Par son arrêt en date du 16 mai 2012, N° 10MA01950, la cour administrative d’appel (CAA) de Marseille vient de confirmer le jugement n° 0905183 du 8 mars 2010 par lequel le tribunal administratif de Marseille avait rejeté la demande de la Société pompes funèbres Ferret, dont le siège est sis à Gap (05000), sollicitant l'annulation de la décision du maire de Lettret du 19 juin 2009, retirant son permis de construire délivré le 27 mars 2009 et refusant, par voie de conséquence, de lui délivrer le permis de construire sollicité.
Cette décision de la CAA de Marseille, est prise au visa de la loi n° 2000-321 du 12 avr. 2000 relative aux relations des citoyens avec l'administration et du Code de l’urbanisme.
Cet arrêt mérite une lecture attentive, notamment le premier considérant qui expose que dans le cadre d'un contrat de délégation de service public pour l'aménagement et la gestion d'un crématorium conclu avec la commune de Lettret en sept. 2007, la Société pompes funèbres Ferret avait déposé le 17 oct. 2008 une demande de permis de construire pour la transformation et l'extension d'un bâtiment agricole en chambre funéraire et crématorium sur un terrain situé au lieu-dit La Plaine.
Que par arrêté en date du 15 janv. 2009, le maire de Lettret avait rejeté la demande de permis présentée par l’entreprise au motif que, conformément à l'avis défavorable rendu par le conseil général des Hautes-Alpes, la création d'un nouvel accès sur la R.D. 942 présentait un risque pour les usagers.
Or, saisi d'un recours gracieux contenant des propositions d'aménagement de l'accès de l'installation projetée, le maire, malgré un second avis défavorable de l'assemblée départementale, en date du 12 mars 2009, avait délivré le 27 mars 2009 le permis de construire sollicité.
Que le 27 mai 2009, le nouveau maire de Lettret avait engagé une procédure contradictoire de retrait du permis accordé, qui avait abouti à l'arrêté attaqué du 19 juin 2009, retirant l'arrêté du 27 mars 2009 et avait de ce fait, rejeté la demande de permis de construire.
Sur le droit :
En premier lieu : la CAA de Marseille, a considéré qu'aux termes de l'art.
L. 422-1 du Code de l'urbanisme :
"L'autorité compétente pour délivrer le permis de construire, d'aménager ou de démolir et pour se prononcer sur un projet faisant l'objet d'une déclaration préalable est :
Le maire, au nom de la commune, dans les communes qui se sont dotées d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, ainsi que, lorsque le conseil municipal l'a décidé, dans les communes qui se sont dotées d'une carte communale. Lorsque le transfert de compétence à la commune est intervenu, ce transfert est définitif".
En second lieu : la CAA a précisé que lors de sa réunion du 15 juin 2009, le conseil municipal de Lettret avait voté en faveur du retrait du permis de construire délivré le 27 mars 2009 à la Société pompes funèbres Ferret.
Que cette délibération, bien que dépourvue de caractère exécutoire pour défaut de transmission au contrôle de légalité, ne pouvait être, pour autant, qualifiée d'acte juridique inexistant, comme le faisait valoir la commune.
Que, toutefois, il ressortait de l'examen de l'ensemble du dossier que le maire, malgré la rédaction ambiguë du compte-rendu de la réunion, avait entendu, dans le cadre de la procédure contradictoire préalable, engagée dès le 27 mai 2009 en application de l'art. 24 de la loi du 12 avr. 2000, consulter le conseil municipal pour avis avant de prendre sa décision.
Que dès le 27 mai 2009, le maire avait informé la société de son intention de retirer le permis de construire dont elle était titulaire.
Qu'en outre, dans sa décision de retrait, le maire n'avait pas fait référence à la délibération du 15 juin 2009, dans les visas et dans les motifs de cet arrêté.
Que, dans ces conditions, et alors qu'aucun élément du dossier ne permettait d'établir que le maire se serait cru lié par le sens de la consultation du conseil municipal, la Société pompes funèbres Ferret n'était pas fondée à soutenir que c'était à tort que les premiers juges avaient considéré que le maire de Lettret n'avait pas méconnu sa propre compétence.
