On sait que les conflits qui interviennent dans le domaine funéraire peuvent relever des deux ordres de juridiction, soit le juge administratif (tribunal administratif, cour administrative d’appel, et Conseil d’État), soit du juge judiciaire (juge d’instance ou de proximité, tribunal de grande instance, cour d’appel et, enfin, Cour de cassation).
Jean-pierre Tricon, avocat au barreau de Marseille. |
Dès lors qu’aucune personne publique n’est partie au procès, sauf le cas de l’emprise irrégulière qui demeure de la compétence du tribunal administratif, en ce qui concerne son existence, les litiges qui opposent les membres d’une même famille entre eux, notamment pour la détermination du mode de sépulture ou de la qualification de la personne habilitée à pourvoir aux funérailles, voire le règlement des frais d’obsèques, relève de la compétence du juge judiciaire (juge civil).
Enfin, la Cour de cassation a, par ses quatre arrêts en date du 23 novembre 2010, apporté d’intéressantes précisions sur la nature des réquisitions adressées par le procureur de la République ou par des officiers de police judiciaire à des entreprises de pompes funèbres, et la désignation du débiteur légal des frais engendrés.
C’est ce panorama, qui porte sur six années de jurisprudence, qu’il nous est apparu de traiter dans notre rubrique, quasi mensuelle, tenue dans la publication Résonance.
I - Sur la détermination du lieu d’inhumation
- Nous avons remarqué, en premier lieu, le récent arrêt de la Cour de cassation, 1re chambre civile, mercredi 13 avril 2016, n°de pourvoi 16-12792, qui a statué sur le litige suivant.
Mme X... avait saisi le tribunal d’instance d’une contestation sur les conditions de funérailles de Louis Y..., époux de sa sœur prédécédée, faisant grief à une ordonnance du président d’avoir confirmé le jugement qui avait rejeté sa contestation et qui disait que Louis Y... serait inhumé au cimetière de Lorient.
Mme X... faisait valoir que le tuteur de Louis Y... avait témoigné que celui-ci lui avait fait connaître à plusieurs reprises son souhait de reposer auprès de sa mère à Lorient, que ce tuteur avait souscrit, en 2014, avec l’accord du juge des tutelles, un contrat d’obsèques prévoyant une inhumation dans cette commune et que Louis Y... avait régulièrement refusé de se rendre sur la tombe de son épouse au cimetière de Chaumont-sur-Loire, le premier président, répondant par là même aux conclusions prétendument laissées sans réponse, en avait souverainement déduit que Louis Y... avait exprimé de façon certaine et sans ambiguïté la volonté d’être inhumé auprès de sa mère à Lorient et non auprès de son épouse à Chaumont-sur-Loire. Que dans ces conditions la Cour de cassation, confirmant ses décisions précédentes, en a déduit que Mme X… n’était pas fondée à soutenir que l’ordonnance du juge de première instance avait dénaturé les volontés du défunt, lequel est demeuré inhumé aux côtés de sa mère à Lorient.
La deuxième espèce a trait à une contestation, également familiale, sur la détermination du lieu de la sépulture définitive d’un poète d’origine russe : Cour de cassation, 1re chambre civile, 31 mars 2016, n° de pourvoi 15-20588.
La Cour de cassation a eu à se prononcer sur le pourvoi intenté contre une décision de la cour d’appel de Paris, en date du 23 juin 2015, concernant Nicolas X..., auteur d’une œuvre poétique en langue russe, décédé le 23 septembre 1972. Il avait été inhumé dans le carré russe du cimetière de Sainte-Geneviève-des-Bois, où reposait sa femme Julia Y..., décédée en 1950. Leur fille unique Nathalie X..., sans postérité, avait été inhumée au même endroit en 1987.
Le 27 mai 2014, à la requête de ses neveux, Nicolas et Jean X..., le maire de Sainte-Geneviève-des-Bois avait autorisé l’exhumation des trois dépouilles en vue de leur transfert à Staroïtcherkassk (fédération de Russie), village de naissance du poète. Hélèna et Julia X..., filles de Jean X..., ont saisi un juge d’instance d’une demande tendant à l’interdiction de ce transfert.
