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Selon un acte administratif de la commune de Paris, a été attribuée à M. M B et à Mme M C, n’ayant aucun lien familial, et résidant de surcroît séparément, une concession funéraire d’une durée perpétuelle, sise au cimetière de l’Est, dénommé "cimetière du Père-Lachaise", d’une superficie de 2 mètres carrés.

 

 

Tricon JP 2016
Jean-Pierre Tricon.

L’un des deux concessionnaires étant décédé, s’est posée la délicate question des droits dévolus à ses enfants issus de son union avec Mme R T, non dissoute selon les règles ordinaires du Code civil. Ainsi, Mme M C s’est trouvée, en sa qualité de co-concessionnaire, en indivision avec les deux enfants du de cujus.

Lors de la délivrance de cette concession, les co-titulaires ont versé à la caisse du receveur des recettes de la commune de Paris une somme assez conséquente pour couvrir la redevance d’attribution, ainsi que les droits d’enregistrement et frais de timbres, en numéraire, si bien qu’il n’est pas possible, à l’heure actuelle, de déterminer l’origine de ces fonds. Il sera, ici, précisé que Mme M C était en fait l’employée de M. M B décédé, avec laquelle il avait entretenu de son vivant une relation intime suivie. Cette relation sentimentale n’avait jamais donné lieu à une communauté de vie, ces deux personnes ayant contracté, vivant séparément, ce qui permet d’affirmer que M. M B et Mme M C ne constituaient pas une famille au sens des dispositions du Code civil.

À la suite du décès de M. M B, lui ont succédé ses deux enfants issus de son union avec Mme R T, également décédée, possédant la qualité d’héritiers réservataires, ainsi que Mme M C, légataire universelle de ses biens, en vertu d’un testament olographe. M. M B avait, de son vivant, souscrit un contrat obsèques, auprès des Services Funéraires de la Ville de Paris, dans lequel était indiqué, expressément, dans la rubrique "Volontés", qu’il optait pour la crémation de son corps et que ses cendres devaient être inhumées dans la concession perpétuelle du cimetière du Père-Lachaise.
À la suite du décès de M. M B, ses deux filles, orphelines de mère, ont été attraites par devant le tribunal de grande instance (TGI) de Paris par Mme M C, en raison des démarches intentées par celles-ci, en vue d’obtenir l’exhumation des cendres de leur père pour qu’elles soient répandues dans l’espace spécifiquement aménagé à cet effet dans le cimetière de l’Est, qualifié dans le contrat obsèques de "Jardin cinéraire".

Une décision d’exhumation de l’urne cinéraire, délivrée par le préfet de police de Paris, à la requête de l’une des deux filles du défunt, agissant en qualité de plus proche parent du défunt (art. R. 2213-40 du Code Général des Collectivités Territoriales - CGCT), a autorisé l’exhumation de l’urne cinéraire contenant les cendres de son défunt père, inhumée dans la concession perpétuelle du Père-Lachaise.
Et l’art. 2 de cette autorisation de mentionner : "L’urne cinéraire sera remise à la famille, en vue de dispersion au Jardin du souvenir du Père-Lachaise."
Et, selon l’art. 3e : "En application de l’art. R. 2213-40 du CGCT, cette autorisation n’est soumise à aucune durée de validité réglementaire sous réserve qu’aucune modification de la situation ne soit intervenue."

Cependant, en raison de la saisine par Mme M C du TGI de Paris en vue de la contestation de l’exhumation des cendres de M. M B, la requérante faisait valoir, d’une part, que le préfet de police de Paris n’avait pas été informé des volontés exprimées par le défunt en matière de lieu de dépôt (inhumation) de l’urne cinéraire et, d’autre part, de l’existence du titre de la concession perpétuelle, délivrée conjointement à M. M B et à Mme M C, ces deux documents devant être considérés comme ayant valeur testimoniale et constituant l’expression écrite des volontés du défunt, la fille du défunt ayant pourvu aux formalités de la demande d’exhumation a décidé, dans l’attente de la décision judiciaire, de surseoir à l’exhumation de l’urne contenant les cendres de son père.
Aux termes d’un jugement rendu par le TGI de Paris en date du 7 novembre 2016, les deux filles légitimes du défunt ont été déboutées de leur demande d’ouverture du caveau aux fins d’exhumation de l’urne contenant les cendres de leur père. Par cette même décision, elles ont été également déboutées de leur demande de suppression du nom de Mme M C, inscrit sur le monument funéraire afférent à la concession perpétuelle dont il s’agit.

