Plusieurs auto-entrepreneurs habilités dans le domaine funéraire, dont les sièges sociaux sont particulièrement situés dans le Gard, l’Hérault et le Vaucluse, ont été confrontés à des difficultés soulevées par les URSAFF et la DIRECCTE PACA quant au recours occasionnel par des opérateurs funéraires habilités, dans le cadre de contrats de sous-traitance, des missions entrant dans le champ d’application des éléments du service extérieur des pompes funèbres, tels que définis à l’art. L. 2223-19 du Code Général des Collectivités Territoriales (ancien art. 1er de la loi du 8 janvier 1993).
L’écueil, semble-t-il, majeur, auquel ces collaborations pourraient se heurter, malgré deux lettres en date des 24 juin 2015 et 8 juillet 2015 du préfet de Vaucluse, globalement rassurantes, apportant des précisions sur le statut d’auto-entrepreneur en faisant uniquement référence au respect du droit funéraire, tel que résultant des dispositions contenues dans le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), porterait sur des actes de concurrence déloyale, voire au plus de travail dissimulé.
Dans une lettre d’information établie sous le timbre de l’URSSAF Provence-Alpes-Côte d’Azur, portant également, in fine, les indications relatives à la DIRECCTE PACA et l’URSSAF PACA, dont il conviendra de relever qu’elle ne comportait aucune date, ni numéro d’enregistrement pour son ampliation, était spécifiquement évoquée "la lutte contre le travail illégal, donc le travail dissimulé qui constitue légalement une fraude, tout en spécifiant qu’outre le régime des sanctions applicables à ces cas concrets, l’URSSAF souhaite, également, orienter ses actions vers une démarche de prévention et d’information".
Cette lettre d’information semblait, néanmoins, viser "la branche professionnelle dans laquelle vous exercez votre activité qui a ainsi fait l’objet de contrôles, qui ont pu dans un certain nombre de cas entraîner le constat de situations litigieuses susceptibles de fausser les règles d’une concurrence saine et loyale".
Cette opinion était confortée par les écrits qui suivent :
"Il nous semble de ce fait important de rappeler que l’analyse des conditions d’exercice de l’activité des prestataires agents de cérémonies funéraires, soi-disant indépendants, aboutit à conclure à une situation de salariat et donc à un redressement pour travail dissimulé. La persistance dans le recours à ces faux statuts constitue le caractère intentionnel de cette infraction."
Puis, à la suite de ces précisions, l’auteur de cette lettre d’information rappelait les pénalités applicables au travail dissimulé (3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende, peines doublées en cas de récidive (articles L. 8224-1 et L. 8224-2 du Code du travail), sans omettre les peines complémentaires susceptibles d’être prononcées (publication d’un jugement ou interdiction d’exercer l’activité professionnelle), ainsi que l’existence de sanctions civiles (redressements en cotisations par l’URSSAF, majorations de retard, aggravées par des dommages et intérêts, annulations d’exonérations ou de réductions de charges.
En conclusions, il était écrit :
"Les conséquences potentielles d’un contrôle URSSAF sont donc importantes. Dans le cas où vous seriez concerné, nous vous invitons à régulariser rapidement votre situation. Nos services se tiennent à votre disposition pour ce faire."
Cette lettre d’information n’avait en réalité aucun but pédagogique susceptible d’être qualifié de démarche d’information et de prévention, car se bornant à viser uniquement les "prestataires agents de cérémonies funéraires, soi-disant indépendants," sans spécifier les motifs pour lesquels leur intervention contractuellement décidée avec une entreprise de pompes funèbres habilitée, dans le cadre d’une sous-traitance, pourrait constituer un acte de travail dissimulé.
De surcroît, en aucun moment le terme "d’auto-entrepreneur" n’était utilisé, ce qui ne faisait que renforcer le flou qui ait exprimé dans cette lettre d’information et les buts visés, qui, semble-t-il, étaient, vraisemblablement, de décourager toute coopération entre les auto-entrepreneurs en règle avec l’ensemble des dispositions et contraintes légales et réglementaires, issues du droit du travail et du CGCT, voire de favoriser l’émergence d’une structure coopérative.
Dans un tel contexte, la question essentielle était de savoir si un auto-entrepreneur intervenant dans le cadre de la sous-traitance pour le compte d’un entrepreneur de pompes funèbres dûment habilité se trouverait dans une situation d’illégalité par rapport aux dispositions légales et réglementaires issues du droit du travail ou de la jurisprudence.