Elles faisaient grief à l’arrêt d’avoir autorisé ce transfert, en se fondant sur les moyens suivants :
Eu égard au respect dû aux morts, une demande d’exhumation présentée par un proche parent ne pouvait prospérer que si le défunt avait exprimé clairement sa volonté d’être inhumé dans un autre lieu ou si son inhumation avait un caractère provisoire.
Qu’en autorisant, néanmoins, l’exhumation de Nicolas X..., Julia Y... épouse X... et Nathalie X..., après avoir pourtant constaté que les défunts avaient fait le choix d’une sépulture en France dans le carré russe du cimetière de Sainte-Geneviève-des-Bois, la cour d’appel, qui n’avait pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, aurait violé l’art. R. 2213-40 Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), ensemble l’art. 16-1-1 du Code civil.
D’autre part, eu égard au respect dû aux morts, une demande d’exhumation présentée par un proche parent ne pouvait prospérer que si le défunt avait exprimé clairement sa volonté d’être inhumé dans un autre lieu ou si son inhumation avait un caractère provisoire.
Qu’en autorisant, néanmoins, l’exhumation de Nicolas X..., Julia Y... épouse X... et Nathalie X..., après avoir pourtant constaté que ces derniers avaient été inhumés au cimetière de Sainte-Geneviève-des-Bois respectivement en 1972, 1950 et 1987, ce dont il résultait que leur inhumation n’avait pas, loin s’en faut, un caractère provisoire, la cour d’appel, qui n’avait pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, aurait violé l’art. R. 2213-40 du CGCT, ensemble l’art. 16-1-1 du Code civil.
En outre, méconnaît le respect dû aux morts une demande d’exhumation présentée respectivement plus de quarante ans, soixante ans et vingt-cinq ans après l’inhumation des trois intéressés au nom de la volonté de rendre un supposé hommage à l’un d’eux.
Qu’en retenant, néanmoins, pour autoriser l’exhumation de Nicolas X..., Julia Y... épouse X... et Nathalie X..., que l’œuvre de Nicolas X... était connue essentiellement en Russie, que la proposition de transférer sa sépulture constituait un hommage rendu au poète, qui permettait de perpétuer la mémoire d’une œuvre à laquelle il s’était consacré durant sa vie, et destinée aux Russes dont il avait utilisé la langue, la cour d’appel aurait violé l’art. R. 2213-40 du CGCT, ensemble l’art. 16-1-1 du Code civil.
Enfin et subsidiairement au titre d’ultime moyen, les requérantes soutenaient qu’en estimant par une pétition de principe, après avoir approuvé le projet d’exhumation de Nicolas X..., que le sort des sépultures de Julia Y... épouse X... et Nathalie X... devait nécessairement suivre celui de Nicolas X... dès lors que leur choix avait été de reposer les uns auprès des autres, sans rechercher s’il existait également pour ces dernières un motif grave de déroger par exception au respect qui leur est dû, la cour d’appel aurait privé sa décision de base légale au regard de l’art. R. 2213-40 du CGCT, ensemble l’art. 16-1-1 du Code civil.
Mais la Cour de cassation, après avoir énoncé dans son arrêt tous ces moyens sur lesquels reposait le pourvoi, a considéré que c’était dans l’exercice de leur pouvoir souverain d’appréciation qu’après avoir retenu que MM. Jean et Nicolas X... étaient les plus qualifiés pour interpréter et exécuter la volonté des défunts, les juges d’appel avaient estimé que, si Nicolas X..., son épouse et leur fille, exilés politiques, avaient fait le choix de reposer, ensemble, à Sainte-Geneviève-des-Bois, c’est parce que, décédés avant l’effondrement du régime soviétique, ils n’avaient pu envisager de se faire inhumer dans leur pays natal.
Pour la cour, les défunts baignaient dans la culture russe et n’avaient jamais souhaité acquérir la nationalité française. En l’état de ces énonciations, la cour d’appel, qui avait fait ressortir que le transfert du lieu de sépulture des défunts était conforme à leur volonté présumée, avait, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision. Par ces motifs, le pourvoi formé par Hélèna et Julia X..., filles de Jean X..., neveu du poète décédé, lequel était pourtant à l’origine de la demande de transfert contesté par sa fille, a été rejeté.
Le juriste relèvera que la haute assemblée s’est référée à une volonté présumée et point attestée de la part des défunts, malgré le choix opéré d’une concession dans un cimetière situé sur le territoire français (Geneviève-des-Bois), qui pouvait, à notre sens, constituer légitimement un acte testimonial.
