Concession familiale : la concession ne peut être réattribuée à un membre de la famille sans que la concession ait fait l’objet d’un abandon à l’expiration du délai légal de renouvellement.
Dans le cas d’espèce, Mme C a demandé au tribunal administratif de Nantes de reconnaître la responsabilité de la commune à raison de la faute commise par le maire de Saint-Berthevin dans le cadre de l’exercice de ses pouvoirs de police des cimetières. La requérante souhaitait faire inhumer le corps du fondateur dans la concession familiale de ce dernier, or elle a constaté lors des démarches que le maire avait réattribué de manière anticipée la concession à la fille aînée du concessionnaire, modifiant l’acte de concession trentenaire acquise en 1956, et ce, bien avant la fin du contrat (1986 + 2 ans = 1988) en 1983. Le tribunal a rejeté sa demande, elle saisit la cour d’appel.
En appel, le juge constate que M. A, le fondateur, avait acquis, le 10 décembre 1956, une concession trentenaire dans le cimetière communal de Saint-Berthevin (Mayenne) pour "y fonder la sépulture du concessionnaire et de sa famille". Le 27 janvier 1983, le maire a fait droit à la demande de Mme G, sa fille, tendant au renouvellement anticipé de la concession à son profit ; qu’au décès du fondateur, le 26 avril 2010, sa veuve, Mme C, a découvert que la concession dont était titulaire son mari était désormais détenue par sa fille aînée et a été contrainte de solliciter une autre concession "temporaire" pour pouvoir l’inhumer. Elle a donc, dans son action en justice, demandé la reconnaissance de la responsabilité de la commune et le remboursement des frais engagés.
Sur la responsabilité de la commune de Saint-Berthevin : le juge rappelle les modalités de reconnaissance de l’abandon d’une concession et spécifiquement sur les temporaires. Ainsi, "dans le cas de concessions temporaires, les concessionnaires ou leurs ayants cause ont, jusqu’à l’expiration d’un délai de deux ans après la fin de la concession, et moyennant le paiement d’une redevance fixée par le tarif alors en vigueur, le droit d’en obtenir le renouvellement ; qu’à défaut de dispositions testamentaires contraires du fondateur, ce droit peut être exercé par le plus diligent de ses héritiers naturels, au profit de l’ensemble des héritiers".
Le juge constate qu’à la date à laquelle la fille aînée a sollicité le renouvellement de la concession funéraire familiale, son père était toujours titulaire d’un droit réel immobilier sur ladite concession portant effet jusqu’au 10 décembre 1986 et qu’il disposait de la faculté d’en solliciter le renouvellement jusqu’au 10 décembre 1988. Il dispose que la commune ne saurait utilement se prévaloir de la situation d’abandon de la concession pour justifier son attribution à la fille, dès lors qu’en vertu des dispositions précitées de l’art. L. 2223-17 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) l’état d’abandon ne peut, en tout état de cause, être constaté avant l’expiration du délai de trente ans et seulement suivant la procédure prévue par ces dispositions. "Que dans ces conditions, sans que puisse y faire obstacle la circonstance que, faute pour le fondateur d’avoir sollicité le renouvellement de la concession dont il était titulaire avant le 10 décembre 1988, le terrain concerné aurait dû faire retour à la commune de Saint-Berthevin, le maire de cette commune a, en faisant droit à la demande prématurée de renouvellement de la concession familiale, commis une faute susceptible d’engager la responsabilité de la commune."
Sur la demande de prise en charge des frais d’achat d’une nouvelle concession et autres frais funéraires : la veuve demandait que soient mises à la charge de la commune, en réparation du préjudice causé par la faute précitée, des sommes au titre du préjudice matériel, correspondant au coût de fourniture et pose d’un caveau dans une nouvelle concession temporaire, ainsi qu’au titre de son préjudice moral. Elle demandait en outre que soit mis à la charge de la commune le remboursement des frais d’exhumation, de transfert et d’inhumation de son époux, afin de permettre son inhumation dans sa concession. Pour le juge, les préjudices dont Mme C demande ainsi réparation ne présentent pas de lien de causalité direct avec la violation fautive par le maire de la commune des droits de M. A à jouir jusqu’à son terme de la concession funéraire qu’il avait fondée en 1956, dès lors notamment qu’il ne résulte aucunement de l’instruction que ce dernier aurait effectivement souhaité renouveler la concession funéraire acquise en 1956 afin de s’y faire lui-même inhumer le moment venu.
