À l’heure où l’intercommunalité semble être la nouvelle pierre angulaire de l’organisation territoriale, il est loisible de constater que, depuis longtemps, le cimetière est concerné par cette problématique. Voici donc la présentation de l’état du droit sur ce point précis. Si le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) impose aux communes de posséder un cimetière, il peut advenir que celui-ci ne soit pas automatiquement situé sur le territoire communal : il est tout à fait envisageable qu’une commune ait implanté son cimetière sur le territoire d’une autre commune. Indirectement, le CGCT prévoit d’ailleurs cette possibilité, puisque l’art. R. 2213-31 du CGCT dispose que : "Toute inhumation dans le cimetière d’une commune est autorisée par le maire de la commune du lieu d’inhumation. Tout cimetière affecté en totalité ou en partie à la desserte d’une commune est considéré comme y étant situé même s’il se trouve hors des limites territoriales de cette commune."
Le cimetière communal implanté à l’extérieur de la commune
On relèvera une exception au champ d’application du pouvoir de police du maire, puisque le maire de la commune propriétaire y exercera toutes les attributions qui devraient être normalement dévolues au maire de la commune d’implantation. De plus, nous savons que le juge, par son arrêt "Cauchoix", a transféré au maire les pouvoirs de gestion, normalement dévolus au conseil municipal, afin d’établir un bloc de compétence au profit de celui-ci. Dans un tel cas de figure, c’est donc le maire de la commune propriétaire qui délivrera les concessions funéraires, par exemple. L’art. R. 2213-31 invite également à penser qu’il en ira de même pour l’autorisation d’inhumation.
On remarquera l’emploi de l’expression "affecté en totalité ou en partie à la desserte d’une commune". Le Code prévoit donc qu’un cimetière puisse être partagé par plusieurs communes. Cette possibilité avait déjà été reconnue par la jurisprudence de la Cour de cassation, par un arrêt de la commune d’Isle-Aumont du 12 avril 1902 (Pd. 1904. I. 497 ; cité par Georges Chaillot, "Le Droit des sépultures en France", p. 60, édition Pro Roc). Le Gouvernement rappelle opportunément cette possibilité.
Rép. min. QE, JOAN Q, 4 décembre 1989, p. 5345, no 17100
M. Jean-Louis Masson rappelle à M. le ministre de l’Intérieur qu’il arrive fréquemment en Alsace-Lorraine que plusieurs communes aient un cimetière commun. Lorsque l’une des communes ainsi concernées refuse de participer aux frais de financement de l’extension du cimetière, il souhaiterait savoir dans quelles conditions il est possible de l’y obliger ou de l’exclure du bénéfice de l’extension si les autres localités décident malgré tout de financer à elles seules les travaux nécessaires.
Réponse
"L’existence de cimetières intercommunaux ne constitue pas une particularité propre aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. De tels cimetières peuvent être gérés soit dans le cadre d’un Établissement Public de Coopération Intercommunal (EPCI), soit dans le cadre d’un accord entre les collectivités intéressées. Dans le premier cas, la contribution des communes présente le caractère d’une dépense obligatoire ; si une commune refuse de s’acquitter de cette dépense, le représentant de l’État dans le département saisit la chambre régionale des comptes en application de l’art. 11 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982. Dans les autres cas, la participation d’une collectivité locale aux dépenses revêt un caractère contractuel. Toutefois, l’art. L. 261-4 (6°) du Code des communes dispose que les frais de création et d’entretien des cimetières constituent une dépense obligatoire. Il en résulte, sous réserve de l’appréciation des tribunaux, qu’une collectivité locale qui refuse de participer aux dépenses d’un cimetière intercommunal peut être mise dans l’obligation de créer son propre cimetière."
Ainsi, il est possible que les communes se trouvant dans cette situation contractualisent leurs droits et obligations réciproques. Il en résultera en pratique que le cimetière sera soumistantôt à l’une, tantôt à l’autre quant à la gestion et à l’exercice des pouvoirs de police. Néanmoins, l’on constate des situations de fait qui, pour être anciennes, n’en sont pas moins illégales, et nécessiteraient d’être régularisées.
