Depuis l’intervention de l’art. 52 du projet de loi de santé 2015 porté par la ministre Marisol Touraine, projet examiné le 17 mars 2015 par la commission des Affaires sociales à l’Assemblée nationale, les partisans de la levée de l’interdiction de pratiquer des soins de conservation sur les personnes porteuses d’une infection à VIH ont perçu la possibilité d’une avancée fondamentale dans ce domaine, qui manque, effectivement, de clarté, dès lors que l’ont doit considérer que, depuis le décret n° 2011-121 du 28 janvier 2011, art. 6, codifié désormais à l’art. R. 2213-2-1 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), il est spécifiquement mentionné :
"Qu’un arrêté du ministre chargé de la Santé, pris après avis du Haut Conseil de la santé publique, fixe :
a) La liste des infections transmissibles qui imposent une mise en bière immédiate dans un cercueil hermétique, répondant aux caractéristiques définies à l’art. R. 2213-27, et sa fermeture ;
b) La liste des infections transmissibles qui imposent une mise en bière immédiate dans un cercueil simple, répondant aux caractéristiques définies à l’art. R. 2213-27, et sa fermeture ;
c) La liste des infections transmissibles pour lesquelles, si elles sont suspectées, il peut être dérogé, dans les conditions prévues à l’art. R. 2213-14, au délai maximum de transport de corps avant mise en bière, afin de permettre une autopsie médicale au sens de l’art. L. 1211-2 du Code de la santé publique ;
d) La liste des infections transmissibles imposant, le cas échéant, la mise en bière pour le transport du corps s’il a lieu avant l’expiration du délai mentionné à l’art. R. 2213-11 ;
e) La liste des infections transmissibles qui interdisent la pratique des soins de conservation."
Or, force est d’admettre que, depuis l’entrée en vigueur du décret du 28 janvier 2011, l’arrêté ministériel tant attendu n’a jamais été publié, si bien, comme nous l’avions dénoncé dans notre article intitulé la problématique des maladies contagieuses. Les repères juridiques sont particulièrement ténus, certains auteurs réclamant l’application de l’arrêté du ministre de la Santé du 20 juillet 1998, pour fixer les limites de l’intervention des thanatopracteurs.
Or, cet arrêté avait fait l’objet d’une annulation partielle par le Conseil d’État par un arrêt en date du 29 novembre 1999 "Fédération Française des Pompes Funèbres contre le Secrétariat d’État à la Santé et à l’Action Sociale", puisque la haute assemblée avait prononcé l’annulation de l’art. 1er de l’arrêté du 20 juillet 1998 en tant qu’il prescrivait la fermeture immédiate et définitive du cercueil hermétique dès la mise en bière, et l’art. 2 du même arrêté, en tant qu’il ajoutait l’hépatite A, la maladie de Creutzfeldt-Jakob et les états septiques graves à la liste des maladies faisant obstacle à la pratique des soins de conservation des corps.
Pour autant, pouvait-on conclure, comme le faisaient certains professionnels du funéraire, que des soins de conservation pouvaient être pratiqués sans risque sur les corps des personnes décédés affectées par telles affections ?
Avant l’intervention du décret du 28 janvier 2011, on sait que les autorisations de pratiquer les soins de conservation étaient délivrées par le maire de la commune où ceux-ci étaient effectués.
Les motivations de l’arrêt du Conseil d’État fournissaient des arguments auxquels les édiles locaux, dont plus particulièrement les maires, pouvaient se référer, en ce sens que la haute assemblée ne réfutait pas les prérogatives résultant le l’art. R. 2213-9 du CGCT habilitant le ministre chargé de la Santé à dresser la liste des "maladies contagieuses auxquelles il peut légalement adjoindre, compte tenu des risques qu’elles peuvent faire courir pour la santé des personnes appelées à traiter ou transporter les corps, les maladies susceptibles de se propager par contact direct avec certains éléments biologiques pathogènes de l’organisme du malade décédé".