Source : CAA de Nantes 16 février 2016 N° 14NT00991 Inédit au recueil Lebon
Marion Perchey
Responsable juridique Funélib’
Le : 29/02/2016 - Cour Administrative d’Appel de Nantes N° 14NT00991 - Inédit au recueil Lebon - 4e chambre M. Laine, président Lecture du mardi 16 février 2016 République française au nom du peuple français Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Procédure devant la cour : Elle soutient que :
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 août 2014, la commune de Saint-Berthevin, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mis à la charge de Mme C... veuve A... le versement d’une somme de 2 500 € par application des dispositions de l’art. L. 761-1 du Code de justice administrative. Elle soutient que :
Par ordonnance du 9 octobre 2015, la clôture d’instruction a été fixée au 9 novembre 2015 par application des dispositions de l’art. R. 613-1 du Code de justice administrative. Mme C... veuve A... a été admise au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du 4 août 2014. Vu les autres pièces du dossier. Vu :
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
1. Considérant que M. K... A... a acquis, le 10 décembre 1956, une concession funéraire trentenaire sous le n° 345 dans le cimetière communal de Saint-Berthevin (Mayenne) pour "y fonder la sépulture du concessionnaire et de sa famille" et que sa première épouse, Mme H... E... épouse A..., y a été inhumée ; que le 27 janvier 1983 le maire de Saint-Berhevin a fait droit à la demande de Mme G... A... épouse J..., fille de Mme E... et de M. A..., tendant au renouvellement de la concession n° 345, à l’effet d’y fonder la sépulture particulière de sa famille ; qu’au décès de M. A..., le 26 avril 2010, sa veuve, Mme C... épouse A..., a découvert que la concession dont était titulaire son mari était désormais détenue par la fille aînée de celui-ci et indique avoir été contrainte de solliciter une autre concession "temporaire" pour pouvoir y faire inhumer son mari ; qu’elle a saisi le tribunal administratif de Nantes d’une demande tendant à mettre en œuvre la responsabilité de la commune à raison de la faute commise par le maire de Saint-Berthevin dans l’exercice de ses pouvoirs de police des cimetières et à condamner la commune de Saint-Berthevin à lui verser les sommes de 1 285 € au titre du préjudice matériel et 2 000 € au titre de son préjudice moral, ainsi qu’à lui rembourser les frais d’exhumation, de transfert et d’inhumation de son époux M. A... afin qu’il puisse reposer auprès de sa première épouse ; que par la présente requête, l’intéressée relève appel du jugement n° 1106932 du 11 février 2014, par lequel le tribunal administratif de Nantes, estimant que le maire n’avait pas commis de faute, a rejeté sa demande ; Sur la responsabilité de la commune de Saint-Berthevin : 2. Considérant qu’aux termes de l’art. L. 2223-15 du CGCT : "Les concessions sont accordées moyennant le versement d’un capital dont le montant est fixé par le conseil municipal. / Les concessions temporaires, les concessions trentenaires et les concessions cinquantenaires sont renouvelables au prix du tarif en vigueur au moment du renouvellement. / À défaut du paiement de cette nouvelle redevance, le terrain concédé fait retour à la commune. Il ne peut cependant être repris par elle que deux années révolues après l’expiration de la période pour laquelle le terrain a été concédé. / Dans l’intervalle de ces deux années, les concessionnaires ou leurs ayants cause peuvent user de leur droit de renouvellement" ; qu’aux termes de l’art. L. 2223-17 du même Code : "Lorsque, après une période de trente ans, une concession a cessé d’être entretenue, le maire peut constater cet état d’abandon par procès-verbal porté à la connaissance du public et des familles. / Si, trois ans après cette publicité régulièrement effectuée, la concession est toujours en état d’abandon, le maire a la faculté de saisir le conseil municipal, qui est appelé à décider si la reprise de la concession est prononcée ou non. / Dans