Professionnels du funéraire, évitez de dire que vous êtes "habilités" alors que vous êtes "compétents" (ce qui est déjà bien !) : vous montrerez ainsi que vous maîtrisez la langue française !
Pierre Larribe, responsable juridique de la CPFM. |
Du bon usage de la langue française…
Si l’on peut dire qu’une entreprise est "habilitée" à fournir des prestations funéraires, on ne peut pas en dire autant d’un employé, ni même du dirigeant de cette entreprise.
Depuis la loi du 9 janvier 1993, les entreprises, les associations et les régies qui fournissent des prestations du service extérieur des pompes funèbres (et chacun de leurs établissements) doivent être titulaires d’une habilitation délivrée par la préfecture du département où l’établissement est implanté.
Pour mémoire, l’habilitation est délivrée au vu de quatre critères :
- L’entreprise (l’association ou la régie) doit justifier de sa forme juridique et d’être à jour du paiement de ses impôts et taxes.
- Le dirigeant de l’entreprise (de l’association ou de la régie) doit être français (ou "européen") et être "de bonne moralité" (ne pas avoir fait l’objet de condamnation pour un crime ou un délit dont la liste est fixée légalement, ni avoir fait l’objet de faillite).
- Les équipements de l’entreprise, qui doivent respecter des critères techniques fixés par la réglementation (véhicules, chambre funéraire, crématorium), font l’objet de contrôles (avec certificat de conformité).
- L’entreprise doit justifier de la compétence du personnel qui participe à l’activité du service extérieur des pompes funèbres (depuis le dirigeant jusqu’aux porteurs en passant par le personnel d’accueil, les maîtres de cérémonie, les conseillers funéraires et le personnel d’encadrement).
SI l’on fait attention aux termes que l’on utilise, c’est en tant que personne morale qu’une entreprise (une association ou régie) est "habilitée". En droit français, une personne morale est un groupement doté de la personnalité juridique. Ce groupement peut réunir soit plusieurs personnes physiques, soit des personnes physiques et des personnes morales, voire n’être constitué que d’une seule personne physique (artisan, auto-entrepreneur…). La personne morale est identifiée par un numéro SIRET (numéro SIREN pour les établissements). La personne physique est identifiée par son numéro RNIPP (Répertoire National d’Identification des Personnes Physiques, tenu par l’INSEE).
En revanche, dire qu’une personne physique est "habilitée" à exercer une prestation funéraire est une erreur que l’on observe fréquemment (même dans des supports de qualité…). Si l’on tient à être précis, les personnes physiques (dirigeants ou salariés d’entreprise, fonctionnaires salariés d’une régie, bénévoles d’une association…) sont "compétentes" et peuvent justifier de leur "capacité professionnelle" à exercer leurs fonctions (cf. les articles D. 2223-34 à D. 2223-37 du Code Général des Collectivités Territoriales – CGCT). Les critères administratifs de compétence sont définis réglementairement (diplômes et attestations de suivi de formation).
Un débat est en cours sur le niveau de compétence auquel doit répondre l’auto-entrepreneur (personne physique) pour que "l’auto-entreprise" (personne morale) puisse être habilitée à assurer des prestations du service extérieur des pompes funèbres.
L’artisan, dont l’entreprise a souvent un statut "en nom propre" et qui s’identifie à son entreprise et à son activité, peut être amené à se penser "habilité". Mais juridiquement, l’habilitation est bien accordée à son "entreprise" (personne morale), même si cette entreprise fonctionne au quotidien en ne reposant que sur une seule personne physique. Les thanatopracteurs, en particulier, se disent fréquemment "habilités" alors que, juridiquement, ils sont "diplômés" et ils œuvrent (soit en tant que salariés, soit en tant qu’artisans ou entrepreneurs individuels) au sein d’une entreprise qui, elle, est "habilitée".
Ainsi, quand il est question d’une opération mortuaire qui ne peut être réalisée que par une entreprise (ou une régie ou une association) habilitée, par exemple une exhumation, il est inadapté de dire que seul du personnel "habilité" peut réaliser cette opération.
Par ailleurs, il existe une utilisation fréquente du mot "habilité" dans le langage courant qui traduit le fait que la personne peut être considérée comme apte à réaliser une action, simplement parce qu’elle est en mesure de le faire, sans faire référence à une encadrement réglementaire (par exemple, on peut entendre : "Ayant assisté à cet évènement, je suis habilité à vous en parler").
Ceci peut entraîner un autre niveau de confusion, en particulier lorsque l’on évoque le secteur funéraire. Ainsi, à propos des "toilettes funéraires", il est fréquent d’entendre des interrogations sur les personnes "habilitées" à les mettre en œuvre… ! Il est clair que, dans cette formulation, la notion d’habilitation renvoie à celle de l’aptitude technique (et confessionnelle dans le cas de toilette rituelle) à réaliser une "toilette funéraire" et non pas à la notion d’habilitation préfectorale accordée à une entreprise. D’autant plus que la notion de toilette funéraire ne répond pas à une définition réglementaire, mais seulement à un usage. Rien n’interdit à des parents de réaliser la toilette funéraire de leur défunt, voire de demander à des personnes du voisinage (s’ils s’en considèrent comme capables) de leur rendre ce service.
Le fait que très souvent ce service soit demandé aux entreprises de pompes funèbres (et également proposé par elles) a eu tendance à généraliser l’idée qu’il s’agissait d’une prestation réglementée, juridiquement encadrée, dont la réalisation incombait de façon exclusive à du personnel spécialisé !
Il convient de bien distinguer et identifier les opérations techniques spécifiques – comme le sont les soins de thanatopraxie – qui font l’objet d’un encadrement précis et qui ne peuvent être effectuées que par des personnes "compétentes" œuvrant au sein d’entreprises "habilitées".
Pierre Larribe
CPFM
Résonance n°113 - Septembre 2015
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