L’existence d’une obligation d’inhumation à la charge des communes doit se combiner avec la police de l’ordre public qui appartient au maire !
Philippe Dupuis, consultant |
Conseil d’État, 16 décembre 2016, n° 403738
Voici une décision importante du Conseil d’État rendue dans le cadre de son rôle de "filtre" en matière de question prioritaire de constitutionnalité. En effet, il est désormais possible (pour une présentation détaillée, on lira avec profit : Michel Lascombe et Gilles Toulemonde "Le Droit constitutionnel de la Ve République, 13e édition, p. 438 et ss) dans le cadre d’un procès, de saisir le juge de la non-conformité à la Constitution d’un texte législatif. Si le juge considère que la question mérite d’être posée, il la transmet alors au Conseil constitutionnel, qui tranche le point litigieux.
En l’espèce, le requérant est la commune de Mantes-la-Jolie qui conteste la constitutionnalité de l’art. L. 2222-3 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) qui vient réglementer le droit à inhumation dans le cimetière communal, ainsi que de l’art. L. 2213-9 du même Code relatif aux pouvoirs de police du maire en matière de funérailles. La commune estime en effet que ces textes méconnaissent "le principe de libre administration des collectivités territoriales et le principe de liberté contractuelle des collectivités territoriales, garantis par l’art. 72 de la Constitution, le droit de propriété, garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, et l’objectif à valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public".
À l’origine de cet imbroglio, il fut annulé par le juge le refus de son maire de procéder à l’inhumation d’un défunt au nom des troubles éventuels à l’ordre public que pourraient générer ses obsèques (le défunt étant un terroriste abattu par les forces de l’ordre). Au-delà des faits, sur lesquels nous ne nous étendrons pas, il s’agit d’une intéressante question relative à l’articulation des pouvoirs du maire en tant qu’autorité chargée de la prévention de troubles à l’ordre public, confronté à l’obligation qui lui est faite par la loi de donner sépulture à certaines catégories de personnes.
L’obligation du respect du droit à inhumation par les communes
L’art. L. 2223-3 du CGCT dispose que : "La sépulture dans un cimetière est due :
- aux personnes décédées sur son territoire quel que soit leur domicile ;
- aux personnes domiciliées sur son territoire, alors même qu’elles seraient décédées dans une autre commune ;
- aux personnes non domiciliées dans la commune mais qui y ont droit à une sépulture de famille ;
- aux Français établis hors de France n’ayant pas une sépulture de famille dans la commune et qui sont inscrits sur la liste électorale de celle-ci."
C’est alors le maire du lieu d’inhumation qui délivre l’autorisation d’inhumer ainsi qu’énoncé par l’art. R. 2213-31 du CGCT. Ainsi que rappelé maintes fois, la délivrance de concessions funéraires constituant une simple faculté pour les communes, ce texte n’évoque que les sépultures en terrain commun, seul service public obligatoire. Il est alors possible qu’une personne n’ayant pas de droit à inhumation dans le cimetière sollicite la délivrance d’une concession. À partir du moment où une personne prouve qu’elle remplit les conditions énumérées à l’art. L. 2213-3 du CGCT, on lui délivrera donc un emplacement en terrain commun, sauf, semble-t-il, s’il ne reste pas de places disponibles dans le cimetière (CE 5 décembre 1997, Commune de Bachy c/ Saluden-Laniel : Rec. CE, p. 463 ; LPA 28 septembre 1998, p. 7, note Dutrieux).
C’est au nom de ce régime juridique que le juge peut alors affirmer : "Considérant que les dispositions de l’art. L. 2223-3 cité ci-dessus fixent les catégories de personnes auxquelles la sépulture est due dans les cimetières de la commune ; que les dispositions de l’art. L. 2213-9, qui confient au maire la police des funérailles, lui interdisent d’établir des distinctions ou des prescriptions particulières en fonction, notamment, des circonstances de la mort."
Le maire et la police administrative
Le pouvoir de police administrative s’applique suivant deux modalités. Il est dit "général" lorsque cette finalité correspond au maintien de l’ordre public (pour le maire, l’art. L. 2212-2 du CGCT qui lui confie la police municipale). Par contre, il est dit "spécial" soit quand il ne suit pas les mêmes finalités (exemple : police de l’affichage), soit parce qu’il n’est pas confié à la même autorité qui dispose du pouvoir de police générale (police dans les gares, par exemple, qui relève du préfet), soit qu’il confère des moyens d’action différents de la police spéciale (l’exécution d’office qui n’existe pas dans la police générale).
