Historique
Le cimetière demeure avant tout un lieu d'inhumation que devait posséder chaque commune puisque l'Église, originellement chargée de cette mission, n'a pas su gérer les dangers sanitaires que fait courir la présence de cadavres parmi les hommes. C'est donc l'hygiène qui se trouve à l'origine de la création d'un monopole des cimetières au profit des communes par le décret du 23 prairial an XII (voir M. Mélin, La police des cimetières : Thèse, Université de Paris, 1969
p. 4 ; voir également J.-P. Tricon et
A. Autran, La commune, l'aménagement et la gestion des cimetières : Berger-Levrault, 1979, p. 13).
Hésitations doctrinales sur la qualification du cimetière
Longtemps objets de débats (domaine public ou domaine privé), les caractères du cimetière sont aujourd'hui clairement posés : le cimetière fait partie du domaine public (il est parfois qualifié d'ouvrage public), appartient à une commune ou à un établissement public de coopération intercommunale et se trouve soumis au principe de laïcité (voir notamment M.-T. Viel, Droit funéraire et gestion des cimetières : coll. “Administration locale”, Berger-Levrault, 2e éd., 1999, p. 239).
Domanialité publique
Consacrée par le célèbre arrêt “Marécar” (CE, 28 juin 1935, Mougamadousadagnetoullah : DP 1936, 3, p. 20, concl. Latournerie, note M. Waline), la domanialité publique du cimetière, résultant de son affectation au service public, n'a jamais été remise en cause (CE, ass., 21 oct. 1955, Méline : Rec. CE 1955, p. 491. - CE, sect., 11 oct. 1957, Cts Hérail : AJDA 1957, p. 429, concl. Kahn) et connaît comme conséquence la qualification juridique du contrat de concession funéraire et son régime juridique particulier en ce qu'il déroge aux règles généralement applicables aux occupations du domaine public.
La qualification d'ouvrage public, quant à elle, résulte de l'arrêt du Conseil d'État “Consorts Ferry” (CE,
12 déc. 1986, n° 47627, Consorts Ferry : Rec. CE 1986, p. 429 ; AJDA 1987,
p. 283, obs. X. Prétot) : “Considérant que par un acte en date du 8 mai 1883 M. de Casaux a cédé gratuitement à la commune de Grez-sur-Loing un terrain d'une superficie de 16 ares environ destiné à l'agrandissement du cimetière communal, sous réserve d'une part que la commune prendrait à sa charge une partie des frais de clôture de ce terrain et d'autre part qu'elle laisserait un are en jouissance à la famille du donateur à titre de concession perpétuelle de sépulture ; que cet acte doit être regardé comme une offre de concours en vue de l'extension d'un ouvrage public”.
Cette notion d'ouvrage public aura naturellement des conséquences sur le régime de la responsabilité de la commune pour les dommages à l'origine desquels se trouve le cimetière, dès lors que seront distinguées les victimes pouvant être considérées comme tiers à l'ouvrage et les victimes pouvant être considérées comme usagers.
Cimetière communal ou intercommunal
La question du caractère obligatoire pour chaque commune de posséder un cimetière a également été longuement débattue. Depuis la loi
n° 85-772 du 25 juil. 1985 (Journal officiel 26 juil. 1985 ; voir notamment
P. Pellas, Le nouveau régime de localisation des cimetières : de la “relégation” à la “réinsertion” : JCP G 1987, I, 3297), la formulation de l'art. L. 2223-1 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) semblait apporter une réponse à ce débat ; en indiquant que “...chaque commune consacre à l'inhumation des morts un ou plusieurs terrains spécialement aménagés à cet effet”, cet article posait donc le principe que la commune pouvait ne pas être propriétaire du terrain dès lors qu'il lui était affecté (M.-T. Viel, précité, p. 222) ; toutefois, l'intervention, avec la codification de la partie législative du CGCT, du nouvel art. L. 2223-4 amenant le maire à affecter “à perpétuité” un emplacement pour l'ossuaire a remis à l'ordre du jour ce débat, certains auteurs considérant que le maire ne peut “affecter à perpétuité” si le cimetière n'appartient pas à la commune (G. Chaillot, Le droit funéraire français : éd. Pro Roc, 1997, t. 2, p. 54).
Il demeure que 3 situations existent en pratique :
- soit le cimetière se trouve sur le territoire de la commune et lui appartient ;
- soit le cimetière appartient à un établissement public de coopération intercommunale (syndicat ou communauté urbaine (art. L. 5215-20, 5°, b du CGCT) ;
- soit tout ou partie d'un cimetière situé sur le territoire d'une commune est affecté à la desserte d'une autre commune (dans ce cas le cimetière est censé être situé sur le territoire de la commune ; art. R. 2213-31 du CGCT).
Laïcité
Cette question est d'une grande actualité en raison des demandes de plus en plus pressantes pour la création au sein des cimetières de carrés confessionnels.