II - Le règlement des frais d’obsèques
Arrêt de la Cour de cassation, 1re chambre civile, 5 janvier 2012, n° de pourvoi 10-18955.
M. Yves X... est décédé le 3 mars 2006 en laissant pour lui succéder Mme Ingrid X..., Mme Samantha X..., épouse Y... et M. Samuel X..., ses trois enfants (les consorts X...).
Que, prétendant que Mme Anne-Marie X..., épouse Z..., sœur d’Yves X..., à laquelle celui-ci avait donné mandat d’effectuer des opérations sur son compte bancaire, aurait détourné une certaine somme d’argent, les consorts X... l’avaient assignée en remboursement et en paiement de dommages-intérêts.
Pour accueillir cette demande, l’arrêt de la cour d’appel entrepris retenait que Mme Z... ne justifiait pas des dépenses qu’elle aurait assumées, selon elle, pour le compte d’Yves X..., aucune facture acquittée n’étant produite à ce titre.
Pour la Cour de cassation, en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de Mme Z... qui, ainsi que le mentionnait le tableau récapitulatif qu’elle avait dressé, faisait valoir que les frais d’obsèques et de pompes funèbres de son frère avaient bien été réglés sur ses fonds propres en marquant le talon du chèque concerné au nom de ce dernier, la cour d’appel de Bordeaux avait méconnu les exigences du Code de procédure civile.
C’est pourquoi la Cour de cassation a cassé, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 18 mars 2010, entre les parties, par la cour d’appel de Bordeaux, et a remis la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyées devant la cour d’appel de Toulouse.
À propos de cet arrêt, il paraît utile de rappeler que les frais d’obsèques peuvent être prélevés sur les biens de la succession, sauf si la valeur des biens est insuffisante. Si un descendant règle ces frais, les banques ont l’obligation de lui rembourser les sommes avancées pour payer les obsèques, dans la limite de 5 000 €, en débitant, le cas échéant, le compte bancaire du défunt.
Lorsque la valeur des biens de la succession est insuffisante, les frais d’obsèques sont assimilés à une dette alimentaire. Cela signifie qu’au sein de la famille du défunt, et même s’ils ont renoncé à la succession, les descendants ou les ascendants sont tenus au paiement des frais d’obsèques. Ces personnes doivent assumer la charge de ces frais dans la proportion de leurs ressources et sous réserve que la dépense ne soit pas excessive. Pour les personnes dépourvues de ressources suffisantes, les frais d’obsèques sont pris en charge par la commune du décès (art. L. 2223-27 du CGCT).
À propos d’actif de la succession, il s’agit de la valeur totale des biens de la succession dont on retranche les dettes du défunt pour obtenir l’actif net. Selon l’art. 775 du Code général des impôts : "Les frais funéraires sont déduits de l’actif de succession pour un mottant de 1 500 €, et pour la totalité de l’actif si celui-ci est inférieur à ce montant." Cela concerne les frais d’inhumation et de la cérémonie qui l’accompagne, les avis d’obsèques, les billets d’invitation et de remerciements, l’achat et la pose d’un emblème religieux sur la tombe, l’acquisition d’une concession dans un cimetière, la construction, l’ouverture et la fermeture d’un caveau et les frais de transport du corps.
Les frais funéraires imputables, explicitement exclus sont : les frais d’érection d’un monument funéraire, les frais de deuil et d’achat de fleurs et couronnes.
Cette déduction des frais d’obsèques s’applique même en présence d’un contrat d’obsèques souscrit par le défunt.
Arrêt de la Cour de cassation, 1re chambre civile, 28 janvier 2009, n° de pourvoi 07-14272
Mme X... avait vécu avec M. Alberto Y..., décédé accidentellement le 25 mai 2000. En juin 2000, une enfant Maud était issue de cette relation, laquelle avait été reconnue avant sa naissance par son père. La société Pompes Funèbres Générales, aux droits de laquelle se trouvait la société OGF, avait réclamé le paiement à Mme Maria de Y... A..., sœur du défunt et signataire du devis, le paiement des frais d’obsèques d’Alberto Y...