Le TGI de Paris a motivé sa décision en ces termes :

"Aux termes de l’art. 3 de la loi du 15 novembre 1887, tout majeur ou mineur émancipé, en état de tester, peut régler les conditions de ses funérailles, notamment en ce qui concerne le caractère civil ou religieux à leur donner et le mode de sépulture. Il peut charger une ou plusieurs personnes de veiller à l’exécution de ses dispositions. Sa volonté exprimée dans un testament ou dans une déclaration faite en forme testamentaire, soit par devant notaire, soit sous signature privée, a la même force qu’une disposition testamentaire relative aux biens, elle est soumise aux mêmes règles quant aux conditions de la révocation."

Et le tribunal de poursuivre :

"En l’espèce, mesdames N B et D B ayant renoncé à leur demande (rappel : exhumation de l’urne contenant les cendres de leur père), il convient d’examiner leur dernière demande visant à voir autoriser l’ouverture du caveau funéraire dans lequel ont été déposées les cendres de leur père afin d’y voir transporter le cercueil de leur mère. Il résulte des éléments de la cause que M. M B et Mme M C se sont vu accorder, par décision du maire de Paris, faisant droit à leur demande conjointe, une concession perpétuelle au cimetière du Père-Lachaise.

De plus, aux termes du mandat "Volontés obsèques" confié par M. M B aux services funéraires de la ville de Paris, celui-ci a déclaré que ses cendres devraient être remises à Mme M C, sa compagne, qu’elles devaient être inhumées dans le caveau deux places sur la concession perpétuelle du cimetière du Père-Lachaise, dont le défunt a déclaré être concessionnaire avec Mme M C, précisant en outre que la "seule personne à contacter au moment de mon décès est Mlle C M, ma compagne, et non pas ma famille", ce avant de recopier la formule manuscrite indiquant : "Ceci représente l’expression de mes volontés."

Dès lors, et sans qu’il soit besoin d’examiner les nombreuses pièces faisant état de la relation durable et stable unissant Mme M C et M. M B, et des relations dégradées que ce dernier entretenait avec ses filles, il convient de constater que les intentions du défunt étaient que ses cendres soient enterrées dans la concession perpétuelle du cimetière du Père-Lachaise acquise avec Mme M C, ce qui est le cas en l’espèce.

Le tribunal faisait ensuite valoir que rien n’indiquait que la mère des deux filles de M. M B qui était séparée de fait avec son époux (mais point de droit) ait exprimé la volonté de reposer à ses côtés dans le caveau aménagé sur la concession perpétuelle, d’autant plus qu’avant de décéder elle avait exhérédé son époux, selon un testament olographe, de ses droits à sa succession.

Cependant, les défenderesses invoquaient, dans leurs conclusions récapitulatives, que l’art. L. 2223-13 du CGCT avait la seule vocation que de permettre à une personne d’obtenir une concession funéraire, pour elle, ses enfants ou successeurs, lorsque l’étendue des lieux le permet, et de ce fait interdirait à deux personnes, sans lien familial, de se voir attribuer une concession commune, moyen que le TGI de Paris a rejeté, estimant qu’il était soutenu à tort. En conséquence, la demande d’ouverture du caveau formulée par les deux filles du défunt en vue d’y faire inhumer le corps de feu leur mère a été rejetée par le tribunal, sans que celui-ci ait développé et motivé plus amplement cette décision.

