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Nombreuses sont les hypothèses où les monuments funéraires appartiennent désormais à des cohéritiers, dont certains ne montrent pas un grand intérêt à l’entretien d’une sépulture, c’est à ce délicat problème que nous allons consacrer ces quelques lignes…

 

Le droit à construire un monument funéraire : un droit absolu
 
L’art. L. 2223-12 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) reconnaît au titulaire d’une concession funéraire le droit de construire des monuments et caveaux. Le décret du 5 janvier 2007 (n° 2007-18) pris pour application de l’ordonnance n° 2005-1527 du 8 décembre 2005 relatif au permis de construire et aux autorisations d’urbanisme modifie l’art. R 421-2 du Code de l’urbanisme pour, à partir du 1er octobre 2007, dispenser les monuments funéraires et les caveaux dans l’enceinte du cimetière de toute autorisation d’urbanisme, tant le permis de construire qu’une autre autorisation ou déclaration.
Il est aussi possible d’installer une clôture autour d’une concession (CE 1er juillet 1925 Bernon : Rec. CE, p. 627) voire d’y effectuer des plantations (CE 23 décembre 1921 Auvray-Rocher : Rec. CE, p. 1092). Dans cette hypothèse, le maire pourra néanmoins interdire certaines essences ou en limiter la hauteur (CE 7 janvier 1953 de Saint-Mathurin : Rec. CE, p. 3), à la condition que ces interdictions soient motivées par les buts poursuivis par ses pouvoirs de police. Donc, le juge interdit de faire de l’esthétique le fondement d’une décision du maire pour ce qui relève du cimetière (CE 18 février 1972, Chambre syndicale des entreprises artisanales du bâtiment de Haute-Garonne, précité). Cette solution est étendue aux contrats portant occupation des cases de columbarium (TA Lille 30 mars 1999, mme Tillieu c/ Commune de Mons-en-Barœul : LPA 2 juin 1999, note Dutrieux).
L’absolu du droit de construction s’impose si bien qu’il est possible de faire construire un caveau dans une zone où les inhumations se font en pleine terre (CE 8 novembre 1993, Établissements Sentilles c/ commune de Sère-Rustaing : Rec. CE, tables p. 657). Néanmoins, et sans aller jusqu’à reconnaître un pouvoir esthétique sur les constructions, la loi du 19 novembre 2008 est venue créer un nouvel L. 2213-12-1, qui dispose que : "Le maire peut fixer des dimensions maximales aux monuments érigés sur les fosses." Si cet article se trouve dans la partie générale que le CGCT consacre au cimetière, et qu’ainsi on pourra objecter qu’il ne concerne que les monuments érigés sur des terrains communs, ce serait méconnaître que le juge a toujours appliqué les mesures relevant de cette partie du Code aux concessions funéraires.
Il convient de noter que ce nouvel article consacre (paradoxalement) législativement la possibilité de construction sur les emplacements en terrain commun. La question de savoir si un maire pouvait refuser le renouvellement en raison du défaut d’entretien de celle-ci aurait pu se poser ; la jurisprudence semble s’y opposer (TA Paris 9 janvier 2007, n° 0418233, La lettre du tribunal administratif de Paris n° 12, avril 2007, p. 2 (http://paris.tribunal-administratif.fr/ta-caa/lettre-de-la-jurisprudence/).

La sanction du défaut d’entretien : la possibilité de la reprise pour état d’abandon

Le défaut d’entretien d’une sépulture est parfaitement indifférent lorsqu’elle est fondée au titre du terrain commun et parfois même sous celui de la concession temporaire (sous réserve d’éventuelles mises en cause de la responsabilité des propriétaires d’une sépulture ayant causé un dommage), le CGCT ne sanctionne que certains défauts d’entretien. En effet, l’art.
L. 2223-17 du CGCT dispose que : "Lorsque, après une période de trente ans, une concession a cessé d’être entretenue, le maire peut constater cet état d’abandon par procès-verbal porté à la connaissance du public et des familles." L’art. R. 2223-12 du CGCT énonce lui que : "La procédure prévue… ne peut être engagée que dix ans après la dernière inhumation faite dans le terrain concédé."
C’est donc une procédure cumulative, ces deux éléments doivent être réunis. Il faut de plus que la concession ait cessé d’être entretenue (CGCT, art. L. 2223-17).

Il est à noter que le terme "abandon" ne connaît pas de définition juridique, c’est à peine si la jurisprudence fait mention de "signes extérieurs” tels qu’envahissement par les plantes, mauvais état général. Selon la circulaire n° 62-188 du 22 mars 1962 (in "Code pratique des opérations funéraires", p. 904), l’abandon résulterait donc, par interprétation littérale de l’art. L. 2223-17 du CGCT, d’un défaut d’entretien constaté trente années après que la concession a été constituée. On ne mentionne aucunement la constatation d’un état de ruine quelconque, mais simplement des signes extérieurs, qui seraient nuisibles au bon ordre et à la décence du cimetière. Quand le concessionnaire ne fait plus face à cette obligation d’entretien, le contrat peut être alors rompu par la commune. En effet, la concession n’a été constituée que sous réserve de cet entretien, qui est un engagement du concessionnaire (sur ces questions, on consultera avec profit : Les droits du titulaire d’une concession funéraire, étude par Monique Perrier-Cussac, "La Semaine Juridique Notariale et Immobilière" n° 39, 28 septembre 1990).

