L’arrêté du 28 janvier 2010 relatif à la hauteur de la cheminée des crématoriums et aux quantités maximales de polluants contenus dans les gaz rejetés à l’atmosphère (abrogeant l’arrêté du 29 décembre 1994) publié au Journal officiel du 16 février 2010 (p. 2883, texte n° 22) était attendu depuis le rapport consacré aux effets des métaux lourds sur l’environnement et la santé, publié en avril 2001, par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques du sénateur Gérard Miquel (http://www.senat.fr/rap/100-261/100-2611.pdf).
Ce texte prévoyait, dans son article 3, la mise aux normes dans un délai de huit ans à compter de la date de publication de l’arrêté pour les crématoriums en fonctionnement (c’est-à-dire ceux ayant reçu le certificat de conformité prévu à l’art. D. 2223-109 du CGCT), qui devaient néanmoins respecter d’ores et déjà les normes contenues dans l’annexe 2 de l’arrêté. Par ailleurs, pour les demandes de création ou d’extension de crématoriums, en cours d’instruction le 16 février 2010, s’appliqueront le même délai de huit années et l’obligation, dès la mise en fonctionnement, de respecter au minimum les normes de l’annexe 2. Or, la date butoir prévue par cet arrêté approche, lentement, certes, mais inexorablement. Rappelons juste que les obligations générées par cette réglementation peuvent être de celles au nombre desquelles la durée des crématoriums gérés en gestion déléguée peut être modifiée.
En effet, en vertu de l’art. L. 1411-2 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), "les conventions de délégation de service public doivent être limitées dans leur durée. Celle-ci est déterminée par la collectivité en fonction des prestations demandées au délégataire". Le juge administratif assure, quant à la durée des contrats, un contrôle minimum limité à l’erreur manifeste d’appréciation (CE, 23 juillet 1993, Cie générale des eaux, req. n° 138504, Rec. CE, p. 225, RFDA 1994, p. 252, note P. Terneyre). Est considéré comme entaché d’erreur manifeste d’appréciation le contrat dont la durée a été fixée à trente ans, alors que le délégataire n’a aucun investissement à réaliser ni, par suite, aucune installation à amortir (TA Lille, 23 février 1995, Préfet du Nord, JCP éd. G., 1996, IV, p. 464, RFDA 1996, p. 423, concl. Boulay).
En revanche, eu égard à sa nature et à sa complexité, une durée de 20 à 25 ans ne semble pas excessive pour la réalisation d’un crématorium et d’équipements cinéraires (Conseil d’État, 4 février 2009, n° 312411 ). Il convient aussi de remarquer que le juge administratif autorise la collectivité à indiquer dans son appel d’offres une durée potentielle, à la condition que cela ne lèse pas les candidats (Conseil d’État, 4 février 2009, n° 312411).
Concernant la limitation de la durée, il y a lieu de relever que le Conseil d’État a récemment considéré, à l’instar de la CAA de Marseille, que la durée normale d’amortissement d’une convention de délégation de service public doit faire l’objet d’une interprétation à la fois réaliste et pragmatique afin de laisser une marge de manœuvre aux collectivités territoriales qui peuvent adopter une approche économique du droit évitant d’aligner la durée de la convention sur celle de l’amortissement comptable des installations nécessaires à la gestion du service public (Cour administrative d’appel de Marseille, 18 décembre 2006, n° 04MA01644 ; CE, 11 août 2009, Société Maison Comba, req. n° 303517, RLCT n° 52, décembre 2009, p. 11, note E. Aubin) :
Cour administrative d’appel de Marseille, 18 décembre 2006, n° 04MA01644
"Considérant que, pour déléguer la construction et l’exploitation d’un crématorium et de divers bâtiments annexes, la commune d’Aix-en-Provence a utilisé la procédure prévue par les dispositions des articles L. 1411-1 et suivants du CGCT ; qu’à l’issue de cette procédure, le maire d’Aix-en-Provence a retenu la candidature de la Société des Crématoriums de France qui avait été classée première par la commission municipale de délégation du service public à l’issue de la séance du 26 octobre 2000 ; que le tribunal a annulé cette décision ainsi que la délibération du 15 février 2001 par laquelle le conseil municipal a autorisé son maire à signer ledit contrat avec la Société des Crématoriums de France, ainsi que la décision de rejet implicite du recours gracieux déposé par la société "Maison Comba", au motif que ce choix méconnaissait les dispositions de l’art. L. 1411-2 du CGCT selon lesquelles : "Les conventions de délégation de service public doivent être limitées dans leur durée. Celle-ci est déterminée par la collectivité en fonction des prestations demandées au délégataire. Lorsque les installations sont à la charge du délégataire, la convention de délégation tient compte, pour la détermination de sa durée, de la nature et du montant de l’investissement à réaliser et ne peut dans ce cas dépasser la durée normale d’amortissement des installations mises en œuvre."
"Considérant qu’eu égard à la diversité des modes de calcul possibles de la durée d’amortissement des installations à la charge du délégataire, à la complexité des installations concernées, et à l’incidence sur cette durée de divers éléments, tels que les tarifs des prestations, les charges diverses d’exploitation liées à la nature du service et aux exigences du délégataire, la durée normale d’amortissement des installations, au sens des dispositions de l’art. L. 1411-2 du CGCT, ne saurait se réduire à la durée d’amortissement comptable figurant dans les comptes prévisionnels des candidats, mais doit résulter d’un équilibre global entre ces différents éléments, que la négociation avec le candidat retenu doit permettre d’apprécier, de manière à déterminer la durée maximale de la convention."
Conseil d’État, 11 août 2009, n° 303517
"Considérant en deuxième lieu, qu’aux termes de l’art. L. 1411-2 du CGCT les conventions de délégation de service public doivent être limitées dans leur durée. Celle-ci est déterminée par la collectivité en fonction des prestations demandées au délégataire. Lorsque les installations sont à la charge du délégataire, la convention de délégation tient compte, pour la détermination de sa durée, de la nature et du montant de l’investissement à réaliser et ne peut dans ce cas dépasser la durée normale d’amortissement des installations mises en œuvre (...) ; qu’il résulte de ces dispositions que la durée normale d’amortissement des installations susceptible d’être retenue par une collectivité délégante, peut être la durée normalement attendue pour que le délégataire puisse couvrir ses charges d’exploitation et d’investissement, compte tenu des contraintes d’exploitation liées à la nature du service et des exigences du délégant, ainsi que de la prévision des tarifs payés par les usagers, que cette durée coïncide ou non avec la durée de l’amortissement comptable des investissements ; qu’en jugeant que la durée normale des investissements ne saurait se réduire par principe à la durée comptable mais résultait d’un équilibre global entre les différents éléments précités, la cour administrative d’appel de Marseille, qui n’avait pas à vérifier que la convention de délégation contenait elle-même les justificatifs de sa durée, n’a donc pas commis d’erreur de droit."
Philippe Dupuis
Consultant au Cridon, chargé de cours à l’université de Valenciennes, formateur en droit funéraire pour les fonctionnaires territoriaux au sein des délégations du CNFPT
Résonance hors-série #1 - Spécial Crémation - Août 2015
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