Faut-il vraiment pouvoir bénéficier d’un terrain commun pour pouvoir obtenir une concession : le malentendu persiste.
Réponse ministérielle n° 81125, JO 20 septembre 2016
Voici une réponse ministérielle où le parlementaire sollicite le gouvernement quant à la simplification de la délivrance de concessions funéraires. C’est une vieille et légitime interrogation, la réponse est malheureusement inappropriée. Pourtant, tout commençait bien, le ministre présente la distinction, présente dans le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), entre le droit à inhumation et le droit à concession.
Il rappelle les textes avec une parfaite orthodoxie : "Il importe de ne pas confondre le droit à être inhumé dans un cimetière et le droit à y obtenir une concession. Le CGCT distingue, en effet, le droit d’être inhumé dans une commune et la faculté pour la commune d’accorder des concessions dans son cimetière. L’art. L. 2223-13 du CGCT relatif à la délivrance des concessions n’indique pas en effet les personnes auxquelles cette possibilité est ouverte. La décision de concéder des sépultures et celle de les octroyer relèvent de la politique de gestion du cimetière." Puis, s’aventurant en des terres inconnues, nous délivre le message suivant : "En revanche, l’institution de concessions dans son cimetière étant une faculté pour la commune, elle n’est pas tenue d’en délivrer. Cependant, si la commune en a institué, elle en accorde généralement aux personnes disposant d’un droit d’être inhumées dans son cimetière. Lorsqu’une personne ne dispose pas du droit d’être inhumée, la commune n’est pas obligée de fournir une sépulture en terrain commun ou de délivrer une concession."
Évidemment, il s’agit ici sans nul doute d’un raccourci de la pensée ministérielle. L’institution des concessions étant une faculté, il est possible en théorie, et surtout si la taille des cimetières ne le permet pas, de ne pas instituer de concessions (puisqu’a priori, il ne saurait exister de concession que lorsque la commune satisfait à l’obligation posée par le CGCT suivant lequel elle doit consacrer au terrain commun cinq fois l’espace nécessaire pour y inhumer le nombre de morts de l’année (L. 2223-3 CGCT) ; même si, comme le ministre le rappelle, le juge estime que la seule raison valable pour en refuser l’institution soit le manque de place dans le cimetière (CE, Sect., 5 décembre 1997, Cne de Bachy c/ Mme Saluden-Laniel : Rec. CE p. 463).
Par contre, il ne saurait être déduit de cette péremptoire affirmation que la commune disposant d’emplacements à concéder puisse en refuser systématiquement la délivrance ou bien encore, plus troublant, les réserver au seuls chanceux pouvant obéir aux critères de l’art. L. 2223-3 qui dispose que : "Les personnes décédées sur [le] territoire [de la commune], quel que soit leur domicile […] [celles] domiciliées sur son territoire, alors même qu’elles seraient décédées dans une autre commune […], [et enfin celles] non domiciliées dans la commune mais qui y ont droit à une sépulture de famille.”
De surcroît, il semblerait, à le lire, que le ministre estime que, puisque la concession est un service public facultatif, on est libre d’en faire bénéficier qui on veut, c’est méconnaître la totalité de la jurisprudence relative à l’égalité d’accès au service public. On est libre de l’instituer puisqu’il n’est pas obligatoire, néanmoins, les usagers de celui-ci sont à traiter avec la plus stricte des égalités.
Enfin, l’art. L. 2213-13 CGCT relatif à la délivrance des concessions ne mentionne pas quelles sont les personnes qui ont le droit d’obtenir une concession dans le cimetière. Il est donc possible d’obtenir une concession funéraire dans le cimetière d’une commune alors même que l’on n’a aucun droit à y être inhumé. Le juge interdit d’ailleurs de réserver les concessions aux seuls habitants de la commune (TA Orléans, 31 mai 1998 Cortier : Juris-data n° 1988-051006).
Il apparaît donc que le seul motif valable pour refuser à une personne qui en fait la demande une concession funéraire, quand bien même elle ne serait pas domiciliée sur le territoire de la commune et sous réserve bien sûr que le conseil municipal ait permis l’octroi de ces concessions, soit le manque de place dans le cimetière (CE 5 décembre 1987, Commune de Bachy c/Mme Saluden-Laniel, AJDA 1998, p. 258, conclusions Piveteau, précité). Le juge administratif acceptera d’ailleurs d’indemniser le préjudice tant matériel que moral naissant du refus d’octroi d’une concession funéraire (CAA Marseille 20 mai 1998, Commune de Saint-Étienne-du-Grès, req. n° 96MA00906).
Il peut néanmoins être validé des refus dans certains cas, par exemple, le refus d’un emplacement représentant une trop grande superficie (CE 25 juin 2008, Consorts Schiocchet, req. n° 297914). Cet arrêt illustre d’ailleurs à l’envi la totale déconnexion entre le droit à concession et le droit à inhumation, le juge n’évoque-t-il pas que : "Considérant qu’un maire, qui est chargé de la bonne gestion d’un cimetière, peut, lorsqu’il se prononce sur une demande de concession, prendre en considération un ensemble de critères, parmi lesquels figurent notamment les emplacements disponibles, la superficie de la concession sollicitée au regard de celle du cimetière, les liens du demandeur avec la commune, ou encore son absence actuelle de descendance." Bien plus que le droit à être inhumé, c’est bien l’existence de liens qui compte en jurisprudence…
Question écrite n° 81125 de M. Christophe Léonard (Socialiste, écologiste et républicain – Ardennes) Texte de la question Texte de la réponse |
Philippe Dupuis
Consultant au Cridon, chargé de cours à l’université de Valenciennes, formateur en droit funéraire pour les fonctionnaires territoriaux au sein des délégations du CNFPT
Résonance n°125 - Novembre 2016
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