Les villes sont souvent appelées à se positionner sur la possibilité de l’achat d’une concession avant décès. Cela relève généralement d’une volonté de personnes qui ne souhaitent pas voir peser auprès de leurs ayants droit les frais inhérents à l’acquisition d’une concession et à la construction d’un monument. Sur le fond, tout le monde comprend le bien-fondé de ce souhait. Sur la forme, et surtout sur les conséquences, la chose n’est pas si simple…
Georges Martinez, président de l’A.NA.PE.C. |
En tout premier lieu, il faut que le maire ait accepté le principe d’un achat avant décès, et qu’il dispose d’un nombre de places disponibles suffisamment conséquent et largement supérieur au quota réglementaire. Si le prix de cession avant décès ne peut différer de celui accordé lors d’un décès, les conditions d’octroi peuvent changer et devront être inscrites dans le règlement du cimetière.
Comme tout ce qui touche à la gestion des concessions, il est important de savoir comment le maire souhaite développer son cimetière. Rappelons qu’en tout état de cause et afin de permettre l’équité entre tous les administrés, c’est toujours le conservateur du cimetière qui déterminera l’emplacement d’une concession. Le conservateur peut choisir un emplacement qui sied mieux au demandeur, mais il doit savoir qu’il pratique alors un avantage, sauf à ce que tout administré puisse bénéficier du même service. J’ajouterai qu’il y aurait alors un fort risque de voir le cimetière aménagé de façon tout à fait disparate.
Il est donc important de mesurer l’impact de l’achat avant décès afin d’en limiter les contours, car, à défaut de règles, le foncier pourrait se garnir très vite, obligeant ainsi la commune à l’acquisition ou l’aménagement de nouveaux terrains. Dès lors qu’on ouvre la possibilité d’un achat avant décès, il est bien sûr absolument interdit d’en limiter l’accès à tel type de population ou à telle communauté. Cela serait, à raison, fortement condamnable.
Quelles limites donner au système ?
Voici 10 idées retenues par l’A.NA.PE.C. Toutes les propositions qui vont suivre ne sont pas exhaustives et peuvent être cumulables.
1 - Imposer au concessionnaire potentiel des règles d’ancienneté dans la commune, ceci pour éviter aux villes qui disposent de beaux cimetières, dans des lieux naturels prestigieux, de se voir phagocyter trop rapidement.
2 - Limiter le nombre d’achats avant décès par année (en fixant par exemple une limite d'âge). Par ailleurs, limiter le nombre total d’achats avant décès dans le cimetière. Cela oblige au suivi d’une liste d’attente, mais pourquoi pas !
3 - Limiter la durée de la concession lors de l’achat avant décès. Opter pour une durée minimale assez longue (30 ans, par exemple) permet de mieux amortir l’investissement de départ, surtout si l’on a imposé caveau et monument. À l’inverse, opter pour une durée courte permet de garder le contact et d’éviter de se retrouver avec des concessions abandonnées.
4 - Éviter l’achat d’avance à perpétuité afin de ne pas avoir à traiter des rétrocessions de ce type de concessions. Dans ce cas, il est difficile d’apprécier le montant de l’indemnisation au prorata de la durée et fréquemment, la mairie et le concessionnaire ne l’entendent pas à l’unisson.
5 - Prévoir l’achat avant décès également dans le site cinéraire.
6 - Refuser une concession en pleine terre et obliger à la construction d’un caveau avec semelle. Cela permet de bien définir le contour de la concession, qui, du fait de son achat anticipé, risque de rester de longues années sans entretien.
7 - Pour les mêmes raisons, si la concession pleine terre est choisie, obliger la pose d’une semelle et conseiller la fabrication d'une fausse case.
8 - Imposer la pose du monument et/ou la pré-gravure. Certains concessionnaires vont jusqu’à graver leur nom avec leur date de naissance et les deux premiers chiffres de leur date de décès. En 2016, il est encore probable que cette date commence par 20.