Mme Maria Y... A... avait contesté la dette et a appelé en garantie Mme X... en sa qualité de représentante légale de sa fille Maud Y... Le jugement du tribunal d’instance de Péronne, en date du 1er décembre 2005, avait été attaqué, ayant condamné Mme Maria Y... A... à payer à la société OGF la somme de 2 870,40 €, avec intérêts au taux légal à compter du 4 mars 2003, date de la mise en demeure, et condamné Mme X..., en sa qualité d’administratrice légale sous contrôle judiciaire de sa fille Maud Y..., à garantir Mme Maria Y... A... de cette condamnation avec intérêts à compter du 20 avril 2004, date de l’assignation qui lui avait été délivrée.
Mme X... faisait grief au jugement de l’avoir condamnée, ès qualités, à garantir Mme Maria Y... A... de la sentence prononcée à son encontre, en se fondant sur le moyen :
1° - Que l’obligation pesant sur le débiteur de l’obligation alimentaire d’assurer la charge des frais d’obsèques de son ascendant, dans la proportion de ses ressources, naît à la date du décès de celui-ci, et ne saurait peser sur l’enfant qui n’est pas né à cette date ; qu’en décidant que l’obligation litigieuse pesait sur Maud Y..., dont il avait constaté qu’elle n’était pas née au moment du décès de son père, le tribunal avait violé les articles 205, 207 et 371 du Code civil ;
2° - Que cette obligation ne s’applique que lorsque l’actif successoral ne permet pas de faire face aux frais d’obsèques, que le tribunal, qui n’a pas constaté que tel était le cas, a privé sa décision de base légale au regard des articles 205, 207 et 371 du Code civil.
En réponse, dans ses attendus, la cour relevait, d’une part, que le jugement retenait à bon droit que l’obligation pour l’enfant de supporter les frais d’obsèques de son père existe dès sa naissance comme une conséquence des dispositions de l’art. 371 du Code civil qui impose à l’enfant, à tout âge, honneur et respect à ses père et mère et, d’autre part, que le fait que l’enfant n’ait pas connu son père, pour être née peu après son décès, n’excluait aucunement qu’elle ait à respecter cette obligation personnelle et indépendante des opérations relatives à la succession, l’existence d’un lien affectif direct n’en constituant pas une condition. Enfin, si, à l’évidence, l’enfant n’avait aucun revenu, il était établi qu’elle avait perçu un capital décès dont le montant était nettement supérieur à celui de la facture de la société OGF.
Enfin, la cour estimait que le jugement constatait qu’avec l’accord du juge des tutelles, Mme X... avait renoncé pour sa fille à la succession d’Alberto Y... qui s’avérait déficitaire, ce dont il résultait que l’actif successoral ne permettait pas de faire face aux frais d’obsèques. Qu’ainsi, et abstraction faite des motifs justement critiqués par la première branche du moyen, le tribunal avait légalement justifié sa décision, en condamnant Mme Maria Y… A…, sœur du défunt et signataire du devis, au paiement des frais d’obsèques de son frère.
Cette décision peut, cependant, paraître surprenante, dans la mesure où elle semble méconnaître les dispositions du décret du 9 mai 1995, portant règlement national des pompes funèbres, celles de l’arrêté du 11 janvier 1999 relatif à l’information des familles, et le décret du 4 avril 2000, qui rendent l’établissement d’un devis détaillé, écrit et gratuit, mais qui confèrent au bon de commande le caractère et la portée juridique du contrat de vente des prestations de services et des fournitures funéraires (art. R. 2223-30 du CGCT).
En outre, on sait que sur le fondement des articles 203, 205 et 207 du Code civil, lorsque l’actif successoral est insuffisant, les débiteurs de l’obligation alimentaire, même lorsqu’ils ont renoncé à la succession, doivent, néanmoins, assumer le paiement des frais d’obsèques de leur parent. Or, dans un tel cas, la sœur du défunt n’était pas au nombre des obligés alimentaires (Cour de cassation civile, 22 octobre 1964 et 14 mai 1992).
Par contre, et ce moyen ne semble pas avoir été soulevé dans les conclusions de Mme Maria Y… A…, la signature du devis n’était pas de nature à créer une véritable relation contractuelle avec la société OGF, car seul l’aval donné à un bon de commande l’aurait engagée contractuellement.