En outre, le tribunal a successivement débouté les défenderesses de leurs prétentions d’obtenir l’effacement du nom de la co-concessionnaire, Mme M C, inscrit sur le monument funéraire, puis les a condamnées à réparer le préjudice commis par le fait d’inscriptions portées sur la stèle à la mémoire de leurs père et mère, et les a condamnées aux entiers dépens de l’instance avec, en sus, une indemnité allouée à la demanderesse, Mme M C, sur le fondement de l’art. 700 du Code de procédure civile, conséquente, puisque à hauteur de 5 000 €.
Ces condamnations sont étroitement liées à l’interprétation et aux effets juridiques à donner au contenu de l’art. L. 2223-13 du CGCT, qui constitue de fait l’axe cardinal de ce procès, car force est d’admettre que la défense des deux filles de M. M B. n’a pas tiré toutes les conséquences de droit résultant de la définition de la concession funéraire.

C’est pourquoi, il a été jugé opportun de soumettre au président du tribunal administratif de Paris une requête en interprétation d’un acte administratif, car, dans le corps de l’acte de concession, il est clairement mentionné que ladite concession était destinée à une sépulture de famille, alors que M. M B et Mme M C, bien qu’ayant entretenu une relation durable hors mariage, ne pouvaient, manifestement, constituer une famille au sens des définitions et règles juridiques résultant du Code civil.

Cette requête, enregistrée au greffe le 29 mai 2017, n’a pas pour but de rechercher des moyens de nature à contester cette décision du TGI de Paris devant la cour d’appel de Paris, statuant en matière civile, mais, uniquement, de définir la nature de la concession funéraire, savoir, s’il s’agit d’une concession collective, donc affectée à deux personnes nommément désignées dans l’acte attributif (contrat de concession), ou bien, comment interpréter la mention figurant sur ledit titre, a savoir :

"Après avoir pris connaissance des dispositions légales et réglementaires relatives aux concessions perpétuelles dans les cimetières, et notamment de l’arrêté municipal, portant règlement général des cimetières de la ville de Paris, les soussignés, M. B M et Mme C M […]s’engagent à les observer, et demandent la concession au cimetière de l’Est de 2 mètres 00 centième superficiels de terrain pour y fonder à perpétuité une sépulture de famille."

C’est donc sur cette notion de sépulture de famille que porte la requête en interprétation de l’acte attributif de la concession perpétuelle. Avant d’aborder le fond de cette requête, il a été nécessaire de présenter les moyens justifiant sa recevabilité.

1° - Sur la compétence du juge administratif

L’art. R. 312-4 du Code de justice administrative énonce : "Les recours en interprétation et les recours en appréciation de légalité relèvent de la compétence du tribunal administratif territorialement compétent pour connaître de l’acte litigieux."

De surcroît, même si le régime juridique des concessions funéraires est situé à la frontière entre le droit privé et le droit public, il ressort de la jurisprudence du Conseil d’État et des décisions des cours administratives d’appel que le contentieux qui oppose un concessionnaire (il faut entendre, ici, le fondateur de la concession ou ses héritiers (enfants ou successeurs) relève bien de la compétence des tribunaux administratifs, en vertu, notamment de l’Arrêt d’assemblée du Conseil d’État du 21 octobre 1955, Demoiselle MÉLINE, qui a consacré, non seulement, la domanialité publique du cimetière, mais en a tiré les conséquences en ce qui concerne le régime juridique des concessions dans les cimetières en prescrivant que : "Les concessions sont des contrats portant occupation du domaine public communal, ne présentant pas les caractères de précarité et de révocabilité attachés aux occupations ordinaires du domaine public et que les litiges y afférents relèvent de la juridiction administrative."
Cette décision a été confirmée par l’Arrêt de principe du Conseil d’État, en date du 11 octobre 1957, consorts HÉRAIL. Il résulte de ces énonciations que la juridiction administrative est bien compétente pour connaître de cette requête.

