Outre les intéressantes précisions contenues dans la circulaire relative à la suppression de l’enquête publique et son remplacement par un avis public pour la création d’une chambre funéraire (ministre chargé des Collectivités locales auprès du ministre de l’Intérieur, circulaire [NOR : CITBE1201868C] du 2 fév. 2012, d’application du décret n° 2011-121 du 28 janv. 2011 relatif aux opérations funéraires [II, § 15 et 16] ; voir annexe 1), les opérateurs funéraires devront désormais garder à l’esprit deux intéressants apports, pour le premier, d’un arrêt émanant de la cour administrative d’appel de Douai, et, pour l’autre, de la cour administrative d’appel de Nancy.
Parce qu’elles relèvent d’un domaine où le juge est rarement saisi, ces décisions méritent de retenir l’attention.
La condition liée à l’absence de trouble à l’ordre public
Le premier de ces arrêts (CAA Douai 23 déc. 2011, n° 11DA00629 ; voir annexe 2) informe clairement de l’étendue de l’obligation pour le préfet de s’assurer de l’absence de trouble à l’ordre public lors de l’implantation d’une chambre funéraire. Or, la proximité d’habitations et l’existence d’une impasse constituent pour le juge administratif des éléments induisant indubitablement un tel trouble.
Dans un jugement en date du 20 juin 2006 (n° 0403416), le tribunal administratif de Nice, au contraire, avait validé la décision du préfet malgré les problèmes de circulation (chambre prévue pour recevoir 8 corps et disposant de 15 places de stationnement) :
“[...] que les convois funéraires suscités par un tel équipement sont généralement inférieurs à 10 véhicules et que, comme le rappelle la société bénéficiaire, la famille et les amis des personnes décédées se rassemblent essentiellement sur le lieu de culte ou d’inhumation ; que par suite, le préfet n’a commis aucune erreur d’appréciation en estimant que la chambre funéraire n’était pas susceptible de créer des difficultés de stationnement aux abords de l’établissement de nature à porter atteinte à l’ordre public ; [...]”.
On comprendra que la présence d’une impasse ne permettait pas de tenir un tel raisonnement en l’espèce.
La partie technique de la chambre doit également se trouver à l’abri des regards des voisins
Le second arrêt (CAA Nancy, 1re chambre, 29 mars 2012, n° 11NC00235 ; voir annexe 3) concerne le droit applicable à cette création, et, le sens à donner aux dispositions de l’art. D. 2223-80 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT).
En effet, ce texte pouvait se comprendre dans le cadre strict de la chambre funéraire, l’abri des regards visant les regards des utilisateurs de la chambre - c’est-à-dire les usagers du service public. Or, c’est un tout autre sens que donne le juge administratif, suivant en cela le commissaire enquêteur, à l’expression puisqu’il s’agit également du regard des voisins de la chambre, et l’on comprend que les impératifs réglementaires s’avèrent dès lors d’une plus grande ampleur.
Ainsi, avec l’arrêt de la cour administrative d’appel de Douai (CAA Douai 23 déc. 2011, n° 11DA00629 présenté ci-dessus), qui est venu préciser ce qu’il convenait d’entendre par atteinte à l’ordre public dans l’art. R. 2223-74 du CGCT (ce texte précisant en effet que “l’autorisation ne peut être refusée qu’en cas d’atteinte à l’ordre public ou de danger pour la salubrité publique”), cet arrêt de la cour administrative d’appel de Nancy du 29 mars 2012 permet aux professionnels et à leurs architectes d’appréhender plus précisément les contraintes qui s’imposent pour la réalisation de cet équipement funéraire.
Damien Dutrieux,
consultant au CRIDON Nord-Est, maître de conférences associé à l’Université de Lille 2.
Parce qu’elles relèvent d’un domaine où le juge est rarement saisi, ces décisions méritent de retenir l’attention.
La condition liée à l’absence de trouble à l’ordre public
Le premier de ces arrêts (CAA Douai 23 déc. 2011, n° 11DA00629 ; voir annexe 2) informe clairement de l’étendue de l’obligation pour le préfet de s’assurer de l’absence de trouble à l’ordre public lors de l’implantation d’une chambre funéraire. Or, la proximité d’habitations et l’existence d’une impasse constituent pour le juge administratif des éléments induisant indubitablement un tel trouble.
Dans un jugement en date du 20 juin 2006 (n° 0403416), le tribunal administratif de Nice, au contraire, avait validé la décision du préfet malgré les problèmes de circulation (chambre prévue pour recevoir 8 corps et disposant de 15 places de stationnement) :
“[...] que les convois funéraires suscités par un tel équipement sont généralement inférieurs à 10 véhicules et que, comme le rappelle la société bénéficiaire, la famille et les amis des personnes décédées se rassemblent essentiellement sur le lieu de culte ou d’inhumation ; que par suite, le préfet n’a commis aucune erreur d’appréciation en estimant que la chambre funéraire n’était pas susceptible de créer des difficultés de stationnement aux abords de l’établissement de nature à porter atteinte à l’ordre public ; [...]”.