La police administrative générale a pour but la longue énumération posée par l’art. L. 2212-1 du CGCT : "Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l’État dans le département, de la police municipale..." ; qu’aux termes de l’art. L. 2212-2 du même Code : "La police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : / [...] 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que les rixes et disputes accompagnées d’ameutements dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d’assemblée publique, les attroupements, les bruits, les troubles de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique ; / 3° Le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d’hommes..." ; tandis qu’en matière funéraire, il existe une police spéciale définie à l’art. L. 2213-8 du CGCT : "Le maire assure la police des funérailles et des cimetières" ; ainsi qu’à l’art. L. 2213-9 du même Code : "Sont soumis au pouvoir de police du maire le mode de transport des personnes décédées, le maintien de l’ordre et de la décence dans les cimetières, les inhumations et les exhumations, sans qu’il soit permis d’établir des distinctions ou des prescriptions particulières à raison des croyances ou du culte du défunt ou des circonstances qui ont accompagné sa mort."
Le juge administratif a d’ailleurs étendu, pour mieux les contrôler, les pouvoirs de police du maire jusqu’au pouvoir de gestion de cette portion du domaine public qu’est le cimetière (CE, 20 février 1946, Cauchoix, Rec. CE, p. 53), et ce, au détriment des compétences du conseil municipal. La jurisprudence relative aux réunions, et aux troubles à l’ordre public dans les cimetières, ou à l’occasion d’opérations funéraires, si elle a déjà dénié à l’autorité administrative l’interdiction des visites processionnelles (constituant une tradition se rattachant au culte des morts), d’un prêtre le dimanche des Rameaux et le jour de la Toussaint (CE, 8 avril 1911, Abbé Anselme, Rec. CE. p. 164), ou de soumettre à autorisation préalable le dépôt au pied d’un monument aux morts présent dans le cimetière, de gerbes ou objets contenant des inscriptions ou attributs religieux (CE, 23 décembre 1927, Dlle Lucien, Rec. CE, p. 257), a, par contre, validé l’intervention du préfet pour refuser, au nom de l’ordre public, une inhumation en terrain privé (CE, 12 mai 2004, Association du Vajra Triomphant, req. n° 253341, relative à l’interdiction de l’inhumation en terrain privé du "messie cosmoplanétaire de synthèse" Gilbert Bourdin, alias le Mandarom).
On trouve aussi des illustrations de ce pouvoir de police par exemple dans la combinaison de l’art. L. 2223-18 du CGCT, qui dispose que "tout particulier peut, sans autorisation, faire placer sur la fosse d’un parent ou d’un ami une pierre sépulcrale ou autre signe distinctif de sépulture", d’avec l’art. R. 2223-8 du CGCT, qui édicte qu’ "aucune inscription ne peut être placée sur les pierres tumulaires ou monuments funéraires sans avoir été préalablement soumise à l’approbation du maire". Ainsi, afin de contrebalancer ce droit, il est prévu, sinon de contrôler les dépôts de plaques ou l’édification d’un monument, d’en vérifier les inscriptions gravées à cette occasion. Par exemple, un maire peut légitimement interdire une inscription sur un monument funéraire de la mention : "victime innocente", alors que la personne avait été jugée et exécutée à la Libération (CE, 4 février 1949, Dame Moulis c/maire de Sète, Rec. CE, p. 52).
Le juge réaffirma alors en l’espèce : "Qu’il appartient au maire, lorsqu’il constate un risque de troubles, de fixer des modalités d’inhumation de nature à préserver l’ordre public ; qu’en présence d’un risque de troubles tel que, dans les circonstances de l’espèce, aucune autre mesure ne serait de nature à le prévenir, le maire peut légalement refuser l’autorisation d’inhumation, sans qu’y fassent obstacle les dispositions de l’art. L. 2223-3 du Code, qui doivent être conciliées avec celles qui confient au maire des pouvoirs de police ; qu’ainsi, contrairement à ce que soutient la commune de Mantes-la-Jolie, le maire n’est pas contraint, quelles que puissent être les circonstances, d’autoriser une inhumation dans un cimetière communal ; qu’il suit de là que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la commune de Mantes-la-Jolie, qui n’est pas nouvelle, ne présente par un caractère sérieux ; qu’il n’y a dès lors pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel".