En troisième lieu : la Cour mentionne :
"Qu'aux termes de l'art. R. 111-5 du Code de l'urbanisme : Le projet peut être refusé sur des terrains qui ne seraient pas desservis par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant à son importance ou à la destination des constructions ou des aménagements envisagés et, notamment, si les caractéristiques de ces voies rendent difficile la circulation ou l'utilisation des engins de lutte contre l'incendie.
Il peut également être refusé ou n'être accepté que sous réserve de prescriptions spéciales, si les accès présentent un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques ou pour celle des personnes utilisant ces accès. Cette sécurité doit être appréciée, compte tenu, notamment, de la position des accès, de leur configuration ainsi que de la nature et de l'intensité du trafic".
La société de pompes funèbres avait entendu soutenir que son projet ne méconnaissait pas ces dispositions, alors que pour la Cour "il ressortait, toutefois, des pièces du dossier qu'eu égard à l'intensité du trafic existant sur la route départementale 942, sur laquelle était prévu l'accès au complexe funéraire projeté et qui est classée grand axe économique, et à la nature de l'activité envisagée destinée à accueillir des convois funéraires, le projet, qui avait fait l'objet d'un avis défavorable du Pôle aménagement et développement du conseil général des Hautes-Alpes le 12 mars 2009, présentait un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques et pour celle des personnes utilisant l'accès envisagé".
Bien que la société ait présenté dans son recours gracieux des propositions qui pouvaient être susceptibles de sécuriser l'accès à son terrain et la circulation au droit de celui-ci, une grande partie des aménagements proposés relevaient, toutefois, de la seule compétence du département et avaient été, en outre, jugés inefficaces par le Pôle aménagement et développement du département, dans son avis de mars 2009, dans lequel il estimait que le projet nécessitait la réalisation d'une étude d'ensemble préalable sur la sécurité routière du site.
Que, dès lors, le maire avait pu légalement refuser de délivrer le permis de construire sollicité, en se fondant sur les disposions de l'art. R. 111-5 du Code de l'urbanisme.
Que dit cet article ?
"Le projet peut être refusé sur des terrains qui ne seraient pas desservis par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant à son importance ou à la destination des constructions ou des aménagements envisagés, et notamment si les caractéristiques de ces voies rendent difficile la circulation ou l'utilisation des engins de lutte contre l'incendie.
Il peut également être refusé ou n'être accepté que sous réserve de prescriptions spéciales si les accès présentent un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques ou pour celle des personnes utilisant ces accès.
Cette sécurité doit être appréciée compte tenu, notamment, de la position des accès, de leur configuration, ainsi que de la nature et de l'intensité du trafic."
Le dernier moyen exposé par la Société pompes funèbres Ferret soutenait qu'en refusant de lui délivrer un permis de construire, le maire avait méconnu le principe d'impartialité, car un permis de construire avait été délivré pour l'extension d'un local de stockage et la création d'un point de vente de produits agricoles en bordure de la route départementale 942, à proximité du terrain d'assiette des constructions projetées, sans opposition du conseil général des Hautes-Alpes.
Cet argument, outre qu’il revendiquait une éventuelle impartialité du maire de Lettret, s’apparentait à une rupture des citoyens devant les charges publiques, principe général du droit, dégagé de la jurisprudence du Conseil d’État, qui est décliné dans un cadre plus général de l’égalité des citoyens devant la loi, le règlement et les services publics.
La CAA a balayé ce dernier moyen, en estimant qu’il résultait de ses précédents considérants, que le maire avait pris sa décision de retrait en se fondant sur des considérations d'urbanisme et que la différence de nature des deux projets n’était pas susceptible de faire grief au maire de Lettret d’avoir procédé à une instruction partiale de la demande de permis de la Société pompes funèbres Ferret.
Outre le fait que le jugement n° 0905183 du 8 mars 2010, par lequel le tribunal administratif de Marseille avait rejeté la demande de la Société pompes funèbres Ferret, a été confirmé par la Cour, la Société pompes funèbres Ferret, a été condamnée au paiement, sur le fondement des dispositions de l’art. L. 761-1 du Code de justice administrative, à la somme de 1000 € à verser à la commune de Lettret, (frais exposés par la commune pour sa défense, qualifiés de frais irrépétibles), ainsi qu’aux dépens de l’instance.
Commentaires :
En se plaçant sur le seul terrain du droit de l’urbanisme, la décision de la CAA de Marseille est absolument cohérente.
