La cour administrative d’appel de Bordeaux, 6e chambre, formation 3, dans une décision rendue le 16 décembre 2011, n° 10BX01416, a eu à se prononcer sur la question de la reprise irrégulière d’une concession funéraire par la commune de Vézins-de-Lévézou, pour laquelle M. A demandait à la cour :
1 - D’annuler le jugement n° 0602589 en date du 26 février 2010, par lequel le tribunal administratif de Toulouse avait rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision implicite de rejet du maire de la commune de Vézins-de-Lévézou, en date du 21 juin 2006, portant sur la réparation du préjudice moral et matériel subi du fait de sa dépossession de la concession funéraire familiale occupée par les dépouilles de ses grands-parents, et des travaux réalisés sur le monument.
2 - D’annuler la décision implicite de rejet de sa demande d’indemnisation opposée par la commune, celle-ci ayant gardé un silence de plus de deux mois consécutivement au recours gracieux exposé par M. A.
3 - De condamner la commune de Vézins-de-Lévézou au paiement de la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du dépôt de la requête, ainsi que la capitalisation des intérêts sur le fondement de l’article 1154 du Code civil.
4 - D’enjoindre à la commune de lui restituer la concession familiale à perpétuité sous astreinte de 150 € par jour de retard, à compter de l’arrêt à intervenir.
5 - De condamner la commune de Vézins-de-Lévézou au paiement de la somme de 5 000 € sur le fondement de l’art. L. 761-1 du Code de justice administrative (frais exposés par M. A pour la défense de ses intérêts, plus particulièrement, les honoraires de l’avocat).
Pour la première fois en appel devant la cour administrative d’appel de Bordeaux, M. A avait produit l’acte en date du 17 mars 1929, portant concession à perpétuité au profit de Mme veuve B, d’un emplacement dans le cimetière de Vézins-de-Lévézou.
Qu’il était établi que M. B, grand-père du requérant, et Mme veuve B, son épouse, avaient été inhumés dans la tombe aménagée sur cet emplacement. Que, par suite, la cour avait légitimement estimé que c’était à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse, pour rejeter la requête de M. A, s’était fondé sur l’absence de tout acte susceptible d’établir la concession perpétuelle que M. A invoquait à son profit.
La cour administrative d’appel de Bordeaux, a considéré que saisie par l’effet dévolutif de l’appel, elle avait la possibilité, voire l’obligation, de statuer sur les autres moyens soulevés par M. A devant le tribunal administratif de Toulouse. À propos des conclusions à fin de réparation, la cour administrative d’appel de Bordeaux a, en premier lieu, considéré qu’aux termes de l’art. L. 2223-14 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) :
Les communes peuvent, sans toutefois être tenues d’instituer l’ensemble des catégories ci-après énumérées, accorder dans leurs cimetières :
- des concessions temporaires pour quinze ans au plus ;
- des concessions trentenaires ;
- des concessions cinquantenaires ;
- des concessions perpétuelles.
Que l’art. L. 2223-17 du CGCT, s’agissant en l’espèce d’une concession perpétuelle, prescrit :
"Lorsque, après une période de trente ans, une concession a cessé d’être entretenue, le maire peut constater cet état d’abandon par procès-verbal porté à la connaissance du public et des familles. Si, trois ans après cette publicité régulièrement effectuée, la concession est toujours en état d’abandon, le maire a la faculté de saisir le conseil municipal, qui est appelé à décider si la reprise de la concession est prononcée ou non.
Dans l’affirmative, le maire peut prendre un arrêté prononçant la reprise par la commune des terrains affectés à cette concession".
Qu’aux termes de l’art. R. 2223-13 du même Code, dans sa rédaction applicable à l’espèce :
"L’état d’abandon est constaté par un procès-verbal dressé par le maire ou son délégué après transport sur les lieux. Les descendants ou successeurs des concessionnaires, lorsque le maire a connaissance qu’il en existe encore, sont avisés un mois à l’avance, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, du jour et de l’heure auxquels a lieu la constatation. Ils sont invités à assister à la visite de la concession ou à se faire représenter. (...)".