L’impossibilité pour un cohéritier d’obliger les autres à financer la réfection d’une sépulture

A priori, le concessionnaire, surtout lorsqu’il a fondé sa concession à perpétuité, a manifesté son désir que cette sépulture défie le temps, l’on aurait pu alors penser que ses héritiers soient obligés d’entretenir celle-ci. Néanmoins le juge judiciaire (Cass. civ. 1re, 22 décembre 1969 : Bull. n° 403. p. 322 : D. 1970. somm. 40 ; R.T.D. civ. 1970, 380) est venu refuser à ceux des héritiers qui procèdent à un entretien régulier d’une sépulture de demander le paiement de leur quote-part "à ceux qui n’en n’ont pas le souci". Comme le relève Monique Perrier-Cussac (précité), le juge semble opérer une distinction suivant le type de réparation, et estima en l’espèce que certes la sépulture est en mauvais état mais qu’elle n’est pas encore délabrée : "Les travaux entrepris étaient seulement nécessaires pour sauver le tombeau du délabrement et lui garder un caractère décent, ce qui signifie que, pour si mauvais que fut son aspect, il n’était pas encore délabré." Il serait peut être possible que le délabrement et le mauvais état permettent alors à la commune d’initier une procédure de reprise de la concession.
Cet arrêt vient aussi poser le principe que si chaque indivisaire ne peut demander la contribution financière des autres, il n’a pas besoin de leur autorisation pour accomplir ces travaux. Néanmoins, il est certain que la situation est paradoxale puisque celui qui entretient une sépulture ne peut se voir reconnaître aucun droit sur celle-ci de ce simple chef (Angers 23 février 1937 : Gaz. Pal. 1937, 1. 773 ; R.T.D. civ. 1937. 646). On ne pourra, à l’égal de Jean-Denis Bredin dans son commentaire de l’arrêt de 1969 à la "Revue trimestrielle de droit civil", que constater que : "Cette société très occupée de ses moquettes et carrelages n’a ni le temps, ni le goût de redresser les grilles et de réparer les marbres ; et on se permettra de soutenir avec lui qu’il est bien singulier "que l’on attendît la ruine d’un immeuble pour être en droit de veiller à sa conservation"."

La recherche de la responsabilité des héritiers

Si le cohéritier se trouve bien limité dans ses recours à l’encontre de la pusillanimité de ses autres cohéritiers, c’est du côté de l’Administration que l’on pourra contraindre les particuliers à agir. En effet, le maire doit s’assurer du bon état des sépultures, à ce titre, il devra mettre en demeure les titulaires de concession d’effectuer sur celles-ci les travaux d’entretien lorsque leur état risque de porter atteinte au bon ordre, à la décence, à l’hygiène ou à la sécurité du cimetière. Attention, la responsabilité de la commune pourra être engagée si le défaut de surveillance entraîne la ruine d’un monument funéraire (CE 19 octobre 1966, Commune de Clermont : Rec. CE p. 550).

En cas de mauvais état du monument funéraire, il importe de rappeler que toute intervention des services municipaux sur le monument et visant à le "coucher" peut être constitutive d’une voie de fait engageant la responsabilité de la commune. Il faut mieux recourir à la procédure des édifices menaçant ruine et aux dispositifs des arrêtés de péril ou de péril imminent. Or ces procédures sont parfaitement applicables aux cimetières. En effet, les articles L. 511 à L. 511-4 du Code de la construction et de l’habitation réservent l’application de cette législation à des cas bien précis :
- Il doit s’agir d’un bâtiment, d’un édifice ou d’une construction ;
- Il doit y avoir péril pour la sécurité publique.

Cette législation est applicable aux monuments funéraires qui sont des édifices, quoique non dévolus à l’habitation (CE, 23 juin 1976, Tony. Rec. CE, tables, p. 1038 ; CE 11 juillet 1913, Delle de Chasteignier, Dame Mure et Sieur Favreau c/ Cne de Surgères, req. n° 46078).
Il convient de noter que la loi du 19 décembre 2008 a institué une procédure spécifique de péril aux monuments funéraires à travers la création d’un art. L. 511-4-1 du Code de la construction et de l’habitation. Cette procédure est la transposition de la procédure de péril "ordinaire", où il y a désormais concours entre la procédure classique et cette procédure spéciale. Notons que la procédure de péril imminent n’a pas connu une telle transposition. La commune pourra mettre à la charge de tous les héritiers la somme engagée par elle pour faire cesser le péril, il appartiendra ensuite à ces héritiers de demander au juge judiciaire une nouvelle répartition. Le maire peut néanmoins procéder à un partage (CAA Bordeaux 28 juin 2005, Serre, n° 01BX 02768).

Philippe DupuisDupuis Philippe fmt
Consultant au Cridon, chargé de cours à l’université de Valenciennes, formateur en droit funéraire pour les fonctionnaires territoriaux au sein des délégations du CNFPT.

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations