À l’issue des élections législatives qui succéderont à celle du nouveau Président de la République, un nouveau ministre sera chargé par le chef du gouvernement du domaine de la Santé.
Jean-Pierre Tricon, avocat. |
Sans manifester un quelconque esprit d’ingérence dans le domaine régalien des compétences gouvernementales, il m’est apparu nécessaire, après des années passées à commenter le droit funéraire, et les nombreuses réformes intervenues dans le prolongement de la loi du 8 janvier 1993, de faire des propositions, à mon sens constructives, afin que le ministère de la Santé vienne, soit améliorer les dispositions réglementaires en vigueur, soit les compléter et combler les lacunes, en particulier dans deux cas extrêmement importants : la clarification nécessaire des infections transmissibles, ainsi qu’une nouvelle présentation du certificat de décès.
Ces deux thèmes, auxquels je joindrai d’autres considérations, plus mineures, interpellent au quotidien les professionnels du funéraire, qui attendent depuis des années un nécessaire éclairage.
I - La détermination des infections transmissibles et leurs conséquences sur le droit funéraire
L’urgence attachée à l’intervention d’un arrêté s’inscrivant dans le prolongement du décret n° 2011-121 du 28 janvier 2011, et notamment afférent à l’art. R. 2213-2-1 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), et la modification du modèle de certificat de décès, notamment la partie nominative et accessible aux personnes, comportant les prescriptions particulières du médecin chargé de constater la réalité du décès.
En ce qui concerne, l’arrêté ministériel, l’art. R. 2213-2-1, énonce :
"Un arrêté du ministre chargé de la santé, pris après avis du Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP), fixe :
a) La liste des infections transmissibles qui imposent une mise en bière immédiate dans un cercueil hermétique, répondant aux caractéristiques définies à l’art. R. 2213-27, et sa fermeture ;
b) La liste des infections transmissibles qui imposent une mise en bière immédiate dans un cercueil simple, répondant aux caractéristiques définies à l’art. R. 2213-25, et sa fermeture ;
c) La liste des infections transmissibles pour lesquelles, si elles sont suspectées, il peut être dérogé, dans les conditions prévues à l’art. R. 2213-14, au délai maximum de transport de corps avant mise en bière, afin de permettre une autopsie médicale au sens de l’art. L. 1211-2 du Code de la santé publique ;
d) La liste des infections transmissibles imposant, le cas échéant, la mise en bière pour le transport du corps s’il a lieu avant l’expiration du délai mentionné à l’art. R. 2213-11 ;
e) La liste des infections transmissibles qui interdisent la pratique des soins de conservation."
Or, force est de constater que, malgré l’ancienneté relative de ce décret, aucun arrêté du ministre de la Santé, pris après avis du HCSP, n’est à ce jour intervenu.
Cette situation, préjudiciable à la mise en œuvre des dispositions réglementaires, dans la mesure où les médecins et professionnels du funéraire doivent continuer à décrypter le modèle de certificat de décès, toujours en vigueur, tel qu’instauré par l’arrête ministériel du 24 décembre 1996, mis en forme avant l’arrêté du ministre chargé de la Santé du 20 juillet 1998, définissant les maladies contagieuses donnant lieu à mise en bière immédiate en cercueil hermétique et interdisant la pratique de soins de conservation des corps, dont on sait que le Conseil d’État, dans sa décision du 29 novembre 1999, avait annulé l’art. 1er de cet arrêté du 20 juillet 1999, en tant qu’il prescrivait la fermeture immédiate et définitive du cercueil hermétique dès la mise en bière, et son art. 2e, considérant que l’ajout de l’hépatite A, de la maladie de Creutzfeldt-Jacob et les états septiques graves à la liste des maladies contagieuses, était illégal.
La question essentielle que l’on se pose, d’une manière récurrente, est celle qui anime et interpelle certains professionnels du funéraire, savoir : les soins de conservation peuvent-ils pour autant être pratiqués sans risque sur les corps décédés de telles affections, mais aussi quelles sont les infections transmissibles qui excluent non seulement les soins de thanatopraxie, mais aussi les transports des corps avant mise en bière ?