On comprendra que la présence d’une impasse ne permettait pas de tenir un tel raisonnement en l’espèce.
La partie technique de la chambre doit également se trouver à l’abri des regards des voisins
Le second arrêt (CAA Nancy, 1re chambre, 29 mars 2012, n° 11NC00235 ; voir annexe 3) concerne le droit applicable à cette création, et, le sens à donner aux dispositions de l’art. D. 2223-80 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT).
En effet, ce texte pouvait se comprendre dans le cadre strict de la chambre funéraire, l’abri des regards visant les regards des utilisateurs de la chambre - c’est-à-dire les usagers du service public. Or, c’est un tout autre sens que donne le juge administratif, suivant en cela le commissaire enquêteur, à l’expression puisqu’il s’agit également du regard des voisins de la chambre, et l’on comprend que les impératifs réglementaires s’avèrent dès lors d’une plus grande ampleur.
Ainsi, avec l’arrêt de la cour administrative d’appel de Douai (CAA Douai 23 déc. 2011, n° 11DA00629 présenté ci-dessus), qui est venu préciser ce qu’il convenait d’entendre par atteinte à l’ordre public dans l’art. R. 2223-74 du CGCT (ce texte précisant en effet que “l’autorisation ne peut être refusée qu’en cas d’atteinte à l’ordre public ou de danger pour la salubrité publique”), cet arrêt de la cour administrative d’appel de Nancy du 29 mars 2012 permet aux professionnels et à leurs architectes d’appréhender plus précisément les contraintes qui s’imposent pour la réalisation de cet équipement funéraire.
Damien Dutrieux,
consultant au CRIDON Nord-Est, maître de conférences associé à l’Université de Lille 2.
Annexe 1 : Circulaire du 2 fév. 2012 (COTB1201868C) d’application du décret n° 2011-121 du 28 janv. 2011 relatif aux opérations funéraires qui vient préciser dans ses paragraphes 15 et 16 : 15 - Toute entreprise ou personne souhaitant créer ou étendre une chambre funéraire doit déposer un dossier comprenant les éléments suivants : - une notice explicative : il s’agit d’un document de présentation du projet de chambre funéraire, qui en détaille toutes les caractéristiques (la localisation précise, l’emplacement envisagé, la surface totale et la répartition par sous-ensembles - partie technique/partie publique - le nombre de salons de présentation, la capacité d’accueil…). Cette notice doit également comprendre toutes les informations de nature à vous assurer du respect des prescriptions relatives à la protection contre l’incendie et aux établissements recevant du public (présence d’extincteurs, affichage d’un plan d’évacuation, balisage des sorties de secours…). - un plan de situation : ce plan permet de situer la future chambre funéraire dans son environnement immédiat et d’apprécier notamment l’impact de son implantation sur le territoire de la commune (proximité d’habitations, de zones commerciales…). - un avis au public : les nuisances éventuelles générées par la création d’une chambre funéraire ne justifiaient pas le maintien d’une enquête publique : la suppression de l’enquête de commodo et incommodo pour ces équipements funéraires répond à ce constat. Pour cette même raison, mais également pour des motivations liées au coût de mise en œuvre, il n’était pas envisageable de soumettre les chambres funéraires à l’enquête publique définie par le Code de l’environnement. Pour autant, il est apparu nécessaire de conserver une modalité d’information du public : tel est l’objet de l’ “avis au public” mentionné au cinquième alinéa de l’art. R. 2223-74, dont l’élaboration obéit aux règles et à la chronologie suivantes. Le demandeur adresse à vos services, en même temps que le reste du dossier, un projet de rédaction de l’avis qui doit comporter les indications permettant au public de prendre connaissance des caractéristiques essentielles de la chambre funéraire : a) le nom et les coordonnées de l’opérateur ; b) la localisation précise ; c) les aménagements intérieurs et extérieurs (par exemple, le nombre de salons de présentation, la présence d’un parking…) ; d) les horaires d’ouverture ; e) la date envisagée de l’ouverture de la chambre funéraire au public. Sur ce dernier point, il est rappelé que vous disposez d’un délai de 4 mois, à compter de la complétude du dossier, pour autoriser ou non la création et l’extension de l’équipement. Une fois ce délai écoulé, l’absence de décision de votre part, vaut acceptation tacite. Cette liste n’est pas exhaustive : vos services apprécient au cas par cas le contenu de l’avis et peuvent demander au requérant l’ajout de mentions supplémentaires, lorsque l’avis est notoirement trop succinct ou, a contrario, la suppression de mentions techniques n’intéressant pas le public. Il convient de veiller à ce qu’aucun tarif - même prévisionnel - ne figure dans cet avis, qui n’a pas vocation à servir de support publicitaire. Une fois l’avis “validé”, vous saisirez le conseil municipal de la commune concernée, en lui transmettant l’avis au public avant sa publication – par le demandeur et à ses frais – dans deux journaux régionaux ou locaux (vous pouvez demander, aux fins de vérifications, une copie de la page des journaux choisis). 