I - La définition du travail dissimulé et auto-entrepreneur : légalite de la sous-traitance des missions du service extérieur des pompes funèbres (telles que définies à l’art. L. 2223-19 du CGCT)
A/ La première définition est fournie à l’art. L. 8221-3 du Code du travail, modifié par la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011, art. 123.
"Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’activité, l’exercice à but lucratif d’une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l’accomplissement d’actes de commerce par toute personne qui, se soustrayant intentionnellement à ses obligations :
1° Soit n’a pas demandé son immatriculation au répertoire des métiers ou, dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, au registre des entreprises ou au registre du commerce et des sociétés, lorsque celle-ci est obligatoire, ou a poursuivi son activité après refus d’immatriculation, ou postérieurement à une radiation.
2° Soit n’a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l’administration fiscale en vertu des dispositions légales en vigueur. Cette situation peut notamment résulter de la non-déclaration d’une partie de son chiffre d’affaires ou de ses revenus ou de la continuation d’activité après avoir été radié par les organismes de protection sociale en application de l’art. L. 133-6-7-1 du Code de la sécurité sociale."
Il sera ici rappelé pour mémoire qu’en vertu de l’art. L. 133-6-7-1 du Code de la sécurité sociale : "À défaut de chiffre d’affaires ou de recettes ou de déclaration de chiffre d’affaires ou de revenus au cours d’une période d’au moins deux années civiles consécutives, un travailleur indépendant est présumé ne plus exercer d’activité professionnelle justifiant son affiliation au régime social des indépendants. Dans ce cas, la radiation peut être décidée par l’organisme de sécurité sociale dont il relève, sauf opposition formulée par l’intéressé dans le cadre d’une procédure contradictoire dont les modalités sont précisées par décret en Conseil d’État. Elle prend effet au terme de la dernière année au titre de laquelle le revenu ou le chiffre d’affaires est connu…"
La notion d’activité à but lucratif :
Selon l’art. L. 8221-4 – Code du travail (ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007) :
"Les activités accomplies à titre lucratif, mentionnées à l’art. L. 8221-3, sont présumées, sauf preuve contraire, accomplies à titre lucratif :
1°) Soit lorsque leur réalisation a lieu avec recours à la publicité sous une forme quelconque en vue de la recherche de la clientèle ;
2°) Soit lorsque leur fréquence ou leur importance est établie ;
3°) Soit lorsque la facturation est absente ou frauduleuse ;
4°) Soit lorsque, pour des activités artisanales, elles sont réalisées avec un matériel ou un outillage présentant par sa nature ou son importance un caractère professionnel."
Il s’ensuit que les auto-entrepreneurs qui répondent à ces critères sont susceptibles d’être qualifiés d’exercer leurs activités dans un but lucratif, et que, de ce fait, les dispositions applicables au travail dissimulé leur sont opposables.
B/ La seconde repose sur les dispositions énoncées à l’art. L. 8221-5 du Code du travail, modifié par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, qui fournit la définition du travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié :
"Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :
1°) Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’art. L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;
2°) Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’art. L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre 2 du livre 1 de la partie 3 ;
3°) Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales."
Il conviendra de relever que l’art. L. 8221-5 du Code du travail ne s’applique, en fait, qu’au défaut d’emploi salarié et des règles qui le concernent.
Mais, pour autant, un auto-entrepreneur peut-il se livrer avec des entreprises exerçant leurs activités dans le domaine funéraire, et plus particulièrement celui des pompes funèbres, détentrices de l’habilitation prévue à l’art. L. 2223-23 du CGCT, à la conclusion de contrats de sous-traitance ?
II - Auto-entrepreneur et sous-traitance
À titre liminaire, il sera observé que, dans une lettre en date du 24 juin 2015, le préfet du Vaucluse mentionnait :
"Par ailleurs, un opérateur funéraire habilité peut confier à un ou plusieurs sous-traitants la réalisation de tout ou partie des prestations relevant du service extérieur des pompes funèbres. S’il fait appel à des sous-traitants, ceux-ci doivent être habilités pour la prestation qu’il sous-traite. Les sous-traitants doivent également être habilités pour chacune des prestations du service extérieur des pompes funèbres qu’il fournissent de manière habituelle aux familles et détenir également le diplôme de gérant d’une entreprise funéraire."