Ainsi, certes, la commune doit faire face à son obligation d’inhumer certaines catégories de personnes. Néanmoins, la limite de cette obligation réside dans la possibilité que l’ordre public soit menacé par cette inhumation (par exemple, si la sépulture devient un lieu de pèlerinage). Il est alors des plus logique que le juge administratif refuse de transmettre la question au Conseil constitutionnel puisqu’en droit il est possible, si des troubles sont clairement envisageables, si les circonstances locales d’une particulière gravité y invitent, d’interdire alors l’inhumation. En la matière, la mesure de police doit être nécessaire : c’est un principe traditionnel du droit administratif que la restriction posée par la mesure de police doit être proportionnée aux faits qui l’ont motivée. Une mesure de police disproportionnée aux faits qu’elle entend circonvenir ne pourrait être qu’illégale, tout est question d’équilibre…
Philippe Dupuis
Consultant au Cridon, chargé de cours à l’université de Valenciennes, formateur en droit funéraire pour les fonctionnaires territoriaux au sein des délégations du CNFPT
Le : 18/01/2017 Conseil d’État – N° 403738 ECLI:FR:CECHR:2016:403738.20161216 Mentionné dans les tables du recueil Lebon 5e - 4e chambres réunies M. Jean-Dominique Langlais, rapporteur Mme Laurence Marion, rapporteur public Lecture du vendredi 16 décembre 2016 République française au nom du peuple français Vu la procédure suivante : La commune de Mantes-la-Jolie, en défense à la demande de M. B... A... tendant à l’annulation de la décision du 22 juillet 2016 par laquelle le maire de Mantes-la-Jolie a refusé de lui délivrer l’autorisation d’inhumer son fils dans cette commune et à ce qu’il soit enjoint au maire de Mantes-la-Jolie de lui délivrer cette autorisation, a produit deux mémoires, enregistrés les 11 août et 24 août 2016 au greffe du tribunal administratif, en application de l’art. 23-1 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lesquels elle soulève une question prioritaire de constitutionnalité. Par un jugement n° 1605633 du 22 septembre 2016, enregistré le 23 septembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, le tribunal administratif de Versailles, avant qu’il ne soit statué sur la demande de M. A..., a décidé, par application des dispositions de l’art. 23-2 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d’État la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L. 2213-9 et L. 2223-3 du CGCT. Dans la question prioritaire de constitutionnalité transmise, la commune de Mantes-la-Jolie soutient que les dispositions des articles L. 2213-9 et L. 2223-3 du CGCT, applicables au litige, méconnaissent le principe de libre administration des collectivités territoriales et le principe de liberté contractuelle des collectivités territoriales, garantis par l’art. 72 de la Constitution, le droit de propriété, garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et l’objectif à valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public. Par un mémoire, enregistré le 3 novembre 2016, le ministre de l’Intérieur soutient que les conditions posées par l’art. 23-4 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 ne sont pas remplies et, en particulier, que la question soulevée n’est ni nouvelle ni sérieuse. Par un nouveau mémoire, enregistré le 14 novembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, la commune de Mantes-la-Jolie reprend ses précédentes conclusions, par les mêmes moyens. La question prioritaire de constitutionnalité a été communiquée au Premier ministre, qui n’a pas produit de mémoire. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la Constitution, notamment son art. 61-1 ; - l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; - les articles L. 2213-9 et L. 2223-3 du CGCT ; - le Code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, maître des requêtes. - les conclusions de Mme Laurence Marion, rapporteur public. 1. Considérant qu’il résulte des dispositions de l’art. 23-4 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu’une juridiction relevant du Conseil d’État a transmis à ce dernier, en application de l’art. 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d’une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ; 2. Considérant qu’aux termes de l’art. L. 2212-1 du CGCT : "Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l’État dans le département, de la police municipale..." ; qu’aux termes de l’art. L. 2212-2 du même Code : "La police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : / […] 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que les rixes et disputes accompagnées d’ameutements dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d’assemblée publique, les attroupements, les bruits, les troubles de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique ; / 3° Le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d’hommes..." ; qu’aux termes de l’art. L. 2213-8 : "Le maire assure la police des funérailles et des cimetières" ; qu’aux termes de l’art. L. 2213-9 : "Sont soumis au pouvoir de police du maire le mode de transport des personnes décédées, le maintien de l’ordre et de la décence dans les cimetières, les inhumations et les exhumations, sans qu’il soit permis d’établir des distinctions ou des prescriptions particulières à raison des croyances ou du culte du défunt ou des circonstances qui ont accompagné sa mort" ; qu’enfin, aux termes de l’art. L. 2223-3 : "La sépulture dans un cimetière d’une commune est due : / 1° Aux personnes décédées sur son territoire, quel que soit leur domicile ; / 2° Aux personnes domiciliées sur son territoire, alors même qu’elles seraient décédées dans une autre commune ; / 3° Aux personnes non domiciliées dans la commune mais qui y ont droit à une sépulture de famille ; / 4° Aux Français établis hors de France n’ayant pas une sépulture de famille dans la commune et qui sont inscrits sur la liste électorale de celle-ci" ; 3. Considérant que les dispositions de l’art. L. 2223-3 cité ci-dessus fixent les catégories de personnes auxquelles la sépulture est due dans les cimetières de la commune ; que les dispositions de l’art. L. 2213-9, qui confient au maire la police des funérailles, lui interdisent d’établir des distinctions ou des prescriptions particulières en fonction, notamment, des circonstances de la mort ; que, selon la commune de Mantes-la-Jolie, ces dispositions, en ce qu’elles sont susceptibles de contraindre le maire à autoriser l’inhumation dans un cimetière de la commune d’une personne qui a perpétré des actes de terrorisme ayant affecté cette collectivité, y compris lorsqu’elle est décédée à cette occasion, portent atteinte à la libre administration des collectivités territoriales, à la liberté contractuelle des communes et à leur droit de propriété, ainsi qu’à l’objectif constitutionnel de sauvegarde de l’ordre public ; 4. Considérant, toutefois, que les pouvoirs de police générale et spéciale que le maire tient des dispositions des articles L. 2212-1, L. 2212-2, L. 2213-8 et L. 2213-9 du CGCT lui permettent de prendre les mesures nécessaires pour prévenir les troubles à l’ordre public que pourrait susciter l’inhumation dans un cimetière de la commune d’une personne qui a commis des actes d’une particulière gravité ayant affecté cette collectivité ; que la circonstance que ces actes sont à l’origine du décès de l’intéressé est sans incidence sur la possibilité de prendre de telles mesures ; qu’il appartient au maire, lorsqu’il constate un risque de troubles, de fixer des modalités d’inhumation de nature à préserver l’ordre public ; qu’en présence d’un risque de troubles tel que, dans les circonstances de l’espèce, aucune autre mesure ne serait de nature à le prévenir, le maire peut légalement refuser l’autorisation d’inhumation, sans qu’y fassent obstacle les dispositions de l’art. L. 2223-3 du Code, qui doivent être conciliées avec celles qui confient au maire des pouvoirs de police ; qu’ainsi, contrairement à ce que soutient la commune de Mantes-la-Jolie, le maire n’est pas contraint, quelles que puissent être les circonstances, d’autoriser une inhumation dans un cimetière communal ; qu’il suit de là que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la commune de Mantes-la-Jolie, qui n’est pas nouvelle, ne présente par un caractère sérieux ; qu’il n’y a dès lors pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ; Décide : -------------- Art. 1er :Il n’y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité transmise par le tribunal administratif de Versailles. Art. 2 :La présente décision sera notifiée à la commune de Mantes-la-Jolie et à M. B... A.... Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre, au ministre de l’Intérieur, ainsi qu’au tribunal administratif de Versailles. Abstrats :135-02-03-02-05 collectivités territoriales. commune. attributions. police. police des cimetières. - personnes auxquelles la sépulture est due dans les cimetières de la commune (art. L. 2223-3 du CGCT) - faculté pour le maire de refuser l’inhumation pour un motif d’ordre public - existence, lorsque aucune autre mesure n’est de nature à prévenir les troubles à l’ordre public [rj1]. 49-05-08 police. polices spéciales. police des cimetières. - personnes auxquelles la sépulture est due dans les cimetières de la commune (art. L. 2223-3 du CGCT) - faculté pour le maire de refuser l’inhumation pour un motif d’ordre public - existence, lorsque aucune autre mesure n’est de nature à prévenir les troubles à l’ordre public [rj1]. Résumé :135-02-03-02-05 L’art. L. 2223-3 du CGCT fixe les catégories de personnes auxquelles la sépulture est due dans les cimetières de la commune. Les dispositions de l’art. L. 2213-9, qui confient au maire la police des funérailles, lui interdisent d’établir des distinctions ou des prescriptions particulières en fonction, notamment, des circonstances de la mort. Toutefois, les pouvoirs de police générale et spéciale que le maire tient des articles L. 2212-1, L. 2212-2, L. 2213-8 et L. 2213-9 du CGCT lui permettent de prendre les mesures nécessaires pour prévenir les troubles à l’ordre public que pourrait susciter l’inhumation dans un cimetière de la commune d’une personne qui a commis des actes d’une particulière gravité ayant affecté cette collectivité. La circonstance que ces actes sont à l’origine du décès de l’intéressé est sans incidence sur la possibilité de prendre de telles mesures. Il appartient au maire, lorsqu’il constate un risque de troubles, de fixer des modalités d’inhumation de nature à préserver l’ordre public. En présence d’un risque de troubles tel que, dans les circonstances de l’espèce, aucune autre mesure ne serait de nature à le prévenir, le maire peut légalement refuser l’autorisation d’inhumation, sans qu’y fassent obstacle les dispositions de l’art. L. 2223-3 du Code, qui doivent être conciliées avec celles qui confient au maire des pouvoirs de police. 49-05-08 L’art. L. 2223-3 du CGCT fixe les catégories de personnes auxquelles la sépulture est due dans les cimetières de la commune. Les dispositions de l’art. L. 2213-9, qui confient au maire la police des funérailles, lui interdisent d’établir des distinctions ou des prescriptions particulières en fonction, notamment, des circonstances de la mort. Toutefois, les pouvoirs de police générale et spéciale que le maire tient des articles L. 2212-1, L. 2212-2, L. 2213-8 et L. 2213-9 du CGCT lui permettent de prendre les mesures nécessaires pour prévenir les troubles à l’ordre public que pourrait susciter l’inhumation dans un cimetière de la commune d’une personne qui a commis des actes d’une particulière gravité ayant affecté cette collectivité. La circonstance que ces actes sont à l’origine du décès de l’intéressé est sans incidence sur la possibilité de prendre de telles mesures. Il appartient au maire, lorsqu’il constate un risque de troubles, de fixer des modalités d’inhumation de nature à préserver l’ordre public. En présence d’un risque de troubles tel que, dans les circonstances de l’espèce, aucune autre mesure ne serait de nature à le prévenir, le maire peut légalement refuser l’autorisation d’inhumation, sans qu’y fassent obstacle les dispositions de l’art. L. 2223-3 du Code, qui doivent être conciliées avec celles qui confient au maire des pouvoirs de police. [RJ1]Cf. CE, Assemblée, 4 mars 1949, Dame Nemironsky, p. 104 ; CE, 12 mai 2004, Association du Vajra triomphant et,, n°s 253341 e. a., T. p. 690-793. |
Résonance n°127 - Février 2017
Conseil d’État – N° 403738
ECLI:FR:CECHR:2016:403738.20161216
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
5e - 4e chambres réunies
M. Jean-Dominique Langlais, rapporteur
Mme Laurence Marion, rapporteur public
Lecture du vendredi 16 décembre 2016
République française au nom du peuple français
Vu la procédure suivante :
La commune de Mantes-la-Jolie, en défense à la demande de M. B... A... tendant à l’annulation de la décision du 22 juillet 2016 par laquelle le maire de Mantes-la-Jolie a refusé de lui délivrer l’autorisation d’inhumer son fils dans cette commune et à ce qu’il soit enjoint au maire de Mantes-la-Jolie de lui délivrer cette autorisation, a produit deux mémoires, enregistrés les 11 août et 24 août 2016 au greffe du tribunal administratif, en application de l’art. 23-1 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lesquels elle soulève une question prioritaire de constitutionnalité.
Par un jugement n° 1605633 du 22 septembre 2016, enregistré le 23 septembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, le tribunal administratif de Versailles, avant qu’il ne soit statué sur la demande de M. A..., a décidé, par application des dispositions de l’art. 23-2 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d’État la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L. 2213-9 et L. 2223-3 du CGCT.
Dans la question prioritaire de constitutionnalité transmise, la commune de Mantes-la-Jolie soutient que les dispositions des articles L. 2213-9 et L. 2223-3 du CGCT, applicables au litige, méconnaissent le principe de libre administration des collectivités territoriales et le principe de liberté contractuelle des collectivités territoriales, garantis par l’art. 72 de la Constitution, le droit de propriété, garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et l’objectif à valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public.