Qu’il ressortait des pièces du dossier que, par un acte en date du 26 octobre 1950, la concession de la famille A, dont il n’était pas établi qu’elle aurait été en état d’abandon, et qui n’avait fait l’objet d’aucune mesure de reprise au sens de l’art. L. 2223-17 précité du CGCT, avait néanmoins été réattribuée à Mme C, laquelle n’y avait, cependant, fait procéder à aucune inhumation ; que cette réattribution était à l’origine de la dépossession de la famille A.
Pour la cour administrative d’appel de Bordeaux, les conditions dans lesquelles était intervenue la reprise, qui n’avait pas respecté les règles de forme (procédure de reprise nécessitant des constats d’abandon), mais aussi de fond (justification matérielle de l’état d’abandon), la réattribution de l’emplacement dédié à la sépulture des membres de la famille A, constituait une emprise irrégulière, qu’il n’appartenait qu’au juge judiciaire de connaître, et que, par suite, les conclusions tendant à la réattribution de la concession à la famille A, ainsi que l’indemnisation de cette dépossession ne pouvaient qu’être rejetées, comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Dans le cas où l’affaire en serait restée à ce stade, la cour administrative d’appel de Bordeaux n’aurait pu que décliner sa compétence au profit des juridictions civiles (Tribunal de grande instance).
Toutefois, la cour a pris en considération un autre évènement qui avait succédé à la reprise de la concession par la commune, car M. A avait constaté, sur la concession attribuée initialement à sa famille, la réalisation de travaux entrepris par M. D, lequel ne possédait sur cette concession d’autre titre que la vente à son profit, effectuée le 22 juillet 1989 par M. E, gendre de Mme C, de la concession réattribuée à cette dernière, et avalisée par la commune pour un prix symbolique.
La cour a rappelé, fort opportunément, qu’une concession funéraire ne pouvant donner lieu à cession et plus généralement à aucune opération lucrative, cette vente ne pouvait autoriser M. D à réaliser des travaux sur la tombe.
Que, par ailleurs, en cas de reprise de concession, l’art. R. 2223-20 du CGCT prescrit au maire de faire procéder à l’exhumation des restes des personnes inhumées et, pour chaque concession, de réunir ces restes dans un cercueil de dimensions appropriées. Or, il résultait de l’instruction que les restes mortels des ascendants de M. A auraient été, au mieux, rassemblés au fond du caveau, violant ainsi les dispositions réglementaires.
Qu’ainsi les conditions dans lesquelles ces travaux avaient été réalisés révélaient une faute du maire de Vézins-de-Lévézou dans l’exercice de ses pouvoirs de police, ce qui était condamnable, puisqu’il est constant que les actions tirées de l’inobservation des pouvoirs de police du maire, donc de la violation des textes législatifs ou réglementaires en cette matière, relèvent de la compétence des juridictions de l’ordre administratif.
Donc, après avoir décliné, dans un premier temps sa compétence, la cour administrative d’appel recouvrait ses prérogatives pour trancher un litige portant sur l’inexécution des obligations légales et réglementaires afférentes aux pouvoirs de police administrative du maire de la commune de Vézins-de-Lévézou.
En conséquence, elle a jugé qu’il devait être fait une juste appréciation des préjudices de toutes natures résultant pour M. A de l’atteinte portée aux restes de ses grands-parents en fixant à 10 000 € la somme destinée à les réparer, assortie des intérêts de droit à compter du 3 juillet 2006, date d’enregistrement de la requête de M. A devant le tribunal administratif de Toulouse.
En outre, le requérant, M. A, ayant demandé la capitalisation des intérêts dans son mémoire enregistré devant le tribunal administratif le 11 juillet 2008, cette demande devait prendre effet à compter du 12 juillet 2009, date à laquelle les intérêts étaient dus pour une année entière, et que par conséquent il y avait lieu d’accorder à M. A le bénéfice d’une nouvelle capitalisation des intérêts échus à chaque échéance annuelle, à compter de cette date.