Il y a donc lieu de relever que le préfet du Vaucluse n’écartait nullement la faculté pour les opérateurs funéraires habilités de sous-traiter certaines prestations définies à l’art. L. 2223-19 du CGCT, dans la mesure où le sous-traitant serait considéré comme un opérateur funéraire habilité pour les éléments du service extérieur des pompes funèbres figurant dans l’arrêté préfectoral d’habilitation, détenteur du diplôme national de gérant ou chef d’une entreprise funéraire (décret n° 2012-608 du 30 avril 2012 relatif aux diplômes dans le secteur funéraire, et arrêté du même jour).
Selon la doctrine qui s’est penchée sur la situation des auto-entrepreneurs, une entreprise funéraire peut être tentée de faire appel à un auto-entrepreneur pour pallier une défection de personnel ou un pic exceptionnel d’activité. Théoriquement, tout du moins, il convient d’être particulièrement vigilant sur plusieurs points.
Ainsi, l’auto-entreprise ne peut en aucun cas se substituer à l’intérim ou aux vacataires, pour faire du portage, par exemple. L’auto-entrepreneur est considéré comme un travailleur indépendant missionné pour fournir un bien ou un service, conformément aux prérogatives de l’entreprise, mais sous un rapport de client à fournisseur et non hiérarchiquement d’employé à employeur.
Ainsi, si l’Inspection du travail découvrait qu’une société funéraire emploie des auto-entrepreneurs, toujours les mêmes, régulièrement, afin d’effectuer l’activité courante de l’entreprise, et démontrait que la tâche pourrait justifier l’emploi d’intérimaires ou de vacataires, elle pourrait, le cas échéant, enclencher une procédure pour "travail dissimulé".
Le Conseil d’État a précisé qu’un auto-entrepreneur pouvait être considéré comme un travailleur dissimulé si celui-ci exécutait sa tâche "régulièrement et dans les conditions du salariat". Une entreprise funéraire qui emploie des auto-entrepreneurs devra donc être, en cas de contrôle, en mesure de démontrer que ceux-ci sont là pour effectuer une tâche spécifique et/ou spécialisée dans le cadre d’un surcroît d’activité de l’entreprise.
Ces commentaires sont fondés sur la décision du Conseil d’État, en date du 11 novembre 2014, n° 385569, qui a eu à connaître le recours d’une entreprise employant régulièrement un auto-entrepreneur, contre une ordonnance n° 1425041/9 du 3 novembre 2014 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l’art. L. 521-2 du Code de justice administrative, avait rejeté sa demande tendant, à titre principal, à l’annulation de l’arrêté en date du 29 octobre 2014 par lequel le préfet de police avait ordonné la fermeture de son établissement pour une durée de 15 jours et, subsidiairement, à la suspension de cet arrêté.
Au titre des moyens exposés dans la requête, la société appelante soutenait que le juge de premier degré avait qualifié de manière erronée la relation existant entre M. P., auto-entrepreneur indépendant, et la société IDEAC en y voyant une relation de salariat non déclarée ;
Que la sanction prononcée était disproportionnée eu égard à l’absence de récidive et à la proportion de salariés concernés ;
Que la décision contestée portait une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales de commerce et d’industrie."
Le Conseil d’État a motivé sa décision en ces termes :
"Considérant qu’aux termes de l’art. L. 8221-5 du Code du travail :
Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’art. L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’art. L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie (...) ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci (...)."
- Qu’aux termes du I de l’art. L. 8221-6 du même Code :
"Sont présumées ne pas être liées avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation ou inscription (...)
4° Les personnes physiques relevant de l’art. L. 123-1-1 du Code de commerce ou du V de l’art. 19 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat."
- Qu’enfin, aux termes du II de ce même art. :
"L’existence d’un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci.
Dans ce cas, la dissimulation d’emploi salarié est établie si le donneur d’ordre s’est soustrait intentionnellement par ce moyen à l’accomplissement des obligations incombant à l’employeur mentionnées à l’art. L. 8221-5."