Par un mémoire, enregistré le 3 novembre 2016, le ministre de l’Intérieur soutient que les conditions posées par l’art. 23-4 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 ne sont pas remplies et, en particulier, que la question soulevée n’est ni nouvelle ni sérieuse.
Par un nouveau mémoire, enregistré le 14 novembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, la commune de Mantes-la-Jolie reprend ses précédentes conclusions, par les mêmes moyens.
La question prioritaire de constitutionnalité a été communiquée au Premier ministre, qui n’a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son art. 61-1 ;
- l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- les articles L. 2213-9 et L. 2223-3 du CGCT ;
- le Code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, maître des requêtes.
- les conclusions de Mme Laurence Marion, rapporteur public.
1. Considérant qu’il résulte des dispositions de l’art. 23-4 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu’une juridiction relevant du Conseil d’État a transmis à ce dernier, en application de l’art. 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d’une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
2. Considérant qu’aux termes de l’art. L. 2212-1 du CGCT : "Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l’État dans le département, de la police municipale..." ; qu’aux termes de l’art. L. 2212-2 du même Code : "La police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : / […] 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que les rixes et disputes accompagnées d’ameutements dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d’assemblée publique, les attroupements, les bruits, les troubles de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique ; / 3° Le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d’hommes..." ; qu’aux termes de l’art. L. 2213-8 : "Le maire assure la police des funérailles et des cimetières" ; qu’aux termes de l’art. L. 2213-9 : "Sont soumis au pouvoir de police du maire le mode de transport des personnes décédées, le maintien de l’ordre et de la décence dans les cimetières, les inhumations et les exhumations, sans qu’il soit permis d’établir des distinctions ou des prescriptions particulières à raison des croyances ou du culte du défunt ou des circonstances qui ont accompagné sa mort" ; qu’enfin, aux termes de l’art. L. 2223-3 : "La sépulture dans un cimetière d’une commune est due : / 1° Aux personnes décédées sur son territoire, quel que soit leur domicile ; / 2° Aux personnes domiciliées sur son territoire, alors même qu’elles seraient décédées dans une autre commune ; / 3° Aux personnes non domiciliées dans la commune mais qui y ont droit à une sépulture de famille ; / 4° Aux Français établis hors de France n’ayant pas une sépulture de famille dans la commune et qui sont inscrits sur la liste électorale de celle-ci" ;
3. Considérant que les dispositions de l’art. L. 2223-3 cité ci-dessus fixent les catégories de personnes auxquelles la sépulture est due dans les cimetières de la commune ; que les dispositions de l’art. L. 2213-9, qui confient au maire la police des funérailles, lui interdisent d’établir des distinctions ou des prescriptions particulières en fonction, notamment, des circonstances de la mort ; que, selon la commune de Mantes-la-Jolie, ces dispositions, en ce qu’elles sont susceptibles de contraindre le maire à autoriser l’inhumation dans un cimetière de la commune d’une personne qui a perpétré des actes de terrorisme ayant affecté cette collectivité, y compris lorsqu’elle est décédée à cette occasion, portent atteinte à la libre administration des collectivités territoriales, à la liberté contractuelle des communes et à leur droit de propriété, ainsi qu’à l’objectif constitutionnel de sauvegarde de l’ordre public ;
4. Considérant, toutefois, que les pouvoirs de police générale et spéciale que le maire tient des dispositions des articles L. 2212-1, L. 2212-2, L. 2213-8 et L. 2213-9 du CGCT lui permettent de prendre les mesures nécessaires pour prévenir les troubles à l’ordre public que pourrait susciter l’inhumation dans un cimetière de la commune d’une personne qui a commis des actes d’une particulière gravité ayant affecté cette collectivité ; que la circonstance que ces actes sont à l’origine du décès de l’intéressé est sans incidence sur la possibilité de prendre de telles mesures ; qu’il appartient au maire, lorsqu’il constate un risque de troubles, de fixer des modalités d’inhumation de nature à préserver l’ordre public ; qu’en présence d’un risque de troubles tel que, dans les circonstances de l’espèce, aucune autre mesure ne serait de nature à le prévenir, le maire peut légalement refuser l’autorisation d’inhumation, sans qu’y fassent obstacle les dispositions de l’art. L. 2223-3 du Code, qui doivent être conciliées avec celles qui confient au maire des pouvoirs de police ; qu’ainsi, contrairement à ce que soutient la commune de Mantes-la-Jolie, le maire n’est pas contraint, quelles que puissent être les circonstances, d’autoriser une inhumation dans un cimetière communal ; qu’il suit de là que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la commune de Mantes-la-Jolie, qui n’est pas nouvelle, ne présente par un caractère sérieux ; qu’il n’y a dès lors pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;
Décide :
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Art. 1er :Il n’y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité transmise par le tribunal administratif de Versailles.