En outre, le retrait de l’acte administratif individuel, créateur de droits, qu’est un permis de construire, a bien été effectué dans le délai de 4 mois, tel qu’il résulte de l’arrêt d’assemblée du Conseil d’État, du 26 oct. 2001, M.Ternon, qui dispose que l’administration dispose d’un délai de 4 mois maximum, à compter de la prise de décision, pour retirer un acte individuel créateur de droits entaché d’illégalité, que le délai de recours ait ou non couru à l’égard des tiers et que l’acte soit ou non devenu définitif à l’égard de ceux-ci.
En effet, si l’on part du principe que le permis de construire délivré le 27 mars 2009 par le maire de Lettret était entaché d’illégalité au regard de l’art. R. 111-5 du Code de l’urbanisme, son retrait est intervenu par un nouvel arrêté en date du 19 juin 2009, soit dans un délai de moins de 4 mois.
En revanche, existent d’autres interrogations, quant à l’existence de la procédure de création d’un crématorium qui, à aucun moment, n’est évoquée.
La première tient indirectement au fait qu’il est précisé dans l’arrêt que la société des pompes funèbres avait, dans le cadre d'un contrat de Délégation de Service Public (DSP) pour l'aménagement et la gestion d'un crématorium conclu avec la commune de Lettret en sept. 2007, déposé le 17 oct. 2008 une demande de permis de construire.
La définition d’un contrat de DSP est fournie, désormais, par la loi Murcef, du 11 déc. 2001, qui a inséré un alinéa supplémentaire dans la loi Sapin n° 93-122 du 29 janv. 1993 :
Aux termes de cet article, la DSP est l'ensemble "des contrats par lesquels une personne morale de droit public confie la gestion d’un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé dont la rémunération est substantiellement liée au résultat d’exploitation du service".
Le contrat de DSP, dont le régime juridique est principalement défini aux articles L. 1411-1 et suivants du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), se distingue donc légalement du simple contrat d'exploitation par son mode de rémunération substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du service.
Une DSP suppose l’existence d’un contrat conclu entre l'autorité délégante et le délégataire, ayant pour objet l’exécution d’un service public, pour le compte d’un délégant, la personne publique, en l’occurrence la commune de Lettret, conformément à l'art. L. 1411-1 du CGCT.
L’activité portant sur un service relevant du domaine industriel et commercial de la commune, soit la création et l’exploitation d’un crématorium, il est à supposer que la Société pompes funèbres Ferret, devait supporter une partie substantielle du risque financier de l'exploitation, voire la totalité.
Le critère de la rémunération est donc omniprésent dans le cadre de la DSP, ainsi que le précise l'arrêt du Conseil d'État, préfet des Bouches-du-Rhône c/ Commune de Lambesc, qui a jugé que la délégation de service public était, notamment, caractérisée par la rémunération du prestataire en tant que celle-ci devait être "substantiellement assurée par les résultats du service".
Ce critère a été repris par l'art. 3 de la loi Murcef du 11 déc. 2001 qui dispose "qu’une DSP est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d'un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du service".
Le Conseil d'État, dans un arrêt département de la Vendée du 7 nov. 2008 a insisté sur l’importance du critère, celui du risque d'exploitation.
Ainsi, il ne suffit pas seulement que le délégataire tire sa rémunération de l'exploitation du service, il faut également qu'il supporte un risque d'exploitation, position confirmée par l’arrêt du 5 juin 2009, société Avenance Enseignement et Santé, le Conseil d'État semblant faire de ce critère du risque le seul critère de la délégation de service public, écartant ainsi celui de la rémunération.
Dès lors, au vu de tout ce qui précède, on ne peut que se livrer à des conjectures sur la position ambiguë de la commune de Lettret qui semble avoir, par le biais du refus d’une autorisation d’urbanisme, remis en cause un contrat administratif, aussi important qu’une DSP. Or, manifestement, l’existence d’un tel contrat supposait des études préalables, portant sur l’opportunité de la création du crématorium, sur sa rentabilité, et sa faisabilité. En outre, une mise en concurrence n’est pas exclue par la loi, ce qui, si tel avait été le cas, renforçait la position de la société de pompes funèbres.
Puis, en fin de la procédure de la mise en place de la DSP, l’intervention du conseil municipal était nécessaire pour valider la convention. Or, aucun contentieux ne semble avoir été engagé à propos de la remise en cause de la DSP, alors que l’engagement rompu par la commune pouvait, selon les éléments factuels que l’on aurait pu réunir, engager sa responsabilité contractuelle.