2° - Sur le régime juridique des concessions funéraires : le fondement textuel (art. L. 2223-13 du CGCT)

a) La requête énonce les moyens ou constatations suivants :

Cet article, modifié par la loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008, art. 23, dispose que : "Lorsque l’étendue des cimetières le permet, il peut être concédé des terrains aux personnes qui désirent y fonder leur sépulture et celle de leurs enfants ou successeurs. Les bénéficiaires de la concession peuvent construire sur ces terrains des caveaux, monuments et tombeaux. Il peut être également concédé des espaces pour le dépôt ou l’inhumation des urnes dans le cimetière. Le terrain nécessaire aux séparations et passages établis autour des concessions de terrains mentionnées ci-dessus est fourni par la commune."
De par sa formulation, cet article semble ne pas exclure la possibilité pour les communes ayant institué des concessions funéraires de délivrer à plusieurs personnes une sépulture d’une durée autorisée par le conseil municipal (art. L. 2223-14 du CGCT), cette assemblée délibérante étant, également, compétente pour déterminer les tarifs des redevances perçues auprès des attributaires.
Cependant, force est d’admettre qu’il pourrait s’agir d’un effet pernicieux de sémantique, car, selon la jurisprudence civile ou administrative, mais aussi la doctrine, dont en particulier la réponse ministérielle n° 47006, JOAN 26 octobre 1992, p. 4919, il n’existerait que trois types de concessions funéraires, savoir :

b) Le texte de la réponse ministérielle n° 47006, JOAN 26 octobre 1992 :