En revanche, la cour administrative d’appel de Bordeaux est demeurée fidèle à sa logique première, qui l’avait conduite à décider que la dépossession de M. A et de sa famille de la concession funéraire reprise irrégulièrement, constituait une emprise irrégulière dont seuls les tribunaux de l’ordre judiciaire étaient compétents pour en connaître, en refusant d’accueillir les conclusions à fin d’injonction, fondées sur l’art. L. 911-1 du Code de justice administrative.
En vertu de cet article, lorsque la décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution.
Or, même si la cour a constaté que M. D ne pouvait justifier d’aucun titre régulier sur la concession perpétuelle revendiquée par M. A, il ressortait de l’instruction que la dépossession de M. A de sa concession résultait de son attribution à M. C, dans des conditions qui constituaient une emprise irrégulière, et que de ce fait, il n’appartenait qu’aux juridictions judiciaires de connaître ce litige, portant sur cette dépossession.
Qu’ainsi le présent arrêt de la cour n’impliquait pas que la commune de Vézins-de-Lévézou soit tenue de rétablir au profit de M. A, la jouissance de la concession, objet du litige.
Par suite, les conclusions à fin d’injonction présentées par M. A devaient être rejetées.
Sur le dispositif de l’arrêt de la cour administrative de Bordeaux :
1 – M. A a été reconnu fondé à soutenir que c’était à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux avait rejeté sa demande d’annulation de la décision implicite de rejet portant sur l’indemnisation de ses préjudices moraux et matériels.
2 - La commune de Vézins-de-Lévézou a été condamnée à payer à M. A la somme de 10 000 € en réparation du préjudice subi par l’exhumation irrégulière de ses ascendants, assortie des intérêts de droit à compter du 3 juillet 2006, et de la capitalisation des intérêts échus à chaque échéance annuelle à compter du 12 juillet 2009.
3 - Le bénéfice de l’art. L. 761-1 du Code de justice administrative, lui a été accordé en mettant à la charge de la commune de Vézins-de-Lévézou, la somme de 1 500 € au titre des frais exposés par M. A, non compris dans les dépens.
4 - Le surplus des conclusions de la requête de M. A a été rejeté, c’est-à-dire la demande d’injonction de restitution de la concession que la cour aurait pu imposer à la commune sous astreinte journalière, en rappelant sur ce point, que cette requête, du fait de l’existence d’une emprise irrégulière, ressortait de la compétence des juridictions judiciaires.
5 - Plus généralement, le jugement du tribunal administratif de Toulouse, en date du 26 février 2010, a été réformé en ce qu’il avait de contraire à ce présent arrêt.
Cette décision de la cour administrative d’appel de Bordeaux vaut pour au moins trois éléments, que nous rappellerons ci-après :
1 - La reprise irrégulière d’une concession funéraire par une commune, relève, en cas de contentieux, de la compétence des juridictions de l’ordre judicaire, selon le régime applicable aux emprises irrégulières.
2 - Le non-respect des pouvoirs de police du maire en matière d’inhumations, d’exhumations, relevant de la législation ou réglementation applicable, entre dans les compétences des juridictions administratives.
3 - Le principe de la réparation des préjudices moraux et matériels est confirmé pour les victimes directes des conséquences des fautes commises par un maire dans le domaine de l’exercice de ses pouvoirs de police administrative, et la condamnation prononcée sera de nature à servir, ultérieurement, de référence pour les demandes indemnitaires exprimées lors de la survenance de faits similaires.
À cet égard, dans un prochain article, nous évoquerons la problématique des indemnisations allouées par les juridictions administratives supérieures (Conseil d’État et cours administratives d’appel), en mettant en exergue les critères et tendances de ces juridictions, en cette matière.
Au vu des éléments déjà recueillis, on peut considérer que le montant de la somme allouée, soit au principal 10 000 €, s’inscrit pleinement dans le sens de l’évolution jurisprudentielle, dès lors que la confusion des corps déposés anarchiquement sur le fond du caveau, ce qui constituait un manque de respect dû aux morts, très significatif et présent dans l’affaire évoquée, justifiait une certaine rigueur de la cour.
