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Il existe une servitude, peu connue, qui s’applique à certains cimetières, et qui potentiellement vient obérer les possibilités de construire, même si elle n’est que rarement mise en oeuvre.

 

Une servitude de principe

En effet, l’art. L. 2223-5 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) dispose que : "Nul ne peut, sans autorisation, élever aucune habitation ni creuser aucun puits à moins de 100 mètres des nouveaux cimetières transférés hors des communes. Les bâtiments existants ne peuvent être ni restaurés ni augmentés sans autorisation. Les puits peuvent, après visite contradictoire d’experts, être comblés par décision du représentant de l’État dans le département."

La lecture du premier alinéa de l’article mérite quelques explications. On y fait référence aux "nouveaux cimetières transférés hors des communes". Il ne s’agit donc que des cimetières implantés dès leur origine en dehors des communes, ainsi que ceux situés dans les communes, mais transférés en dehors des communes en vertu des dispositions du décret du 23 prairial an XII. Ne sont donc pas concernés les cimetières existants se trouvant aux distances requises par ledit décret de l’an XII, soit à 35 mètres voire davantage de l’enceinte des villes et des bourgs (Cass., 17 août 1854, S. 1854, I, 284 ; Cass., 27 avril 1861, S. 1861, I, 100).

D’autre part, le décret de prairial excluait de son champ d’application les cimetières des communes de moins de 2 000 habitants. Enfin, la servitude ne concerne pas non plus les cimetières situés dans les agglomérations (CE, 17 août 1854, S. 1854, I, 829). Cette servitude concerne donc tous les immeubles situés à moins de 100 mètres des cimetières entrant dans son champ d’application. Les constructions existantes, se trouvant donc dans le rayon de 100 mètres autour de la limite du cimetière soumis au respect de la servitude, ne peuvent être ni restaurées ni augmentées.

Néanmoins, la Cour de cassation, dans un arrêt Bartel du 27 avril 1861 (S. 1861.1.1001), décida que la servitude de 100 mètres interdisant la construction de nouveaux bâtiments, leur rénovation, et leur agrandissement s’imposait également aux anciens cimetières lorsqu’ils étaient distants de 35 mètres des habitations (en dépit du fait que le décret de 1808 créant cette réglementation imposait lui un recul non pas de 35 mètres, mais de 100 mètres). Néanmoins, l’autorisation donnée de construire par l’Administration affranchissait de cette servitude (Cour de cassation 23 février 1867 Rufin, S. 1867.1.311).

Paradoxalement de peu d’application…

La servitude peut être levée par simple accord du maire : "Lorsque le projet porte sur une construction située à moins de 100 mètres d’un cimetière transféré, le permis de construire, le permis d’aménager ou la décision prise sur la déclaration préalable tient lieu de l’autorisation prévue par l’art. L. 2223-5 du CGCT dès lors que la décision a fait l’objet d’un accord du maire, si celui-ci n’est pas l’autorité compétente pour délivrer le permis." (R. 425-13 Code de l’urbanisme)

Cet accord est réputé acquis à l’expiration d’un délai d’un mois décompté à partir de la date du dépôt de la demande de permis de construire. L’autorisation est également exigée pour restaurer ou agrandir les bâtiments existants dans le périmètre de la servitude (Cass. civ. 1re, 20 février 1961, JCP 1961, IV, 50). Cette servitude ne rend pas le terrain inconstructible, puisque le maire peut la lever à tout moment, ainsi que le rappelle la jurisprudence : "Considérant, d’autre part, qu’aux termes du premier alinéa de l’art. L. 361-4 du Code des communes : "Nul ne peut sans autorisation élever aucune habitation ni creuser aucun puits à moins de cent mètres des nouveaux cimetières transférés hors des communes" ; que cette servitude est applicable aux terrains faisant l’objet de l’autorisation contestée ainsi qu’il résulte du plan des servitudes d’utilité publique annexé au plan d’occupation des sols de la commune ; que, toutefois, les dispositions de l’art. L. 361-4 précité du Code des communes n’ont pas pour effet de rendre ces terrains inconstructibles mais seulement d’y soumettre la construction des habitations à une autorisation spéciale que le maire est compétent pour délivrer en vertu de l’art. R. 421-38-19 du Code de l’urbanisme ; que l’autorisation de lotir le terrain jouxtant le cimetière accordée par l’arrêté attaqué du maire de Podensac à la société Grisel n’a pas, par elle-même, pour effet d’y autoriser des constructions ; que si le règlement du lotissement joint à l’arrêté attaqué prévoit en son art. 10 : "Une zone non ædificandi de trente-cinq mètres sera respectée le long du cimetière", cette disposition, qui interdit toute construction à moins de 35 mètres du mur du cimetière, n’a pas pour objet et ne saurait avoir légalement pour effet de soustraire les terrains en cause aux dispositions sus-rappelées de l’art. L. 361-4 du Code des communes et de dispenser les acquéreurs de lots d’obtenir l’autorisation que celles-ci imposent préalablement à toute construction ; que les requérants ne sont, dès lors, fondés à soutenir ni que l’arrêté attaqué méconnaît l’art. L. 361-4 du Code des communes ni que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.