- Considérant qu’aux termes de l’art. L. 8272-2 du Code du travail :
"Lorsque l’autorité administrative a connaissance d’un procès-verbal relevant une infraction prévue aux 1° à 4° de l’art. L. 8211-1, elle peut, eu égard à la répétition et à la gravité des faits constatés et à la proportion de salariés concernés, ordonner par décision motivée la fermeture de l’établissement ayant servi à commettre l’infraction, à titre provisoire et pour une durée ne pouvant excéder trois mois." ; qu’aux termes de l’art. L. 8211-1 de ce même Code :
"Sont constitutives de travail illégal, dans les conditions prévues par le présent livre, les infractions suivantes :
1° Travail dissimulé ; (...) " ; que, par un arrêté du 27 octobre 2014 pris sur le fondement de ces dispositions, le préfet de police a décidé la fermeture immédiate pour quinze jours de l’établissement exploité par la société IDEAC, au motif que M. P., employé par cette société en qualité d’auto-entrepreneur pour assurer des tâches de nettoyage des locaux de réunion et de loisirs qu’elle met à la disposition de sa clientèle, exerçait en réalité dans les conditions du salariat et n’avait, intentionnellement, fait l’objet de la part du gérant de la société d’aucune déclaration d’emploi salarié."
- "Considérant, d’une part, qu’il résulte de l’instruction, ainsi que des éléments recueillis lors de l’audience publique, que la société IDEAC était, à la date des faits reprochés, la seule à employer les services de M. P., auquel elle fournissait l’ensemble des instruments nécessaires à son activité ; que le détail des tâches confiées à ce dernier l’était par voie d’instructions directes du gérant de la société, la consistance précise du service à rendre n’étant pas mentionnée dans "l’accord de prestation de service" conclu entre la société IDEAC et M. P. ; que, par suite, le préfet de police n’a pas qualifié de manière manifestement inexacte la situation de travail de M. P. en estimant qu’elle revêtait les caractères de l’emploi salarié."
Ainsi, le Conseil d’État a confirmé en tous points la décision du tribunal administratif le 3 novembre 2014 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l’art. L. 521-2 du Code de justice administrative, avait rejeté sa demande tendant, à titre principal, à l’annulation de l’arrêté en date du 29 octobre 2014 par lequel le préfet de police avait ordonné la fermeture de son établissement pour une durée de 15 jours, en précisant que le préfet de police n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en fixant à quinze jours la durée de la fermeture des locaux eu égard à la gravité du recours à un faux statut de travailleur indépendant qui permettait à cette société de faire travailler M. P. à un tarif horaire inférieur au minimum légal.
Commentaires :
C’est sur le fondement de cette décision, unique en cette matière, que la doctrine s’est livrée à une exégèse, en étendant les conséquences de cet arrêt du Conseil d’État aux auto-entrepreneurs habilités dans le domaine funéraire, alors que force est de constater que le cas soumis à la censure du Conseil d’État était particulièrement et notoirement différent, puisque l’auto-entrepreneur concerné n’exerçait pas de profession réglementée, s’agissant de "tâches de nettoyage des locaux de réunion et de loisirs que l’entreprise cliente mettait à la disposition de sa clientèle", travaux susceptibles d’être exécutés par toute personne non qualifiée.
Or, assurer des prestations de services dans le cadre d’un contrat de sous-traitance dans le domaine funéraire suppose, ainsi que le préfet du Vaucluse l’a spécifiquement exposé dans sa lettre en date du 24 juin 2015, que l’auto-entrepreneur sous-traitant soit détenteur :
1° D’une habilitation préfectorale, comportant l’énumération des missions du service extérieur des pompes funèbres dont le contenu est fourni à l’art. L. 2223-19 du CGCT ;
2° Du diplôme de chef ou directeur d’une entreprise funéraire habilitée, dans les conditions imposées par le décret no 2012-608 du 30 avril 2012 relatif aux diplômes dans le secteur funéraire et l’arrêté ministériel du même jour.
À ces conditions, nous ajouterons l’exigence de la conclusion d’une convention ou d’un contrat de sous-traitance, dont les modalités et le contenu sont prévus à l’art. L. 441-6 du Code de commerce, qui prescrit que tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur est tenu de communiquer ses conditions générales de vente à tout acheteur de produits ou tout demandeur de prestations de services qui en fait la demande pour une activité professionnelle.