D’ailleurs, sur les effets juridiques et la portée du bon de commande, la Cour de cassation, dans son arrêt de la 1re chambre civile, du 12 juin 2012, n° de pourvoi 11-18082, fait prévaloir sa supériorité par rapport au devis, en cassant et annulant un jugement rendu le 13 juillet 2010 par la juridiction de proximité d’Albertville, au visa de l’art. 1134 du Code civil, ayant condamné Mme X… au paiement des sommes restant dues sur les prestations de sépulture de son fils.
Or, ce jugement avait fait abstraction du fait que Mme X... avait réfuté, dans la lettre qu’elle avait adressée le 6 janvier 2009 au service juridique de la société de pompes funèbres, avoir consenti aux prestations du devis objet de la facture litigieuse, puisque ce n’était pas elle, mais son fils aîné, qui avait signé le bon de commande, la juridiction de proximité avait dénaturé les termes, clairs et précis, de la volonté de la requérante.
III - Le paiement des frais de transport des corps sur réquisition des services de police ou de gendarmerie
- Cour de cassation, chambre criminelle, arrêts en date du 23 novembre 2010, nos de pourvois 10-81676, 10-81678, 10-81609, 10-81-610.
Les pourvois avaient été formés par la société des Pompes Funèbres Générales, contre quatre arrêts de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Douai, qui s’était prononcée sur une ordonnance de taxe.
Un seul moyen de cassation avait été soulevé, pris de la violation des articles 74, 199, 216, R. 92-9°, 591 et 593 du Code de procédure pénale, pour défaut de motifs et manque de base légale, "en ce que les arrêts attaqués avaient refusé de taxer les mémoires de la société Pompes Funèbres Générales d’un montant, chacun de 273,10 €, aux motifs qu’il résultait des pièces des dossier que les corps sans vie de MM. X... Y… Z… et S… avaient été découverts et que les fonctionnaires des commissariats territorialement compétents avaient été saisis. Qu’un médecin de SOS Médecins avait été requis par leurs soins. Que, dans chacune des espèces, le médecin avait conclu à l’absence d’obstacle médico-légal et avait délivré le certificat de décès. Que les Pompes Funèbres Générales avaient reçu une réquisition pour transporter les corps à la morgue du cimetière de la commune du lieu de décès, à un moment où il n’existait plus aucun obstacle médico-légal.
Que, dans ces conditions, dans un premier temps, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Douai avait rejeté les prétentions de la société PFG en considérant que ces transports ne relevaient pas des dispositions de l’art. R. 92-9° du Code de procédure pénale, car ressortant de la compétence municipale conformément à l’art. L. 2223-19 du CGCT.
Dans ses "attendus", la cour a constaté qu’il résultait de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure, qu’après la découverte, à leurs domiciles, des corps sans vie de MM. X..., Y…, Z… et S… les services de police accompagnés du médecin se sont rendus sur les lieux. Que ce dernier a délivré les certificats de décès et qu’au visa de l’art. 74 du Code de procédure pénale, à l’effet de transporter les corps à la morgue, les services de police ont requis les pompes funèbres qui ont présenté par la suite des mémoires de frais d’un montant de 273,10 €. Que les arrêts de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Douai retenaient que le transport du corps ne relève pas de l’art. R. 92 9° du Code de procédure pénale, mais est de la compétence municipale sur le fondement de l’art. L. 2223-19 du CGCT.
Pour la haute assemblée, en l’état de ces énonciations et dès lors que ces réquisitions de transport ne constituaient pas, en elles-mêmes, un acte de procédure destiné à la recherche de la vérité, nonobstant le visa erroné de l’art. 74 du Code de procédure pénale, mais un acte de police administrative, celui-ci ne pouvait être imputé sur les frais de justice criminelle, correctionnelle et de police, et par voie de conséquence, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Douai avait justifié pleinement sa décision.
Il s’est ensuivi que les pourvois ont tous été rejetés
Ces décisions sont intéressantes, dans la mesure où elles éclairent d’une manière significative les modalités d’imputation aux autorités publiques, voire aux familles, les frais exposés par une entreprise, association ou régie municipale de pompes funèbres habilitées dans le domaine funéraire, dans le cadre de transports de corps exécutés selon une réquisition des services de police ou de gendarmerie.
