Lors de la table ronde organisée au dernier salon Funéraire sur le thème "Réglementation, professionnels funéraires et collectivités... une bonne coordination est-elle possible ?" s’est posée la question du droit à sépulture pour les défunts en urnes (terrain public ou "terrain commun" du cimetière).
Georges Martinez, président de L’A.NA.PE.C. |
Afin de pouvoir tenter d’apporter une réponse à cette intéressante question, commençons à regarder ce qu’en disent les textes.
Le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) stipule, en son art. L. 2223-1 :
"Chaque commune ou chaque établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de cimetières dispose d’au moins un cimetière comprenant un terrain consacré à l’inhumation des morts et, dans les communes de 2 000 habitants et plus ou les établissements publics de coopération intercommunale de 2 000 habitants et plus compétents en matière de cimetières, d’au moins un site cinéraire destiné à l’accueil des cendres des personnes décédées dont le corps a donné lieu à crémation."
Cet article définit le lieu public qu’est le cimetière. Le terrain consacré à l’inhumation des morts et le site cinéraire, destinés à l’accueil des cendres des personnes décédées dont le corps a donné lieu à la crémation, évoqués dans l’art. L. 2223-1 sont bien par essence des lieux publics et communs. Notons d’ailleurs que ces deux lieux sont ainsi placés à égalité de droit et de destination.
Comme pour souligner que le terrain affecté au cimetière relève principalement de la gratuité, le législateur précise dans les articles L. 2223-13 à L. 2223-15 les conditions d’attribution de concessions à titre particulier. Notons bien : qu’il s’agit bien d’une possibilité donnée aux maires, puisque le législateur emploie le verbe pouvoir et non le verbe devoir.
Toutefois, il est vrai que l’usage veut que la tendance soit inversée, et que les cimetières disposent plutôt de concessions payantes à durée temporaire ou perpétuelle, et que le terrain dit "commun" (le mot commun n’est pas utilisé par les textes), bien qu’il existe de fait dans tous les cimetières, n’est pas majoritairement utilisé sur le plan foncier. Cependant, cet état de fait n’est ni répréhensible du point de vue de la loi, ni contraire à son esprit, et répond à une demande certaine des administrés.
Les textes, à notre connaissance, ne manifestent aucune opposition à ce qu’un maire définisse une case de columbarium, ou un cavurne comme terrain gratuit destiné à recevoir les cendres de personnes ne souhaitant pas acquérir une concession. Il s’agit là d’un point relevant du réglementaire délibéré par le conseil municipal. Rappelons toutefois que, dès lors qu’une urne est déposée dans une sépulture existante ou créée à cette occasion, ou scellée sur un monument affecté à une sépulture, nous sommes dans le cadre d’une inhumation.
Dans ce cas, l’art. R. 2223-3 du CGCT s’applique, à savoir :
Chaque inhumation a lieu dans une fosse séparée.
Chaque fosse a de 1,50 mètre à 2 mètres de profondeur sur 80 centimètres de largeur.
Elle est ensuite remplie de terre bien foulée.
Et l’art. R. 2223-4 ajoute :
Les fosses sont distantes les unes des autres de 30 à 40 centimètres sur les côtés, et de 30 à 50 centimètres à la tête et aux pieds. Bien que les textes ne l’interdisent pas, le bon sens voudra donc que l’on exclue le creusement d’une fosse pour l’inhumation en pleine terre d’une urne seule, puisque l’article susnommé stipule l’obligation d’une seule inhumation par fosse aux dimensions indiquées, et ce, même si la longueur de la fosse n’est pas imposée.
La solution d’une case de columbarium ou d’un cavurne paraît donc mieux appropriée si une famille venait à souhaiter faire valoir son droit à une inhumation à titre gratuit.
Pour conclure ce point de droit, il apparaît clairement que rien n’interdit à un maire d’organiser son cimetière afin qu’il dispose, outre les concessions payantes, temporaires ou perpétuelles, d’espaces d’inhumation traditionnels, ou cinéraires gratuits, à disposition des administrés qui en feraient la demande. Ce droit est confirmé par l’art. R. 2223-9 du CGCT, qui stipule : "Le conseil municipal peut décider l’affectation de tout ou partie d’un cimetière au dépôt ou à l’inhumation des urnes et à la dispersion des cendres des corps ayant fait l’objet d’une crémation."