Devant cette situation, l’unique outil dont disposent les médecins chargés de la constatation du décès pour prescrire des mesures d’interdiction afin de protéger l’hygiène et la santé publique, et d’éviter, notamment, aux thanatopracteurs d’être exposés à des risques infectieux, réside uniquement dans le modèle de certificat de décès initié par l’arrêté ministériel du 14 décembre 1996, établi à une époque où était en vigueur l’arrêté ministériel du 17 novembre 1986 qui fournissait une liste claire et exhaustive des maladies contagieuses devant donner lieu à mise en bière immédiate, soit en cercueil hermétique, soit en cercueil simple, et interdisant la pratiques des soins de conservation.
Il est manifeste que, désormais, cette situation, que nous qualifierons d’archaïque, devant les avancées de la médecine devrait inciter les autorités gouvernementales à édicter l’arrêté du ministre de la Santé, pris après avis du HCSP, qui devait fixer la liste des infections transmissibles prévues à l’art. R. 2213-2-1 du CGCT, d’autant plus que, de par sa rédaction, le décret du 28 janvier 2011 paraissait laisser supposer l’intervention de l’arrêté dans les jours succédant la publication du décret. Or, il n’en fut rien, puisqu’à ce jour, et depuis plus de six ans, aucun texte n’est intervenu. Pourtant, deux documents démontrent que le HCSP s’est manifestement plongé dans son travail correspondant à la mission impartie par le décret du 28 janvier 2011.
Avant ce décret, un groupe de travail constitué par la Commission Spécialisée des Maladies Transmissibles (CSMT), suite à la saisine du HCSP par le directeur général de la Santé, avait rendu un avis en date du 22 avril 2009.
À l’issue des débats, le groupe de travail, après synthèse, avait préconisé :
1° À propos de la mise en bière immédiate dans un cercueil hermétique avec épurateur de gaz et l’interdiction de soins de conservation de corps pour les personnes décédées des pathologies suivantes :
- Orthopoxviroses, choléra, fièvres hémorragiques, peste et charbon.
2° Pour la mise en bière immédiate dans un cercueil simple et l’interdiction des soins de conservation pour les personnes décédées des pathologies suivantes :
- Rage, tuberculose active non traitée ou traitée pendant moins d’un mois, toute maladie émergente infectieuse transmissible (SRAS, grippe aviaire…), sur saisine du HCSP.
3° La présentation possible du corps, sans mise en bière immédiate, suivie d’une mise en bière dans un cercueil simple, mais l’interdiction de soins de conservation de corps pour les personnes décédées des pathologies suivantes :
- Hépatites virales B, C, D, maladie de Creutzfeldt-Jacob, infection VIH, et tout état septique grave sur prescription du médecin traitant.
Par contre, le groupe de travail ne proposait pas de pratiques particulières pour le mode de transport des corps des personnes décédées des pathologies listées ci-dessus.
Pour permettre une autopsie à visée diagnostique, le HCSP recommandait que, pour les personnes décédées et atteintes d’une maladie de Creutzfeldt-Jacob, le délai de transport après le décès puisse être porté à 72 heures, rendant homogène la durée de ces transports destinés à établir, dans le cadre d’autopsie médicales, la recherche d’une infection transmissible.
Puis, au-delà des soins de conservation et dans le cadre de la protection des employés funéraires, le groupe de travail insistait sur les propositions générales suivantes :
- Instaurer un module spécifique de formation aux risques biologiques et à leur gestion pour l’obtention du diplôme de thanatopracteur.
- Respecter la pratique des vaccinations professionnelles, en particulier la vaccination contre l’infection par le virus de l’hépatite B.
- Respecter de façon stricte les précautions universelles édictées en milieu de soins pour les malades atteints de ces mêmes pathologies, en particulier le port d’une protection oculaire et d’une protection respiratoire, avec, notamment, un masque FFP1 systématiquement porté, et non un simple masque chirurgical.
Et pour tous les soins de corps, quelle que soit la mention portée sur le certificat de décès :
- Encourager, en cas de décès à l’hôpital et si des soins de corps sont envisagés, la réalisation de ceux-ci en milieu hospitalier et non pas au domicile,
- Encourager, en cas de décès à domicile, la réalisation des soins de conservation de corps en milieu adapté (entreprise funéraire offrant des conditions de travail et d’hygiène adaptées),
- Améliorer la formation à la rédaction du certificat médical de décès lors du cursus médical et lors de l’exercice médical, afin que soient fournies des informations exactes et pertinentes.