L’art. 74 du Code de procédure pénale, modifié par la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009, énonce :
"En cas de découverte d’un cadavre, qu’il s’agisse ou non d’une mort violente, mais si la cause en est inconnue ou suspecte, l’officier de police judiciaire qui en est avisé informe immédiatement le procureur de la République, se transporte sans délai sur les lieux et procède aux premières constatations. Le procureur de la République se rend sur place s’il le juge nécessaire et se fait assister de personnes capables d’apprécier la nature des circonstances du décès. Il peut, toutefois, déléguer, aux mêmes fins, un officier de police judiciaire de son choix.
Sauf si elles sont inscrites sur une des listes prévues à l’art. 157, les personnes ainsi appelées prêtent, par écrit, serment d’apporter leur concours à la justice en leur honneur et en leur conscience. Sur instructions du procureur de la République, une enquête aux fins de recherche des causes de la mort est ouverte. Dans ce cadre et à ces fins, il peut être procédé aux actes prévus par les articles 56 à 62, dans les conditions prévues par ces dispositions. À l’issue d’un délai de huit jours à compter des instructions de ce magistrat, ces investigations peuvent se poursuivre dans les formes de l’enquête préliminaire. Le procureur de la République peut aussi requérir information pour recherche des causes de la mort. Les dispositions des quatre premiers alinéas sont également applicables en cas de découverte d’une personne grièvement blessée lorsque la cause de ses blessures est inconnue ou suspecte.
Deux cas de figure peuvent se présenter
- Soit le certificat de décès ne fait pas mention d’un décès soulevant un problème médico-légal, les autorités judiciaires (procureur de la République ou officiers de police judiciaire délégués) n’engagent pas d’enquête préliminaire susceptible de déboucher sur une information judiciaire.
Tel était le cas des espèces précédemment examinées, et il paraît logique, lorsque le décès survient au domicile du défunt ou dans une résidence d’un membre de sa famille, d’imputer les frais de transport du corps (élément constitutif du service extérieur des pompes funèbres, défini à l’art. L. 2223-19 du CGCT, cité par la Cour de cassation) à la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles, sauf si le défunt était dépourvu de ressources insuffisantes, auquel cas, c’est la commune qui devient débitrice (art. L. 2223-27 du CGCT).
Il sera noté, également, que, lorsque le décès survient sur la voie publique ou dans un lieu ouvert au public, les autorités judiciaires (procureur ou OPJ), sont tenues de requérir un opérateur funéraire habilité pour que le transport du corps avant mise en bière soit effectué (art. R. 2223-77 du CGCT).
Si le certificat de décès ne comporte pas de mention afférente à l’existence d’un problème médico-légal, la solution portant sur le règlement des frais de transport devrait être, en toute logique, à celle précédemment examinée (la famille devant prendre à sa charge ces frais).
Il existe, cependant, une interrogation sur la responsabilité communale, en de tels cas, dès lors qu’en vertu de l’art. L. 2212-2 du CGCT, afférent aux pouvoirs de police municipale, "La police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique. Elle comprend, notamment tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité de passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend (…) l’enlèvement des encombrements (…) et, en vertu de l’alinéa 3e de cet article, le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait des grands rassemblements d’hommes, tels que les foires, marchés, réjouissances et cérémonies publiques, spectacles, jeux, cafés, églises et autres lieux publics (assimilables à notre sens aux lieux ouverts au public)".
Dans ce cas, l’évacuation d’un corps vers une chambre funéraire, dès lors que le décès ne soulève pas de problème médico-légal, incombe au maire de la commune du lieu de décès, même si les services de justice réquisitionnent un opérateur funéraire habilité. Il sera fait remarque, qu’en règle générale, ce service, dit de réquisition pour l’enlèvement des corps sur la voie publique ou dans les lieux ouverts au public, donne lieu à désignation d’un ou plusieurs opérateurs funéraires, après mise en concurrence organisée selon les modalités du Code des marchés publics. Cependant, il n’est pas exclu que, par l’émission d’un titre exécutoire de recette, la commune puisse récupérer ses débours auprès de la personne chargée de pourvoir aux funérailles.
- Soit le certificat médical comporte l’indication de l’existence d’un problème médico-légal : dans ce cas, ce sont bien les dispositions de l’art. R. 92 du Code de procédure pénale qui trouvent à s’appliquer. Les frais de transport seront pris en charge par les crédits affectés à l’autorité judiciaire.
Jean-Pierre Tricon
Résonance n°122 - Juillet 2016
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