1 - D’annuler le jugement n° 0602589 en date du 26 février 2010, par lequel le tribunal administratif de Toulouse avait rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision implicite de rejet du maire de la commune de Vézins-de-Lévézou, en date du 21 juin 2006, portant sur la réparation du préjudice moral et matériel subi du fait de sa dépossession de la concession funéraire familiale occupée par les dépouilles de ses grands-parents, et des travaux réalisés sur le monument.
2 - D’annuler la décision implicite de rejet de sa demande d’indemnisation opposée par la commune, celle-ci ayant gardé un silence de plus de deux mois consécutivement au recours gracieux exposé par M. A.
3 - De condamner la commune de Vézins-de-Lévézou au paiement de la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du dépôt de la requête, ainsi que la capitalisation des intérêts sur le fondement de l’article 1154 du Code civil.
4 - D’enjoindre à la commune de lui restituer la concession familiale à perpétuité sous astreinte de 150 € par jour de retard, à compter de l’arrêt à intervenir.
5 - De condamner la commune de Vézins-de-Lévézou au paiement de la somme de 5 000 € sur le fondement de l’art. L. 761-1 du Code de justice administrative (frais exposés par M. A pour la défense de ses intérêts, plus particulièrement, les honoraires de l’avocat).
Pour la première fois en appel devant la cour administrative d’appel de Bordeaux, M. A avait produit l’acte en date du 17 mars 1929, portant concession à perpétuité au profit de Mme veuve B, d’un emplacement dans le cimetière de Vézins-de-Lévézou.
Qu’il était établi que M. B, grand-père du requérant, et Mme veuve B, son épouse, avaient été inhumés dans la tombe aménagée sur cet emplacement. Que, par suite, la cour avait légitimement estimé que c’était à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse, pour rejeter la requête de M. A, s’était fondé sur l’absence de tout acte susceptible d’établir la concession perpétuelle que M. A invoquait à son profit.
La cour administrative d’appel de Bordeaux, a considéré que saisie par l’effet dévolutif de l’appel, elle avait la possibilité, voire l’obligation, de statuer sur les autres moyens soulevés par M. A devant le tribunal administratif de Toulouse. À propos des conclusions à fin de réparation, la cour administrative d’appel de Bordeaux a, en premier lieu, considéré qu’aux termes de l’art. L. 2223-14 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) :
Les communes peuvent, sans toutefois être tenues d’instituer l’ensemble des catégories ci-après énumérées, accorder dans leurs cimetières :
- des concessions temporaires pour quinze ans au plus ;
- des concessions trentenaires ;
- des concessions cinquantenaires ;
- des concessions perpétuelles.
Que l’art. L. 2223-17 du CGCT, s’agissant en l’espèce d’une concession perpétuelle, prescrit :
"Lorsque, après une période de trente ans, une concession a cessé d’être entretenue, le maire peut constater cet état d’abandon par procès-verbal porté à la connaissance du public et des familles. Si, trois ans après cette publicité régulièrement effectuée, la concession est toujours en état d’abandon, le maire a la faculté de saisir le conseil municipal, qui est appelé à décider si la reprise de la concession est prononcée ou non.
Dans l’affirmative, le maire peut prendre un arrêté prononçant la reprise par la commune des terrains affectés à cette concession".
Qu’aux termes de l’art. R. 2223-13 du même Code, dans sa rédaction applicable à l’espèce :
"L’état d’abandon est constaté par un procès-verbal dressé par le maire ou son délégué après transport sur les lieux. Les descendants ou successeurs des concessionnaires, lorsque le maire a connaissance qu’il en existe encore, sont avisés un mois à l’avance, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, du jour et de l’heure auxquels a lieu la constatation. Ils sont invités à assister à la visite de la concession ou à se faire représenter. (...)".