Réponse ministérielle n° 5300, JOAN, 26 février 2013
"Mme Marie-Jo Zimmermann rappelle à M. le ministre de l’Intérieur que, par question écrite n° 16830 (Journal officiel du Sénat du 20 janvier 2011), il a été évoqué le cas d’une paroisse d’Alsace-Moselle qui couvre le territoire d’une commune ainsi que l’annexe d’une autre commune. Le cimetière paroissial catholique est de ce fait également utilisé par l’annexe susvisée de la seconde commune. La réponse ministérielle indique que la loi du 14 février 1810 applicable aux fabriques d’églises ne peut servir de fondement à la participation de la seconde commune aux dépenses d’entretien ou d’extension du cimetière. Cependant, la commune siège de la paroisse n’a pas à supporter seule les dépenses relatives à un cimetière qui sert également à une autre commune. Elle lui demande donc si la commune qui gère le cimetière dispose d’un moyen pour obliger la seconde commune à participer aux dépenses qui concernent le cimetière. À défaut, elle lui demande si, en cas de refus persistant, elle peut refuser l’inhumation dans le cimetière paroissial des défunts domiciliés dans l’annexe de l’autre commune."
"En application de l’art. L. 2223-1 du CGCT, les charges d’entretien des cimetières incombent à chaque commune, qui doit aménager un terrain à cet effet. En application de l’art. L. 2223-3 du même Code, la sépulture dans le cimetière d’une commune est due aux personnes décédées sur son territoire, à celles qui y étaient domiciliées ou qui y ont une sépulture de famille. Hormis ces cas, le maire d’une commune dont le budget supporte seul les charges d’entretien d’un cimetière n’est pas tenu d’autoriser les inhumations de personnes domiciliées dans une autre commune. La circonstance que la commune gestionnaire du cimetière constitue avec une portion du territoire de cette autre commune une même paroisse est à cet égard indifférente."
Le cimetière intercommunal
Il est tout a fait possible de gérer le cimetière soit par une communauté de communes ou d’agglomération, soit par une structure intercommunale telle qu’un syndicat. Les communautés urbaines et les nouvelles métropoles constituant un cas à part puisque cette compétence est obligatoire et non facultative. En effet, l’art. L. 5215-20 du CGCT dispose que : "La communauté urbaine exerce de plein droit, en lieu et place des communes membres, les compétences suivantes : […]
5° en matière de gestion des services d’intérêt collectif : […]
b) création et extension des cimetières créés."
La lecture de ce texte invite à considérer que les cimetières créés avant que la communauté urbaine n’existe restent de la compétence communale. Il faudra alors que les communes membres lui transfèrent par convention ces cimetières (circulaire du ministre de l’Intérieur n° 69-222 du 8 mai 1969, in G. d’Abbadie et C. Bouriot, Code pratique des opérations funéraires, Le Moniteur, 2004, 3e éd., p. 705-706, reproduite ci-après).
On relèvera tout particulièrement l’art. L. 5215-27 du CGCT qui énonce que : "La communauté urbaine peut confier, par convention avec la ou les collectivités concernées, la création ou la gestion de certains équipements ou services relevant de ses attributions à une ou plusieurs communes membres, à leurs groupements ou à toute autre collectivité territoriale ou établissement public. Dans les mêmes conditions, ces collectivités peuvent confier à la communauté urbaine la création ou la gestion de certains équipements ou services relevant de leurs attributions."
Encore une fois, pour d’évidentes raisons pratiques, c’est au maire de la commune du lieu d’implantation que sera le plus souvent confiée la gestion de cet équipement, sur lequel il exercera les pouvoirs de police. Néanmoins, lorsqu’il rédigera le règlement de cimetière, ce sera en association avec le président de la communauté urbaine.
En effet, toute la problématique réside dans l’exercice des pouvoirs de police. Pour caricaturer, depuis l’arrêt "Cauchoix", dans un cimetière la police est omniprésente, or, sauf exceptions légales (par exemple la police des édifices menaçant ruine dans le cimetière L. 511-4 Code de la construction et de l’environnement, où désormais dans les EPCI compétents en matière d’habitat ce n’est plus le maire qui est compétent de principe, mais le président de l’intercommunalité), la police est du ressort du maire. Toute la difficulté est alors d’opérer la répartition entre ce qui relève de la gestion, donc de la compétence de l’intercommunalité, et ce qui relève de la police, et donc de la compétence du maire. C’est la raison pour laquelle, la plupart du temps, une convention confie la gestion du cimetière intercommunal à la commune du lieu d’implantation. Néanmoins, qu’il nous soit permis de penser qu’une réflexion globale pourrait être menée avec profit sur ce point.
Philippe Dupuis
Formateur en droit funéraire pour les fonctionnaires territoriaux au sein des délégations du CNFPT
Les cimetières des communautés urbaines : circulaire du ministre de l’Intérieur n° 69-222 du 8 mai 1969 L’art. 4, de la loi n° 66-1069 du 31 décembre 1966 relative aux communautés urbaines précise que "sont transférées à la communauté urbaine les compétences des communes dans les domaines suivants : […] 9° Création de cimetières et extension des cimetières ainsi créés ; fours crématoires…". |
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