Ces recommandations n’ont pas été totalement suivies d’effets positifs, puisque aucune modification du certificat médical de décès n’a eu lieu, malgré l’ancienneté de ses fondements textuels, alors que les préconisations du groupe de travail auraient dû inciter le ministère de la Santé à une harmonisation du document au regard des travaux de la CSMT, notamment au plan de l’insertion d’une rubrique "Interdiction de la pratique des soins de conservation", ainsi qu’une opposition au transport des corps avant mise en bière des corps des personnes décédées à la suite d’une infection transmissible.
Le seul point positif que nous retiendrons concerne la formation des thanatopracteurs, puisque l’arrêté du 18 mai 2010, pris le même jour que le décret réformant celui du 1er avril 1994 relatif à la formation des candidats aux épreuves théoriques du diplôme national, a inséré une matière nouvelle dénommée "Sécurité sanitaire, évaluation des risques sanitaires" d’une durée minimale de 15 heures, et que la vaccination des thanatopracteurs et des stagiaires pour la pratique des soins de conservation contre le virus de l'hépatite B est devenue obligatoire. Pour autant, la situation était-elle figée avec ces propositions du HCSP du 22 avril 2009 ?
Tel n’était pas le cas
En effet, dans un avis en date du 20 décembre 2012, le HCSP a produit des recommandations pour les conditions d’exercice de la thanatopraxie. Dans le préambule de ces recommandations, le HCSP considérait que les soins de thanatopraxie sont des actes invasifs, nécessitant l’utilisation de produits toxiques, voire cancérogènes. Quelles que soient les conditions dans lesquelles ils sont réalisés, ils génèrent un risque pour le thanatopracteur. L’objectif du HCSP était de proposer un encadrement des conditions de travail des thanatopracteurs, de telle manière que ce risque soit réduit à un niveau aussi faible que possible.
Le HCSP avait pris la pleine mesure de l’importance de l’expansion des soins de conservation en France, puisqu’il énonçait dans son avis des chiffres éloquents : 200 000 actes environ par an, sur un nombre assez constant de 540 000 décès, réalisés par environ 1 000 thanatopracteurs en exercice, dont près de la moitié sont des professionnels indépendants, ne bénéficiant pas d’un suivi en médecine du travail.
Après avoir décrit les gestes permettant la pratique des soins somatiques, le HCSP exposait l’existence de risques infectieux. Il était rappelé que nombre d’infections ne sont pas connues des patients ou du corps médical. On estimait, ainsi, qu’environ 90 000, 155 000 et 29 000 sujets étaient porteurs chroniques méconnus, respectivement, du virus de l’hépatite C (CHC), du virus de l’hépatite B (VHB) et du VIH. La survie de la plupart des agents infectieux étant très allongée dans les produits biologiques, il fallait considérer, par principe, que le risque de contamination était le même pour un patient décédé que pour un malade vivant.
Les risques les plus importants
L’exposition au sang (piqûre ou coupure) et aux liquides organiques ainsi que les risques d’aérosolisation, engendrant une infection acquise professionnellement déclarée chez 17 % des thanatopracteurs (89 sur un nombre recensé d’accidents professionnels s’élevant à 539), dont un tiers par le virus de l’hépatite B, et quelques observations de tuberculose active, parfois mortelle.
Malgré les améliorations apportées par l’arrêté du 18 mai 2010, la formation initiale des thanatopracteurs a été jugée insuffisante, notamment en matière d’hygiène et de sécurité, puisqu’elle ne comporte que 10 à 20 heures, sur les 195 heures de formation théorique requise pour l’obtention du diplôme de thanatopracteur. L’avis du HCSP était particulièrement accablant pour les autorités publiques, car il considérait que la formation initiale des thanatopracteurs ne pouvait leur permettre d’appréhender correctement les risques et de prendre les mesures nécessaires pour s’en prémunir.