Qu’il ressortait des pièces du dossier que, par un acte en date du 26 octobre 1950, la concession de la famille A, dont il n’était pas établi qu’elle aurait été en état d’abandon, et qui n’avait fait l’objet d’aucune mesure de reprise au sens de l’art. L. 2223-17 précité du CGCT, avait néanmoins été réattribuée à Mme C, laquelle n’y avait, cependant, fait procéder à aucune inhumation ; que cette réattribution était à l’origine de la dépossession de la famille A.
Pour la cour administrative d’appel de Bordeaux, les conditions dans lesquelles était intervenue la reprise, qui n’avait pas respecté les règles de forme (procédure de reprise nécessitant des constats d’abandon), mais aussi de fond (justification matérielle de l’état d’abandon), la réattribution de l’emplacement dédié à la sépulture des membres de la famille A, constituait une emprise irrégulière, qu’il n’appartenait qu’au juge judiciaire de connaître, et que, par suite, les conclusions tendant à la réattribution de la concession à la famille A, ainsi que l’indemnisation de cette dépossession ne pouvaient qu’être rejetées, comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Dans le cas où l’affaire en serait restée à ce stade, la cour administrative d’appel de Bordeaux n’aurait pu que décliner sa compétence au profit des juridictions civiles (Tribunal de grande instance).
Toutefois, la cour a pris en considération un autre évènement qui avait succédé à la reprise de la concession par la commune, car M. A avait constaté, sur la concession attribuée initialement à sa famille, la réalisation de travaux entrepris par M. D, lequel ne possédait sur cette concession d’autre titre que la vente à son profit, effectuée le 22 juillet 1989 par M. E, gendre de Mme C, de la concession réattribuée à cette dernière, et avalisée par la commune pour un prix symbolique.
La cour a rappelé, fort opportunément, qu’une concession funéraire ne pouvant donner lieu à cession et plus généralement à aucune opération lucrative, cette vente ne pouvait autoriser M. D à réaliser des travaux sur la tombe.
Que, par ailleurs, en cas de reprise de concession, l’art. R. 2223-20 du CGCT prescrit au maire de faire procéder à l’exhumation des restes des personnes inhumées et, pour chaque concession, de réunir ces restes dans un cercueil de dimensions appropriées. Or, il résultait de l’instruction que les restes mortels des ascendants de M. A auraient été, au mieux, rassemblés au fond du caveau, violant ainsi les dispositions réglementaires.
Qu’ainsi les conditions dans lesquelles ces travaux avaient été réalisés révélaient une faute du maire de Vézins-de-Lévézou dans l’exercice de ses pouvoirs de police, ce qui était condamnable, puisqu’il est constant que les actions tirées de l’inobservation des pouvoirs de police du maire, donc de la violation des textes législatifs ou réglementaires en cette matière, relèvent de la compétence des juridictions de l’ordre administratif.
Donc, après avoir décliné, dans un premier temps sa compétence, la cour administrative d’appel recouvrait ses prérogatives pour trancher un litige portant sur l’inexécution des obligations légales et réglementaires afférentes aux pouvoirs de police administrative du maire de la commune de Vézins-de-Lévézou.
En conséquence, elle a jugé qu’il devait être fait une juste appréciation des préjudices de toutes natures résultant pour M. A de l’atteinte portée aux restes de ses grands-parents en fixant à 10 000 € la somme destinée à les réparer, assortie des intérêts de droit à compter du 3 juillet 2006, date d’enregistrement de la requête de M. A devant le tribunal administratif de Toulouse.
En outre, le requérant, M. A, ayant demandé la capitalisation des intérêts dans son mémoire enregistré devant le tribunal administratif le 11 juillet 2008, cette demande devait prendre effet à compter du 12 juillet 2009, date à laquelle les intérêts étaient dus pour une année entière, et que par conséquent il y avait lieu d’accorder à M. A le bénéfice d’une nouvelle capitalisation des intérêts échus à chaque échéance annuelle, à compter de cette date.
