L’A.NA.PE.C. est fréquemment sollicitée pour répondre à des questions de nos adhérents, qu’elles soient d’ordre juridique ou fonctionnel. Voici un cas qui mérite que l’on s’y arrête.
Pierre dispose d’une concession perpétuelle familiale.
Il inhume dans cette concession, dans un premier temps, Françoise, son épouse, et 2 ans plus tard sa compagne, Véronique.
À son décès, Pierre a été inhumé dans sa concession aux côtés de Françoise et Véronique.
De son épouse Françoise, il n’a pas eu d’enfant, mais des héritiers collatéraux.
Il est le père biologique des enfants de Véronique, mais ne les a jamais reconnus.
Aujourd’hui demeurent en vie un héritier collatéral qui a hérité de la concession et les héritiers de Véronique.
Michel, l’héritier collatéral du fondateur, souhaite renoncer au bénéfice de la concession perpétuelle au profit d’un tiers.
En 2012, le sénateur du Loiret Jean-Pierre Sueur posait la question suivante au Gouvernement (publiée dans le JO Sénat du 12/07/2012 – page 1559) :
M. Jean-Pierre Sueur appelle l’attention de M. le ministre de l’Intérieur sur la procédure de renonciation aux droits sur une concession située au sein d’un cimetière. Les héritiers d’une personne décédée qui possédait une concession funéraire dans un cimetière deviennent ses ayants droit pour la concession funéraire.
Il convient toutefois de préciser la procédure qui doit être mise en œuvre lorsque l’un de ces ayants droit a déménagé loin de la commune où se trouve le cimetière et veut céder ses droits sur la concession à un autre ayant droit resté sur place. S’agissant de succession et de donation, tout abandon de droit entre deux personnes s’effectue par acte notarié, conformément au Code civil. Aussi certaines communes exigent-elles un acte notarié pour procéder à une cession du droit relatif à une concession située au sein d’un cimetière. Mais l’acte de concession est en l’espèce un contrat administratif passé entre la commune où se trouve le cimetière et la personne ayant acheté cette concession. De plus, conformément à l’arrêt de la Cour de cassation, première chambre civile, 4 décembre 1967, pourvoi n° 66-10765, il s’agirait d’une procédure "hors commerce", ce qui exclurait un acte notarié. En conséquence, certaines communes procèdent aux enregistrements d’abandon et de cession de droit sans acte notarié préalable.
Ces différences de pratiques le conduisent à l’interroger sur la question de savoir si la renonciation au droit à une concession au sein d’un cimetière est un acte administratif consistant en un courrier adressé à la commune ou si cette renonciation doit nécessairement être précédée d’un abandon de droit signifié par un acte notarié. Il lui demande, en outre, s’il ne lui paraîtrait pas opportun que la réponse à cette question figure dans le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) et, dans l’affirmative, quelles initiatives il compte prendre à cet égard.
Le ministre de la Justice lui répondait (publiée dans le JO Sénat du 25/04/2013 – page 1359) :
Le tribunal des conflits a assimilé la possession d’une sépulture à un droit réel immobilier à valeur patrimoniale, méritant d’être protégé au même titre que le droit de propriété. Si la concession funéraire procède d’un contrat d’occupation du domaine public, qui interdit de considérer que le concessionnaire jouit d’un véritable droit de propriété sur le terrain concédé, celui-ci dispose d’un droit réel immobilier de jouissance et d’usage avec affectation spéciale.
Les litiges relatifs aux contrats de concession relèvent en principe de la juridiction administrative. Toutefois, les tribunaux judiciaires sont compétents pour connaître des atteintes portées par l’administration communale aux droits des concessionnaires, lorsque ces atteintes présentent le caractère d’une emprise irrégulière ou d’une voie de fait. Selon la Cour de cassation, les concessions funéraires sont hors du commerce, ce qui signifie qu’elles ne peuvent faire l’objet d’une cession à titre onéreux.
En revanche, elles peuvent faire l’objet d’une donation entre vifs si l’acte administratif accordant la concession et le règlement municipal ne l’interdisent pas. Dans ce cas, s’agissant d’un droit réel immobilier, l’acte de donation doit être établi devant notaire en application de l’art. 931 du Code civil. La concession peut également être transmise par voie de succession. En l’absence de dispositions testamentaires, la concession funéraire est transmise lors du décès du concessionnaire originaire aux descendants du fondateur ou à leur conjoint, ce qui crée, en cas de pluralité de descendants, une indivision perpétuelle entre les héritiers. L’un des cohéritiers peut renoncer à ses droits sur la concession. Une telle renonciation doit être reçue par acte notarié non pour sa validité mais pour son efficacité, l’authenticité étant requise dans un but de publicité s’agissant des actes portant mutation de droits réels immobiliers (art. 28-1°-a du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière).
La cession est donc possible devant notaire
Le Conseil d’État (arrêt Cordier du 30 mai 1962) indique que la commune se doit de délivrer un terrain conforme à sa destination. Cela signifie que le terrain doit être vide de tout corps. La cession ne pourra être effective qu’une fois les corps exhumés.
Qui est légitime pour autoriser les exhumations ?