Extraits de l’art. L. 441-6 du Code de commerce "Elles comprennent : - les conditions de vente ; - le barème des prix unitaires ; - les réductions de prix ; - les conditions de règlement (…) les conditions générales de vente constituent le socle unique de la négociation commerciale. Dans le cadre de cette négociation, tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur peut convenir avec un acheteur de produits ou demandeur de prestation de services de conditions particulières de vente qui ne sont pas soumises à l’obligation de communication prescrite au premier alinéa. Sauf dispositions contraires figurant aux conditions de vente ou convenues entre les parties, le délai de règlement des sommes dues est fixé au trentième jour suivant la date de réception des marchandises ou d’exécution de la prestation demandée, le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours à compter de la date d’émission de la facture. En cas de facture périodique, au sens du 3 du I de l’art. 289 du Code général des impôts, ce délai ne peut dépasser quarante-cinq jours à compter de la date d’émission de la facture. Les professionnels d’un secteur, clients et fournisseurs, peuvent décider conjointement de réduire le délai maximum de paiement fixé à l’alinéa précédent. Ils peuvent également proposer de retenir la date de réception des marchandises ou d’exécution de la prestation de services demandés comme point de départ de ce délai. Des accords peuvent être conclus à cet effet par leurs organisations professionnelles. Un décret peut étendre le nouveau délai maximum de paiement à tous les opérateurs du secteur ou, le cas échéant, valider le nouveau mode de computation et l’étendre à ces mêmes opérateurs. Les conditions de règlement doivent obligatoirement préciser les conditions d’application et le taux d’intérêt des pénalités de retard exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture ainsi que le montant de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement due au créancier dans le cas où les sommes dues sont réglées après cette date. Sauf disposition contraire qui ne peut toutefois fixer un taux inférieur à trois fois le taux d’intérêt légal, ce taux est égal au taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage. Dans ce cas, le taux applicable pendant le premier semestre de l’année concernée est le taux en vigueur au 1er janvier de l’année en question. Pour le second semestre de l’année concernée, il est le taux en vigueur au 1er juillet de l’année en question. Les pénalités de retard sont exigibles sans qu’un rappel soit nécessaire. Tout professionnel en situation de retard de paiement est de plein droit débiteur, à l’égard du créancier, d’une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dont le montant est fixé par décret. Lorsque les frais de recouvrement exposés sont supérieurs au montant de cette indemnité forfaitaire, le créancier peut demander une indemnisation complémentaire, sur justification. Toutefois, le créancier ne peut invoquer le bénéfice de ces indemnités lorsque l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire interdit le paiement à son échéance de la créance qui lui est due. I - La communication prévue au premier alinéa s’effectue par tout moyen conforme aux usages de la profession. II - Lorsque le prix d’un service ou d’un type de service ne peut être déterminé a priori ou indiqué avec exactitude, le prestataire de services est tenu de communiquer au destinataire qui en fait la demande la méthode de calcul du prix permettant de vérifier ce dernier, ou un devis suffisamment détaillé. III - Tout prestataire de services est également tenu à l’égard de tout destinataire de prestations de services des obligations d’information définies à l’art. L. 111-2 du Code de la consommation. |
En outre, afin de prévenir les difficultés susceptibles d’entraîner la requalification du contrat de sous-traitance, dans la convention ou le contrat seront déterminées :
1° La relation commerciale et hiérarchique entre l’entreprise cliente et l’auto-entrepreneur,
2° La nature et les modalités d’exercice des missions sous-traitées,
3° Le matériel dont l’auto-entrepreneur doit disposer pour réaliser son contrat de prestations de services puisqu’il est supposé posséder, comme un artisan, le matériel nécessaire à l’accomplissement de sa tâche, étant sollicité dans le cadre d’un service qu’il propose, sauf cas spécifique.
Ainsi, si l’on ne peut raisonnablement demander à un thanatopracteur de posséder son propre laboratoire et d’y effectuer les soins, un auto-entrepreneur qui effectuerait un transport funéraire devrait le faire à bord de son propre véhicule équipé et agréé après visite de conformité effectuée tous les trois ans et dans les six mois précédant la demande de renouvellement de l’habilitation, car conduire le véhicule de l’entreprise cliente pourrait, également, être assimilé à du travail dissimulé.
De fait, l’Inspection du travail pourrait se baser sur le Code des assurances : seuls les personnels inscrits au registre de la société ou au registre d’une société "fournisseuse de personnel" (intérim) pour lequel un contrat a été dressé sont habilités à user du matériel de l’entreprise et couverts par les assurances. Un auto-entrepreneur accidenté alors qu’il conduisait le véhicule de la société cliente pourrait voir, tout comme le propriétaire du véhicule, l’assurance refuser d’indemniser les conséquences d’un sinistre.
