Une intercommunalisation potentielle de la police des inhumations des personnes dépourvues de ressources suffisantes et des frais afférents aux funérailles ?
La loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NoTRe) publiée au JO du 8 août 2015 vient modifier l’art. L. 2321-5 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), lui-même issu de la loi n° 2011-302 du 22 mars 2011, publiée au JO du 23 mars 2011. Cette loi avait institué le principe d’une solidarité financière entre communes en raison de frais d’état civil ou de frais funéraires.
En effet, se conjuguaient les dispositions de l’art. L. 2223-3 du CGCT qui énoncent que : "La sépulture dans un cimetière d’une commune est due : 1° Aux personnes décédées sur son territoire, quel que soit leur domicile" ; avec les dispositions de l’art. L. 2213-7 du CGCT qui énonce quant à lui que "le maire ou, à défaut, le représentant de l’État dans le département pourvoit d’urgence à ce que toute personne décédée soit ensevelie et inhumée décemment sans distinction de culte ni de croyance". La formulation de cet article nous permet de rappeler que, juridiquement, si les familles ont normalement l’obligation de payer les frais des funérailles, elles n’ont aucunement l’obligation de pourvoir à ces mêmes funérailles.
Enfin, l’art. L. 2223-27 du CGCT précise que : "Le service est gratuit pour les personnes dépourvues de ressources suffisantes. Lorsque la mission de service public définie à l’art. L. 2223-19 n’est pas assurée par la commune, celle-ci prend à sa charge les frais d’obsèques de ces personnes. Elle choisit l’organisme qui assurera ces obsèques." Les communes sont donc confrontées principalement à ces frais d’obsèques à leur charge. Il convient de compléter ce propos avec les inévitables frais que peuvent faire encourir aux services administratifs d’une petite commune l’enregistrement des décès, les formalités qui y affèrent (mais est-ce à proprement parler une mission qui relève de la police des funérailles…), voire l’inhumation en terrain commun, à laquelle ces défunts peuvent indubitablement prétendre.
Ces considérations juridiques pouvaient se confronter, et c’est là la raison même de ce dispositif juridique avec d’autres éminemment factuelles, qui sont que les lieux d’implantation des établissements publics de santé peuvent parfaitement se situer dans de petites communes. Or, les obligations ci-dessus rappelées pouvaient aboutir à ce qu’une commune ait des frais en matière de funérailles hors de proportion d’avec les besoins de ses habitants. C’est pourquoi nous disposions jusqu’au vote de la loi NoTRe de la disposition suivante :
L. 2321-5 du CGCT
"Les communes dont les habitants représentent, au titre d’une année, plus de 10 % des parturientes ou plus de 10 % des personnes décédées dans un établissement public de santé comportant une maternité et situé sur le territoire d’une autre commune comptant moins de 3 500 habitants contribuent financièrement aux dépenses exposées par cette autre commune pour la tenue de l’état civil et l’exercice des actes de police des funérailles si le rapport entre le nombre des naissances constatées dans cet établissement et la population de la commune d’implantation dépasse 40 %.
La contribution de chaque commune est fixée en appliquant aux dépenses visées au premier alinéa la proportion qui est due aux habitants qui ont leur domicile sur son territoire dans le nombre total d’actes d’état civil ou, selon le cas, de police des funérailles constaté dans la commune d’implantation. La contribution est due chaque année au titre des dépenses constatées l’année précédente.
À défaut d’accord entre les communes concernées, la contribution de chaque commune est fixée par le représentant de l’État dans le département du siège de l’établissement public de santé."
Désormais, cet article sera rédigé en ces termes
L’art. L. 2321-5 du même Code est ainsi modifié :
Le premier alinéa est ainsi rédigé :
"Les communes dont les habitants représentent, au titre d’une année, plus de 1 % des parturientes ou plus de 1 % des personnes décédées dans un établissement public de santé comportant une maternité et situé sur le territoire d’une autre commune comptant moins de 10 000 habitants contribuent financièrement aux dépenses exposées par cette autre commune pour la tenue de l’état civil et l’exercice des actes de police des funérailles si le rapport entre le nombre des naissances constatées dans cet établissement et la population de la commune d’implantation dépasse 30 %."
…
Au dernier alinéa, après le mot : "concernées", sont insérés les mots : "sur leurs contributions respectives ou de création d’un service commun chargé de l’exercice de ces compétences".
On remarquera qu’il s’agit surtout de jouer sur les seuils de déclenchement de cette solidarité, puisque si auparavant celle-ci se déclenchait à partir d’un double seuil qui exigeait que l’établissement de santé soit situé dans une commune de moins de 3 500 habitants, ce seuil est désormais relevé à 10 000 habitants et moins ; et là où le nombre de décès enregistré était de 10 % provenant d’une autre commune, il est désormais abaissé à 1 %. Enfin, on remarquera tout, particulièrement, la possibilité que ces communes se concertent afin de créer un service commun chargé de la compétence "police des funérailles". Nous voici donc devant une possibilité d’intercommunalisation qui ne dit pas son nom des missions dévolues au maire en matière d’obsèques des personnes dépourvues de ressources suffisantes.
Philippe Dupuis
Consultant au Cridon, chargé de cours à l’université de Valenciennes, formateur en droit funéraire pour les fonctionnaires territoriaux au sein des délégations du CNFPT
Résonance n°113 - Septembre 2015
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