L’art. L. 2223-13 du CGCT prévoit que : "Lorsque l’étendue des cimetières le permet, il peut être concédé des terrains aux personnes qui désirent y fonder leur sépulture et celle de leurs enfants ou successeurs. Les bénéficiaires de la concession peuvent construire sur ces terrains des caveaux, monuments et tombeaux."
Sur le fondement de l’art. L. 2223-13, précité, plusieurs catégories de personnes ont un droit à être inhumées, selon la nature de la concession.
- Il s’agit, tout d’abord, du titulaire d’une concession dite "individuelle", c’est-à-dire dans laquelle il peut être inhumé, et qui ne recèle qu’une place.
- Il s’agit, ensuite, des personnes qui ont droit à être inhumées dans une concession dite "collective" : c’est-à-dire des personnes qui sont expressément désignées, et elles seules, dans l’acte de concession.
- Il s’agit, enfin, des personnes qui ont droit à être inhumées dans une concession dite "de famille", c’est-à-dire le titulaire de la concession, ainsi que son conjoint, ses successeurs, ses ascendants, ses alliés et ses enfants adoptifs.
Cependant, le titulaire de la concession demeure le régulateur du droit à être inhumé dans sa concession. La jurisprudence lui a reconnu le droit d’exclure nommément certains parents ou de désigner celui de ses héritiers auquel il appartiendra de désigner les bénéficiaires du droit à l’inhumation dans la concession dite "de famille".
Le Conseil d’État a même admis le droit à être inhumé dans la concession dite "de famille" à une personne étrangère à la famille, mais qu’unissaient, en l’occurrence, des liens particuliers d’affection (Consorts HÉRAIL, 11 octobre 1957). Il appartient, donc, au maire, saisi d’une demande d’inhumation dans le cimetière communal, de vérifier et de respecter les droits de l’ensemble des personnes susvisées. À ce sujet, la Haute Assemblée, dans l’arrêt Consorts Hérail, précité, a indiqué que "le maire ne peut s’opposer à une inhumation que pour des motifs tirés de l’intérêt public".
Il sera, au surplus, rajouté que la plupart des auteurs d’ouvrages spécifiques à la législation et à la réglementation funéraires, dont plus particulièrement Marie-Thérèse Viel, dans son livre intitulé "Droit funéraire et gestion des cimetières" 2e édition Berger-Levrault éditeur, Georges Chaillot, dans "Le droit des sépultures en France" éditions PRO ROC, Jean-François Auby et Étienne Rials, dans "Votre commune et la mort", éditeur Le Moniteur, Jean-Pierre Tricon et André Autran, dans "La commune l’aménagement et la gestion des cimetières", Berger-Levrault éditeur, (1979), puis Jean-Pierre Tricon et Renaud Tricon, dans "Le traité de législation et réglementation funéraires", l’ouvrage le plus contemporain, édité en septembre 2009 par la SCIM RÉSONANCE, et actualisé après la publication de l’arrêté du 28 janvier 2011, opèrent, après analyse approfondie des décisions faisant jurisprudence, une distinction marquée entre le fondateur de la concession (une seule personne physique) et ses héritiers (enfants, descendants ou successeurs), dont les droits n’ont pas la même force et la même rigueur juridiques, le droit du fondateur de la concession funéraire, réputé "le concessionnaire", étant un droit réel de nature immobilière, démembré du droit de propriété (la propriété ne peut exister en cas de possession d’une concession, puisque le support de celle-ci est le domaine public, "imprescriptible et inaliénable"), ce qui lui confère de larges prérogatives, notamment celle de déterminer l’affectation spéciale de la concession à sa famille, même s’il dispose du droit d’en limiter ou d’exclure certains de ses membres (Cassation 1re civile, 15 mars 1978, pourvoi n° 75-13432), ce droit n’appartenant qu’à lui, et point à l’autorité ou aux instances communales (CE 7 février 1913, req. n° 39926, Lebon).
En revanche, le droit de l’héritier d’une concession funéraire est nettement moins étendu que celui du fondateur (dénommé "le concessionnaire"), certains auteurs lui ayant reconnu un droit réel de nature immobilière et personnelle à la fois, puisqu’il n’entre pas dans ses prérogatives le pouvoir de dire quelles personnes peuvent être inhumées ou exclues de la concession funéraire, car le droit d’héritier est transmis automatiquement aux descendants directs du fondateur de la concession et à leurs successeurs, toujours en vertu du principe jurisprudentiel sacro-saint de l’affectation spéciale de la concession à la famille de son fondateur.
Au surplus, si le fondateur de la concession peut en faire donation "avant toute utilisation" (Cassation civile, 6 mars 1973, sieur Billot contre Mund, et réponse ministérielle, n° 11263, JO Sénat 27 juin 1991, p. 1329), c’est-à-dire que la concession ne soit pas devenue sépulture, cette faculté n’est pas ouverte aux héritiers, qui doivent respecter l’affectation spéciale de la concession à la famille du fondateur, règle d’essence jurisprudentielle.
À cet égard, force sera d’observer que l’ensemble des décisions jurisprudentielles, qu’elles émanent du Conseil d’État ou de la Cour de cassation, portent sur des litiges consécutifs à la délivrance d’une concession funéraire à une seule personne physique, comme cela est le cas des décisions principales suivantes :
- Conseil d’État :
Demoiselle MÉLINE, Arrêt d’Assemblée en date du 21 octobre 1955, Consorts HÉRAIL, 11 octobre 1957, AJDA, 1957, p. 29, conclusions Khan, Arrêt n° 297914 en date du 25 juin 2005, et, plus anciens : CE, 21 janvier 1910, Lebon 1910, page 49, 7 février 1913, Mure S., 1913 II-81, note Hauriou, ou Chambre syndicale des entreprises artisanales de la Haute-Garonne, Rec ;. p. 153 c/ Ville de Toulouse, 1972.
- Cour de cassation :
25 octobre 1910, Journal des maires, 1911, p. 37, Cour cass., 13 mai 1980, Wagner c. Coudal, Bull, cass., 1980, I, p. 120, Cour cass., 25 mars 1958, D, 1958, 352 et Cour de cass., 1er juillet 1970, consorts Mare c/ consorts Séguy, D, 1970, p. 671, Cour de cass., Civ, 22 février 1972, Gaz. Pal., 1972, 4, 471 ; D, 1972, 513, note R. Lindon.
Il s’ensuit qu’en règle générale les hautes assemblées n’ont été confrontées qu’à des litiges opposant, généralement, soit un seul concessionnaire à des membres de sa famille, voire des tiers, soit des héritiers d’un seul concessionnaire entre eux.
La jurisprudence, tant administrative que civile, est quasiment inexistante dans le contexte particulier de l’attribution d’une concession funéraire à deux personnes, étrangères, sauf peut-être à considérer la possibilité de l’existence de plusieurs titulaires/fondateurs, découlant de l’arrêt du Conseil d’État en date du 25 juin 2008, n° 297914, dans un pourvoi en cassation dirigé contre une décision de la cour administrative d’appel de Nancy, ayant confirmé un jugement du tribunal administratif, validant la décision d’un maire de refuser l’octroi d’une concession funéraire à trois sœurs et un frère, donc membres d’une même famille, aux motifs que la superficie de la concession sollicitée était trop conséquente par rapport aux emplacements disponibles dans le cimetière communal. Or, en notre cas d’espèce, cette décision ne saurait constituer une référence jurisprudentielle pertinente et sérieuse, puisque la concession revêtait manifestement un caractère familial.