La loi du 14 nov. 1881 a abrogé l'art. 15 du décret du 23 prairial an XII qui prévoyait l'obligation pour les communes de réserver dans les cimetières une surface proportionnelle aux effectifs de fidèles des différents cultes et faisait aux familles obligation de déclarer le culte du défunt. Outre la loi du 15 nov. 1887 qui consacre la liberté des funérailles toujours applicable, le CGCT pose le principe de la neutralité du cimetière dans son art. L. 2213-9 en prohibant l'établissement de “distinctions ou de prescriptions particulières à raison des croyances ou culte du défunt”. Enfin, l'art. L. 2223-10 du même Code dispose que “aucune inhumation ne peut avoir lieu dans les églises, temples, synagogues, hôpitaux, chapelles publiques, et généralement dans aucun des édifices clos et fermés où les citoyens se réunissent pour la célébration de leurs cultes, ni dans l'enceinte des villes et bourgs”. Toutefois, ces règles ne s'appliquent qu'aux cimetières publics. Il convient, en effet, de relever qu'existent encore des cimetières privés - bien que leur création et leur agrandissement soient aujourd'hui prohibés (CE, 18 août 1944, Lagarrigue : Rec. CE 1944, p. 237. - CE, 13 mai 1964, Eberstarck : Rec. CE 1964, p. 288. - CA Aix, 1er fév. 1971, Rouquette : AJDA 1972, p. 111) - dans lesquels les inhumations sont toujours possibles. À l'exception que constituent ces cimetières privés, s'ajoute le régime législatif et réglementaire particulier que connaissent les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle (art. L. 2542-1 du CGCT).
Dans le rapport de la commission de réflexion sur l'application du principe de laïcité dans la République remis au président de la République le 11 déc. 2003, il est indiqué que : “La laïcité ne peut servir d'alibi aux autorités municipales pour refuser que des tombes soient orientées dans les cimetières. Il est souhaitable que le ministère de l'Intérieur invite au respect des convictions religieuses, notamment à l'occasion de l'expiration des concessions funéraires. En liaison avec les responsables religieux, la récupération des concessions doit se faire dans des conditions respectueuses des exigences confessionnelles, avec un aménagement des ossuaires adapté. Les collectivités pourraient se doter de comités d'éthique afin de permettre un dialogue avec les différentes communautés religieuses, et de régler les difficultés susceptibles de se poser” (V. également O. Guillaumont, Du principe de neutralité des cimetières et de la pratique des carrés confessionnels : JCP A 2004, act. 1799).
Le cimetière demeure avant tout un lieu d'inhumation que devait posséder chaque commune puisque l'Église, originellement chargée de cette mission, n'a pas su gérer les dangers sanitaires que fait courir la présence de cadavres parmi les hommes. C'est donc l'hygiène qui se trouve à l'origine de la création d'un monopole des cimetières au profit des communes par le décret du 23 prairial an XII (voir M. Mélin, La police des cimetières : Thèse, Université de Paris, 1969
p. 4 ; voir également J.-P. Tricon et
A. Autran, La commune, l'aménagement et la gestion des cimetières : Berger-Levrault, 1979, p. 13).
Hésitations doctrinales sur la qualification du cimetière
Longtemps objets de débats (domaine public ou domaine privé), les caractères du cimetière sont aujourd'hui clairement posés : le cimetière fait partie du domaine public (il est parfois qualifié d'ouvrage public), appartient à une commune ou à un établissement public de coopération intercommunale et se trouve soumis au principe de laïcité (voir notamment M.-T. Viel, Droit funéraire et gestion des cimetières : coll. “Administration locale”, Berger-Levrault, 2e éd., 1999, p. 239).
Domanialité publique
Consacrée par le célèbre arrêt “Marécar” (CE, 28 juin 1935, Mougamadousadagnetoullah : DP 1936, 3, p. 20, concl. Latournerie, note M. Waline), la domanialité publique du cimetière, résultant de son affectation au service public, n'a jamais été remise en cause (CE, ass., 21 oct. 1955, Méline : Rec. CE 1955, p. 491. - CE, sect., 11 oct. 1957, Cts Hérail : AJDA 1957, p. 429, concl. Kahn) et connaît comme conséquence la qualification juridique du contrat de concession funéraire et son régime juridique particulier en ce qu'il déroge aux règles généralement applicables aux occupations du domaine public.
La qualification d'ouvrage public, quant à elle, résulte de l'arrêt du Conseil d'État “Consorts Ferry” (CE,
12 déc. 1986, n° 47627, Consorts Ferry : Rec. CE 1986, p. 429 ; AJDA 1987,
p. 283, obs. X. Prétot) : “Considérant que par un acte en date du 8 mai 1883 M. de Casaux a cédé gratuitement à la commune de Grez-sur-Loing un terrain d'une superficie de 16 ares environ destiné à l'agrandissement du cimetière communal, sous réserve d'une part que la commune prendrait à sa charge une partie des frais de clôture de ce terrain et d'autre part qu'elle laisserait un are en jouissance à la famille du donateur à titre de concession perpétuelle de sépulture ; que cet acte doit être regardé comme une offre de concours en vue de l'extension d'un ouvrage public”.
