Rappel de la condamnation de la commune
Le maire de Massels a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune en accordant à Mme E une concession funéraire qui, empiétant sur une autre sépulture, rend impossible son inhumation aux côtés de son époux et méconnaît les dispositions relatives aux espaces “inter-tombes”. Reconnaissant cette responsabilité, la cour administrative d’appel de Bordeaux avait, dans un arrêt du 29 sept. 2009, adressé une injonction à la commune, lui imposant d’assurer une inhumation dans des conditions dont elle venait de juger qu’elles étaient matériellement et juridiquement impossibles. C’est pour cette raison que l’arrêt précité a été annulé par le Conseil d’État dans sa décision du 17 janv. 2011 (CE, 17 janv. 2011, n° 334156, commune de Massels). Néanmoins, la responsabilité de la commune est réaffirmée.
“...qu’il résulte du rapport de l’expert que la commune, par suite de l’absence de plan de gestion du cimetière et d’identification précise des parcelles concédées dans les actes de concession, a successivement attribué la même parcelle à 2 concessionnaires différents ; que le maire a ainsi commis une faute dans l’exercice de ses pouvoirs de gestion et de police des cimetières de nature à engager la responsabilité de la commune...”
Devant l’impossibilité d’obtenir l’accord du second concessionnaire (ayant acquis l’emplacement le 5 déc. 1996 et inhumé dans celui-ci un proche en 2004) pour restituer l’emplacement illégalement cédé, le Conseil d’État avait indiqué :
“Considérant, en revanche, que l’exécution du présent arrêt implique que la commune de Massels recherche l’accord des consorts E, pour assurer à ses frais exclusifs l’exhumation de M. Ludovic E, le transfert du corps de Mme Louise E, et leur inhumation commune sur une concession funéraire d’une superficie de 5,4 m2, correspondant à la superficie prévue par la concession funéraire accordée à Mme E le 28 janv. 1996, à localiser à l’intérieur du cimetière Sainte-Quitterie ...”
Que faire lorsqu’une commune refuse de payer les sommes auxquelles elle a été condamnée ?
Comme le relève le Conseil d’État dans son arrêt (ci-dessous reproduit) du 11 juil. 2012, la commune, malgré la condamnation, n’a pas versé l’intégralité des sommes aux 2 requérants (4 000 € à chacun), alors que la loi lui impose de régler la somme dans le délai de 2 mois (art. L. 911-9 du Code de justice administrative : lorsqu’une commune est condamnée par le juge administratif au paiement d’une somme, “cette somme doit être mandatée ou ordonnancée dans un délai de 2 mois à compter de la notification de la décision de justice” ; pour le dire simplement, le mandatement ou l’ordonnancement constitue la décision de payer). Or, le juge administratif rappelle que ce n’est pas lui qu’il convient de saisir pour faire “payer” la commune, mais le préfet.
Le contrôle financier du préfet
Il est possible de rappeler l’existence d’un contrôle opéré par le préfet et la Chambre régionale des comptes sur le budget communal. Tout d’abord, l’ensemble des décisions budgétaires est évidemment soumis à l’obligation de transmission en préfecture (ce que l’on qualifie de contrôle de légalité). Le préfet a pour mission d’opérer un contrôle de ces actes et de vérifier notamment que le budget a bien été adopté dans les délais fixés par les textes (art. L. 1612-2 et L. 1612-3 du Code général des collectivités territoriales –CGCT-), qu’il a été adopté en équilibre réel (art. L. 1612-4 et suivants du CGCT), qu’il ne contient un déficit (art. L. 1612-14 du CGCT). Dans l’hypothèse où l’acte budgétaire transmis ne respecterait l’une de ces règles, le préfet va saisir la chambre régionale des comptes. Le juge financier aura pour fonction : d’adresser au préfet des propositions pour arrêter le budget communal non voté dans les délais , de proposer à la collectivité des mesures de redressement pour retrouver un budget équilibré par l’adoption d’une nouvelle délibération ou pour combler le déficit (la chambre apprécie la réponse de la commune et si elle la juge non satisfaisante, c’est le préfet qui règle le budget en équilibre).