3° - Sur le régime juridique des concessions funéraires rapporté au cas d’espèce de la concession perpétuelle, sise au cimetière de l’Est, cimetière du Père-Lachaise attribuée à M. B M et à Mme C M

Il sera, ici, réitéré, à titre liminaire, que ces deux personnes ne pouvaient justifier d’aucun lien familial, donc constituer, au sens du Code civil, une famille.
En disposant sur le titre de la concession perpétuelle : "Après avoir pris connaissance des dispositions légales et réglementaires relatives aux concessions perpétuelles dans les cimetières, et notamment de l’arrêté municipal, portant règlement général des cimetières de la ville de Paris, les soussignés, M. B M et Mme C M s’engagent à les observer, et demandent la concession au cimetière de l’Est de 2 mètres 00 centième superficiels de terrain pour y fonder à perpétuité une sépulture de famille", il est constant que cette concession délivrée à deux personnes physiques distinctes, juridiquement étrangères, n’entre pas dans les trois catégories énoncées dans la réponse à question écrite d’un parlementaire fournie par le ministre de l’Intérieur, précitée (réponse ministérielle n° 47006, JOAN 26 octobre 1992, p. 4919).
Il sera opportunément rappelé que selon le ministre, il n’existerait que trois types de concessions funéraires, savoir :
1° - La concession dite "individuelle", réservée uniquement au concessionnaire, qui l’a sollicitée pour sa propre et seule inhumation de son corps.
2° - La concession dite "collective" : les personnes qui disposent d’un droit d’inhumation sont expressément désignées, et elles seules, dans l’acte de concession, sur l’exigence du fondateur de la concession, détenteur d’un droit réel de nature immobilière.
3° - La concession dite "de famille".
Le régime juridique de son occupation ou destination résulte, globalement, de la jurisprudence civile et administrative : les personnes qui ont droit à être inhumées dans une concession dite "de famille" sont le titulaire (fondateur de la concession, réputé être le concessionnaire), son conjoint, ses successeurs, ses ascendants, ses alliés et ses enfants adoptifs, et cela dans la limite des places disponibles, étant entendu que la Cour de cassation, 1re chambre civile, a assimilé les réductions de corps ou réunions d’ossements aux dispositions réglementaires énoncées à l’art. R. 2213-40 du CGCT (Arrêt n° 634 du 16 juin 2011, n° 10-13.580), ces opérations funéraires permettant d’accroître la capacité de la concession.
En conséquence, sur le fondement de la position adoptée par le ministre de l’Intérieur dans la réponse à question écrite susvisée, force est d’admettre que la concession perpétuelle délivrée à deux personnes physiques distinctes et étrangères, non unies par un lien familial, stable et permanent, non reconnues au plan juridique comme susceptible de constituer une famille au sens du Code civil, donc en l’absence de lien matrimonial, n’appartient à aucune de ces trois catégories discernées par le ministre de l’Intérieur.

