L’année 2016 fut une année riche de jurisprudences dans le domaine du droit funéraire. La présente étude vise à présenter les décisions les plus intéressantes et marquantes sur l’année écoulée dans ce domaine spécifique du droit. Le droit funéraire présente une originalité de par sa transversalité, qui génère une jurisprudence à la fois judiciaire et administrative.
I - Un an de jurisprudences administratives
1 - Renouvellement prématuré d’une concession trentenaire
Cour administrative d’appel de Nantes, 16 février 2016, n° 14NT00991
La commune commet une faute de nature à engager sa responsabilité dès lors qu’elle a fait droit à une demande prématurée de renouvellement d’une concession trentenaire. La commune ne pouvait utilement se prévaloir de la situation d’abandon de la concession pour justifier de cette attribution prématurée, dans la mesure où cet état d’abandon ne peut être constaté qu’après l’expiration du délai de trente ans.
2 - Demande d’autorisation de sépulture par avance dans une propriété privée
Cour administrative d’appel de Marseille, 26 septembre 2016, n° 15MA02761
Le refus opposé par le préfet à l’appelant à la demande d’autorisation de sa future sépulture et de celle de son épouse dans sa propriété est légal. Le juge a considéré que le terrain en cause n’a jamais comporté de cimetière communal, ni de cimetière privé (quand bien même auraient été inhumées des victimes du choléra hébergées vers 1855) et qu’il se situe en zone agglomérée.
Dès lors, la condition prévue par l’art. L. 2223-9 du CGCT relative à ce que la propriété particulière dans laquelle une personne peut être enterrée soit hors de l’enceinte des villes et des bourgs et à une distance prescrite n’est pas remplie. En tout état de cause, l’autorisation de sépulture requise en l’espèce ne pouvait être accordée par le préfet préalablement au décès des personnes concernées.
3 - Charge de la preuve du caractère temporaire d’une concession funéraire
Cour administrative d’appel de Bordeaux, 15 juillet 2016, n° 14BX03322
Même si le titulaire de la concession n’était pas en possession d’un acte justifiant d’une concession perpétuelle à l’emplacement considéré, il appartient à la commune de démontrer l’existence du caractère temporaire (et non perpétuel) d’une concession funéraire. À défaut, la commune n’est pas en droit d’imposer par délibération la régularisation de la concession arrivée à terme pour une nouvelle période de trente ans, et le paiement de la redevance afférente.
4 - L’appréciation du contrôle analogue et les sociétés publiques locales
Cour administrative d’appel de Bordeaux, 18 juillet 2016, n° 15BX00314
L’actionnaire majoritaire de la SPL exerce pour son compte et celui des autres actionnaires un contrôle sur la SPL comparable à celui exercé sur ses propres services. Au cas d’espèce, l’une des communes membres disposait de la quasi-totalité du capital social de la SPL pour la gestion du service extérieur des pompes funèbres et du crématorium, et du pouvoir de désigner les membres du conseil d’administration et le directeur général. Dans cette situation, le juge a considéré que la condition du "contrôle analogue" est satisfaite au profit de l’ensemble des actionnaires.
5 - Intérêt pour agir contre une décision gracieuse d’inhumation
Conseil d’État, 21 novembre 2016, n° 392560
La décision ministérielle ayant autorisé l’inhumation d’un archevêque dans la cathédrale de la commune où ce dernier avait exercé son office constitue une mesure purement gracieuse susceptible d’être contestée par un tiers, sous réserve d’avoir qualité lui donnant intérêt à agir. Pour démontrer son intérêt à agir, le requérant faisait valoir qu’il était membre de la communauté chrétienne appartenant au diocèse de la commune considérée, et usager du service public des monuments historiques. Pour autant, le Conseil d’État a considéré que ces qualités ne lui donnaient pas intérêt pour agir contre la décision d’inhumation litigieuse.
6 - Impossibilité matérielle d’exhumation
Conseil d’État, 21 novembre 2016, n° 390298
Le maire n’est pas considéré en situation de compétence liée, même s’il est matériellement impossible de faire droit à une demande d’exhumation en raison du défaut d’individualisation des restes funèbres dans l’ossuaire municipal. Dans une telle situation, il appartient au maire de démontrer l’impossibilité matérielle suivant une appréciation des faits de l’espèce et non d’un simple constat. Dans cette affaire, si les conditions de transfert des restes dans l’ossuaire étaient illégales, l’impossibilité matérielle qui en est résultée fait obstacle à ce qu’il soit fait droit à la demande d’exhumation de la requérante.