16 - La consultation préalable du conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST) est maintenue. En fonction du nombre de réunions prévues chaque trimestre dans votre département, vous veillerez à ce que cette instance puisse se prononcer dans le délai de 4 mois déjà évoqué, en anticipant, en tant que besoin, sa convocation. Il est rappelé que l’avis du CODERST est un avis simple, qui ne lie pas votre décision au fond.” |
Annexe 2 : CAA Douai, 23 déc. 2011, n° 11DA00629, M. et Mme Romaric A. (...) Considérant qu’aux termes de l’art. R. 2223-74 du CGCT : La création ou l’extension d’une chambre funéraire est autorisée par le préfet. / Celui-ci fait procéder à une enquête de commodo et incommodo et consulte le conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques. Il recueille l’avis du conseil municipal, qui se prononce dans le délai de 2 mois. / La décision intervient dans le délai de quatre mois suivant le dépôt de la demande. En l’absence de notification de la décision à l’expiration de ce délai, l’autorisation est considérée comme accordée. / L’autorisation ne peut être refusée qu’en cas d’atteinte à l’ordre public ou de danger pour la salubrité publique (...) ; Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la construction de la chambre mortuaire envisagée en limite séparative des propriétés de la SCI B et des époux A est, compte tenu de son implantation en fond d’impasse et en proximité immédiate de l’immeuble d’habitation de ces derniers, de nature à leur créer une gêne excédant les inconvénients normaux de voisinage ; que, par suite, le préfet a commis une erreur manifeste d’appréciation en délivrant l’autorisation contestée ; (…) |
Annexe 3 : CAA Nancy, 1re chambre, 29 mars 2012, n° 11NC00235, Monsieur B. c/ Commune de Sarralbe (...) Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que l’article 1er de l’arrêté attaqué dispose qu’“est autorisée la création d’une chambre funéraire (...) sous réserve des observations faites par le commissaire enquêteur dans son rapport en date du 8 fév. 2006 et par le conseil départemental d’hygiène lors de sa séance en date du 15 mars 2006” ; que le commissaire enquêteur a émis le 8 fév. 2006 un avis favorable au projet de création d’une chambre funéraire “avec la recommandation suivante : demande la construction d’un mur en pierre entre le temple et le presbytère, afin d’occulter totalement la vue directe des immeubles nos 1 et 2 de la rue Charles Wilhelm sur les activités de transport des dépouilles mortelles (arrivée des corps et départ des cercueils) devant l’accès de la salle de préparation de la chambre funéraire, en référence au CGCT (art. R. 2223-80, décret n° 2000-318 du 7 avr. 2000) : “L’accès à la chambre funéraire des corps avant mise en bière ou du cercueil s’effectue par la partie technique à l’abri des regards”. Toutefois, lors de la visite de conformité avant l’ouverture au public, il est demandé au bureau de contrôle agréé par le ministre chargé de la Santé de vérifier si d’autres points du voisinage, autres que les 2 parties citées, nécessitent des mesures adaptées garantissant la discrétion des activités citées (prescription R. 2223-87, décret n° 2000-318 du 7 avr. 2000).” ; Considérant qu’il ressort des pièces du dossier, et notamment des plans joints au dossier de demande d’autorisation et des photographies jointes au procès-verbal de constat d’huissier en date du 8 mars 2006, qu’il existe une vue, certes oblique, au moins depuis la fenêtre centrale du premier étage de la façade nord de la maison sise ..., qui n’est qu’imparfaitement occultée par un arbre, dont il n’est pas précisé s’il est à feuilles caduques ou persistantes, et par l’angle du bâtiment du presbytère, sur l’espace où les cercueils seront déchargés, à l’arrière de la chambre funéraire, pour être transportés dans la salle de préparation ; que celle-ci s’ouvre directement par une porte sur l’espace situé à l’arrière de la chambre funéraire, sans être protégée par un porche, un auvent, un sas ou un autre dispositif architectural ; que, par suite, l’accès à la chambre funéraire des corps avant mise en bière ou du cercueil n’est pas à l’abri des regards au sens des dispositions précitées de l’art. D. 2223-80 du CGCT ; Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’arrêté, en date du 16 mars 2006, du préfet de la Moselle autorisant la création d’une chambre funéraire à Sarralbe et le jugement, en date du 24 nov. 2010, du Tribunal administratif de Strasbourg doivent être annulés ; (...) |
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