L’art. R. 2213-40 du CGCT alinéa 1 indique : "Toute demande d’exhumation est faite par le plus proche parent de la personne défunte. Celui-ci justifie de son état civil, de son domicile et de la qualité en vertu de laquelle il formule sa demande." Au moins un des enfants de Véronique peut donc demander l’exhumation de sa maman. L’héritier collatéral étant a priori le plus proche parent de Pierre et Françoise, il peut demander leur exhumation. Au cas particulier de cette affaire, il est nécessaire que toutes les parties s’accordent simultanément.
L’art. R. 2213-40 du CGCT alinéa 2 indique : "L’autorisation d’exhumer un corps est délivrée par le maire de la commune où doit avoir lieu l’exhumation." Si un désaccord subsiste entre les différentes parties, c’est donc au juge d’instance de statuer.
À qui appartient effectivement cette concession et qui peut en demander la cession ? Les héritiers de Véronique peuvent-ils s’opposer à cette cession ? Le 28 octobre 2015, la Direction de l’information légale et administrative (Premier ministre) publie la réponse ministérielle suivante :
Une concession funéraire est un emplacement dans un cimetière dont il est possible d’acheter l’usage (mais non le terrain). L’acte de concession précise notamment quels en sont les bénéficiaires. La sépulture est ensuite aménagée selon les souhaits du défunt ou de ses proches et dans le respect du règlement du cimetière communal.
En l’absence de testament du titulaire d’une concession funéraire ou de mention expresse relative à la transmission de sa concession, celle-ci est transmise à l’ensemble de ses enfants ou successeurs sous la forme d’une indivision perpétuelle (les personnes en sont propriétaires ensemble pour une durée illimitée).
Lorsque le propriétaire de la concession n’a pas d’enfant, elle revient, en état d’indivision perpétuelle, aux héritiers les plus directs par le sang. Un indivisaire peut renoncer à ses droits au profit des autres. C’est ce que précise le ministre de l’Intérieur dans une réponse ministérielle, publiée le 1er octobre 2015.
En ce qui concerne les conditions d’inhumation des héritiers, lorsque la concession est individuelle ou collective, seules les personnes désignées dans l’acte de concession peuvent y être inhumées. Dans une concession familiale, chacun des co-titulaires de la concession a le droit d’y être inhumé, ainsi que les membres de sa famille (conjoint, ascendants, descendants, alliés, enfants adoptifs) sans que les autres membres de l’indivision ne puissent s’y opposer. En revanche, l’inhumation d’une tierce personne, qui n’appartient pas à la famille, ne peut s’effectuer qu’avec l’accord de tous les indivisaires.
Lorsque la concession est aménagée en caveau, le droit à inhumation est limité au nombre de places disponibles dans le caveau, sauf en cas de réunion ou réduction de corps. Une concession individuelle est destinée à la personne pour laquelle elle a été acquise. Une concession collective est destinée aux personnes désignées dans l’acte de concession. Une concession familiale est destinée à son titulaire initial et aux membres de sa famille.
Au moment du décès de Véronique, Pierre a souhaité son inhumation dans la concession familiale qu’il avait acquise. De son vivant, rien ne pouvait s’y opposer. En revanche, Véronique et ses enfants n’ont aucun droit sur la concession, puisque Véronique et Pierre n’étaient pas mariés et que Pierre n’a pas reconnu les enfants de Véronique bien qu’il en soit le père biologique.
Attention, un arrêt du Conseil d’État du 21 octobre 1955, Demoiselle Méline, rappelle que le juge administratif est compétent pour tous les litiges qui concernent la contestation de l’octroi d’une concession funéraire.
Les héritiers de Véronique peuvent-ils revendiquer leur droit à être inhumés aux côtés de leur mère ? Si la situation se produit, il faudra l’accord du concessionnaire ou de son ayant droit. Il faut donc que la question de la cession soit précédemment tranchée. Bien évidemment, la solution la meilleure dans cette situation est que Michel cède la concession aux enfants de Véronique.
Dans ce cas, pour que l’opération se déroule régulièrement, il faut que le maire autorise l’exhumation de tous les corps sous couvert des demandes de chaque ayant droit, que la concession soit réputée vide de tout corps, afin que le notaire puisse procéder à la cession, et que le maire autorise l’inhumation des corps dans la nouvelle concession. Bien entendu, comme il faut savoir raison garder, ces opérations couchées sur le papier ne présenteront aucun intérêt à se dérouler pratiquement.
Cette histoire ne parle pas de la taille dudit caveau
Il est possible qu’à un certain moment des réductions de corps s’avèrent nécessaires. Si à la fin de la démarche de cession, les enfants de Véronique deviennent bien les concessionnaires, ils n’obtiennent pas pour autant de droit sur Pierre et Françoise, pour qui l’exhumation pour réduction des deux corps sera toujours soumis à l’autorité de l’hériter collatéral, Michel ou son ayant droit.
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Les prénoms demeurent fictifs. |
Georges Martinez
Président de l’A.NA.PE.C.
Résonance "Hors-série" Spécial Cimetière - Décembre 2015
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