Plus grave encore !

Outre le fait que la commune de Paris ait accepté de délivrer cette concession à deux personnes juridiquement étrangères, l’une par rapport à l’autre, en tout état de cause, bien que le TGI de Paris ait reconnu à Mme M C la qualité de co-titulaire de la concession dont il s’agit, en vertu de la nature contractuelle de la concession funéraire, comment déterminer le régime juridique de la dévolution successorale puisque, contrairement à ce qui et mentionné sur le titre de la concession, "Les soussignés, M. B M et Mme C M […] s’engagent à les observer, et demandent la concession au cimetière de l’Est de 2 mètres 00 centième superficiels de terrain pour y fonder à perpétuité une sépulture de famille", cette concession, en l’absence de qualité d’épouse de Mme M C, ne peut être dévolue à une famille qui n’existe pas, celle qui aurait pu émaner d’une union officielle et institutionnelle entre M. M B et ladite Mme M C, ce qui ne fut jamais le cas, puisque M. M B n’a jamais intenté une action en divorce jusqu’au décès de feu son épouse légitime, Mme R T, survenu en 2010 ?

Toujours dans le même sens, comment déterminer les droits des enfants de M. M B sur cette concession, puisque littéralement l’art. L. 2223-13 du CGCT prescrit : "Lorsque l’étendue des cimetières le permet, il peut être concédé des terrains aux personnes qui désirent y fonder leur sépulture et celle de leurs enfants ou successeurs…" ?

Or, s’il ne peut être contesté que M. M B a été incinéré après son décès et que ses cendres, une fois recueillies dans l’urne, ont été inhumées dans le caveau aménagé sur la concession perpétuelle dont, selon la famille légitime de M. M B, la capacité serait de deux places destinées à l’inhumation de deux cercueils de taille normale (longueur entre 1,85 m et 2,00 m, et largeur à l’épaulement de 0,65 m à 0,70 m), il y a lieu d’admettre que l’occupation d’une des deux places par une urne cinéraire ne constitue pas un obstacle dirimant pour déposer dans l’un des deux emplacements un cercueil, étant entendu que, pour respecter le contrat de concession, la seconde place serait réservée à Mme M C, co-titulaire.

Sur ces fondements, il a donc été demandé au président du tribunal administratif de Paris, statuant sur la requête présentée par les deux enfants légitimes de feu M. M B, de se prononcer, répondre et statuer sur les questions suivantes, et ce, dans toute la mesure du possible :

- Interpréter l’acte administratif, constitué par le contrat administratif conclu entre la commune de Paris le 2 avril 1998 et M. M B et Mme M C aux termes duquel leur a été délivrée, dans le cimetière de l’Est, dit "cimetière du Père-Lachaise", une concession perpétuelle de 2 mètres superficiels de terrain, en apportant réponse aux quatre questions suivantes :

1°/ Dans quelle catégorie peut-on classer cette concession ?

2°/ Quels sont les droits détenus par les deux enfants légitimes, héritiers réservataires de M. M B ?

3°/ Et, déduisant de la réponse à la deuxième question :

- Après le décès de Mme M C co-concessionnaire, quelle sera la dévolution successorale de ladite concession, sachant que cette personne n’a pas d’enfants ?