Parmi les risques mis en avant par le HCSP, nous relèverons :
1° Les durées de survie des agents infectieux dans les tissus après le décès d’un sujet et le court délai après le décès au cours duquel sont réalisés les soins de conservation, et donc de l’infectiosité de ces agents dans les cadavres, qui doit être considérée comme équivalente à celle rencontrée chez un patient vivant ;
2° L’absence avérée de la fiabilité de nombreux certificats de décès ;
3° La fréquente méconnaissance par les sujets et par leur médecin de l’infection par de nombreux agents biologiques, en particulier par les virus des hépatites et le VIH ;
4° La toxicité des produits chimiques manipulés ;
5° Les risques biologiques et chimiques avérés pour les thanatopracteurs ;
6° L’insuffisance de la formation des thanatopracteurs à la prévention des risques professionnels et à la gestion des déchets d’activités de soins à risque infectieux ;
7° Les conditions de travail des thanatopracteurs avec des différences majeures entre celles offertes, par exemple, par les funérariums et les chambres mortuaires, par rapport à celles rencontrées au domicile des personnes décédées ;
Les propositions du HCSP, dans son avis en date du 20 décembre 2012, validé à l’unanimité par la CSMT
Curieusement, le HCSP ne recommandait pas l’établissement d’un nouveau formulaire de certificat médical de constatation du décès, mais apportait sa pierre à l’édifice d’une reconstruction, en énonçant les conditions spécifiques de la mise en bière immédiate et des interdictions de réaliser des soins de conservation des corps.
Ces préconisations étaient :
1° Mise en bière immédiate dans un cercueil hermétique avec épurateur de gaz et l’interdiction des soins de conservation de corps pour les personnes décédées des pathologies suivantes : orthopoxviroses, choléra, fièvres hémorragiques, peste.
2° Mise en bière dans un cercueil hermétique avec fermeture définitive du cercueil et l’interdiction de soins de conservation de corps pour les personnes décédées du charbon.
3° Mise en bière dans un cercueil simple et l’interdiction de soins de conservation de corps pour les personnes décédées des pathologies suivantes : maladie de Creutzfeldt-Jacob, rage, tuberculose active non traitée pendant moins d’un mois, et toute maladie émergente infectieuse transmissible (SRAS, grippe aviaire…) sur saisine du HCSP.
Sur ces fondements, le ministère de la Santé, qui, bien évidemment, n’ignorait pas ces recommandations, disposait manifestement des outils pour procéder à une refondation du modèle de certificat médical de décès actuellement en vigueur et manifestement obsolète, et le mettre en parfaite cohérence avec les dispositions de l’art. R. 2213-2-1 du CGCT, en publiant, parallèlement, l’arrêté promis par le décret du 28 janvier 2011, établissant la liste des infections réputées transmissibles, les deux allant, à notre sens, de pair, n’a pas réagi, abstention que nous ne pouvons que déplorer.
Nous ne nous attarderons pas sur d’autres mesures, dites de précaution ou d’information, qui n’étaient pas énoncées dans l’avis, relativement contraignantes pour l’exercice de la profession de thanatopracteur, dont principalement, l’information des familles sur les soins proposés, la réalisation des actes de thanatopraxie uniquement dans des locaux parfaitement adaptés à cette activité (exclusion des domiciles et de certaines maisons de retraite), l’observation des mesures de précautions universelles par les thanatopracteurs, l’abolition du formaldéhyde et sa substitution par un produit non cancérogène, une amélioration de la formation initiale des thanatopracteurs à l’hygiène et la sécurité, un suivi médical renforcé.
Il sera donc réitéré auprès du futur ministre de la Santé que force est d’admettre qu’il est difficilement concevable que le gouvernement et le ministère principalement concerné n’aient pas réagi en publiant l’arrêté fournissant la liste des infections transmissibles et les prohibitions fonctionnelles en résultant, tout en mettant en adéquation le modèle de certificat de décès avec ces recommandations du HCSP, d’autant plus que les attentes du monde médical, mais aussi de la plupart des professionnels du funéraire, sont toujours aussi nombreuses, l’application de la règlementation actuelle en matière d’infections transmissibles exigeant précision et transparence, l’art divinatoire auquel les professionnels se livrent depuis le décret du 28 janvier 2011, voire de l’arrêté partiellement annulé par le Conseil d’État en date du 20 juillet 1998, ayant forcément des limites.