Concernant la gestion du cimetière, l’art. R. 2223-5 du CGCT indique que l’ouverture des fosses pour de nouvelles sépultures n’a lieu que de cinq années en cinq années.
De cet article, l’usage veut qu’un terrain commun soit attribué pour une durée minimum de cinq années, le maire pouvant récupérer au terme de ce délai l’usage dudit terrain. Il peut donc procéder à l’exhumation du corps, et placer les restes à l’ossuaire, ou procéder à une crémation, les cendres étant dispersées selon les modalités définies à l’art. R. 2223-6.
Damien Dutrieux, consultant au Cridon Nord-Est, maître de conférences associé à l’université de Lille 2, rappelait le 6 décembre 2012, dans une publication publiée sur le site de Résonance, que les familles ne disposent d’aucun droit sur les terrains mis à leur disposition (V. Rép. min. n° 36688, JOAN Q 21 sept. 1992, p. 4372, citée par H. Popu, "La Dépouille mortelle, chose sacrée" : coll. "Logiques juridiques", L’Harmattan 2009, p. 302, note 999), qui seront repris par la commune pour d’autres inhumations, à l’issue d’un délai de rotation. Le minimum du délai de rotation est fixé à cinq années, mais peut être augmenté en fonction de l’avis donné par l’hydrogéologue lors de la création du cimetière, ou si, lors de l’ouverture de la fosse, le corps est trouvé intact.
Le délai de 5 ans étant fixé en rapport au temps de décomposition du corps, on peut s’interroger sur le fondement de ce délai pour une urne contenant des cendres. Les textes n’en disent rien. Par facilité de traitement et eu égard à la dignité apportée au défunt dans le sens et l’esprit de la loi de 2008, il paraît souhaitable d’aligner la durée de mise à disposition gratuite d’un terrain cinéraire sur celui d’une fosse pour 5 années.
Une fois le droit exposé, il n’est pas inutile de se poser la question de fond de l’intérêt de la chose. La vraie question soulevée par notre interlocuteur lors du salon funéraire était de savoir si les cimetières ne devaient pas prioriser le service public en aménageant prioritairement des lieux d’inhumation gratuite pour leurs administrés. Cette question appelle une réponse politique dont chaque maire a la maîtrise et pour laquelle l’A.NA.PE.C. n’a pas vocation à se prononcer.
Le personnel des cimetières est là pour appliquer la politique de l’équipe municipale en place
Toutefois, au-delà du choix politique, il est bon de se souvenir que, dans les faits, l’urne appelée à recevoir les cendres du défunt est acquise par la personne ayant pourvu aux funérailles. Si un tel geste est opéré, on peut supposer qu’il y ait la volonté de perdurer le devoir de mémoire, et dans ce cas, majoritairement, la famille choisira un lieu de dispersion ou achètera une concession pour parfaire son deuil. Rappelons également que les crématoriums ont le devoir de conserver les cendres du défunt durant un délai de 1 an. Cette prestation est offerte à des tarifs différents selon la durée, mais peut aussi être gratuite.
Dans le cas d’une personne sans ressource, il est peu probable, au vu du risque à voir un ayant droit se présenter dans les semaines ou les mois suivant le décès, qu’un maire procède à la crémation. Il préférera certainement l’inhumation en fosse plus réversible.
Rien ne dit si cette question fondamentalement sociétale permettra dans un avenir proche ou lointain de voir évoluer non pas la législation, il n’y a rien à attendre sur ce point précis, mais la volonté de certaines villes à vouloir changer la destination de leur cimetière. Sans doute faut-il que le débat s’installe, que l’information circule, et que la culture funéraire se délite au point de devenir culture pour tous.
L’A.NA.PE.C se rangera toujours du côté du meilleur des services publics pour le bien-être des administrés, pour que les cimetières soient beaux, aménagés dans l’intérêt de chacun avec le souci de l’esthétique, et partagés par tous, titulaires de concessions ou pas, familles et visiteurs de passage.
Georges Martinez
Président de L’A.NA.PE.C
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