte administratif, par son exécution, porte atteinte de manière grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre (CE, 19 janvier 2001, Confédération nationale des radios libres, Rec. 29). Le juge apprécie cette condition d’urgence concrètement, compte tenu des justifications apportées par le requérant. Le contentieux funéraire est propice à ce type de situations où les intérêts du requérant peuvent être atteints de manière grave et immédiate. On songe notamment à l’ensemble des mesures administratives relevant du pouvoir de police des funérailles du maire, telles les autorisations d’inhumer, d’exhumer, qu’il s’agisse de cercueils ou d’urnes, les autorisations de dépôt d’urnes en columbarium… Notons ici que le décret du 28 janvier 2011 relatif aux opérations funéraires a supprimé les autorisations de transport de corps pour leur substituer des déclarations préalables réalisées par l’opérateur de pompes funèbres, sur mandat de la famille. Ces déclarations sont évidemment soustraites du champ d’application de la procédure de référé suspension. Sont également concernés les arrêtés de reprise administrative de concession funéraire, les refus de renouvellement ou de conversion de concessions. Le risque de préjudice pour le justiciable est immédiat et justifie la suspension ;
- le requérant doit démontrer l’existence d’un moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision, c’est-à-dire un moyen qui, objectivement, doit conduire ensuite le juge du fond à annuler l’acte.
Le juge des référés dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour ordonner la suspension alors même que les conditions de fond sont remplies. Il faut toutefois raisonnablement considérer qu’eu égard au caractère sensible du contentieux funéraire, le juge refuserait d’accorder cette suspension uniquement dans des hypothèses exceptionnelles, notamment lorsque des impératifs d’intérêt général s’y opposeraient.
Il faut enfin relever d’une part que la demande de suspension est irrecevable lorsque l’acte contesté est entièrement exécuté au jour où le juge se prononce, d’autre part que la suspension d’une décision administrative de rejet par le juge s’accompagne du prononcé d’obligations provisoires à l’encontre de l’autorité administrative (notamment au moyen d’injonctions) afin de tirer toutes les conséquences de la suspension. Lorsque la décision n’est pas une décision de rejet, le juge, qui doit alors être saisi de conclusions en ce sens, peut prononcer les injonctions qu’implique nécessairement la suspension de l’acte.
4. Le référé liberté (art. L. 521-2 du CJA)
Le juge des référés peut, en cas d’urgence, ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne publique, ou un organisme privé chargé d’une mission de service public, aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge doit alors se prononcer dans les 48 heures. L’atteinte ainsi considérée peut résulter d’une décision administrative, d’un fait matériel, d’une action ou d’une abstention d’agir. Le justiciable ne peut ici se prévaloir d’une situation d’urgence qui lui est imputable.
Les entreprises de pompes funèbres, organismes privés chargés de la gestion du service public des funérailles, en vertu de l’habilitation administrative préfectorale, n’entrent pas dans le champ d’application du texte faute pour elles d’être investies des prérogatives de puissance publique nécessaires pour qualifier leurs actes ou décisions de mesures administratives.
S’agissant du contentieux funéraire, le juge du référé liberté n’a à ce jour jamais consacré la liberté des funérailles, issue de la loi du 15 novembre 1887, en tant que liberté fondamentale. Il y a pourtant tout lieu de penser que les atteintes graves et manifestes à cette liberté sont susceptibles de relever du champ d’application de cette procédure d’urgence.
Le juge administratif a également jugé que la méconnaissance par l’autorité administrative de son obligation d’assurer la sécurité publique ne constituait pas une atteinte à une liberté fondamentale, ce qui aurait pu donner lieu, dans l’hypothèse inverse, à un prolongement intéressant s’agissant de la police des cimetières ou des funérailles (CE, ord. référés, 20 juillet 2001, Commune de Mandelieu-la-Napoule, req. n° 236196).
Ajoutons enfin que le principe de "libre disposition de ses biens par un propriétaire" a été consacré en tant que liberté fondamentale (CE, ord. référés, 23 mars 2001, Sté Lidl, req. n° 231559), ce qui permet d’envisager une application du référé liberté à toutes les hypothèses où la commune, par une décision administrative du maire, un comportement ou une abstention d’agir d’un agent de cimetière, porterait une atteinte grave et manifestement illégale à la libre disposition des caveaux, cavurnes, monuments, tombeaux ou encore cases de columbarium sur lesquels les concessionnaires disposent d’un droit réel immobilier.
5. Le référé conservatoire (art. L. 521-3 du CJA)
En cas d’urgence, sur simple requête, le président du tribunal administratif peut ordonner toutes mesures utiles afin de préserver l’avenir sans pour autant faire obstacle à l’exécution d’une décision administrative.
Le référé conservatoire exige que soit remplie la condition d’urgence. L’urgence peut consister dans la nécessité de maintenir ou de rétablir le fonctionnement normal d’un service public, d’assurer l’exécution normale de travaux publics, voire encore dans la nécessité de mettre fin à un comportement à l’origine d’une situation dommageable dangereuse ou difficilement réversible.
Cette procédure permet notamment aux personnes publiques d’obtenir du juge qu’il prononce des injonctions aux personnes privées. Ceci peut être un moyen pour la commune d’obtenir d’un constructeur ou d’un entrepreneur qu’il réalise des travaux conservatoires dans l’enceinte du cimetière en cas d’urgence, c’est-à-dire lorsqu’il faut prévenir l’aggravation de désordres survenus à l’occasion de travaux dans cette enceinte. Ce peut être également un moyen d’obtenir d’un occupant sans titre du domaine public (le cimetière) qu’il évacue la dépendance indûment occupée (on peut ici envisager, par exemple, l’occupation sans titre, par une entreprise de travaux ou des particuliers, d’aires de stationnement du cimetière).
La jurisprudence offre le cas très intéressant où le juge enjoint à un concessionnaire de service public de mettre à la disposition de la commune le matériel et les véhicules nécessaires pour assurer la continuité du service public (CE, 30 octobre 1963, SARL Sonetra, Rec. 520). On peut dès lors tout à fait concevoir qu’une telle mesure conservatoire soit prononcée à l’encontre d’une entreprise de pompes funèbres concessionnaire de la commune.
Résonance n°132 - Juillet 2017
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