Lors de son rapport relatif à la législation funéraire, le Défenseur des droits a constaté que la majeure partie des difficultés intervenant dans le champ funéraire provient du déficit d’information des acteurs concernés sur ce sujet, notamment des particuliers.
Méziane Bénarab, directeur général de l'OFPF |
En effet, que ceux-ci fassent le choix de la concession ou du terrain commun, une information claire et complète sur le régime de ces deux modes de sépulture – ainsi que leurs implications en termes de durée, d’entretien, de transmission à leurs héritiers – devrait leur être délivrée, afin que ce choix soit éclairé et puisse ensuite être expliqué aux futurs ayants-cause. La fragmentation de l’information, la multiplicité des interlocuteurs (mairie, pompes funèbres, assurances parfois), ajoutées à l’extrême fragilité qui résulte d’un deuil récent (une concession s’achetant souvent dans l’urgence), nuisent ainsi à la bonne compréhension d’un choix qui aura des conséquences pour plusieurs années, voire plusieurs dizaines d’années.
Ainsi, en ce domaine, tout doit être mis en œuvre, tant du côté des communes que des professionnels du funéraire, pour favoriser une bonne compréhension par les particuliers des grands principes rappelés ci-dessus. Telle était la recommandation du Défenseur des droits. Mais en réalité, la situation dénoncée perdure toujours, et on assiste à un raidissement des relations entre administrés et mairies, notamment à l’occasion de la mise en œuvre de la procédure de reprise des concessions dites abandonnées, jugées trop répressives et manquant cruellement d’humanité. Mais alors comment rendre cette procédure plus humaine ? L’exemple nous vient de Belgique, où les bourgmestres ont déployé à travers leurs sites Internet des démarches pédagogiques ayant le mérite de la clarté et sensibilisant les administrés à leurs droits et devoirs en matière d’entretien des concessions funéraires. Mais avant de développer l’expérience belge, revenons sur ce qui fonde l’incompréhension des usagers du cimetière local.
En France, la notion de sépulture en état d’abandon n’est pas assez précise
Conformément à l’art. L. 2223-17 : "Lorsque, après une période de trente ans, une concession a cessé d'être entretenue, le maire peut constater cet état d'abandon par procès-verbal porté à la connaissance du public et des familles.
Si, trois ans après cette publicité régulièrement effectuée, la concession est toujours en état d'abandon, le maire a la faculté de saisir le conseil municipal, qui est appelé à décider si la reprise de la concession est prononcée ou non.
Dans l'affirmative, le maire peut prendre un arrêté prononçant la reprise par la commune des terrains affectés à cette concession."
Si, en France, la notion d’état d’abandon d’une sépulture ne fait l’objet d’aucune définition légale, c’est la jurisprudence qui en précise les contours. En revanche, en Belgique, cette notion est bien précisée et même détaillée. Ainsi, au sens de l’art. L. 1232-1, 18o du Code de la démocratie locale et de la décentralisation, il est stipulé la définition suivante : "État d’abandon : défaut d’entretien d’une sépulture, qui de façon permanente est malpropre, envahie par la végétation, délabrée, effondrée, en ruine ou dépourvue de signes indicatifs de sépulture exigés par le règlement adopté par le gestionnaire public."
Des règlement de cimetières plus pédagogiques en Belgique
Par ailleurs, dans le règlement intérieur des cimetières locaux, une disposition particulière rappelle les obligations quant aux sépultures sur terrain concédé. Par exemple, l’art. 130 relatif aux inhumations et exhumations dans le cimetière local, du règlement de la ville de Marchin, est très explicite en rappelant que : "L’entretien des sépultures sur terrain concédé incombe à toute personne intéressée visée à l’art. L. 1232-1, 9o du Code de la démocratie locale et de la décentralisation (titulaire de la concession, ses héritiers ou bénéficiaires, toute personne non apparentée, administrations, associations concernées par un monument ayant une valeur historique ou artistique). L’état d’abandon est constaté par un acte du bourgmestre ou de son délégué. Une copie de l’acte est affichée pendant un an sur le lieu de sépulture et à l’entrée du cimetière.
À défaut de remise en état à l’expiration de ce délai, la sépulture revient au gestionnaire public, qui peut à nouveau en disposer."
Le renouvellement des concessions est très encadré
Ces rappels pédagogiques et sensibilisateurs sont jugés insuffisants au point que le Code de la démocratie locale et de la décentralisation est allé plus loin à travers son art. L. 1232-8 §3 en rappelant le droit à renouvellement d’une concession funéraire introduit par toute personne intéressée avant l’expiration de la période fixée. Mais en prenant le soin d’y apporter un encadrement strict lié aux capacités financières du demandeur.
Ainsi, les renouvellements peuvent être refusés si la personne intéressée n’est pas à même de présenter les garanties financières suffisantes pour l’entretien de la concession ou si l’état d’abandon a été constaté conformément à l’art. L. 1232-12 au moment de la demande de renouvellement (et qu’à l’expiration du délai fixé, la sépulture n’a pas été remise en état – décret du 23 janvier 2014, art. 7).
Comment les bourgmestres belges ont-ils humanisé la procédure de reprise des concessions abandonnées ?
Si l’on se réfère à l’expérience de la ville de Marchin, l’opération de sensibilisation des usagers du cimetière local commence avant la Toussaint par la diffusion du message suivant sur leur site Internet : "Nous serons bientôt le 1er novembre, c'est l'occasion de rappeler les obligations qui incombent aux titulaires des concessions situées dans les trois cimetières communaux."
Afin d’éviter tout malentendu avec ses administrés, la commune a mis au point une signalétique adaptée fondée sur l’utilisation de trois panneaux comportant des couleurs différentes, et rappelle que, lors de leur visite au cimetière, ils ont certainement pu constater que l’un de ces panneaux était déposés sur la sépulture familiale :
1 - Autocollant bleu : il s’agit d’un simple avis invitant le titulaire de la concession à prendre contact avec l’administration communale pour éclaircir ensemble la situation de la concession visée. Validité : 1 an.
2 - Autocollant jaune : il s’agit de l’avis officiel constatant l’abandon présumé de la sépulture ("Constat d’abandon"). Le titulaire dispose d’un an pour remettre la sépulture en état. Validité : 1 an.
3 - Autocollant rose : il s’agit du dernier avis, actant l’abandon de la sépulture. Il n’est appliqué que si aucune intervention n’a été constatée sur la concession visée. Il s’agit d’un acte officiel : lorsque cet avis est affiché, le conseil communal a mis fin au contrat de concession !
De ce qui est rapporté ci-dessus, il convient de garder à l’esprit le souci de précision de la législation belge quant à la notion de sépulture en état d’abandon, relayé par la démarche, très pédagogique, des communes. Il y a là un véritable souci d’instaurer avec les usagers du cimetière local une relation apaisée fondée sur une bonne prise de conscience des droits et obligations des concessionnaires. Un modèle qui devrait inspirer bon nombre d’élus en France, ayant le souci d’éviter que le deuil ne se transforme en une cascade de difficultés supplémentaires pour les familles endeuillées.
Méziane Bénarab
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