Le maire de Massels a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune en accordant à Mme E une concession funéraire qui, empiétant sur une autre sépulture, rend impossible son inhumation aux côtés de son époux et méconnaît les dispositions relatives aux espaces “inter-tombes”. Reconnaissant cette responsabilité, la cour administrative d’appel de Bordeaux avait, dans un arrêt du 29 sept. 2009, adressé une injonction à la commune, lui imposant d’assurer une inhumation dans des conditions dont elle venait de juger qu’elles étaient matériellement et juridiquement impossibles. C’est pour cette raison que l’arrêt précité a été annulé par le Conseil d’État dans sa décision du 17 janv. 2011 (CE, 17 janv. 2011, n° 334156, commune de Massels). Néanmoins, la responsabilité de la commune est réaffirmée.
“...qu’il résulte du rapport de l’expert que la commune, par suite de l’absence de plan de gestion du cimetière et d’identification précise des parcelles concédées dans les actes de concession, a successivement attribué la même parcelle à 2 concessionnaires différents ; que le maire a ainsi commis une faute dans l’exercice de ses pouvoirs de gestion et de police des cimetières de nature à engager la responsabilité de la commune...”
Devant l’impossibilité d’obtenir l’accord du second concessionnaire (ayant acquis l’emplacement le 5 déc. 1996 et inhumé dans celui-ci un proche en 2004) pour restituer l’emplacement illégalement cédé, le Conseil d’État avait indiqué :
“Considérant, en revanche, que l’exécution du présent arrêt implique que la commune de Massels recherche l’accord des consorts E, pour assurer à ses frais exclusifs l’exhumation de M. Ludovic E, le transfert du corps de Mme Louise E, et leur inhumation commune sur une concession funéraire d’une superficie de 5,4 m2, correspondant à la superficie prévue par la concession funéraire accordée à Mme E le 28 janv. 1996, à localiser à l’intérieur du cimetière Sainte-Quitterie ...”
Que faire lorsqu’une commune refuse de payer les sommes auxquelles elle a été condamnée ?
Comme le relève le Conseil d’État dans son arrêt (ci-dessous reproduit) du 11 juil. 2012, la commune, malgré la condamnation, n’a pas versé l’intégralité des sommes aux 2 requérants (4 000 € à chacun), alors que la loi lui impose de régler la somme dans le délai de 2 mois (art. L. 911-9 du Code de justice administrative : lorsqu’une commune est condamnée par le juge administratif au paiement d’une somme, “cette somme doit être mandatée ou ordonnancée dans un délai de 2 mois à compter de la notification de la décision de justice” ; pour le dire simplement, le mandatement ou l’ordonnancement constitue la décision de payer). Or, le juge administratif rappelle que ce n’est pas lui qu’il convient de saisir pour faire “payer” la commune, mais le préfet.
Le contrôle financier du préfet
Il est possible de rappeler l’existence d’un contrôle opéré par le préfet et la Chambre régionale des comptes sur le budget communal. Tout d’abord, l’ensemble des décisions budgétaires est évidemment soumis à l’obligation de transmission en préfecture (ce que l’on qualifie de contrôle de légalité). Le préfet a pour mission d’opérer un contrôle de ces actes et de vérifier notamment que le budget a bien été adopté dans les délais fixés par les textes (art. L. 1612-2 et L. 1612-3 du Code général des collectivités territoriales –CGCT-), qu’il a été adopté en équilibre réel (art. L. 1612-4 et suivants du CGCT), qu’il ne contient un déficit (art. L. 1612-14 du CGCT). Dans l’hypothèse où l’acte budgétaire transmis ne respecterait l’une de ces règles, le préfet va saisir la chambre régionale des comptes. Le juge financier aura pour fonction : d’adresser au préfet des propositions pour arrêter le budget communal non voté dans les délais , de proposer à la collectivité des mesures de redressement pour retrouver un budget équilibré par l’adoption d’une nouvelle délibération ou pour combler le déficit (la chambre apprécie la réponse de la commune et si elle la juge non satisfaisante, c’est le préfet qui règle le budget en équilibre).