II - La problématique des prothèses miniaturisées de stimulation cardiaque fonctionnant au moyen d’une source d’énergie (piles au lithium)
Récemment, ont été implantés en France des stimulateurs cardiaques de nouvelle génération, miniaturisés, sans sonde, introduits via la veine fémorale, qui peuvent être placés au sein des cavités cardiaques (ventricules). Il s’agit d’une révolution technologique qui résulte des progrès accomplis par la multinationale Medtronic, spécialisée dans les stimulateurs cardiaques. Ce type d’appareil est commercialisé depuis peu, et a fait l’objet d’une autorisation de mise sur le marché depuis le 18 octobre 2016 par la Haute Autorité de santé (HAS). Le temps de pose n’est que d’une vingtaine de minutes et la durée de vie de l’appareil est estimée à une douzaine d’années. L’appareil a obtenu le marquage CE en avril 2015.
Signe des temps : le ministère de la Santé, dont relève la HAS, ne s’est pas posé la question de savoir si ce type de prothèse était compatible avec les dispositions réglementaires afférentes à la crémation des corps. Un oubli ? Non. Une carence coupable, car n’importe quel juriste ou professionnel confirmé en la matière funéraire aurait soulevé sa compatibilité avec l’exigence du retrait obligatoire de toute prothèse fonctionnant au moyen d’une pile avant toute inhumation ou crémation.
La présence des ces appareils est devenue un casse-tête réputé tragique par un média, car il interdit d’organiser les obsèques, puisque plusieurs familles en deuil ont été confrontées à cette difficulté, sans précédent, qui conduit les autorités à refuser la crémation ou l’inhumation de leur défunt. Or, à ce jour, il semblerait qu’aucune solution pérenne ne soit en vue.
Nous avons retenu un témoignage relayé par un média sur Internet
"Nous sommes dans une situation impossible. Notre sœur, notre mère, est décédée le 22 novembre dernier, et ses obsèques ne peuvent être organisées. On lui avait implanté il y a peu, au CHU de Tours, un nouveau modèle miniature de pacemaker au sein même de son cœur. Le fabricant dit que son matériel est compatible avec l’incinération ou l’inhumation. Or, à Bourges, les différentes autorités nous affirment le contraire.
C’est une somme de difficultés chaotiques, une forme de manque de respect. Les différentes parties concernées (le fabricant, les pompes funèbres, les services de l’État) nous annoncent tour à tour l’impossibilité technique (puis légale) du retrait du pacemaker par un chirurgien ; le refus réitéré du procureur de la République de mandater un médecin légiste pour ce cas de mort naturelle reconnue par le Samu 18 ; l’impossibilité légale de faire ce geste par un thanatopracteur ; le refus de la mairie d’autoriser la fermeture du cercueil, et donc tout déplacement permettant éventuellement de faire cette crémation dans un autre crématorium…
Notre mère, notre sœur, se trouve face à un trou noir, véritable vide juridique sans solution aucune. Son corps doit être conservé sine fine en chambre funéraire, puis prochainement en "cellule négative”… Notre famille, effondrée et meurtrie, se voit ainsi refuser : toutes obsèques, et toute cérémonie religieuse catholique ; tout adieu digne de la société ; tout travail de deuil face à l’inconnu…"
Or, selon le docteur Philippe Ritter du CHU de Bordeaux, lors d’une conférence de presse organisée par Medtronic, les systèmes sans sonde seraient ceux du futur. Présentement, ces prothèses ne sont pas remboursées : il en coûte entre 6 000 € et 10 000 € à la charge de l’établissement ou de la famille du patient, mais, lorsqu’elles seront remboursées, ce praticien estime que cette technique explosera sur le marché des implantations des prothèses cardiaques (environ 66 000 sont réalisées annuellement dans notre pays, y compris les remplacements). Vingt centres hospitaliers ont été formés à cette nouvelle technologie.
Mais, contrairement à ce qui a pu être écrit, il n’existe pas de vide juridique dans le droit objectif français concernant le régime des prothèses implantables fonctionnant au moyen d’une pile (en l’occurrence le lithium), puisque l’art. R. 2213-15 du CGCT énonce :
"Avant son inhumation ou sa crémation, le corps d’une personne décédée est mis en bière. La housse imperméable éventuellement utilisée pour envelopper le corps avant sa mise en bière est fabriquée dans un matériau biodégradable. Elle doit répondre à des caractéristiques de composition, de résistance et d’étanchéité fixées par arrêté du ministre chargé de la Santé après avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail et du Conseil National des Opérations Funéraires (CNOF). Si la personne décédée était porteuse d’une prothèse fonctionnant au moyen d’une pile, un médecin ou un thanatopracteur atteste de la récupération de l’appareil avant la mise en bière."