Or, curieusement, après avoir affirmé un principe dont la portée était indiscutable, et qui révélait la compétence du pouvoir réglementaire en cette matière, le Conseil d’État avait sanctionné le ministre et son arrêté pour avoir interdit de manière absolue la possibilité laissée à l’appréciation du maire, en application de l’art. R 2213-2 du CGCT, de pratiquer des soins de conservation sur le corps des défunts atteints de ces maladies, ni à imposer leur mise en bière immédiate, faculté qui appartenait alors à l’officier d’état civil de la décider en application de l’art. R. 2213-18 du CGCT, ce pouvoir ayant été dévolu depuis le décret du 28 janvier 2011 au maire de la commune afin de mettre en cohérence les textes avec la loi Paris-Lyon-Marseille (loi PLM, du 31 décembre 1982, modifiée).
Pour le Conseil d’État, ni la protection de la santé publique, ni l’obligation de transposer la directive N° 93/88/CEE du Conseil du 12 octobre 1993 ne "peuvent affranchir le ministre chargé de la Santé du respect des limites de l’habilitation conférée par les dispositions du Code des communes".
En d’autres termes, plus imagés, le Conseil d’État a "botté en touche" en renvoyant les parties d’abord, devant l’officier d’état civil, pouvoir transféré, ensuite, au maire de la commune, comme cela est le cas désormais, pour prescrire une mise en bière immédiate lorsque le décès est survenu à la suite d’une infection transmissible, nouvelle définition de la maladie contagieuse.
Cette situation juridiquement nébuleuse ne va pas sans poser de problème en raison de la libéralisation de la procédure afférente à la pratique des soins de conservation, puisque, depuis le 28 janvier 2011, l’opérateur funéraire effectue une déclaration écrite préalable par tous moyens auprès du maire de la commune du lieu d’intervention, qui doit comporter quelques mentions obligatoires (jour, heure, lieu de l’intervention, nom de l’opérateur ou du thanatopracteur intervenant, indication du produit que l’on se propose d’utiliser, ainsi que le mode opératoire), mais doit détenir sans les produire certains documents, dont la demande émanant de la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles, lorsque le défunt n’a pas laissé d’expression écrite de ses dernières volontés, ainsi qu’un extrait du certificat de décès.
Mais ces pièces ne sont plus remises au maire ou à ses services, si bien que la sécurité juridique et sanitaire de l’intervention repose essentiellement sur les épaules de l’opérateur funéraire, certes aidé en cela par le médecin ayant constaté le décès qui a dressé certificat, lequel est conforme à un modèle défini par l’arrêté ministériel du 24 décembre 1996, à ce jour jamais actualisé, lequel ne mentionne pas spécifiquement les interdictions de réaliser des soins de conservation de corps.
En effet, cette interdiction est déduite des obligations imposées par le médecin rédacteur de ce certificat, soit lorsqu’il fait état d’un problème médico-légal, soit lorsqu’il prescrit une mise en bière immédiate en cercueil simple ou en cercueil hermétique, ou bien lorsqu’il coche la case "obstacle au don de corps", puisque cette opération est matériellement un transport de corps avant mise en bière.
Il en résulte que, depuis ce décret du 28 janvier 2011, la sécurité juridique et sanitaire des opérateurs funéraires ou leurs commettants, qui sont les plus exposés aux risques potentiels de contamination, est détenue par le médecin rédacteur du certificat de décès, sans le concours du texte (arrêté ministériel), prévu le décret précité.
Nous relèverons, de surcroît, que le Conseil d’État, dans sa décision du 29 novembre 1999, n’a pas remis en cause cet arrêté du 24 décembre 1996, lequel avait été inspiré par l’arrêté du ministre de la Santé du 17 novembre 1986 qui classait en deux catégories les maladies contagieuses, les plus graves exigeant une mise en bière en cercueil hermétique, les autres une mise en bière en cercueil simple, étant entendu que la pratique des soins de conservation était, dans tous les cas énumérés, interdite.