En fait, l’auto-entrepreneur, avant de se soucier de la légalité de son utilisation par une entreprise, doit avant tout être en règle lui-même.
D’abord, il se doit d’être immatriculé en tant que tel au régime du RSI, sachant que, depuis le 19 décembre 2014, tout auto-entrepreneur ayant une activité commerciale doit demander son immatriculation au Registre du Commerce et des Sociétés (RCS), et disposer d’un Kbis, ou au Répertoire des Métiers (RM). Cette obligation s’applique pour une activité principale ou secondaire, et doit être accomplie auprès du CFE (Centre de Formalités des Entreprises) de la CMA (Chambre de Métiers et de l’Artisanat).
Très important :
Sur le fondement de l’art. L. 8221-3 du Code du travail, modifié par la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011, art. 123, qui dispose :
"Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’activité, l’exercice à but lucratif d’une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l’accomplissement d’actes de commerce par toute personne qui, se soustrayant intentionnellement à ses obligations :
1° Soit n’a pas demandé son immatriculation au répertoire des métiers ou, dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, au registre des entreprises ou au registre du commerce et des sociétés, lorsque celle-ci est obligatoire, ou a poursuivi son activité après refus d’immatriculation, ou postérieurement à une radiation ;
2° Soit n’a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l’administration fiscale en vertu des dispositions légales en vigueur (…)" L’exercice à but lucratif d’une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de service par toute personne ayant demandé son immatriculation au répertoire des métiers ou, dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, au registre des entreprises ou au registre du commerce et des sociétés, ne peut donner lieu à qualification de travail dissimulé.
Par contre, selon les dispositions de l’art. L. 8221-5 du Code du travail, modifié par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, une autre définition du travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié, semble avoir inspiré la doctrine, voire le Conseil d’État dans une espèce, il est vrai, particulièrement spécifique et limitée dont nous avons cerné les limites, puisqu’ est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :
1°) Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’art. L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;
2°) Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’art. L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre 2 du livre 1 de la partie 3 ;
3°) Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales."
Il conviendra de relever que l’art. L. 8221-5 du Code du travail ne s’applique, en fait, qu’au défaut d’emploi salarié et des règles qui le concernent, mais ne sanctionnent pas, spécifiquement, le recours à un auto-entrepreneur, en règle avec les dispositions énoncées à l’art. L. 8221-3 du Code du travail, modifié par la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011, art. 123.
Or, sauf à prouver que le recours à la sous-traitance aurait pour unique but de se soustraire à l’obligation d’embauche d’un salarié, avec les formalités que cela nécessite obligatoirement, force est d’admettre que de nombreuses entreprises funéraires ne peuvent embaucher des agents à temps complet, voire à temps partiel, dès lors que le marché des pompes funèbres est commercialement aléatoire et manque de stabilité, eu égard à de nombreuses spécificités tenant à la méconnaissance par les familles des dispositions tendant à garantir pleinement un régime concurrentiel.
En effet, ce dispositif relève, de l’information des familles (liste des opérateurs funéraires dressée annuellement par chacun des préfets des départements et ventilée par commune, devant être communiquée au public dans des lieux déterminés où la plupart du temps les proches des défunts ne se rendent pas ; exemple : locaux des services de l’état civil, puisque les formalités de déclaration des décès en mairie sont la plupart du temps accomplies par les opérateurs funéraires habilités (providence pour les familles), voire lorsque le décès se produit dans un établissement de santé public ou privé , social ou médico-social n’étant pas tenu de disposer de chambre mortuaire, le directeur ou responsable de l’établissement ayant la faculté de solliciter le transport du corps en chambre funéraire, ce qui place les proches du défunt dans un état de dépendance vis-à-vis de l’opérateur funéraire, gestionnaire de la chambre funéraire, ou bien parce que le contrat de vente de prestations funéraires par une entreprise de pompes funèbres n’est pas au nombre des actes les plus courants et habituels de la vie, et que le client mal informé est démuni devant le décès d’un proche, ce qui le rend particulièrement vulnérable à l’égard de nombreuses sollicitations.
C’est pourquoi le recours à la sous-traitance est autorisé, et les documents édités par les préfectures en vue de l’établissement d’un dossier de demande d’habilitation funéraire comportent spécifiquement des clauses permettant au déclarant de faire valoir ses choix en matière de sous-traitance.