Pour sa part, l’art. R. 2213-34 du CGCT prescrit :
"La crémation est autorisée par le maire de la commune de décès ou, s’il y a eu transport du corps avant mise en bière, du lieu de fermeture du cercueil. Cette autorisation est accordée sur les justifications suivantes :
1° L’expression écrite des dernières volontés du défunt ou, à défaut, la demande de toute personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles et justifie de son état civil et de son domicile ;
2° Un certificat de décès établi par le médecin ayant constaté le décès, affirmant que celui-ci ne pose pas de problème médico-légal ;
3° Le cas échéant, l’attestation du médecin ou du thanatopracteur prévue au troisième alinéa de l’art. R. 2213-15…"
La difficulté tient à la miniaturisation de la nouvelle prothèse, mais aussi et surtout au fait qu’elle est située dans un organe interne. Le retrait du dispositif conventionnel ne posait, jusqu’alors, aucun problème, car étant situé sous la peau ; le médecin ou le thanatopracteur pouvait ainsi intervenir facilement. Avec la nouvelle génération miniaturisée il en va autrement, car l’explantation exige un acte chirurgical invasif, qui relèverait, en théorie, de la chirurgie, mais point de la thanatopraxie, aucune formation n’ayant été prévue dans le cadre de la préparation pratique des futurs thanatopracteurs diplômés par l’État.
Or, le monde médical paraît se désintéresser de cette question qui est devenue pour certaines familles un véritable cauchemar, alors que les professionnels du monde funéraire, mais aussi les maires qui sont chargés de délivrer les autorisations soit de mise en bière, soit de crémation, s’opposent à faire des concessions à l’égard des actes réglementaires. Le risque d’explosion dans les cellules des appareils de crémations générés par les prothèses fonctionnant au moyen de piles alimentées par du lithium, du fait du choc thermique, est bien connu et, personnellement en tant que directeur général des opérations funéraires de la ville de Marseille, j’ai été confronté au moins à deux reprises à de tels incidents, qui ont nécessité d’importants travaux pour remettre en état les équipements.
La charge des réparations n’est pas l’écueil majeur, car il existe toujours la possibilité d’obtenir des participations financières, soit par les compagnies d’assurances, soit par les responsables des négligences ayant conduit à ignorer la présence de prothèses actives dans le corps du défunt, mais, ce qui est le plus handicapant, c’est l’immobilisation des installations de crémation (au moins deux semaines), ce qui entraîne une rupture dans la continuité du service public assuré auprès des familles, et nécessite la mise en œuvre de solutions alternatives.
Il est particulièrement curieux de lire sur certains sites que la société Medtronic ne nie pas l’existence de ce problème émergent, mais qu’elle se fonde sur des tests effectués aux États-Unis pour affirmer péremptoirement qu’aucun risque d’explosion n’est à craindre de la présence de leur nouvelle prothèse. Parallèlement, côté ministère de la Santé c’est le silence qui prévaut. Attend-on l’élection du Président de la République, les résultats des législatives et la constitution du nouveau gouvernement pour s’atteler à cette tâche ? Bref, la patate chaude est passée entre plusieurs mains, et pourrait se refroidir si l’on ne considère pas la situation avec plus d’implication.
Quelles pourraient être les solutions ?
À mon sens, quatre. Soit, lors de l’implantation de la prothèse, une technique est conçue pour permettre un retrait par la voie veineuse, soit le corps médical s’organise pour procéder au retrait. Mais cela supposerait un acte invasif dans le corps du patient, car il ne faut pas omettre que ces prothèses ont une durée de vie certes assez longue, mais, néanmoins, limitée, et nécessitent, donc, leur remplacement. Dans ce cas, sauf à laisser la parole aux chirurgiens spécialisés en cardiologie, il paraît difficilement admissible de pratiquer une intervention à cœur ouvert chaque fois qu’il faudra changer l’appareil.