Pour l’heure, la protection de la santé publique, en général, mais également celle des personnels chargés de la réalisation des opérations funéraires, tels les soins de conservation ou les transports sans mise en bière, qui, à notre sens, sont celles qui exposent les plus ces personnes, constitue une réelle aberration, puisque aucune liste des infections transmissibles n’a été publiée dans le prolongement du décret du 28 janvier 2011, qui prévoyait explicitement l’intervention d’un arrêté du ministre de la Santé.
Dans un tel contexte, comment s’y retrouver ?
D’abord en se référant à l’arrêté du ministère de la Santé, en date du 20 juillet 1998, partiellement annulé par le Conseil d’État, qui interdit, sans contestation, la pratique des soins de conservation sur les corps des personnes décédées d’orthopoxvirose, du choléra, de la peste, du charbon, des fièvres hémorragiques virales, de la rage, alors que, depuis la décision du Conseil d’État en date du 29 novembre 1999, les cas de l’hépatite virale, de l’infection à VIH, de la maladie de Creutzfeldt-Jacob ou de tout état septique grave, donnent lieu à controverse, puisque la haute assemblée a considéré que cette liste n’était pas valide, d’autant plus que certains praticiens tendent à considérer que les maladies procédant du VIH et de l’hépatite B ou C ne sont pas réellement contagieuses, au sens strict du terme, alors que l’arrêté du ministre de la Santé en date du 17 novembre 1986 interdisait formellement ces soins somatiques sur les corps des personnes décédées ou porteuses du virus de l’hépatite B ou C, ainsi que du SIDA, la maladie de Creutzfeldt-Jacob, n’étant pas au nombre des maladies qualifiées de contagieuses, pas plus que les états septiques graves.
Mais cet acte réglementaire a été rapporté par l’arrêté du 20 juillet 1998, et ne peut légalement servir, désormais, de base de référence, sauf à considérer que le certificat de décès toujours en vigueur a bien été construit et élaboré en prenant en considération les prescriptions de cet arrêté du 17 novembre 1986, ce qui tend à pérenniser une forme de survie juridique !
Ensuite, en se référant à nouveau aux mentions portées sur le certificat de décès, tel que correspondant au modèle toujours en vigueur, initié par l’arrêté du 24 décembre 1996, qui constitue le seul document permettant de faire respecter les prescriptions du corps de santé.
Les médecins se doivent de tenir compte des risques de contamination auxquels ils pourraient exposer les personnels chargés de l’exécution des opérations funéraires, dont principalement les thanatopracteurs, qui utilisent des instruments "tranchants" ou "piquants" par lesquels ils peuvent s’inoculer des maladies telles celles à VIH ou des hépatites dont on connaît la dangerosité.
Ceux qui méconnaîtraient ces obligations, outre qu’ils transgresseraient les précautions universelles destinées à éviter la contamination des agents funéraires, commettraient, également, une infraction pénale, celle du délit de mise en danger de la vie d’autrui, réprimé par l’art. 223-1 du nouveau Code pénal ainsi libellé :
"Le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement est puni d’un an d’emprisonnement et de 100 000 € d’amende."
La jurisprudence est relativement sévère en cas d’atteinte à l’intégrité des personnes, dès lors qu’elle considère que, lorsque l’auteur de l’infraction doit avoir présent à l’esprit le risque causé à autrui, et qu’il serait superfétatoire de faire la démonstration qu’il a agi délibérément, la violation d’une obligation de prudence étant suffisante : TGI Saint-Étienne, 10 août 1994, Cassation chambre criminelle, 16 février 1999.