Le mandatement d’office
Mais le préfet connaît également, dans le cadre du contrôle budgétaire, un autre rôle, puisqu’il doit vérifier que les crédits afférents aux dépenses obligatoires ont bien été pourvus. Or, parmi ces dépenses obligatoires (à noter que parmi la liste non exhaustive figurant à l’art. L. 2321-2 du CGCT on trouve : “la clôture des cimetières, leur entretien et leur translation”), figurent les condamnations par décisions de justice susceptibles de frapper la commune en qualité de personne morale. Dans ce cas le préfet peut inscrire d’office la dépense dans le budget communal en application des articles L. 1612-15 et suivants du CGCT. C’est donc à lui qu’il convient de s’adresser si la commune n’exécute pas la décision de justice.
L’impossibilité d’obtenir l’exhumation sans l’accord du ou des plus proches parents
Comme rappelé ci-dessus, la condamnation de la commune consistait, en quelque sorte, à réparer matériellement l’erreur commise en obtenant le déplacement du ou des corps présents dans la concession illégalement vendue et empiétant sur celle des requérant. Or, dans ce cadre, le juge ne peut imposer une telle exhumation. Il est possible de rappeler que dans une affaire jugée en 2002 par le tribunal administratif de Caen, avait été rappelé que :
"Considérant qu’en dehors des cas expressément prévus par les dispositions législatives particulières, inapplicables en l’espèce du Code de justice administrative il n’appartient pas au Tribunal administratif d’adresser des injonctions à l’administration ; que les conclusions de M. Harel tendant à ce qu’il soit ordonné à la commune de Houlgate de procéder au déplacement de la dépouille de Mme Lievy, inhumée dans la concession accordée à son père par un arrêté du 10 mai 1976 à l’effet d’y fonder sa sépulture, celle de son épouse et de sa famille, n’entrent pas notamment dans les prévisions de l’art. L. 911-1 du Code précité ; que, dès lors, elles sont irrecevables ;“ (TA Caen, 19 mars 2002, n° 01974, Harel : Collectivités territoriales - Intercommunalité, juin 2002, p. 16).
Une condamnation ne permettant pas de rétablir les requérants dans leurs droits
En l’espèce, le Conseil d’État, en 2011, ne pouvait qu’imposer à la commune de Massels de tenter de trouver un accord à l’amiable ; or, le constat fait par ce même Conseil d’État le 11 juil. 2012 du refus des plus proches parents du défunt, suffit à rendre finalement sans grand effet la condamnation de la commune.
Damien Dutrieux,
consultant au CRIDON Nord-Est, maître de conférences associé à l’Université de Lille 2.
Annexe : Conseil d'État N° 349008 ECLI:FR:CESJS:2012:349008.20120711 Inédit au recueil Lebon 5ème sous-section jugeant seule M. Didier Chauvaux, président Mme Marie Gautier-Melleray, rapporteur Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public SCP Monod, Colin, avocats lecture du mercredi 11 juil. 2012 République française au nom du peuple français Texte intégral Vu, enregistrée le 3 mai 2011, la lettre en date du 30 avr. 2011 par laquelle M. Hubert B et Mme Denise C., demeurant "Réplat" à ..., ont saisi le Conseil d'État d'une demande tendant à obtenir l'exécution, au besoin sous astreinte, de la décision n° 334156 du 17 janv. 2011 du Conseil d'État statuant au contentieux ; ils soutiennent que les mesures prises par la commune de Massels n'ont pas permis d'assurer l'exécution des articles 4 et 5 de la décision du Conseil d'État ; Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ; Vu la loi n° 80-539 du 16 juil. 1980 ; Vu le Code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Marie Gautier-Melleray, maître des Requêtes en service extraordinaire, - les observations de la SCP Monod, Colin avocat de la commune de Massels ; - les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ; La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Monod, Colin avocat de la commune de Massels : 1. Considérant que, par une décision du 17 janv. 2011, le Conseil d'État, statuant au contentieux sur le pourvoi de M. Hubert A et de Mme Denise C, a annulé l'arrêt du 29 sept. 