Cette notion d'ouvrage public aura naturellement des conséquences sur le régime de la responsabilité de la commune pour les dommages à l'origine desquels se trouve le cimetière, dès lors que seront distinguées les victimes pouvant être considérées comme tiers à l'ouvrage et les victimes pouvant être considérées comme usagers.
Cimetière communal ou intercommunal
La question du caractère obligatoire pour chaque commune de posséder un cimetière a également été longuement débattue. Depuis la loi
n° 85-772 du 25 juil. 1985 (Journal officiel 26 juil. 1985 ; voir notamment
P. Pellas, Le nouveau régime de localisation des cimetières : de la “relégation” à la “réinsertion” : JCP G 1987, I, 3297), la formulation de l'art. L. 2223-1 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) semblait apporter une réponse à ce débat ; en indiquant que “...chaque commune consacre à l'inhumation des morts un ou plusieurs terrains spécialement aménagés à cet effet”, cet article posait donc le principe que la commune pouvait ne pas être propriétaire du terrain dès lors qu'il lui était affecté (M.-T. Viel, précité, p. 222) ; toutefois, l'intervention, avec la codification de la partie législative du CGCT, du nouvel art. L. 2223-4 amenant le maire à affecter “à perpétuité” un emplacement pour l'ossuaire a remis à l'ordre du jour ce débat, certains auteurs considérant que le maire ne peut “affecter à perpétuité” si le cimetière n'appartient pas à la commune (G. Chaillot, Le droit funéraire français : éd. Pro Roc, 1997, t. 2, p. 54).
Il demeure que 3 situations existent en pratique :
- soit le cimetière se trouve sur le territoire de la commune et lui appartient ;
- soit le cimetière appartient à un établissement public de coopération intercommunale (syndicat ou communauté urbaine (art. L. 5215-20, 5°, b du CGCT) ;
- soit tout ou partie d'un cimetière situé sur le territoire d'une commune est affecté à la desserte d'une autre commune (dans ce cas le cimetière est censé être situé sur le territoire de la commune ; art. R. 2213-31 du CGCT).
Laïcité
Cette question est d'une grande actualité en raison des demandes de plus en plus pressantes pour la création au sein des cimetières de carrés confessionnels.
La loi du 14 nov. 1881 a abrogé l'art. 15 du décret du 23 prairial an XII qui prévoyait l'obligation pour les communes de réserver dans les cimetières une surface proportionnelle aux effectifs de fidèles des différents cultes et faisait aux familles obligation de déclarer le culte du défunt. Outre la loi du 15 nov. 1887 qui consacre la liberté des funérailles toujours applicable, le CGCT pose le principe de la neutralité du cimetière dans son art. L. 2213-9 en prohibant l'établissement de “distinctions ou de prescriptions particulières à raison des croyances ou culte du défunt”. Enfin, l'art. L. 2223-10 du même Code dispose que “aucune inhumation ne peut avoir lieu dans les églises, temples, synagogues, hôpitaux, chapelles publiques, et généralement dans aucun des édifices clos et fermés où les citoyens se réunissent pour la célébration de leurs cultes, ni dans l'enceinte des villes et bourgs”. Toutefois, ces règles ne s'appliquent qu'aux cimetières publics. Il convient, en effet, de relever qu'existent encore des cimetières privés - bien que leur création et leur agrandissement soient aujourd'hui prohibés (CE, 18 août 1944, Lagarrigue : Rec. CE 1944, p. 237. - CE, 13 mai 1964, Eberstarck : Rec. CE 1964, p. 288. - CA Aix, 1er fév. 1971, Rouquette : AJDA 1972, p. 111) - dans lesquels les inhumations sont toujours possibles. À l'exception que constituent ces cimetières privés, s'ajoute le régime législatif et réglementaire particulier que connaissent les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle (art. L. 2542-1 du CGCT).
Dans le rapport de la commission de réflexion sur l'application du principe de laïcité dans la République remis au président de la République le 11 déc. 2003, il est indiqué que : “La laïcité ne peut servir d'alibi aux autorités municipales pour refuser que des tombes soient orientées dans les cimetières. Il est souhaitable que le ministère de l'Intérieur invite au respect des convictions religieuses, notamment à l'occasion de l'expiration des concessions funéraires. En liaison avec les responsables religieux, la récupération des concessions doit se faire dans des conditions respectueuses des exigences confessionnelles, avec un aménagement des ossuaires adapté. Les collectivités pourraient se doter de comités d'éthique afin de permettre un dialogue avec les différentes communautés religieuses, et de régler les difficultés susceptibles de se poser” (V. également O. Guillaumont, Du principe de neutralité des cimetières et de la pratique des carrés confessionnels : JCP A 2004, act. 1799).
Damien Dutrieux
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