Ce cadre général exposé, nous nous attarderons sur les évolutions des courants de pensées qui se manifestent actuellement, qui revendiquent le droit pour les personnes séropositives de bénéficier après leur mort de soins de conservation, ce qui explique, d’ailleurs, que le législateur ait été saisi, alors que curieusement, et cela l’a été démontré précédemment par la citation des dispositions de l’arrêt du Conseil d’État en date du 29 novembre 1999, cette matière relevant, manifestement, du pouvoir réglementaire et que la ministre de la Santé est toujours en mesure de prendre et publier l’arrêté définissant la liste des infections transmissibles interdisant la pratique des soins de conservation.
Le débat a été élevé devant le Sénat par la sénatrice écologiste madame Aline Archimbaud, qui a, en séance publique, posé une question orale à la ministre des Affaires sociales sur la levée de l’interdiction des soins funéraires pour les personnes décédées séropositives pour le VIH et les hépatites virales. Le gouvernement s’est engagé sur une date pour apporter une réponse à ce problème, celle du 1er janvier 2016.
Certains porteurs d’un projet de libéralisation des soins de conservation estiment cette date encore trop tardive, en faisant valoir que l’art. 2 de l’arrêté du 20 juillet 1998 interdit de pratiquer des soins funéraires sur des personnes séropositives, alors qu’il n’y aurait aucun risque si ces soins s’exerçaient en respectant les précautions universelles préconisées par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).
En effet, selon le dernier alinéa de l’art. 2 de l’arrêté du 20 juillet 1998, la pratique des autopsies à visée scientifique est autorisée sur ces personnes à condition de respecter ces précautions afin d’éviter toute contamination du personnel ou de l’environnement. Pour la sénatrice, s’il est possible de pratiquer "une autopsie sur un séropositif en toute sécurité, pourquoi cela ne serait-il pas le cas pour des soins funéraires ?". Madame Aline Archimbaud a également rappelé qu’une pétition lancée par les élus locaux contre le sida demandant la levée de cette interdiction avait recueilli plus de 95 000 signatures.
C’est madame Laurence Rossignol, secrétaire d’État à la Famille, qui assurait le remplacement de madame Marisol Touraine, qui, en tant que représentante du gouvernement, a répondu en ces termes :
"Cette réforme est dépendante de nombreuses concertations et nécessite des dispositions législatives. Les ministères impliqués se sont engagés – c’est la réponse à votre demande de calendrier – à faire aboutir cette réforme pour le 1er janvier 2016 (…) Étant, comme l’ensemble du gouvernement, déterminée à lutter contre toutes les discriminations, en particulier contre celles qui frappent les personnes atteintes du VIH ou de l’hépatite virale, la ministre des Affaires sociales et de la Santé, par sa décision, a souhaité ainsi répondre à la douleur des familles concernées et permettre aux proches des défunts de disposer enfin d’obsèques dans la dignité."
Contrairement aux usages en vigueur au sein de l’Assemblée nationale, au Sénat, il est possible de répondre aux ministres
La sénatrice, madame Aline Archimbaud s’est exprimée ainsi :
"J’ai noté la date du 1er janvier 2016 comme un engagement à partir duquel les dispositions en question entreraient dans les faits. Mais j’entends aussi avec une certaine inquiétude que des mesures législatives seront nécessaires, ce qui implique un examen par le Parlement dans des délais assez brefs."
Et la sénatrice d’ajouter : "Par cette question, je veux aussi me faire le relais d’un grand nombre de citoyens qui s’émeuvent des rumeurs, des peurs, des fantasmes qui sont propagés de façon récurrente à propos des malades séropositifs et qui contribuent à leur stigmatisation. Seuls les pouvoirs publics ont le pouvoir et aussi la responsabilité de prendre, sur ce sujet, des décisions claires par rapport aux propos démagogiques et discriminants qu’on entend parfois. Je comprends parfaitement qu’il faille mettre en place un certain nombre de dispositions. Les personnels doivent sans doute être rassurés et formés, mais mettre un terme à cette discrimination m’apparaît comme une mesure de justice importante, vous l’avez rappelé, vis-à-vis des familles qui sont déjà douloureusement et lourdement affectées. Je retiens la date du 1er janvier 2016, mais aussi pour nous, parlementaires, l’exigence législative. Donc, il faut maintenant aller vite."