L’attitude la commune de Lettret doit, également, donner lieu à critiques, si l’on se réfère au droit applicable à la création d’un crématorium.
Si l’on prend en considération la date du contrat de délégation de service public pour l'aménagement et la
gestion d'un crématorium conclu avec la commune de Lettret, soit le mois de sept. 2007, donc avant la loi du 19 déc. 2008, puis celle du 12 juil. 2010, qui ont sensiblement modifié le régime juridique de la création d’un crématorium, les dispositions applicables étaient celles de l’art. L. 361-20 du Code des communes, qui prescrivait :
"Les communes ou leurs groupements sont seuls compétents pour créer ou gérer, directement ou par la voie de la gestion déléguée, les crématoriums", ce même Code instituant une enquête de commodo et incommodo, nécessitant l’intervention d’un commissaire enquêteur. Les conclusions de ce commissaire, bien que n’ayant pas la force de la portée juridique d’une enquête publique étaient, néanmoins, importantes pour la mise en exergue des nuisances de tous ordres apportées par le crématorium.
Dans le cadre de cette enquête, et préalablement, la commune se devait, au travers du dossier de présentation du projet tenu à la disposition des administrés, les informer le plus complètement possible, sur le contenu de l’aménagement immobilier et des contraintes de desserte. Le commissaire enquêteur ayant par la suite, après avoir pris connaissance des observations formulées sur le registre de l’enquête, et entendu les administrés ou parties intéressées, rendu un rapport, dans lequel il pouvait, légitimement, exprimer des réserves, que la commune aurait dû lever.
Or, force est de constater qu’aucune référence n’est faite dans cet arrêt à de telles conclusions ou recommandations du commissaire enquêteur, ce qui rend particulièrement difficile l’analyse de cette décision, les principaux indices d’appréciation juridique étant omis.
En tout état de cause, la décision de la CAA de Marseille, en date du 16 mai 2012 apparaît, au travers des éléments issus de cette étude, forcément réductrice, puisque la procédure de la création du crématorium n’est pas abordée, notamment par un recours contre un arrêté préfectoral refusant cette création, le contentieux portant sur le permis de construire, bien que constituant un motif sérieux de remise en question de l’équipement funéraire n’apportant pas, à lui seul, un éclairage suffisant sur les intentions réelles des parties en présence.
C’est dire que cette affaire se devait de connaître d’autres développements, que nous relaterons dans notre prochain article.
Cet arrêt mérite une lecture attentive, notamment le premier considérant qui expose que dans le cadre d'un contrat de délégation de service public pour l'aménagement et la gestion d'un crématorium conclu avec la commune de Lettret en sept. 2007, la Société pompes funèbres Ferret avait déposé le 17 oct. 2008 une demande de permis de construire pour la transformation et l'extension d'un bâtiment agricole en chambre funéraire et crématorium sur un terrain situé au lieu-dit La Plaine.
Que par arrêté en date du 15 janv. 2009, le maire de Lettret avait rejeté la demande de permis présentée par l’entreprise au motif que, conformément à l'avis défavorable rendu par le conseil général des Hautes-Alpes, la création d'un nouvel accès sur la R.D. 942 présentait un risque pour les usagers.
Or, saisi d'un recours gracieux contenant des propositions d'aménagement de l'accès de l'installation projetée, le maire, malgré un second avis défavorable de l'assemblée départementale, en date du 12 mars 2009, avait délivré le 27 mars 2009 le permis de construire sollicité.
Que le 27 mai 2009, le nouveau maire de Lettret avait engagé une procédure contradictoire de retrait du permis accordé, qui avait abouti à l'arrêté attaqué du 19 juin 2009, retirant l'arrêté du 27 mars 2009 et avait de ce fait, rejeté la demande de permis de construire.
Sur le droit :
En premier lieu : la CAA de Marseille, a considéré qu'aux termes de l'art.
L. 422-1 du Code de l'urbanisme :
"L'autorité compétente pour délivrer le permis de construire, d'aménager ou de démolir et pour se prononcer sur un projet faisant l'objet d'une déclaration préalable est :
Le maire, au nom de la commune, dans les communes qui se sont dotées d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, ainsi que, lorsque le conseil municipal l'a décidé, dans les communes qui se sont dotées d'une carte communale. Lorsque le transfert de compétence à la commune est intervenu, ce transfert est définitif".