9 - Imposer que tous les travaux soient réalisés dans les 3 mois maximum. En effet, de nombreuses personnes achètent leur concession pour le droit à terrain et l’oublient. Un minimum de travaux engage plus avant le concessionnaire et permet au conservateur de bien s’y retrouver sur site.
10 - Proposer un entretien avec le conservateur du cimetière afin de s'assurer que les familles aient bien intégré toutes les contraintes et avantages liés à l'achat d'une concession avant décès.
Quel que soit le choix arrêté par le maire, il devra être parfaitement décrit dans le règlement intérieur
Il est important aussi que les ayants droit soient identifiés, car, en principe, un achat avant décès concerne en premier lieu le concessionnaire, et il devient utile de savoir à qui s’adresser une fois que celui-ci aura été inhumé.
Les règles s’appliquant aux concessions familiales ou collectives doivent être bien expliquées lors de l’achat. Si le concessionnaire choisit d’acquérir une concession individuelle pour son seul usage, cela simplifiera les obsèques si tant est qu’il ait bien informé son entourage de ses dispositions.
Lors d’un achat avant décès, il importe de rappeler le principe de la rétrocession en expliquant qu’une rétrocession n’est possible que si personne n’y a été inhumé et que le concessionnaire est toujours en vie. Indiquer que la part CCAS reste acquise et que le remboursement se fait au prorata des années écoulées. Les modalités de calcul de la rétrocession doivent figurer clairement au règlement, y compris dans le cas d’une perpétuelle. Lors d’une rétrocession, se pose inévitablement la question du monument. Sauf à le démonter à ses frais, le concessionnaire doit savoir qu’il reste acquis à la commune. À noter que rien n’empêche d’exiger la démonte du monument, pour rendre le terrain nu dans l’état dans lequel il a été concédé. Si la mesure peut s’avérer dissuasive au départ, elle risque de ne pas s’exécuter dans les faits et de mettre la ville dans des dispositions contentieuses plus coûteuses que l’enjeu.
Mais au final, quel est vraiment l’intérêt d’une telle opération ?
L’intérêt affectif et financier peut se comprendre, mais nul ne connaît la date de son décès, et le fait de prendre de telles dispositions n’implique heureusement pas que l’échéance est proche. Ainsi, une situation familiale et sociale à un instant "t" peut considérablement évoluer au fil des années.
Un couple pourtant uni au moment de l’achat peut se désunir, et le concessionnaire refuser d’être inhumé aux côtés de son conjoint. Cela engendre des problèmes juridiques qui réclament fréquemment l’arbitrage du juge. Il arrive aussi que l’ordre des décès ne se passe pas comme prévu et que le caveau acheté pour un concessionnaire se trouve plein au moment de son décès. Si les décès sont inférieurs à 5 ans, une réduction ne sera pas possible, et le concessionnaire ne pourra pas bénéficier de ce qui lui était destiné.
Nombreux sont ceux aussi qui déménagent à l’autre bout du pays et se trouvent bien ennuyés avec leur concession dans une ville où ni eux ni leur descendance ne remettront jamais les pieds. Qui peut jurer de ce que sera l’avenir, des rencontres que l’on fera ou des évènements susceptibles de modifier notre vie.
Rappelons que la meilleure alternative à la prévoyance de ses obsèques reste le contrat obsèques. Il n’appartient pas à l’A.NA.PE.C. de juger de l’intérêt de telle ou telle offre, mais, selon l’adage qui dit qu’on n’achète pas une baguette de pain chez le boucher, il vaut mieux prévoir ses funérailles chez un spécialiste du funéraire, et les pompes funèbres sont probablement mieux informées sur le sujet que tous les établissements financiers qui présentent comme tel leur placement financier assurantiel.
Les adhérents de l’A.NA.PE.C. disposent d’une connaissance et d’une expérience funéraire qu’ils prennent plaisir à partager. Adhérez et rejoignez l’A.NA.PE.C. afin d’étoffer ce réseau, qui s’enrichit chaque jour davantage de la valeur de chacun et chacune.
Georges Martinez
Président de l’A.NA.PE.C.
Résonance n°120 - Mai 2016
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