Il y a lieu de relever que cette déclaration ne fait pas l’unanimité au sein des professionnels du funéraire, certains étant opposés à la levée des interdictions. Des thanatopracteurs professionnels sont montés au front et ont publié des interviews et tribunes, contre la levée de l’interdiction sur laquelle s’est engagé le gouvernement. Deux d’entre eux, madame Claire Sarazin et monsieur Sébastien Boukhalo, ont écrit à Manuel Valls, Premier ministre, et à Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la Santé, en exposant clairement leur opposition à l’autorisation des soins de thanatopraxie sur les porteurs de VIH et d’hépatites B ou C.
Leurs arguments : "Il n’est pas question de discrimination dans l’opposition à pratiquer des soins sur les corps des défunts atteints de maladies transmissibles, mais simplement d’une peur de la contamination (…). L’enjeu n’est pas comparable avec les soins médicaux apportés à un malade, nous parlons d’un défunt qu’il s’agit de présenter à ses proches. Les conséquences d’une contamination par le VIH ou une hépatite B ou C sont trop importantes pour que l’on n’applique pas le principe de précaution."
Une pétition est venue à l’appoint de cette position clairement hostile
Dans un tel contexte, il est curieux de constater que le gouvernement tente de gagner du temps alors qu’il est certainement conscient de ses responsabilités en ce domaine de la santé publique, puisque le décret du 28 janvier 2011 attribuait à la ministre de la Santé de définir par arrêté la liste des infections transmissibles interdisant, notamment, la pratique des soins de conservation des corps. Qu’il paraît utile, ici, d’insister sur le fait que le Conseil d’État s’est prononcé clairement pour une compétence des autorités chargées d’élaborer les règlements, conformément à l’art. 37 de la Constitution.
Que ces atermoiements existent au moins depuis le 22 avril 2009, le ministère de la Santé connaissant les propositions du groupe de travail constitué par la Commission spécialisée des Maladies transmissibles, suite à la saisine du Haut Conseil de la santé publique par le directeur général de la Santé.
Ce groupe de travail proposait, après synthèse des débats
1 - La mise en bière immédiate dans un cercueil hermétique avec épurateur de gaz et l’interdiction des soins de corps pour les personnes décédées des pathologies suivantes :
- orthopoxviroses,
- choléra,
- fièvres hémorragiques,
- peste,
- charbon.
2 - La mise en bière immédiate dans un cercueil simple et l’interdiction des soins de corps pour les personnes décédées des pathologies suivantes :
- rage
- tuberculose active non traitée ou traitée pendant moins d’un mois
- toute maladie émergente infectieuse transmissible (SRAS, grippe aviaire…) sur saisine du HCSP.
3 - La présentation possible du corps, sans mise en bière immédiate, suivie d’une mise en bière dans un cercueil simple, mais l’interdiction de soins de corps pour les personnes décédées des pathologies suivantes :
- hépatites virales B, C, D
- maladie de Creutzfeldt-Jakob
- infection VIH
- tout état septique grave sur prescription du médecin traitant.
Le groupe de travail ne proposait pas de pratiques particulières pour le mode de transport des corps des personnes décédées des pathologies listées ci-dessus.
Toutefois, afin de permettre une autopsie à visée diagnostique, le Haut Conseil de la santé publique recommandait que, pour les personnes décédées et atteintes d’une maladie de Creutzfeldt-Jakob, le délai du transport après le décès puisse être fixé à 72 heures. Sur ce point, par le décret du 28 janvier 2011 en son art. 8, une évolution réglementaire est intervenue ayant donné lieu aux mentions suivantes :
"Lorsque l’autopsie médicale est réalisée en vue de diagnostiquer l’une des infections transmissibles dont la liste est fixée au c de l’art. R. 2213-2-1, le délai mentionné à l’art. R. 2213-11 est porté à 72 heures."