En second lieu : la CAA a précisé que lors de sa réunion du 15 juin 2009, le conseil municipal de Lettret avait voté en faveur du retrait du permis de construire délivré le 27 mars 2009 à la Société pompes funèbres Ferret.
Que cette délibération, bien que dépourvue de caractère exécutoire pour défaut de transmission au contrôle de légalité, ne pouvait être, pour autant, qualifiée d'acte juridique inexistant, comme le faisait valoir la commune.
Que, toutefois, il ressortait de l'examen de l'ensemble du dossier que le maire, malgré la rédaction ambiguë du compte-rendu de la réunion, avait entendu, dans le cadre de la procédure contradictoire préalable, engagée dès le 27 mai 2009 en application de l'art. 24 de la loi du 12 avr. 2000, consulter le conseil municipal pour avis avant de prendre sa décision.
Que dès le 27 mai 2009, le maire avait informé la société de son intention de retirer le permis de construire dont elle était titulaire.
Qu'en outre, dans sa décision de retrait, le maire n'avait pas fait référence à la délibération du 15 juin 2009, dans les visas et dans les motifs de cet arrêté.
Que, dans ces conditions, et alors qu'aucun élément du dossier ne permettait d'établir que le maire se serait cru lié par le sens de la consultation du conseil municipal, la Société pompes funèbres Ferret n'était pas fondée à soutenir que c'était à tort que les premiers juges avaient considéré que le maire de Lettret n'avait pas méconnu sa propre compétence.
En troisième lieu : la Cour mentionne :
"Qu'aux termes de l'art. R. 111-5 du Code de l'urbanisme : Le projet peut être refusé sur des terrains qui ne seraient pas desservis par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant à son importance ou à la destination des constructions ou des aménagements envisagés et, notamment, si les caractéristiques de ces voies rendent difficile la circulation ou l'utilisation des engins de lutte contre l'incendie.
Il peut également être refusé ou n'être accepté que sous réserve de prescriptions spéciales, si les accès présentent un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques ou pour celle des personnes utilisant ces accès. Cette sécurité doit être appréciée, compte tenu, notamment, de la position des accès, de leur configuration ainsi que de la nature et de l'intensité du trafic".
La société de pompes funèbres avait entendu soutenir que son projet ne méconnaissait pas ces dispositions, alors que pour la Cour "il ressortait, toutefois, des pièces du dossier qu'eu égard à l'intensité du trafic existant sur la route départementale 942, sur laquelle était prévu l'accès au complexe funéraire projeté et qui est classée grand axe économique, et à la nature de l'activité envisagée destinée à accueillir des convois funéraires, le projet, qui avait fait l'objet d'un avis défavorable du Pôle aménagement et développement du conseil général des Hautes-Alpes le 12 mars 2009, présentait un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques et pour celle des personnes utilisant l'accès envisagé".
Bien que la société ait présenté dans son recours gracieux des propositions qui pouvaient être susceptibles de sécuriser l'accès à son terrain et la circulation au droit de celui-ci, une grande partie des aménagements proposés relevaient, toutefois, de la seule compétence du département et avaient été, en outre, jugés inefficaces par le Pôle aménagement et développement du département, dans son avis de mars 2009, dans lequel il estimait que le projet nécessitait la réalisation d'une étude d'ensemble préalable sur la sécurité routière du site.
Que, dès lors, le maire avait pu légalement refuser de délivrer le permis de construire sollicité, en se fondant sur les disposions de l'art. R. 111-5 du Code de l'urbanisme.
Que dit cet article ?
"Le projet peut être refusé sur des terrains qui ne seraient pas desservis par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant à son importance ou à la destination des constructions ou des aménagements envisagés, et notamment si les caractéristiques de ces voies rendent difficile la circulation ou l'utilisation des engins de lutte contre l'incendie.
Il peut également être refusé ou n'être accepté que sous réserve de prescriptions spéciales si les accès présentent un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques ou pour celle des personnes utilisant ces accès.
Cette sécurité doit être appréciée compte tenu, notamment, de la position des accès, de leur configuration, ainsi que de la nature et de l'intensité du trafic."