La troisième solution porterait sur des essais techniques en crématoriums afin de confirmer ou infirmer les dires des responsables du siège de Medtronic qui affirment que leur prothèse ne présente aucun risque lors d’une crémation. Ainsi, si tel était le cas, un décret pourrait autoriser les maires de ne plus exiger pour ce type d’appareil, parfaitement identifié sur le certificat de décès, l’attestation de retrait. Cette solution aurait, certes, le mérite d’apporter une réponse positive aux situations vécues douloureusement par les familles, mais ne résoudrait en rien la problématique des remplacements.
La dernière solution consisterait en l’abandon de cette technique, mais son caractère innovant et le confort procuré au patient me paraissent constituer un obstacle pour la pertinence d’une telle proposition.
En tout état de cause, le problème est parfaitement énoncé, et le nouveau ministre de la Santé devra s’atteler à le résoudre, car il sera réitéré qu’il est particulièrement surprenant que la nouvelle prothèse miniaturisée ait reçu une autorisation de mise sur le marché, sans que les technocrates aient considéré les effets dans leur ensemble ou universalité.
III - La mise en cohérence des questions posées par le jury lors de l’examen des épreuves théoriques pour l’accession aux épreuves pratiques de thanatoprateur, avec le contenu des matières
Cette proposition s’inscrit dans un cadre moins solennel que les trois premières questions évoquées précédemment, mais n’en revêt, cependant, pas pour le moins une importance mineure, car les distorsions mises en évidence dans l’article en cours dans Résonance (1re partie n° 129 d’avril), proposant un corrigé des annales de la matière réglementation funéraire, portant sur les 21 questions posées le 20 janvier 2017, nécessitent une prise de position claire et non équivoque.
Je ne pense pas qu’il soit utile de revenir amplement et explicitement sur tous les griefs adressés au jury national, mais il est nécessaire de préciser que de nombreux candidats ont été sidérés devant la complexité de certaines questions figurant dans le QCM de la réglementation funéraire, totalement étrangères aux matières énoncées par l’arrêté ministériel du 22 janvier 2013, dont son annexe 2, définissant le contenu et la notation des épreuves portant sur la réglementation funéraire, lors de l’examen théorique du diplôme national de thanatopracteur, ou en parfaite distorsion avec le droit positif.
Nous exposerons, ici, deux exemples :
La question concernant les noms attribués par les fabricants de produits utilisés pour les opérations de conservation des corps et la demande portant sur leur agrément par le ministère de la Santé. Un mois et demi avant l’examen, c’est sur l’initiative d’un thanatopracteur réputé que le ministère avait daigné publier une liste exhaustive et limitative des produits agréés. Or, alors que de nombreux professionnels n’en connaissaient pas la teneur, une question a été posée à des élèves thanatopracteurs impétrants, leur demandant de dire quels produits étaient agréés ! J’ai contesté la validité de cette question dans mon article, et je maintiens qu’elle était hors sujet.
Tel a été également le cas de la question déjà posée lors de l’examen précédent, relative aux modalités de création d’une chambre funéraire. L’enquête de commodo et incommodo ayant été supprimée depuis plusieurs années, pourquoi, malgré les réserves émises après la session de novembre 2015, dans un article publié dans Résonance sous ma signature, avoir réitéré cette question le 20 janvier 2017 (d’autant plus qu’ayant pu accéder au corrigé type de l’examen de novembre 2015, j’avais pu constater que la réponse "par le préfet du département après enquête de commodo et incommodo" avait été validée par le jury alors que, juridiquement, la réponse était erronée) ?
Au ministère de mettre en œuvre des mesures de régulation des questions susceptibles de figurer dans un QCM, afin d’éviter que les candidats ne soient confrontés à des sujets inconnus, mais dont les réponses apportées conditionneront, largement, leur avenir professionnel. Voilà quelle peut être ma modeste contribution au travail qui attend le futur ministre de la Santé. Qu’il sache qu’il existe en France des professionnels compétents dans un domaine où la pluridisciplinarité est constante, et que certains avis autorisés et pertinents valent mieux que des longues études, souvent fastidieuses, sans remettre, cependant, en cause, leur objectivité.
Jean-Pierre Tricon
Avocat
Résonance n°130 - Mai 2017
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