En revanche, la cour administrative d’appel de Bordeaux est demeurée fidèle à sa logique première, qui l’avait conduite à décider que la dépossession de M. A et de sa famille de la concession funéraire reprise irrégulièrement, constituait une emprise irrégulière dont seuls les tribunaux de l’ordre judiciaire étaient compétents pour en connaître, en refusant d’accueillir les conclusions à fin d’injonction, fondées sur l’art. L. 911-1 du Code de justice administrative.
En vertu de cet article, lorsque la décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution.
Or, même si la cour a constaté que M. D ne pouvait justifier d’aucun titre régulier sur la concession perpétuelle revendiquée par M. A, il ressortait de l’instruction que la dépossession de M. A de sa concession résultait de son attribution à M. C, dans des conditions qui constituaient une emprise irrégulière, et que de ce fait, il n’appartenait qu’aux juridictions judiciaires de connaître ce litige, portant sur cette dépossession.
Qu’ainsi le présent arrêt de la cour n’impliquait pas que la commune de Vézins-de-Lévézou soit tenue de rétablir au profit de M. A, la jouissance de la concession, objet du litige.
Par suite, les conclusions à fin d’injonction présentées par M. A devaient être rejetées.
Sur le dispositif de l’arrêt de la cour administrative de Bordeaux :
1 – M. A a été reconnu fondé à soutenir que c’était à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux avait rejeté sa demande d’annulation de la décision implicite de rejet portant sur l’indemnisation de ses préjudices moraux et matériels.
2 - La commune de Vézins-de-Lévézou a été condamnée à payer à M. A la somme de 10 000 € en réparation du préjudice subi par l’exhumation irrégulière de ses ascendants, assortie des intérêts de droit à compter du 3 juillet 2006, et de la capitalisation des intérêts échus à chaque échéance annuelle à compter du 12 juillet 2009.
3 - Le bénéfice de l’art. L. 761-1 du Code de justice administrative, lui a été accordé en mettant à la charge de la commune de Vézins-de-Lévézou, la somme de 1 500 € au titre des frais exposés par M. A, non compris dans les dépens.
4 - Le surplus des conclusions de la requête de M. A a été rejeté, c’est-à-dire la demande d’injonction de restitution de la concession que la cour aurait pu imposer à la commune sous astreinte journalière, en rappelant sur ce point, que cette requête, du fait de l’existence d’une emprise irrégulière, ressortait de la compétence des juridictions judiciaires.
5 - Plus généralement, le jugement du tribunal administratif de Toulouse, en date du 26 février 2010, a été réformé en ce qu’il avait de contraire à ce présent arrêt.
Cette décision de la cour administrative d’appel de Bordeaux vaut pour au moins trois éléments, que nous rappellerons ci-après :
1 - La reprise irrégulière d’une concession funéraire par une commune, relève, en cas de contentieux, de la compétence des juridictions de l’ordre judicaire, selon le régime applicable aux emprises irrégulières.
2 - Le non-respect des pouvoirs de police du maire en matière d’inhumations, d’exhumations, relevant de la législation ou réglementation applicable, entre dans les compétences des juridictions administratives.
3 - Le principe de la réparation des préjudices moraux et matériels est confirmé pour les victimes directes des conséquences des fautes commises par un maire dans le domaine de l’exercice de ses pouvoirs de police administrative, et la condamnation prononcée sera de nature à servir, ultérieurement, de référence pour les demandes indemnitaires exprimées lors de la survenance de faits similaires.
À cet égard, dans un prochain article, nous évoquerons la problématique des indemnisations allouées par les juridictions administratives supérieures (Conseil d’État et cours administratives d’appel), en mettant en exergue les critères et tendances de ces juridictions, en cette matière.
Au vu des éléments déjà recueillis, on peut considérer que le montant de la somme allouée, soit au principal 10 000 €, s’inscrit pleinement dans le sens de l’évolution jurisprudentielle, dès lors que la confusion des corps déposés anarchiquement sur le fond du caveau, ce qui constituait un manque de respect dû aux morts, très significatif et présent dans l’affaire évoquée, justifiait une certaine rigueur de la cour.
Jean-Pierre Tricon
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