Art. 1er : La requête de M. et Mme X… est rejetée.

Art. 2 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Butin, à la commune de Podensac et au ministre de l’Équipement, des Transports et du Tourisme." (CE, 20 mai 1994, M. et Mme Butin, req. n° 115.804)

Dans le cadre de ses compétences en matière d’urbanisme, le maire devra alors établir un certificat d’urbanisme négatif, même si cela ne préjuge pas de la délivrance éventuelle d’un permis de construire : "Considérant, en troisième lieu, que, dès lors que, conformément aux dispositions de l’art. L. 361-4 précité, toute édification d’une construction d’habitation située à moins de 100 mètres d’un cimetière est soumise à une autorisation préalable, la délivrance d’un certificat d’urbanisme négatif n’interdit pas à cette même autorité de délivrer le permis de construire sollicité pour l’édification d’une construction d’habitation ; que, par suite, la circonstance que le maire de Saint-Germain-sur-Morin aurait autorisé la construction de plusieurs habitations situées à l’intérieur du périmètre de la servitude instituée par l’art. L. 361-4 du Code des communes est sans influence sur la légalité du certificat d’urbanisme négatif délivré à Mlle de X… le 3 février 1997 ; qu’il suit de là que cette dernière n’est pas fondée à soutenir qu’en prenant cette décision, le maire de Saint-Germain-sur-Morin aurait méconnu le principe d’égalité des usagers devant le service public." (CAA Paris, 27 novembre 2001, Mlle de Coster, req. n° 98PA00740)


La situation est alors parfaitement 
synthétisée dans cette réponse ministérielle

M. Hervé Mariton attire à nouveau l’attention de M. le ministre de l’Équipement, du Logement, des Transports et du Tourisme sur les règles d’urbanisation a proximité des cimetières. La réponse à la question écrite n° 24195, parue au Journal officiel du 24 juillet 1995, ne semble pas de nature à clarifier une réglementation assez confuse. Il lui demande si en zone rurale il est possible de délivrer un permis de construire concernant une habitation nouvelle qui serait implantée à moins de 35 mètres d’un cimetière.

Lorsqu’un cimetière a été créé par arrêté du représentant de l’État dans le département dans une commune urbaine (commune dont la population agglomérée compte plus de 2 000 habitants ou qui appartient, en totalité ou en partie, a une agglomération de plus de 2 000 habitants) à l’intérieur du périmètre d’agglomération et à moins de 35 mètres des habitations conformément à l’art. L. 2223-1 du CGCT, aucune servitude particulière résultant de l’application de la législation funéraire ne grève les terrains situés aux abords de ce cimetière.

Par ailleurs, l’art. L. 2223-5 du CGCT (ancien art. L. 361-4 du Code des communes) dispose que : "Nul ne peut, sans autorisation, élever aucune habitation ni creuser aucun puits à moins de 100 mètres des nouveaux cimetières transférés hors des communes. Les bâtiments existants ne peuvent être ni restaurés ni augmentés sans autorisation..." L’art. R. 421-38-19 du Code de l’urbanisme précise en outre que : "Lorsque la construction est, en raison de sa situation à moins de 100 mètres d’un cimetière transféré, soumise à autorisation en vertu de l’art. L. 361-4 du Code des communes, le permis de construire ne peut être délivré qu’avec l’accord du maire.

Cet accord est réputé donné à défaut de réponse dans un délai d’un mois suivant le dépôt de la demande de permis de construire." Ainsi, un permis de construire pour une construction nouvelle, ou pour l’agrandissement d’une habitation située à moins de 35 mètres d’un cimetière implanté hors du périmètre d’agglomération d’une commune, qu’elle se trouve en zone rurale ou en zone urbaine, peut être délivré après avoir recueilli l’accord explicite ou tacite du maire, et dans le respect des autres règles d’urbanisme applicables sur le territoire de la commune. (rép. min. JO AN Q 35528 du 26 février 1996).

Enfin, il convient de relever que le juge administratif n’entend pas indemniser un quelconque préjudice découlant de cette servitude : "Considérant que le préjudice né de l’institution d’une servitude administrative ne peut ouvrir droit à réparation que si le législateur n’a pas entendu exclure toute indemnisation et dans la mesure où ce préjudice présente un caractère direct, certain, grave et spécial ; Considérant qu’aux termes de l’art. L. 361-4 du Code des communes (repris à l’art. L. 2223-5 du CGCT) "nul ne peut, sans autorisation, élever aucune habitation ni creuser aucun puits à moins de 100 mètres des nouveaux cimetières transférés hors des communes" ; que ces dispositions, qui se bornent à soumettre à autorisation certaines constructions à un accord de l’Administration, n’entraînent, par elles-mêmes, aucune conséquence dommageable pour les propriétaires de parcelles voisines des cimetières transférés." (CE 14 mars 1986, Commune de Gap-Romette, Rec. CE, p. 73)

Philippe DupuisDupuis Philippe fmt
Consultant au Cridon, chargé de cours à l’université de Valenciennes, formateur en droit funéraire pour les fonctionnaires territoriaux au sein des délégations du CNFPT.

 

Résonance n°127 - Février 2017

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