4°/ Le maire de la commune de Paris pouvait-il, eu égard à la situation familiale des deux bénéficiaires de la concession, étrangers en droit, délivrer ce type de concession qui était de nature à porter atteinte aux droits de l’une ou l’autre des parties et à leur descendance, donc susceptible de porter atteinte à l’ordre public, puisqu’un conflit massif a opposé les deux filles de M. M B à Mme M C, portant, notamment, sur le contenu des inscriptions à faire figurer sur le monument funéraire, ayant débouché sur une condamnation pénale des requérantes. À cet égard, il sera exposé qu’il résulte de l’arrêt du Conseil d’État n° 297914 en date du 25 juin 2005, que, dans ses considérants, la Haute Assemblée a pu estimer que :

"Considérant qu’aux termes de l’art. L. 2223-13 du CGCT : Lorsque l’étendue des cimetières le permet, il peut être concédé des terrains aux personnes qui désirent y fonder leur sépulture et celle de leurs enfants ou successeurs en y inhumant cercueils ou urnes. Les bénéficiaires de la concession peuvent construire sur ces terrains des caveaux, monuments et tombeaux ;

Considérant qu’un maire, qui est chargé de la bonne gestion du cimetière, peut, lorsqu’il se prononce sur une demande de concession, prendre en considération un ensemble de critères, parmi lesquels figurent notamment les emplacements disponibles, la superficie de la concession sollicitée au regard de celle du cimetière, les liens du demandeur avec la commune ou encore son absence actuelle de descendance", cette énumération ne semblant pas limitative.

Sur ces fondements, les autorités communales auraient-elles pu ou devaient-elles refuser l’octroi de ladite concession, car elle portait en son sein les prémices de conséquences dommageables pour la descendance de M. M B alors qu’en vertu des dispositions de l’art. L. 2223-13 du CGCT ils tiraient de la loi et du contrat de concession (de par la mention "sépulture de famille"), des droits qui, en définitive, leur ont été refusés, ou, plus simplement, dont l’usage est manifestement entravé ?

Que, pour illustrer ces difficultés, il y a lieu de faire état du document dressé par la mairie de Paris, en date du 24 janvier 2017, intitulé "Annulation, renonciation de droits à concession", concluant :

"En conséquence, cette concession demeure en indivision perpétuelle entre :
* Mme M C
* Mme N B
* Mme D B
Avec les autres ayants droit qui viendraient à justifier de cette qualité."

Or, que se passerait-il dans l’hypothèse où l’une des deux filles de feu M. M B viendrait à décéder avant Mme M C (ces trois personnes ont à peu près le même âge), et que la famille ou la personne habilitée à pourvoir aux funérailles sollicitait l’autorisation d’inhumer son corps dans la concession dont il s’agit ? Compte tenu de la capacité d’accueil du caveau (rappel 2 places), Mme M C, concessionnaire, serait privée de son droit réel de nature immobilière, supérieur à celui des héritières (cf. Jean-Pierre Tricon et Renaud Tricon, dans "Le traité de législation et réglementation funéraires", éditeur, SCIM RÉSONANCE).

Une raison de plus qui aurait motivé, eu égard aux conséquences successorales, un refus d’attribution de la concession au bénéfice de deux personnes, juridiquement étrangères au plan familial.

La décision du tribunal administratif de Paris est particulièrement attendue par les requérantes, mais aussi présente un grand intérêt pour tous les juristes, car, à ce jour, ainsi qu’énoncé clairement dans le texte de la requête en interprétation de l’acte de concession, la jurisprudence, tant administrative que civile, n’a eu à connaître que des litiges opposant soit le concessionnaire (une seule personne physique) à l’Administration, ou le concessionnaire à ses enfants ou successeurs, ou enfin les héritiers entre eux.

Enfin, il n’est pas exclu que ce type de situation soit porté à l’attention des parlementaires, car la complexité qui résulte semble-t-il d’une formulation sémantique hasardeuse de l’art. L. 2223-13 du CGCT induit des conséquences désastreuses pour les héritiers réservataires en cas de présence d’un co-concessionnaire étranger à leur famille légitime.

En d’autres termes, à l’aune de ces considérations, une révision législative de la définition de la concession funéraire, donnée à l’art. L. 2223-13 du CGCT, semble s’imposer.

Jean-Pierre Tricon
Co-Auteur du Traité de Législation et Réglementation Funéraire
Consultant en droit funéraire
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Résonance n°132 - Juillet 2017

 

 

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