l’affirmative, le maire peut prendre un arrêté prononçant la reprise par la commune des terrains affectés à cette concession" ; 3. Considérant qu’en vertu des articles L. 2223-13 et suivants du CGCT lorsque l’étendue des lieux consacrés aux inhumations le permet, il peut y être fait des concessions temporaires ou perpétuelles de terrains aux personnes qui désirent y posséder une place distincte et séparée pour y fonder leur sépulture et celle de leurs enfants ou successeurs, et y construire des caveaux, monuments et tombeaux ; que, dans le cas de concessions temporaires, les concessionnaires ou leurs ayants cause ont, jusqu’à l’expiration d’un délai de deux ans après la fin de la concession, et moyennant le paiement d’une redevance fixée par le tarif alors en vigueur, le droit d’en obtenir le renouvellement ; qu’à défaut de dispositions testamentaires contraires du fondateur, ce droit peut être exercé par le plus diligent de ses héritiers naturels, au profit de l’ensemble des héritiers ; 4. Considérant qu’il est constant qu’à la date à laquelle Mme A... épouse J..., ayant cause de M. K... A..., a sollicité le renouvellement de la concession funéraire familiale n° 345, son père était toujours titulaire d’un droit réel immobilier sur ladite concession portant effet jusqu’au 10 décembre 1986 et qu’il disposait de la faculté d’en solliciter le renouvellement jusqu’au 10 décembre 1988 ; que la commune ne saurait utilement se prévaloir de la situation d’abandon de la concession pour justifier son attribution à la fille de M. A..., dès lors qu’en vertu des dispositions précitées de l’art. L. 2223-17 du CGCT l’état d’abandon ne peut, en tout état de cause, être constaté avant l’expiration du délai de trente ans et seulement suivant la procédure prévue par ces dispositions ; que, dans ces conditions, sans que puisse y faire obstacle la circonstance que, faute pour M. A... d’avoir sollicité le renouvellement de la concession dont il était titulaire avant le 10 décembre 1988, le terrain concerné aurait dû faire retour à la commune de Saint-Berthevin, le maire de cette commune a, en faisant droit à la demande prématurée de renouvellement de la concession familiale, commis une faute susceptible d’engager la responsabilité de la commune ; 5. Considérant, toutefois, que Mme C... veuve A... demande que soient mises à la charge de la commune de Saint-Berthevin, en réparation du préjudice causé par la faute précitée, les sommes de 1 285 € au titre du préjudice matériel, correspondant au coût de fourniture et pose d’un caveau deux places dans la concession temporaire n° 1180 que le maire de la commune de Saint-Berthevin lui a concédée le 3 mai 2010, ainsi qu’une somme de 2 000 € au titre de son préjudice moral ; qu’elle demande en outre que soit mis à la charge de la commune le remboursement des frais d’exhumation, de transfert et d’inhumation de son époux, afin de permettre son inhumation auprès de sa première épouse ; que les préjudices dont Mme C... veuve A... demande ainsi réparation ne présentent pas de lien de causalité direct avec la violation fautive par le maire de la commune de Saint-Berthevin des droits de M. K... A... à jouir jusqu’à son terme de la concession funéraire qu’il avait fondée en 1956, dès lors notamment qu’il ne résulte aucunement de l’instruction que M. A... aurait effectivement souhaité renouveler la concession funéraire acquise en 1956 afin de s’y faire lui-même inhumer le moment venu ; 6. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que Mme C... veuve A... n’est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Nantes a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande ; Sur les conclusions relatives aux dépens de première instance : Décide : Délibéré après l’audience du 26 janvier 2016, à laquelle siégeaient :
Lu en audience publique, le 16 février 2016. Le rapporteur, La République mande et ordonne au ministre de l’Intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision. ’’ |
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