Il s’ensuit que l’existence d’une entreprise ou association de pompes funèbres, voire une régie municipale (qui doit être soumise au Code des marchés publics), dépend de sa faculté à sous-traiter certaines tâches ou missions, et que l’embauche d’un agent à temps complet ou partiel lui est financièrement impossible, créant ainsi les conditions de la légalité du recours à un auto-entrepreneur habilité, exerçant une activité réglementée, non réellement substituable.
L’auto-entrepreneur se doit, également, en matière de funéraire, de se mettre en conformité avec la législation sur les métiers réglementés. Il doit, en tant qu’entité indépendante d’une structure tierce – on comprendra qu’il est seul à son compte –, disposer d’un numéro d’habilitation funéraire. Le prétendant devra donc faire une demande d’habilitation à la préfecture, et fournir soit son diplôme, soit son attestation de formation, étant entendu que, pour les thanatopracteurs, l’exercice en tant qu’auto-entrepreneur ne dispense nullement de l’inscription au registre des artisans de la chambre des métiers, ainsi que cela a été précisé supra.
Ainsi, comme l’a précisé opportunément le préfet du Vaucluse, dans ses deux lettres précitées, l’auto-entrepreneur devra respecter les textes en vigueur, tels :
- Articles L. 2223-19 et L. 2223-23 du CGCT ;
- Art. D. 2223-55-3 sur la détention du diplôme de dirigeant d’entreprise (diplôme de conseiller funéraire (140 h) + 42 heures de formation complémentaire à la gestion d’une entreprise ;
- Art. L. 2223-25 du CGCT sur les sanctions susceptibles d’être infligées par le préfet (suspension ou retrait d’habilitation) ;
- Art. L. 2223-35 du CGCT sur les infractions pénales, savoir :
"Le fait de diriger en droit ou en fait une régie, une entreprise ou une association ou un établissement sans l’habilitation ou lorsque celle-ci est suspendue ou retirée en application de l’art. L. 2223-25 est puni d’une amende de 75 000 €.
- La violation des dispositions des articles L. 2223-31 à L. 2223-34 est punie d’une amende de 75 000 €.
- Est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende le fait de proposer, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour obtenir d’une personne qui, à l’occasion de son activité professionnelle, a connaissance d’un décès, qu’elle fasse connaître aux entreprises ou associations fournissant les prestations énumérées à l’art. L. 2223-19 la survenance d’un décès ou qu’elle recommande aux familles les services d’une entreprise ou association déterminée.
- Est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende le fait, par une personne qui, à l’occasion de l’exercice de son activité professionnelle, a connaissance d’un décès, de solliciter ou d’agréer, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour faire connaître aux entreprises ou associations fournissant les prestations énumérées à l’art. L. 2223-19, la survenance d’un décès ou pour recommander aux familles les services d’une entreprise ou association déterminée.
Les personnes physiques coupables de l’une des infractions prévues au présent article encourent également les peines complémentaires suivantes :
1° L’interdiction des droits civiques, civils et de famille, suivant les modalités prévues par l’art. 131-26 du Code pénal ;
2° L’interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d’exercer une fonction publique ou d’exercer l’activité professionnelle ou sociale dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise ;
3° L’affichage ou la diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues à l’art. 131-35 du Code pénal."
Au bénéfice de tout ce qui précède et à l’aune des analyses des textes et jurisprudences en vigueur, nous sommes en mesure d’estimer que le contrat de sous-traitance de prestations funéraires conclu entre une entreprise de pompes funèbres (notion entendue largement et s’adressant à un opérateur funéraire habilité) et un auto-entrepreneur habilité dans le domaine funéraire, détenteur du diplôme l’autorisant à diriger en droit une entité funéraire habilitée par l’autorité préfectorale, s’agissant manifestement d’une activité réglementée, inscrit régulièrement au répertoire des métiers et ayant contractualisé avec son ou ses clients les conditions de l’exécution des prestations de services réalisées occasionnellement en sous-traitance, et fournissant son propre matériel en tant que de besoin, et en se référant aux directives émises par le préfet du Vaucluse par ses lettres en date des 24 juin 2015 et 8 juillet 2015, devrait être considéré comme légalement formé et non susceptible de donner lieu à une requalification en contrat de travail dissimulé.
Jean-Pierre Tricon
Résonance n°113 - Septembre 2015
Suivez-nous sur les réseaux sociaux :