Le dernier moyen exposé par la Société pompes funèbres Ferret soutenait qu'en refusant de lui délivrer un permis de construire, le maire avait méconnu le principe d'impartialité, car un permis de construire avait été délivré pour l'extension d'un local de stockage et la création d'un point de vente de produits agricoles en bordure de la route départementale 942, à proximité du terrain d'assiette des constructions projetées, sans opposition du conseil général des Hautes-Alpes.
Cet argument, outre qu’il revendiquait une éventuelle impartialité du maire de Lettret, s’apparentait à une rupture des citoyens devant les charges publiques, principe général du droit, dégagé de la jurisprudence du Conseil d’État, qui est décliné dans un cadre plus général de l’égalité des citoyens devant la loi, le règlement et les services publics.
La CAA a balayé ce dernier moyen, en estimant qu’il résultait de ses précédents considérants, que le maire avait pris sa décision de retrait en se fondant sur des considérations d'urbanisme et que la différence de nature des deux projets n’était pas susceptible de faire grief au maire de Lettret d’avoir procédé à une instruction partiale de la demande de permis de la Société pompes funèbres Ferret.
Outre le fait que le jugement n° 0905183 du 8 mars 2010, par lequel le tribunal administratif de Marseille avait rejeté la demande de la Société pompes funèbres Ferret, a été confirmé par la Cour, la Société pompes funèbres Ferret, a été condamnée au paiement, sur le fondement des dispositions de l’art. L. 761-1 du Code de justice administrative, à la somme de 1000 € à verser à la commune de Lettret, (frais exposés par la commune pour sa défense, qualifiés de frais irrépétibles), ainsi qu’aux dépens de l’instance.
Commentaires :
En se plaçant sur le seul terrain du droit de l’urbanisme, la décision de la CAA de Marseille est absolument cohérente.
En outre, le retrait de l’acte administratif individuel, créateur de droits, qu’est un permis de construire, a bien été effectué dans le délai de 4 mois, tel qu’il résulte de l’arrêt d’assemblée du Conseil d’État, du 26 oct. 2001, M.Ternon, qui dispose que l’administration dispose d’un délai de 4 mois maximum, à compter de la prise de décision, pour retirer un acte individuel créateur de droits entaché d’illégalité, que le délai de recours ait ou non couru à l’égard des tiers et que l’acte soit ou non devenu définitif à l’égard de ceux-ci.
En effet, si l’on part du principe que le permis de construire délivré le 27 mars 2009 par le maire de Lettret était entaché d’illégalité au regard de l’art. R. 111-5 du Code de l’urbanisme, son retrait est intervenu par un nouvel arrêté en date du 19 juin 2009, soit dans un délai de moins de 4 mois.
En revanche, existent d’autres interrogations, quant à l’existence de la procédure de création d’un crématorium qui, à aucun moment, n’est évoquée.
La première tient indirectement au fait qu’il est précisé dans l’arrêt que la société des pompes funèbres avait, dans le cadre d'un contrat de Délégation de Service Public (DSP) pour l'aménagement et la gestion d'un crématorium conclu avec la commune de Lettret en sept. 2007, déposé le 17 oct. 2008 une demande de permis de construire.
La définition d’un contrat de DSP est fournie, désormais, par la loi Murcef, du 11 déc. 2001, qui a inséré un alinéa supplémentaire dans la loi Sapin n° 93-122 du 29 janv. 1993 :
Aux termes de cet article, la DSP est l'ensemble "des contrats par lesquels une personne morale de droit public confie la gestion d’un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé dont la rémunération est substantiellement liée au résultat d’exploitation du service".
Le contrat de DSP, dont le régime juridique est principalement défini aux articles L. 1411-1 et suivants du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), se distingue donc légalement du simple contrat d'exploitation par son mode de rémunération substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du service.
Une DSP suppose l’existence d’un contrat conclu entre l'autorité délégante et le délégataire, ayant pour objet l’exécution d’un service public, pour le compte d’un délégant, la personne publique, en l’occurrence la commune de Lettret, conformément à l'art. L. 1411-1 du CGCT.
L’activité portant sur un service relevant du domaine industriel et commercial de la commune, soit la création et l’exploitation d’un crématorium, il est à supposer que la Société pompes funèbres Ferret, devait supporter une partie substantielle du risque financier de l'exploitation, voire la totalité.