Il s’ensuit que les dispositions réglementaires paraissent "à géométrie variable", car il est incontestable que, si l’existence d’une infection transmissible était avérée, suite à l’autopsie du cadavre, les personnels ayant effectué le transport du corps avant mise en bière auraient bien été exposés à un risque de contamination.
Plus grave encore :
Les conditions de restitution du corps à la famille du défunt n’ont pas été clairement précisées par ce texte, ce dont nous nous étions inquiétés dans notre "Traité de Législation et Réglementation Funéraires" (fascicule additionnel le mettant en cohérence avec le décret du 28 janvier 2011), aux éditions Résonance, en réclamant un éclairage du ministre de la Santé, suggestion demeurée sans réponse. Une fois de plus, l’absence de l’arrêté ministériel fixant une liste des infections transmissibles se fait résolument sentir.
Par ailleurs, au-delà des soins de conservation et dans le cadre de la protection des employés funéraires, le groupe de travail insistait sur les propositions générales suivantes :
- Instaurer un module spécifique de formation aux risques biologiques et à leur gestion pour l’obtention du diplôme de thanatopracteur (ce qui fut fait avec le décret du 18 mai 2010 portant sur les modalités de l’examen du diplôme national de thanatopracteur).
- Respecter la pratique des vaccinations professionnelles, en particulier la vaccination contre l’infection par le virus de l’hépatite B.
- Respecter de façon stricte les précautions universelles édictées en milieu de soins pour les malades atteints de ces mêmes pathologies, en particulier le port d’une protection oculaire et d’une protection respiratoire, avec notamment un masque FFP1 systématiquement porté et non pas un simple masque chirurgical.
- Pour tous les soins de corps, quelle que soit la mention portée sur le certificat de décès.
- Encourager, en cas de décès à l’hôpital et si des soins de corps sont envisagés, la réalisation de ceux-ci en milieu hospitalier et non pas au domicile.
- Encourager, en cas de décès à domicile, la réalisation des soins de corps en milieu adapté (entreprise funéraire offrant des conditions de travail et d’hygiène adaptées).
- Améliorer la formation à la rédaction du certificat de décès lors du cursus médical et lors de l’exercice médical, afin que soient fournies des informations exactes et pertinentes.
En conclusion, la levée de l’interdiction des soins de conservation des corps des personnes séropositives constitue encore un long chemin semé d’embûches, d’autant plus que le gouvernement français oppose une certaine résistance en invoquant la nécessité d’un débat parlementaire, contraire à la Constitution.
Faudra-t-il passer par une question prioritaire de constitutionnalité pour débloquer ce dilemme d’État, sachant que la question prioritaire de constitutionnalité est le droit reconnu à toute personne qui est partie à un procès ou une instance de soutenir qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit. Si les conditions de recevabilité de la question sont réunies, il appartient au Conseil constitutionnel, saisi sur renvoi par le Conseil d’État et la Cour de cassation, de se prononcer et, le cas échéant, d’abroger la disposition législative ?
Cette opportunité serait ouverte dans le cadre de la discussion d’un projet de loi, tout autant qu’un recours aurait été intenté contre l’État devant le Conseil d’État pour contester, par exemple, le retard apporté à l’édition de l’arrêté ministériel portant sur l’énoncé des infections transmissibles. Une instance longue, onéreuse et fastidieuse à l’issue incertaine. C’est pourquoi, nous conseillerons aux défenseurs des droits des séropositifs d’attendre le 1er janvier 2016 pour s’assurer que le gouvernement a tenu ses promesses en matière de calendrier.
Il conviendra, néanmoins, de demeurer prudent sur la décision gouvernementale, car un dépôt de projet de loi aurait pour effet d’allonger les délais et de rendre inopérante, dans cet avenir plus que proche à l’heure où cet article est rédigé, les promesses de la ministre de la Santé.
Jean-Pierre Tricon
Avocat au barreau de Marseille
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