7 - Inhumation d’office et erreur d’inscription sur la plaque funéraire
Cour administrative d’appel de Versailles, 15 décembre 2016, n° 15VE02135
La commune n’a pas commis de faute en procédant à l’inhumation d’office de la défunte dans le cimetière municipal trois mois après son décès à défaut de démarches de son époux pour procéder à l’inhumation ou à la crémation de son épouse sur le territoire français ou au transport de son corps vers le Maroc dans le délai de 6 jours prévu par les dispositions des l’articles
L. 2213-7, R. 2213-33 et R. 2213-35 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT).
Par contre, la commune a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en raison de l’erreur faite dans l’inscription figurant sur la plaque funéraire, à savoir la mention du nom de l’époux au lieu de celui de l’épouse défunte. Toutefois, aucune condamnation n’est prononcée à l’égard de la commune, dans la mesure où l’appelant n’a subi aucun préjudice de cette erreur du fait de l’obtention entre-temps d’une autorisation d’exhumer le corps de sa défunte épouse au Maroc.
8 - Refus d’inhumation et actes de terrorisme
Conseil d’État, 16 décembre 2016, n° 403738
Le Conseil d’État devait ici se prononcer sur la transmission d’une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) posée par la commune dans le cadre du recours contre le refus opposé par le maire au père d’une personne défunte ayant perpétré des actes de terrorisme affectant cette collectivité, y compris lorsqu’elle est décédée à cette occasion.
La commune soulevait l’inconstitutionnalité des dispositions de l’art. L. 2223-3 du CGCT relatives aux pouvoirs de police des funérailles du maire, qui l’obligeraient, selon elle, à inhumer dans son cimetière des personnes ayant commis des actes de terrorisme, et ce, en violation du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales. Le Conseil d’État rappelle que le maire peut légalement refuser une inhumation sur le territoire de sa commune au titre de ses pouvoirs de police générale (maintien et prévention des atteintes à l’ordre public), et que, dans ces conditions, la QPC ne présente pas de caractère sérieux. L’affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Versailles, afin qu’il statue au fond sur la légalité du refus d’inhumation.
9 - Empiètement inter-tombal
Cour administrative d’appel de Nantes, 23 décembre 2016, n° 14NT02509
La protection de l’espace inter-tombal ne ressort pas des pouvoirs de police du maire, ni d’aucune disposition textuelle relative à la cessation d’un empiètement sur l’espace inter-tombal. Au surplus que la situation présentée d’empiètement inter-tombal ne présentait aucun caractère de gravité pour la sécurité ou l’accès des usagers du cimetière aux sépultures.
II – Un an de jurisprudences judiciaires
1 - Dénomination commerciale et confusion avec les mutuelles
Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion, 29 janvier 2016, n° 14/01654
Le juge d’appel condamne une société anonyme de pompes funèbres (SA PFM) à supprimer de tous ses supports toute annonce, tout document ou toute mention susceptible de faire naître une confusion avec les mutuelles, en stricte application des dispositions de l’art. L. 112-2 du Code de la mutualité. Même si la SA PFM est administrée par quatre mutuelles et qu’il existe des interactions entre certaines mutuelles et certaines sociétés commerciales de prestations funéraires, cette situation ne lui donne pas le caractère de mutuelle et elle ne peut utiliser la mention de mutuelle dans sa dénomination sociale et son enseigne, ni utiliser le logo du "nid d’abeille" qui signale les valeurs mutualistes et l’appartenance à la mutualité française.
2 - Conditions d’inhumation et responsabilité de l’entreprise de pompes funèbres
Cour d’appel de Montpellier, 2 mars 2016, n° 14/00763
La cour retient la responsabilité contractuelle de l’entreprise de pompes funèbres qui, ayant creusé une fosse trop petite, a obligé les employés de la société d’économie mixte des pompes funèbres à secouer le cercueil puis à le dresser à la verticale pour le faire rentrer. Le préjudice moral subi par l’époux et le fils du défunt au cours de la cérémonie est avéré, et indemnisé à hauteur de 2 000 € par personne par l’entreprise de pompes funèbres appelée en garantie par la société d’économie mixte.
3 - Contestation des conditions des funérailles
Cour d’appel de Poitiers, 18 novembre 2016, n° 16/00065
La cour d’appel rappelle la compétence du tribunal d’instance pour statuer en matière de contestation des conditions des funérailles dans les 24 heures suivant sa saisine. Le défunt n’ayant laissé aucune instruction concernant ses dernières volontés, il appartient au juge de rechercher par tout moyen quelles ont été les intentions du défunt et, à défaut, de désigner la personne la mieux qualifiée pour décider de leurs modalités. Au vu du contexte familial, et notamment du fait que le défunt ne présentait pas d’attache juridique ni sentimentale en France métropolitaine, il sera inhumé dans le caveau familial en Guadeloupe.
Claude Ferradou
Avocat associé,
ADAMAS AFFAIRES PUBLIQUES
Lise-Marie Faras
Avocat, ADAMAS AFFAIRES PUBLIQUES
Résonance n°129 - Avril 2017
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