Le critère de la rémunération est donc omniprésent dans le cadre de la DSP, ainsi que le précise l'arrêt du Conseil d'État, préfet des Bouches-du-Rhône c/ Commune de Lambesc, qui a jugé que la délégation de service public était, notamment, caractérisée par la rémunération du prestataire en tant que celle-ci devait être "substantiellement assurée par les résultats du service".
Ce critère a été repris par l'art. 3 de la loi Murcef du 11 déc. 2001 qui dispose "qu’une DSP est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d'un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du service".
Le Conseil d'État, dans un arrêt département de la Vendée du 7 nov. 2008 a insisté sur l’importance du critère, celui du risque d'exploitation.
Ainsi, il ne suffit pas seulement que le délégataire tire sa rémunération de l'exploitation du service, il faut également qu'il supporte un risque d'exploitation, position confirmée par l’arrêt du 5 juin 2009, société Avenance Enseignement et Santé, le Conseil d'État semblant faire de ce critère du risque le seul critère de la délégation de service public, écartant ainsi celui de la rémunération.
Dès lors, au vu de tout ce qui précède, on ne peut que se livrer à des conjectures sur la position ambiguë de la commune de Lettret qui semble avoir, par le biais du refus d’une autorisation d’urbanisme, remis en cause un contrat administratif, aussi important qu’une DSP. Or, manifestement, l’existence d’un tel contrat supposait des études préalables, portant sur l’opportunité de la création du crématorium, sur sa rentabilité, et sa faisabilité. En outre, une mise en concurrence n’est pas exclue par la loi, ce qui, si tel avait été le cas, renforçait la position de la société de pompes funèbres.
Puis, en fin de la procédure de la mise en place de la DSP, l’intervention du conseil municipal était nécessaire pour valider la convention. Or, aucun contentieux ne semble avoir été engagé à propos de la remise en cause de la DSP, alors que l’engagement rompu par la commune pouvait, selon les éléments factuels que l’on aurait pu réunir, engager sa responsabilité contractuelle.
L’attitude la commune de Lettret doit, également, donner lieu à critiques, si l’on se réfère au droit applicable à la création d’un crématorium.
Si l’on prend en considération la date du contrat de délégation de service public pour l'aménagement et la
gestion d'un crématorium conclu avec la commune de Lettret, soit le mois de sept. 2007, donc avant la loi du 19 déc. 2008, puis celle du 12 juil. 2010, qui ont sensiblement modifié le régime juridique de la création d’un crématorium, les dispositions applicables étaient celles de l’art. L. 361-20 du Code des communes, qui prescrivait :
"Les communes ou leurs groupements sont seuls compétents pour créer ou gérer, directement ou par la voie de la gestion déléguée, les crématoriums", ce même Code instituant une enquête de commodo et incommodo, nécessitant l’intervention d’un commissaire enquêteur. Les conclusions de ce commissaire, bien que n’ayant pas la force de la portée juridique d’une enquête publique étaient, néanmoins, importantes pour la mise en exergue des nuisances de tous ordres apportées par le crématorium.
Dans le cadre de cette enquête, et préalablement, la commune se devait, au travers du dossier de présentation du projet tenu à la disposition des administrés, les informer le plus complètement possible, sur le contenu de l’aménagement immobilier et des contraintes de desserte. Le commissaire enquêteur ayant par la suite, après avoir pris connaissance des observations formulées sur le registre de l’enquête, et entendu les administrés ou parties intéressées, rendu un rapport, dans lequel il pouvait, légitimement, exprimer des réserves, que la commune aurait dû lever.
Or, force est de constater qu’aucune référence n’est faite dans cet arrêt à de telles conclusions ou recommandations du commissaire enquêteur, ce qui rend particulièrement difficile l’analyse de cette décision, les principaux indices d’appréciation juridique étant omis.
En tout état de cause, la décision de la CAA de Marseille, en date du 16 mai 2012 apparaît, au travers des éléments issus de cette étude, forcément réductrice, puisque la procédure de la création du crématorium n’est pas abordée, notamment par un recours contre un arrêté préfectoral refusant cette création, le contentieux portant sur le permis de construire, bien que constituant un motif sérieux de remise en question de l’équipement funéraire n’apportant pas, à lui seul, un éclairage suffisant sur les intentions réelles des parties en présence.
C’est dire que cette affaire se devait de connaître d’autres développements, que nous relaterons dans notre prochain article.
Jean-Pierre Tricon
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