Art. 2 :La présente décision sera notifiée à la commune de Mantes-la-Jolie et à M. B... A....
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre, au ministre de l’Intérieur, ainsi qu’au tribunal administratif de Versailles.
Abstrats :135-02-03-02-05 collectivités territoriales. commune. attributions. police. police des cimetières. - personnes auxquelles la sépulture est due dans les cimetières de la commune (art. L. 2223-3 du CGCT) - faculté pour le maire de refuser l’inhumation pour un motif d’ordre public - existence, lorsque aucune autre mesure n’est de nature à prévenir les troubles à l’ordre public [rj1].
49-05-08 police. polices spéciales. police des cimetières. - personnes auxquelles la sépulture est due dans les cimetières de la commune (art. L. 2223-3 du CGCT) - faculté pour le maire de refuser l’inhumation pour un motif d’ordre public - existence, lorsque aucune autre mesure n’est de nature à prévenir les troubles à l’ordre public [rj1].
Résumé :135-02-03-02-05 L’art. L. 2223-3 du CGCT fixe les catégories de personnes auxquelles la sépulture est due dans les cimetières de la commune. Les dispositions de l’art. L. 2213-9, qui confient au maire la police des funérailles, lui interdisent d’établir des distinctions ou des prescriptions particulières en fonction, notamment, des circonstances de la mort. Toutefois, les pouvoirs de police générale et spéciale que le maire tient des articles L. 2212-1, L. 2212-2, L. 2213-8 et L. 2213-9 du CGCT lui permettent de prendre les mesures nécessaires pour prévenir les troubles à l’ordre public que pourrait susciter l’inhumation dans un cimetière de la commune d’une personne qui a commis des actes d’une particulière gravité ayant affecté cette collectivité. La circonstance que ces actes sont à l’origine du décès de l’intéressé est sans incidence sur la possibilité de prendre de telles mesures. Il appartient au maire, lorsqu’il constate un risque de troubles, de fixer des modalités d’inhumation de nature à préserver l’ordre public. En présence d’un risque de troubles tel que, dans les circonstances de l’espèce, aucune autre mesure ne serait de nature à le prévenir, le maire peut légalement refuser l’autorisation d’inhumation, sans qu’y fassent obstacle les dispositions de l’art. L. 2223-3 du Code, qui doivent être conciliées avec celles qui confient au maire des pouvoirs de police.
49-05-08 L’art. L. 2223-3 du CGCT fixe les catégories de personnes auxquelles la sépulture est due dans les cimetières de la commune. Les dispositions de l’art. L. 2213-9, qui confient au maire la police des funérailles, lui interdisent d’établir des distinctions ou des prescriptions particulières en fonction, notamment, des circonstances de la mort. Toutefois, les pouvoirs de police générale et spéciale que le maire tient des articles L. 2212-1, L. 2212-2, L. 2213-8 et L. 2213-9 du CGCT lui permettent de prendre les mesures nécessaires pour prévenir les troubles à l’ordre public que pourrait susciter l’inhumation dans un cimetière de la commune d’une personne qui a commis des actes d’une particulière gravité ayant affecté cette collectivité. La circonstance que ces actes sont à l’origine du décès de l’intéressé est sans incidence sur la possibilité de prendre de telles mesures. Il appartient au maire, lorsqu’il constate un risque de troubles, de fixer des modalités d’inhumation de nature à préserver l’ordre public. En présence d’un risque de troubles tel que, dans les circonstances de l’espèce, aucune autre mesure ne serait de nature à le prévenir, le maire peut légalement refuser l’autorisation d’inhumation, sans qu’y fassent obstacle les dispositions de l’art. L. 2223-3 du Code, qui doivent être conciliées avec celles qui confient au maire des pouvoirs de police.
[RJ1]Cf. CE, Assemblée, 4 mars 1949, Dame Nemironsky, p. 104 ; CE, 12 mai 2004, Association du Vajra triomphant et,, n°s 253341 e. a., T. p. 690-793.
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