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux s'est prononcée sur le litige opposant les requérants à la commune de Massels ; que, par l'art. 4 de sa décision, il a condamné cette commune à verser une somme de 8 000 € aux ayants droit de Mme Louise A, en réparation du préjudice ayant résulté de l'illégalité commise par son maire dans l'attribution des concessions funéraires du cimetière Sainte-Quitterie ; que, par l'art. 5 de sa décision, il a enjoint à la commune de rechercher l'accord des consorts A pour assurer à ses frais exclusifs l'exhumation de M. Ludovic A, le transfert du corps de Mme Louise A et leur inhumation commune sur une concession funéraire d'une superficie de 5,4 m2 à localiser à l'intérieur de ce cimetière, conformément aux dispositions de la concession funéraire accordée à Mme Louise A le 28 janv. 1996 ; que M. Hubert A et Mme Denise C demandent au Conseil d'État d'assurer dans cette mesure l'exécution de la décision, au besoin sous astreinte ; Sur l'exécution de l'art. 4 de la décision du 17 janv. 2011 : 2. Considérant qu'il ressort du rapprochement entre cet article et les motifs de la décision que la condamnation de la commune de Massels à verser 8 000 € "aux ayants droit de Mme A" a été prononcée au bénéfice de M. Hubert A et Mme Denise C, seuls enfants de Mme Louise A à avoir repris, après son décès, l'instance engagée par celle-ci devant le tribunal administratif de Bordeaux ; que la commune est ainsi redevable d'une somme de 4 000 € à M. Hubert A et d'une somme de 4 000 € à Mme C ; qu'il est constant qu'à la date de la présente décision les sommes qu'elle a versées aux intéressés n'atteignent pas ce montant ; 3. Mais considérant qu'aux termes du II de l'art. 1er de la loi du 16 juil. 1980, reproduit à l'art. L. 911-9 du Code de justice administrative : "Lorsqu'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée a condamné une collectivité locale ou un établissement public au paiement d'une somme d'argent dont le montant est fixé par la décision elle-même, cette somme doit être mandatée ou ordonnancée dans un délai de 2 mois à compter de la notification de la décision de justice. À défaut de mandatement ou d'ordonnancement dans ce délai, le représentant de l'État dans le département ou l'autorité de tutelle procède au mandatement d'office (...) " ; que, dès lors que cette disposition législative permet aux intéressés d'obtenir le mandatement d'office des sommes qui leur sont dues, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande tendant à ce qu'il soit enjoint sous astreinte à la commune d'exécuter la condamnation pécuniaire prononcée à son encontre ; Sur l'exécution de l'art. 5 de la décision du 17 janv. 2011 : 4. Considérant qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'art. R. 2213-40 du CGCT : "Toute demande d'exhumation est faite par le plus proche parent de la personne défunte. Celui-ci justifie de son état civil, de son domicile et de la qualité en vertu de laquelle il formule sa demande. / L'autorisation d'exhumer un corps est délivrée par le maire de la commune où doit avoir lieu l'exhumation" ; qu'en application de ces dispositions l'administration doit, lorsqu'elle a connaissance d'un désaccord sur une demande d'exhumation exprimé par un ou plusieurs autres parents venant au même degré de parenté que le pétitionnaire, refuser l'exhumation, en attendant, le cas échéant, que l'autorité judiciaire se prononce ; 5. Considérant que l'exécution de l'art. 5 de la décision du 17 janv. 2011 du Conseil d'État comportait nécessairement, pour la commune de Massels, l'obligation de contacter les plus proches parents venant au même degré de parenté de M. Ludovic A et de Mme Louise A, de manière à constater leur intention commune de faire procéder à l'exhumation du corps de M. Ludovic A, le transfert du corps de Mme Louise A et leur inhumation commune, ou, à défaut, de s'assurer qu'aucun d'entre eux ne s'opposait à cette opération ; qu'il ressort des diligences effectuées par la section du rapport et des études du Conseil d'État que M. Hubert A, Mme Denise C, Mme Evelyne D et Mme E, enfants survivants de M. Ludovic A et de Mme Louise A, viennent au même degré de parenté comme plus proches parents des défunts ; que le maire de Massels justifie avoir adressé à chacun d'eux un courrier daté du 14 mars 2011 par lequel il a sollicité leur accord afin de procéder aux opérations décrites ; qu'au vu de l'opposition exprimée le 19 mars 2011 par Mme D et le 27 mars 2011 par Mme E, il était tenu de renoncer à ces opérations ; qu'ainsi, l'art. 5 de la décision du Conseil d'État doit être regardé comme ayant été pleinement exécuté ; que les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de procéder à cette exécution doivent par suite être rejetées ; Décide : Art. 1er : La requête de M. A et de Mme C est rejetée. Art. 2 : La présente décision sera notifiée à M. Hubert A, à Mme Denise C et à la commune de Massels. |
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